Format PDF - Dictionnaire biographique des frères prêcheurs

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Format PDF - Dictionnaire biographique des frères prêcheurs
Dictionnaire biographique des frères
prêcheurs
Dominicains des provinces françaises (XIXe-XXe
siècles)
Notices géographiques
Chalais (couvent)
Notre-Dame de Chalais
Nathalie Viet-Depaule
Éditeur :
IMM-EHESS - Institut Marcel Mauss,
Centre d'études des mouvements sociaux
Édition électronique
URL : http://dominicains.revues.org/1510
ISSN : 2431-8736
Référence électronique
Nathalie Viet-Depaule, « Chalais (couvent) », Dictionnaire biographique des frères prêcheurs [En ligne],
Notices géographiques, mis en ligne le 22 juillet 2014, consulté le 30 septembre 2016. URL : http://
dominicains.revues.org/1510
Ce document a été généré automatiquement le 30 septembre 2016.
© CEMS / IMM-EHESS
Chalais (couvent)
Chalais (couvent)
Notre-Dame de Chalais
Nathalie Viet-Depaule
NOTE DE L’ÉDITEUR
Notice validée et mise en ligne le 22/04/2015.
Iconographie ajoutée le 22/04/2015.
Dictionnaire biographique des frères prêcheurs , Notices géographiques | 2014
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Chalais (couvent)
Vue du couvent de Chalais
Le couvent de Chalais est situé au-dessus de Voreppe dans le massif de la GrandeChartreuse.
Archives dominicaines de la Province de France/Tangi Cavalin, Nathalie Viet-Depaule (dir.), Dictionnaire
biographique des frères prêcheurs en ligne.
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Situé dans le Dauphiné, à 940 mètres d’altitude, au-dessus de Voreppe non loin de
Grenoble, Chalais est la première maison qu’Henri-Dominique Lacordaire acquiert en
mars 1844 pour en faire un couvent d’études. Autrefois ancienne abbaye de l’Ordre de
Chalais, à vocation pastorale et forestière (1101), puis annexe de la Grande-Chartreuse
(1303), ce corps de bâtiments avait été vendu sous la Révolution comme bien national et
servait de grange à des fermiers. C’est à la suite de conférences de carême données par
Lacordaire, que Mgr Philibert de Bruillard, évêque de Grenoble, avait sollicité pour
prêcher dans sa cathédrale entre février et avril 1844, que Chalais retrouve sa sacralité.
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Parrainée par de jeunes catholiques, issus de la bourgeoisie libérale – notamment son ami
Albert Du Boÿs qu’il avait rencontré lorsqu’ils étaient, ensemble, étudiants en droit –,
trouvant dans la parole du prêcheur l’expression d’un catholicisme ouvert aux aspirations
de la société post-révolutionnaire, cette fondation a immédiatement valeur de symbole.
Elle devient un relais essentiel de la restauration dominicaine. La réhabilitation des lieux
est menée dans la plus grande discrétion puisque l’Ordre de Saint-Dominique n’est pas
encore légalement autorisé, tout comme l’acte de vente entre François Sappey, avocat à
Grenoble, et Henri Lacordaire est signé le 5 avril 1844 à l’insu des autorités religieuses du
département.
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Le site et le style roman de son église, propre aux abbayes chalaisiennes, conquièrent
immédiatement Henri Lacordaire. Si la toiture de l’église en forme de capuchon et son
clocheton couronné d’un globe terrestre, surmonté d’une croix témoigne de l’empreinte
laissée par l’ordre des chartreux, le chœur, le transept, les croisillons, la croisée avec sa
voûte d’arête, les chapelles latérales et la seule travée font partie de l’ancienne abbatiale,
dont la construction est datée de la fin de la première moitié du XIIe siècle. La croisée du
transept gothique possède une clef de voûte représentant l’agneau mystique et l’oculus
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Chalais (couvent)
percé dans le chevet marque d’une ellipse lumineuse le sol dans l’axe de la nef au solstice
d’été.
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Les premières personnes avisées de cet achat sont le frère Hyacinthe Besson et Madame
Swetchine auxquelles Henri-Dominique Lacordaire écrit le 21 mars 1844. Il raconte dans
la lettre qu’il fait parvenir au maître des novices : « Je viens d’acheter à trois lieues de
Grenoble, du consentement de Mgr l’évêque de cette ville, l’ancienne chartreuse de
Chalais, avec des bois, des prairies et des terres, le tout pour 50 000 francs, payables en
trente ans. La chartreuse est en bon état, avec une église, et peut loger quarante religieux.
Je l’achète toute meublée, avec les instruments aratoires et le bétail. Ce sera notre maison
d’études, et comme le succès dépend de la promptitude de l’exécution, vous allez faire
partir immédiatement le P. Martin et nos trois étudiants, qui seront rejoints plus tard à
Chalais par Fr. Hernsheim et le P. Jandel. Je ne laisserai à Nancy que le P. H[iss], le Fr. A
[ntonin Danzas] et moi-même. Le P. Jandel sera le prieur de Chalais et même temps notre
professeur. Vous resterez provisoirement à Bosco, à la tête de notre noviciat. » À Sophie
Swetchine, il ajoute : « En sorte que nous serons divisés en trois camps : la maison
professe de Nancy, la maison d’études de Chalais et le noviciat de Bosco. Nous n’avons
rien à craindre à Grenoble d’aucune partie de la population, et nous y trouverons
beaucoup de secours pour acquitter le prix de la chartreuse que j’ai d’ailleurs trente ans
pour payer. C’est un immense avantage. » Et, il est vrai, comme Henri-Dominique
Lacordaire en fera part le 17 mai 1844 à l’abbé Chéruel, que ni l’opinion publique ni le
ministre des cultes, qui a seulement émis une protestation, ne nuiront à l’établissement
du couvent.
1844-1849 : Lacordaire fonde à Chalais un couvent
d’études pour la Province de France
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Selon la décision de Lacordaire, les premiers frères arrivent très rapidement de Bosco et
s’installent à Chalais (le 4 avril 1844) sous l’autorité du maître des études, Augustin
Martin, en attendant que Vincent Jandel en soit le prieur. Lorsque ce dernier arrive le
2 mai de Nancy, la petite communauté comprend « cinq pères et trois serviteurs ». Le
lever de nuit y est respecté avec la récitation des matines à trois heures du matin. Vincent
Jandel enseigne la théologie morale, Augustin Martin la grâce. Le frère Louis Aussant,
désigné comme économe, a mission de restaurer les lieux ayant été architecte avant de
prendre l’habit des frères prêcheurs. Il continuera à s’en occuper quand, succédant à
Vincent Jandel, il sera, à son tour, prieur (1846-1849).
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Le 17 mai 1845, Henri Lacordaire écrit à Hyacinthe Besson : « Dieu vient de combler la
mesure de ses grâces à notre égard et de mettre la dernière main à l’œuvre de notre
rétablissement en France, commencée il y a six ans. Le maître général, en m’envoyant un
diplôme de maître en théologie, après avoir pris la dispense du Saint-Père, m’a autorisé à
ouvrir en France un noviciat, soit à Chalais, à Nancy, ou partout ailleurs. C’est Chalais que
j’ai choisi, et je vous ai destiné pour être notre premier maître des novices. Vous partirez
donc avec le P. Gracia, immédiatement après qu’il aura prononcé ses vœux, et vous vous
rendrez tous deux à Chalais pour y rester, lui pour passer son examen de confession,
auquel je l’engage à se préparer. Ses vœux devant avoir lieu le 10 juillet prochain, vous
seriez rendu à Chalais pour le 15 environ. » Après l’arrivée à Chalais de Hyacinthe Besson,
le couvent est institué canoniquement en noviciat, le 4 août 1845, jour de la fête de saint
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Chalais (couvent)
Dominique, avec les premières prises d’habit, celles de Dominique Souaillard, d’Antoine
Roaldès et d’Antoine Masson de Saint-Mard.
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Rapidement, Chalais devient, notamment grâce aux milieux de la magistrature et du
barreau et des nouvelles classes moyennes de la bourgeoisie industrielle et commerçante
de Grenoble, un lieu de rayonnement apostolique. La direction spirituelle comme les
prédications attirent une population propice au rétablissement de l’Ordre. « D’après tout
ce qui m’a été rapporté, je vois que l’esprit de Dieu et de notre saint ordre règne à Chalais,
et c’est pour nous une bien grande consolation, » écrit Henri Lacordaire à Vincent Jandel,
le 12 septembre 1845.
Tableau peint par Cabat en 1846
À la demande de Madame Schwetchine, Louis Cabat, tertiaire dominicain, peint le couvent
de Chalais en 1846. Ce tableau est aujourd’hui au couvent de Rangueil à Toulouse avec
l’inscription gravée sur son cadre : « Donné par le RP Lacordaire en 1858 ». Le couvent
Saint-Jacques à Paris possède une copie du tableau.
Archives dominicaines de la Province de France/Tangi Cavalin, Nathalie Viet-Depaule (dir.), Dictionnaire
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Les artistes, qui entourent Lacordaire, membres pour la plupart de la confrérie de SaintJean l’Évangéliste, participent aussi à la restauration du couvent. Hyacinthe Besson, bien
qu’il se soit engagé aux lendemains de ses vœux « par esprit de renoncement » à
abandonner palette et pinceaux, contribue, jusqu’à son départ pour Nancy en décembre
1846, à la rénovation du couvent en se remettant, à la demande de Lacordaire, à peindre.
Il décore la chapelle, représente la Vierge Marie abritant sous son manteau l’Ordre des
dominicains au-dessus du porche de l’église, peint le « baiser de saint Dominique et de
saint François » ainsi que « le couronnement de la Vierge », et réalise des images de piété
afin de faire de Chalais un lieu « de pèlerinage dont on rapporte un doux souvenir ».
Antonin Danzas, qui lui succédera comme maître des novices en 1846, utilisera, lui aussi,
son talent de peintre à la réfection de la chapelle. Le paysagiste, Louis Cabat, tertiaire de
l’Ordre de Saint-Dominique, qui partage alors la vie de Chalais en s’interrogeant sur son
éventuelle prise d’habit, peint, à la demande de Madame Swetchine, un tableau du
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Chalais (couvent)
couvent montrant le cadre grandiose de son site (ce tableau est aujourd’hui au couvent
Saint-Thomas d’Aquin de Toulouse). Quant à Louis Janmot, il peint dans le cadre
chalaisien le portrait de Lacordaire, daté de 1847, qui est conservé à la bibliothèque du
Saulchoir, au couvent Saint-Jacques à Paris.
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Jusqu’à la fin du priorat de Louis Aussant en 1849, le couvent voit le nombre des novices
et des étudiants augmenter. Henri Lacordaire, dans une lettre adressée à la comtesse de
La Tour du Pin, le 15 mai 1846, écrit : « Chalais compte déjà treize religieux et six
serviteurs. Plusieurs de nos novices promettent beaucoup, et la communauté tout entière
est animée d’un esprit de paix, d’obéissance, d’humilité et de fraternité. » S’il est difficile
– en l’état des sources – d’indiquer exactement les effectifs de la communauté et leur
évolution, il est possible, par contre, de préciser que la vie conventuelle est rythmée par
l’observance régulière. Lorsque Lacordaire s’adresse, le 16 mai, à Vincent Jandel, prieur
alors de Nancy, il lui donne le compte rendu suivant : « Les pères du conseil ont été
unanimement d’avis qu’il fallait changer l’heure de matines et la délibération s’étant
ouverte sur l’heure convenable, ils ont été unanimement d’avis d’en fixer la récitation à
trois heures un quart du matin, le premier lever étant à trois heures précises. Ce premier
changement entraînait celui des vêpres et de complies, lesquels ont été unanimement
encore fixées à sept heures du soir avec la méditation à la suite, le souper à sept heures ¾,
et le coucher à neuf heures précises. En cette manière, les frères auront un espace de cinq
heures dans l’après-midi, de deux heures à sept heures pour se livrer à leurs travaux
respectifs, et le ministère apostolique ne peut évidemment en souffrir, puisque la journée
des jésuites se termine à sept heures du soir. En outre, la journée sera plus courte vers le
soir, et les frères auront six heures consécutives de sommeil pour se refaire de leurs
fatigues de la journée, sans compter le sommeil facultatif de quatre à six heures du
matin. » Augustin Martin, unique professeur depuis le départ de Jandel, est secondé,
quand Lacordaire est nommé vicaire du maître général des frères prêcheurs en 1847, par
deux lecteurs Bernard Roussot et Barthélémy Gérardot.
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Chalais (couvent)
Frères convers à Chalais
Frères convers peints par Louis Cabat en 1846 (détails).
Archives dominicaines de la Province de France et de la Province de Toulouse/Tangi Cavalin, Nathalie
Viet-Depaule (dir.), Dictionnaire biographique des frères prêcheurs en ligne.
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En 1848, lorsque le noviciat est érigé à Flavigny, Chalais n’est plus qu’un seul couvent
d’études. Antonin Danzas organise le déménagement des novices et devient prieur du
nouveau couvent.
1849-1851 : Chalais réduit au rang de simple couvent
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Quand Mgr Sibour, devenu archevêque de Paris en juillet 1848, offre en 1849 à Henri
Lacordaire une partie de l’ancien couvent des Carmes, rue de Vaugirard, pour installer un
couvent dominicain dans la capitale qu’il place sous le patronage de Thomas d’Aquin,
Chalais change de fonction. De couvent d’études, il devient un simple couvent confié à un
frère et à un convers. En effet, Lacordaire voyant dans « la possession de la capitale » une
consécration solennelle de l’Ordre des prêcheurs, fait venir aux Carmes les frères et pères
de Chalais les uns destinés au couvent d’études, les autres à la prédication. « Chalais ne
sera point vendu », écrit-il le 10 août 1849 à Madame Swetchine, « nous y laisserons un de
nos familiers, espèce d’ermite qui y avait une cellule depuis plusieurs années, et qui
aimant par-dessus tout la solitude et les champs, administrera cette propriété avec un de
nos frères convers que nous lui laisserons. Nous avons calculé que le revenu couvrirait les
frais de toute nature, y compris une rente de 1 800 francs qui est due pour ce qui reste à
acquitter sur le prix d’acquisition. Nous n’aurons d’autre bénéfice à cet arrangement que
de conserver un bien qui nous est cher, et où nous pourrons revenir un jour, ne fût-ce que
comme maison de retraite pour des infirmes, des malades ou des convalescents. »
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Chalais (couvent)
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Or, dès janvier 1851, Henri Lacordaire écrit à Louis Aussant, que « les études ne peuvent
pas rester dans leur entier à Paris ». « Nous laisserons à Paris les philosophes et les
prêtres novices étudiants. Notre noviciat de vingt et une cellules nous suffira à cet effet
d’autant mieux que les philosophes n’y passeront qu’une année, les prêtres deux, et
encore quelques-uns pourront recevoir ça et là, selon les besoins, des dispenses. Au
15 août prochain, les étudiants seront transférés à Chalais et comme il ne s’y trouve, dans
les deux noviciats réunis, que dix-huit cellules, nous ferons bâtir dix cellules en 1852 sur
le corps de logis central, ainsi qu’il était précédemment prévu. » Il semble que
l’accroissement des effectifs soit la raison du retour à Chalais. Lacordaire signale, le
4 février 1851, à Augustin David, qu’il y a eu neuf professions en 1850 et douze en 1851 :
« cette augmentation ne nous permet plus de conserver à Paris l’ensemble de nos études.
Nous en reporterons une partie à Chalais dès la fin de l’année scolaire, après
l’Assomption. »
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Selon Ambroise Gardeil qui, en 1910, retrace « soixante-dix ans d’études et d’exodes »
pour L’année dominicaine, le milieu des Carmes n’a pas été favorable aux études. […] « La
cohabitation de deux communautés, l’une séculière, l’autre religieuse rendait impossible
la stricte observation des lois de l’Ordre, le silence et la perfection des habitudes
claustrales, spécialement indispensables à un couvent de noviciat. Ce fut la vraie cause de
l’insuccès de cet essai : elle n’est pas à chercher ailleurs. Au bout de deux ans, du 25 au
27 août [1851], le retour à Chalais s’effectua. On laissa à Paris les pères de ministère et les
étudiants déjà prêtres avec le père Bourard et un autre lecteur comme professeurs. »
1851-1859 : Chalais à nouveau couvent d’études de la
Province de France
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Henri Lacordaire passe un mois à Chalais, mi-août, mi-septembre 1851 pour rétablir une
communauté grâce aux travaux menés par Augustin de Saint Beaussant. Il écrit à Madame
Swetchine, le 16 septembre, lorsqu’il revient à Paris, que « Chalais est agrandi, les arbres
plantés par nous poussent à merveille, et nous y avons onze religieux de chœur qui y ont
ramené les louanges de Dieu. Deux étudiants belges vont les rejoindre, ainsi qu’un
Irlandais, tout cela venu à la suite du P. Jandel, qui est en route pour Rome. » Bernard
Roussot devient prieur de Chalais le 7 octobre 1851, Louis-Marie Pierson sous-prieur,
tandis qu’Augustin Martin est toujours maître des novices étudiants. Le couvent voit alors
(mars 1872) l’érection d’une confrérie du Rosaire, suivie le mois suivant de celle du
Cordon de Saint-Thomas. En mai 1853, Henri Lacordaire décide « de supprimer les études
à Paris, où nos jeunes gens étaient dans une situation trop peu favorable pour la paix et la
santé ». Tout le couvent d’études sera transféré à Chalais avec les pères Vincent Ligiez et
Albert Mathieu qui donneront « cours d’études matérielles et de philosophie ».
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Le 31 mai 1853, Lacordaire informe Vincent Jandel, qu’ayant jugé nécessaire de supprimer
les études à Paris, « les vingt-cinq cellules d’étudiants seront occupées ». « Nous sommes à
peu près pourvus pour 1853-1854, mais avec la certitude qu’au-delà de ce terme, nous
serons acculés à l’impuissance si Chalais n’est pas agrandi ou si une fondation n’a pas lieu
à la campagne. » Il ne sera plus question ensuite de nouveaux aménagements au couvent
d’études sous le provincialat d’Antonin Danzas (15 septembre 1854) et le priorat de
Vincent Ligiez (octobre 1854). Si, en 1855, de nombreux frères continuent à réitérer,
notamment à la veille de la fête de saint Dominique, leur filial attachement à Henri-
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Chalais (couvent)
Dominique Lacordaire, la communauté de Chalais est marquée par la fondation du
couvent du Saint-Nom de Jésus à Lyon, de stricte observance et le projet d’une province
qui regrouperait les couvents de Chalais, de Lyon et de Toulouse (Saint-Romain). La lettre
circulaire du maître de l’Ordre datée du 18 février 1857, critiquant la vie religieuse des
couvents en France, achève, selon Ceslas Loyson, de désorganiser le couvent « y soufflant
son esprit, le mépris des anciens et le désir de la nouveauté, appelant à Lyon qui lui
plaît ». Pendant quelques mois, le fonctionnement de la vie dominicaine est discuté, voire
contesté, du moins jusqu’au 28 août 1857, date à laquelle le maître général et le provincial
décident, finalement, de placer les pères et les religieux de Chalais sous la juridiction de
Bernard Roussot et de laisser le couvent à la Province de France.
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Il faut attendre le second provincialat de Lacordaire (6 septembre 1858) pour que Chalais
bénéficie à nouveau de sa présence. « Mon intention – ni celle de la province – n’est pas
d’abandonner Chalais », écrit-il à Albert du Boÿs, le 30 septembre, après une visite éclair
au couvent. « Quoi qu’il arrive, nous y laisserons toujours une partie de nos études, soit la
philosophie, soit l’une de nos deux théologies. Mais à mesure que le nombre de nos
étudiants augmente, Chalais devient étroit, et il faut l’agrandir ou chercher ailleurs une
demeure plus vaste pour une partie de nos études : là est la question. Je voudrais
agrandir. On oppose la cherté de la construction et aussi les inconvénients d’un lieu où la
neige dure environ cinq mois. En divisant les études, les novices n’auraient plus que deux
ou trois ans à Chalais, au lieu de six, ce qui est bien différent. »
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Ambroise Potton, maître des novices profès étudiants, institué par Antonin Danzas en
1855, est reconduit dans ses fonctions en novembre 1858 tout en devenant prieur. Son
priorat sera éphémère, car Henri Lacordaire ayant acquis l’ancien couvent de SaintMaximin le 5 avril 1859, décide d’y établir le noviciat dès le début du mois de juillet.
« Chalais demeurera un couvent de retraite et conserve son prieur actuel, le RP Potton,
avec quelques religieux (Antonin Doussot et Paul Pardieu) », écrit-il le 3 juillet à l’évêque
de Grenoble, Mgr Ginoulhiac. Henri Lacordaire explique à Vincent Jandel les raisons de la
rapidité de sa décision : « Le motif de cette détermination a été une déclaration que m’a
faite le RP Potton de vouloir quitter la Province. […] Je lui ai dit que jamais je ne donnerais
mon consentement à ces transferts qui, dans l’état actuel des choses, seraient une
occasion perpétuelle de trouble, de haine et désorganisation. » En d’autres termes et au
prétexte de son exiguïté, Chalais devait surtout être soustrait à l’influence de son prieur
dont le souhait profond était d’aller renforcer l’équipe des religieux regroupés à Lyon
autour d’Antonin Danzas.
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Le 12 octobre 1859, Henri Lacordaire informe l’évêque de Grenoble qu’il n’a pas
l’intention d’abandonner Chalais, « mais d’y établir plus tard un noviciat simple et une
maison de retraite ». Il y envoie Jourdain Chevalier, « religieux instruit et pieux qui en
sera le vicaire ». Il sera le dernier frère prêcheur, aidé de deux frères convers, à demeurer
à Chalais.
1862-1880 : Chalais loué à la Congrégation
enseignante
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Après la mort d’Henri-Dominique Lacordaire (1861), Chalais est loué le 15 janvier 1862
aux pères du tiers-ordre enseignant pour servir de noviciat. Ils s’y installent aussitôt avec
François Cédoz pour prieur et maître des novices qui assumera ses fonctions pendant
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Chalais (couvent)
deux ans, puis sera remplacé en 1864 par Albert Houlès. En 1866, quand le noviciat est
transféré à Coublevie, Chalais devient, pendant quelques années un lieu inoccupé,
« désert », selon un chroniqueur de La couronne de Marie.
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En 1872, le couvent est cédé par la Province de Toulouse à la Province de Lyon qui décide
de l’utiliser comme maison de repos. Accueillant des religieux fatigués ou en
convalescence, qui y séjournent surtout l’été, il perd son identité dominicaine avec les
expulsions de 1880.
1881-1956 : Après les expulsions, l’abandon progressif
de Chalais
Cour du couvent de Chalais
Chalais accueille des groupes de visiteurs entre les deux guerres et après la guerre.
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Racheté le 22 novembre 1881 par Victor Nicolet, industriel grenoblois, et Jean-François
Thorrand, Chalais fait l’objet d’un contrat de location en 1892 entre les propriétaires et la
Province de Lyon : les dominicains disposeront d’un bâtiment (huit chambres meublées),
de l’église et la sacristie ainsi que du cloître. Aussitôt le contrat signé, l’occupation des
lieux est régie par un règlement, établi le 31 mai 1892 :
La maison de Chalais est destinée aux religieux malades ou affaiblis qui auraient
besoin de changer d’air en été pour une durée minime de deux semaines. Les
religieux en villégiature à Chalais seront soumis à l’autorité d’un vicaire nommé par
le prieur de Lyon. Le vicaire tient un compte exact des dépenses, reçoit et expédie le
courrier, lui seul peut disposer des frères convers. On lui demande la permission de
sortir et la bénédiction toutes les fois qu’on veut franchir les limites de la propriété
[…]
L’ordre de la journée sera le suivant : lever à 5h ; 5h ¼ prime ; messe de
communauté servie par le frère et il ne sert que celle-là, après la messe de
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Chalais (couvent)
communauté, les messes particulières et temps libre jusqu’à midi ; à midi dîner
(nota : tous les religieux présents à Chalais sont mis par le fait même au régime du
gras. Il n’y aura donc qu’un seul réfectoire, mais le silence sera rigoureusement
observé pendant les repas. Au commencement et à la fin on lira quelques versets
d’Écriture sainte et un nombre du Livre de l’Imitation) ; de midi ½ à 6 h ¼ temps
libre ; 6 h ¼ complies, Rosaire et ¼ d’heure de méditation ; 7 h souper ; 7 h ½-8 h
récréation commune ; 8 h-9 h temps libre ; 9 h coucher.
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Combien de temps Chalais fonctionne-t-il comme villégiature d’été pour les dominicains
de la Province de Lyon ? Il est difficile de répondre, en l’état des sources, bien qu’il soit
notoire que la famille Nicolet-Courbier ait toujours entretenu des liens amicaux avec eux.
Il semble que Chalais les ait accueillis jusqu’en 1939, puis qu’un maquis s’y soit installé en
1943, en lien avec la Résistance très organisée à Voreppe.
Depuis 1956 : Présence d’une communauté de
moniales dominicaines à Chalais
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Après un abandon total, Chalais est, en 1956, à nouveau destiné à redevenir un couvent
dominicain. Mais, cette fois, c’est une religieuse dominicaine qui, avec l’accord des
propriétaires, essaie de mettre en œuvre une restauration qui ne pourra aboutir faute de
moyens financiers. Toutefois une route ayant été construite en 1958, les dominicaines
d’Oullins, désireuses de quitter la banlieue lyonnaise, rachètent le couvent en 1961
comme la prieure, mère Agnès de Jésus, en informe le provincial de Lyon :
J’ai, à la fois l’honneur et la joie de vous annoncer la nouvelle, désormais officielle
“de par les autorisations de Rome” de la restauration de Chalais entreprise par le
monastère des moniales d’Oullins. C’est à nous en effet que le Seigneur semble
confier la reprise de ce haut lieu de prière, de vie spirituelle intense et de beauté.
Les besoins personnels et vitaux du monastère lui-même l’ont amené à regarder de
près l’offre de la famille propriétaire de Chalais nous donnant 18 hectares et les
bâtiments subsistants. Ceux qui nous conseillent et nous aident, pensent que cette
audacieuse reprise est cependant sage et raisonnable ; nous mêmes pensons ainsi, le
transfert du monastère s’avérant de plus en plus urgent et nécessaire afin de nous
soustraire aux immeubles immenses surplombant notre clôture. […]
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En 1963, les moniales s’installent et, alors qu’elles entendaient initialement observer une
stricte clôture, doivent s’adapter aux lieux, et au climat. Elles ouvrent une l’hôtellerie qui
fonctionne régulièrement depuis 1965 et accueillera – notamment – des frères étudiants
dominicains pour des sessions d’étude. En 1966, les dominicaines de Chinon les rejoignent
apportant avec elles leur industrie de biscuiterie (anciens biscuits de Touraine).
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Au début des années 1970, l’ancienne abbaye est restaurée selon des principes
d’architecture chalaisienne et, depuis l’arrêté du 29 novembre 1974, l’église et l’aile sud
figurent à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques. Une restauration
globale sous la direction des Monuments historiques a été conduite en 2003.
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Chalais (couvent)
BIBLIOGRAPHIE
Archives dominicaines de la Province de France. — Archives dominicaines de la Province de
Toulouse et fonds de la Congrégation enseignante. — Archives dominicaines de la Province de
Lyon. — Bernard Chocarne, Le RP Henri-Dominique Lacordaire, sa vie intime et religieuse, Paris,
Poussiègle frères, 1879, t. 2. — Ambroise Gardeil, « Soixante-dix ans d’études et d’exodes »,
L’Année dominicaine, 1910, p. 59-85. — Henri-Dominique Noble, « Notre-Dame de Chalais », L’Année
dominicaine, 1926, p. 402-418, 477-494. — Louis Bassette, Le père Lacordaire à Grenoble et à Chalais
(1844-1860), Grenoble, Impr. Eymond, 1961. — Ut sint unum, 15 juin 1961, p. 40-41 ; 15 mai 1971,
p. 123-125. — Ut diligatis, mai 1971, p. 39-43 ; octobre 1972, p. 28. — Jacques Gadille, « Lacordaire
en Dauphiné : la fondation de Chalais », dans Guy Bedouelle (dir.), Lacordaire, son pays, ses amis et
la liberté des ordres religieux en France, Paris, Les Éditions du Cerf, 1991, p. 149-156. — Bruno Horaist
et Michel Albaric, Un peintre dominicain. Jean-Baptiste Besson (1816-1861), Paris, Éditions aux Arts,
1999. — Chalais de 1101 à aujourd’hui. 9 siècles de vie monastique à Voreppe, COREPHA/monastère de
Chalais/AVIPAR, 2001. — Henri-Dominique Lacordaire, Correspondance, Répertoire établi par Guy
Bedouelle et Christoph-Aloïs Martin, Fribourg/Paris, Éditions universitaires/Les Éditions du Cerf,
t. 1, 1816-1839, 2001 et t. 2, 1840-1846, 2007.
RÉSUMÉS
Propriété des frères prêcheurs à partir de 1844 jusqu’aux expulsions de 1880, le couvent de
Chalais illustre la restauration de l’Ordre de Saint-Dominique en France. Successivement couvent
d’études (1844-1849 et 1851-1859), noviciat de la Congrégation enseignante (1862-1866), puis
maison de repos pour les pères de la province de Lyon (1872-1880), il est constitutif de l’histoire
de l’Ordre. Redevenu propriété privée en 1881, une partie du couvent est cependant louée aux
dominicains de Lyon, comme lieu de villégiature, de 1892 à la Seconde Guerre mondiale. Enfin, en
1961, des moniales dominicaines réhabilitent cet espace en lui conférant à nouveau la fonction de
couvent.
INDEX
Thèmes : confrérie de Saint-Jean l’Évangéliste, Artistes tertiaires dominicains, 1840-1870 :
querelle des observances dominicaines, confréries du Rosaire, L’Année dominicaine, La couronne
de Marie, Moniales dominicaines d’Oullins, Moniales dominicaines de Chinon
Index géographique : Province de France, Province de Toulouse, Province de Lyon,
Congrégation enseignante, Nancy, Bosco, Paris – Saint-Jacques, Flavigny, Paris – Saint-Thomas
d’Aquin, Lyon – Saint-Nom de Jésus, Saint-Maximin, Coublevie, Toulouse – Saint-Thomas d’Aquin,
Toulouse – Saint-Romain
personnecitee Lacordaire Henri-Dominique, Besson Hyacinthe, Martin Augustin, Hernsheim
Pierre, Jandel Vincent, Hiss Thomas, Danzas Antonin, Aussant Louis, Gracia Henri-Matthieu,
Souaillard Dominique, Roaldès Antoine, Masson de Saint-Mard Antoine, Roussot Bernard,
Gérardot Barthélémy, David Augustin, Gardeil Ambroise, Bourard Thomas, Saint Beaussant
Augustin de, Pierson Louis-Marie, Ligiez Vincent, Mathieu Albert, Loyson Ceslas, Potton
Ambroise, Doussot Antonin, Pardieu Paul, Chevalier Jourdain, Cédoz François, Houlès Albert
Dictionnaire biographique des frères prêcheurs , Notices géographiques | 2014
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