11 FORUM RETRAITE - Gestionnaire de régimes de Retraite et de

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11 FORUM RETRAITE - Gestionnaire de régimes de Retraite et de
11ème Forum Retraite
Caisse des dépôts et consignations – Direction des Retraites
Caisse des dépôts et consignations
Direction des Retraites
11ème FORUM RETRAITE
« Retraite et cycles de vie »
Synthèse des travaux de la journée
Bordeaux, le 7 novembre 2003
Bordeaux, le 7 novembre 2003
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11ème Forum Retraite
Caisse des dépôts et consignations – Direction des Retraites
Retraite et cycles de vie
Ouverture
Jérôme GALLOT
Directeur des Retraites, Caisse des dépôts et consignations (CDC)
Mesdames et messieurs, je vous souhaite la bienvenue et je vous remercie de votre fidélité à ce
rendez-vous incontournable dans le domaine de la retraite. Le Forum Retraite connaît trois
constantes à mes yeux. Il vise d’abord à favoriser le dialogue entre les gestionnaires, les
responsables publics, les chercheurs ou encore les responsables syndicaux. La société française a
besoin de dialogue, et ce Forum en constitue une occasion privilégiée. La liberté de parole et la
pluralité de la pensée qui animent les échanges de ce Forum font aussi partie de ses traditions,
auxquelles nous sommes attachés. Enfin, le Forum constitue un lieu d’exigence technique élevée et
d’expertise, reconnu comme tel. Fallait-il poursuivre le Forum Retraite, alors qu’au temps de la
réflexion a succédé le temps de l’action ?
Il nous semble qu’il le fallait, en effet, tant l’action lancée n’a pas épuisé la réflexion ni les
problématiques touchant à l’évolution des régimes de retraite. Il faut continuer à travailler et à
réfléchir sur la thématique de la retraite, car les projections montrent que d’autres réformes seront
certainement nécessaires à un horizon de vingt ou trente ans. Les échanges de notre Forum,
aujourd’hui, seront une nouvelle fois marqués par la pluridisciplinarité à laquelle nous tenons, et
qui traverse toujours nos débats. Nous le verrons au cours de la première table ronde, qui apportera
un éclairage à la fois économique et sociologique sur la question du vieillissement et sur son impact
à moyen et long terme. La deuxième table ronde privilégiera une approche gestionnaire et
technique, à travers le lien à explorer entre carrières et retraite. Enfin, nous nous pencherons cet
après-midi sur les aspects financiers d’une question d’actualité : le lien entre l’épargne et les
retraites, avec pour articulation de ces deux problématiques la notion de cycle de vie. Souhaitons
que nos travaux soient très fructueux.
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Vieillissement : un changement de société ?
La déformation de la pyramide des âges influencera-t-elle la consommation, les
loisirs, l’organisation de la société ?
Ont participé à la table ronde :
Didier BLANCHET, Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) ;
Anne-Marie GUILLEMARD, Université Paris V Sorbonne et Institut universitaire de France ;
Yves MAMOU, Le Monde, Agevillage.com.
La table ronde était animée par Bernard BROUSTET, responsable du pôle économique au journal
Sud-Ouest, et présidée par Jérôme GALLOT, Directeur des Retraites, Caisse des dépôts et
consignations.
I.
De nouvelles configurations familiales
Bernard BROUSTET
Nous allons aborder la question du vieillissement, au cours de cette première table ronde, sous
l’angle de la sociologie, de l’emploi et du travail. Yves Mamou, ne sera-t-il pas de plus en plus
difficile, pour nous tous, de vivre dans une société vieillissante ? Quels sont les impacts, de divers
ordres, de l’évolution démographique qui se dessine ?
Yves MAMOU
Quatre axes me semblent guider l’évolution des relations familiales qui pourrait se faire jour : la
santé, l’argent, le droit et les mentalités. Je ne prendrai pas en compte la variation éventuelle du
niveau d’affection entre les membres de la famille, qui nous ferait entrer dans d’autres débats. Il
peut venir un moment où l’une de ces quatre dimensions prend un caractère dominant et modifie en
profondeur la nature des relations au sein de la sphère familiale.
Un premier exemple peut être mentionné avec l’exemple des Gaga Cools, association d’une
trentaine de « quinquas » ayant décidé d’économiser en vue d’un projet de vieillissement collectif
« cool et festif », comme ils l’annoncent. Un autre exemple est constitué par les Babayagas, réseau
d’amies qui invente une nouvelle forme de vie collective à Montreuil, dans la région parisienne, et
essaime dans toute la France. Il s’agit là des projets solidaires et collectifs nés du refus de vieillir
dans la solitude et l’isolement. Cela dit, le poids des maladies mentales sur les comportements
risque de croître dans les années et les décennies à venir, avec pour corollaire une augmentation du
nombre de personnes qui devront être mises sous tutelle. Le nombre de mises sous tutelle est déjà
multiplié par deux tous les dix ans ; et près de 60 % des tutelles sont gérées par les familles, de
façon très stable dans le temps.
Par ailleurs, les recompositions familiales sont sans doute appelées à peser sur l’héritage et sur la
transmission du patrimoine. Les divorces et remariages qui interviennent depuis ces vingt dernières
années vont transformer l’héritage. Le patrimoine des familles, qui allait descendant depuis les
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parents vers les enfants, se répartit aujourd’hui de manière plus horizontale, en direction des
conjoints, ce qui pose parfois des problèmes inédits. Le nombre important de remariages favorise
en tout cas une plus grande dispersion des patrimoines.
L’obligation alimentaire et de solidarité entre les générations constitue une autre notion permettant
de comprendre l’un des aspects de l’évolution démographique. La loi fait obligation aux membres
de la famille de se porter secours. Mais cette règle simple peut aujourd’hui faire émerger des
problèmes inconnus jusqu’alors : un arrière petit-fils, par exemple, peut-il être l’obligé alimentaire
d’une arrière-grand-mère qu’il n’a jamais vue ? Une telle configuration n’avait pas été envisagée
par la loi, élaborée au XIXème siècle, instituant l’obligation de solidarité entre les membres de la
famille. On peut se demander, en tout cas, si l’empilement des générations n’affaiblit pas la
capacité solidaire de la famille.
Dans un autre ordre d’idées, l’actualité récente a porté sur le devant de la scène un thème de
préoccupation croissante : l’euthanasie, question récurrente qui semble faire l’objet d’une
acceptation croissante au sein de la société, et qui a été relancée par les décès massifs entraînés par
la canicule au cours de l’été dernier.
II. L’emploi des personnes de plus de 50 ans et l’allongement de la vie au
travail
Bernard BROUSTET
Existe-t-il des méthodes réellement efficaces pour maintenir les salariés au travail, dans des
conditions acceptables ? Le risque de paupérisation ne menace-t-il pas la frange la plus âgée des
salariés, qui pourrait peut-être devenir les « working poor » de demain ?
Anne-Marie GUILLEMARD
Le véritable défi n’est pas tant celui des retraites, en effet, que celui de l’emploi des salariés qui
avancent en âge. La dimension de l’équilibre financier des régimes à long terme semble focaliser
l’attention de tous. Il me semble pourtant que le vieillissement de la société appelle de façon
incontournable une nouvelle gestion des âges, tant au plan des politiques publiques qu’au plan des
stratégies d’entreprises. Il faut quitter la logique de segmentation des âges pour passer à une gestion
de la diversité des âges, embrassant de front l’ensemble du cycle de vie.
Il me semble également qu’emploi et retraite forment un couple indissociable. L’on ne peut réguler
le départ en retraite sans prendre en considération l’emploi durant la seconde partie de carrière. Il
faut adopter une perspective longue du cycle de vie. Les comparaisons internationales sont souvent
éclairantes à cet égard, notamment pour révéler les différences qui peuvent prévaloir entre les pays.
Il est également à noter que les politiques publiques d’emploi et de protection sociale peuvent être
considérées comme des pistes d’action pour tous les acteurs du marché du travail.
D’une façon générale, sur le marché du travail, on constate que le phénomène de relégation des
salariés âgés revêt une ampleur très inégale, avec à l’évidence un avenir pour les quinquagénaires
au Japon ou en Suède, beaucoup plus qu’en France, en Allemagne, en Belgique ou même en
Finlande, où domine une dépréciation des salariés avançant en âge. L’examen de l’évolution du
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taux d’emploi masculin sur trente ans prouve clairement qu’il est des pays où l’activité est devenue
minoritaire après 55 ans, notamment la France.
Les trajectoires professionnelles très contrastées qui se dessinent peuvent s’expliquer par plusieurs
raisons. Les configurations nationales des politiques publiques jouent un rôle majeur, à mes yeux,
dans cette explication, dans la mesure où elles constituent des édifices normatifs qui encadrent les
trajectoires et modèlent les anticipations de tous les acteurs du marché du travail. Elles forment des
réseaux de motifs et de justifications, des références qui vont façonner des alternatives très
différentes pour les salariés avançant en âge. C’est en cela que l’on peut déceler des « cultures de
l’âge » très distinctes, suivant les populations considérées. Une culture de la sortie précoce du
marché du travail existe en France et dans de nombreux autres pays européens, tandis que d’autres
pays comme le Japon ou la Suède sont plutôt marqués, à l’inverse, par une culture du « droit au
travail » pour les salariés de plus de 50 ans.
Pour un même niveau de couverture du risque de non travail en fin de carrière, c’est en fait
l’existence d’instruments d’intégration ou de réintégration sur le marché du travail qui distingue ces
deux catégories de pays. Au Japon, toutefois, l’existence de ces instruments s’accompagne d’une
faible couverture du risque de non travail : c’est le maintien de fait sur le marché du travail qui
prévaut, sans tradition de couverture. Aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, le manque
d’instruments d’intégration s’accompagne d’un faible niveau de couverture du risque de non travail
en fin de carrière, selon une optique toute libérale : le sort des salariés les plus âgés peut être le
maintien sur le marché du travail ou le rejet, en fonction de la situation économique qui prédomine.
Comment mettre fin à la culture de la sortie précoce qui existe en France ? Le cas de la Finlande,
dont la situation de départ est comparable à celle de la France, mais qui a mis en œuvre une
politique volontariste dans ce domaine, me semble éclairant à cet égard. Un plan national
quinquennal pour l’emploi des plus de 45 ans a été mis en œuvre sur la période 1998-2002 dans ce
pays, avec pour thème « l’expérience est une richesse nationale ». Il s’agissait d’attaquer de front la
culture de la sortie précoce, au travers de quarante mesures préventives visant à accroître
l’employabilité des personnes de plus de 45 ans et à rendre attractifs ces salariés aux yeux des
employeurs, en privilégiant des mécanismes incitatifs à des mécanismes coercitifs. L’amélioration
de la santé au travail, l’ouverture de perspectives dynamiques en fin de carrière et l’introduction
d’une gestion de la diversité de tous les âges constituaient quelques-uns des principaux axes de ce
plan, dont les résultats semblent intéressants.
Cet exemple révèle également que faute de volet consacré à l’emploi, la réforme des retraites
pourrait déboucher sur des gains illusoires dans les pays à forte culture de la sortie précoce. En
matière de dépenses sociales, par exemple, ce qui est économisé sur les retraites pourrait être
dépensé en assurance chômage, invalidité ou longue maladie. De plus, les générations de babyboomers, faute de pouvoir demeurer sur le marché du travail, toucheront des pensions dont le calcul
sera moins avantageux et de surcroît amputé par des décotes. Enfin, on se prive de la marge de
financement importante pour les retraites que constitue le relèvement des taux d’activité des
quinquagénaires, principal réservoir de main-d’œuvre disponible.
On ne peut plus se contenter aujourd’hui d’une logique d’indemnisation des risques : nous sommes
passés à un monde d’évolution professionnelle, dans lequel il faut prévenir la perte d’employabilité
et assurer un soutien aux salariés tout au long de leur retraite. Ce sont là des enjeux majeurs pour
demain, dans une société de la connaissance. Cela implique par exemple d’inventer des parcours
horizontaux, et non plus seulement verticaux. Il faut, d’une façon générale, gérer la diversité des
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âges, comme je l’indiquais, tant au plan des politiques publiques qu’au plan des logiques
entrepreneuriales.
III. L’incidence du vieillissement sur l’économie
Bernard BROUSTET
Je vous propose maintenant de nous pencher sur les conséquence du vieillissement sur la structure
de la demande et des besoins : quelle incidence le vieillissement de la société pourra-t-il avoir sur
notre économie, de façon positive ou négative ?
Didier BLANCHET
Ma présentation va s’efforcer de fournir un ordre de grandeur de l’effet du vieillissement sur
l’évolution à venir des structures de consommation, par une approche comptable consistant à
extrapoler les profils de consommation selon les âges. Nous verrons ainsi que le vieillissement de la
société aura certes des effets significatifs, mais toutefois limités, sur l’évolution des structures de
consommation.
On peut rappeler que la part relative des groupes d’âge dans la population totale a été marquée par
un poids croissant des personnes âgées de 60 ans et plus, depuis les années 60. En deçà de 60 ans,
on ne dénote plus d’évolution très sensible de la pyramide des âges. On peut en tout cas se
demander si ces déformations de la pyramide des âges vont affecter sensiblement la consommation,
en prenant garde de distinguer un effet d’âge pur et un effet de génération sur les modes de
consommation. En effet, certains effets de génération ont un impact sur les modes de
consommation, notamment en raison d’habitudes assez solidement enracinées, par exemple
concernant les soins de santé. Il apparaît que les postes dont la consommation croît le plus avec
l’âge sont constitués, sans surprise, par la santé et par les services domestiques. Certains postes
connaissent, inversement, une décroissance de la consommation avec l’âge, de façon très
prononcée pour l’habillement, mais aussi pour les télécommunications et l’équipement du
logement.
Globalement, à partir d’une base 100 en 2000, on constate que les postes dont la consommation
croît avec l’âge atteignent un indice de 115 pour les loisirs ou de 120 pour la consommation totale à
l’horizon 2050. Les services dont la consommation décroît, par exemple les télécoms et
l’équipement du logement, se situeraient à un indice d’environ 90 au même horizon. On peut
estimer que ces effets sont relativement limités. En tout état de cause, l’on ne peut pas y voir un
bouleversement des structures de consommation, a fortiori sur l’échelle de temps considérée. Il est
possible de le vérifier en remarquant que l’évolution projetée de la part des différents postes étudiés
dans la consommation globale des ménages, en 2050 par rapport à 2000, est relativement faible.
Il semble en fait que le lien entre l’âge et les modes de consommation soit sensiblement plus faible
que le lien entre l’âge et la retraite. On peut également penser que les réallocations induites par les
changements de la structure d’emploi seront finalement assez limitées, en particulier par rapport à
d’autres changement tels que l’évolution technologique, l’évolution des transferts de richesse et
celle des transactions au niveau mondial. Gardons à l’esprit, toutefois, que l’approche privilégiée
ici n’est qu’une approche comptable, même si une endogénéisation des prix relatifs, par exemple,
aurait sans doute conduit à des résultats d’ampleur encore moins significative. Une approche
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comptable aurait quoi qu’il en soit pu faire apparaître des effets du vieillissement plus marqués sur
des postes davantage détaillés, par exemple au sein des frais de santé. En outre, si les réponses du
marché risquent de s’avérer insuffisantes, il faut bien sûr prévoir les politiques correctives adaptées.
Débat
Jérôme GALLOT, Directeur des Retraites, Caisse des dépôts et consignations
Madame Guillemard, faudrait-il réellement partir de l’âge de 45 ans pour mettre en œuvre un plan
comparable à celui qui a été instauré en Finlande avec succès ?
Anne-Marie GUILLEMARD
Le plan national finlandais a été ciblé sur la population des personnes de 45 ans et plus, car ce pays
a souhaité passer d’une logique d’indemnisation pure du risque, lorsqu’il survient, à une logique
préventive. Cela peut expliquer qu’il prenne en compte les populations visées en amont du seuil
d’entrée dans le groupe d’âge considéré. De plus, le développement de ce plan national a révélé que
le retour à l’emploi des personnes de 55 ans, dans une logique « curative », s’avérait infiniment
plus complexe et moins efficace qu’une action préventive. Les résultats les moins probants ont en
effet été enregistrés sur le groupe le plus âgé.
Jérôme GALLOT
Les économistes ont-ils mesuré la façon, peut-être spécifique, dont les « seniors » puisent dans leur
épargne pour satisfaire de nouveaux besoins de consommation ?
Didier BLANCHET
Vous avez raison de souligner que les raisonnements présentés ne valent qu’à revenus donnés. Je
n’ai pas abordé la question du partage entre la consommation et l’épargne, car l’approche
mécanique que j’ai choisie n’aurait plus été recevable en incluant cette dimension : la prise en
compte des effets de remplacement eût été indispensable. Traditionnellement, l’on observe un
gonflement de l’épargne dans un premier temps, à l’abord de l’âge de la retraite, avant un
dégonflement du taux d’épargne, qui revient après quelque temps à un niveau plus normal.
Antoine DELARUE, Directeur général, Servac
Pour remettre au travail les salariés les plus âgés, deux options me paraissent possibles : les
réintégrer dans le secteur qui était le leur ou envisager au contraire une « deuxième carrière ». Cette
deuxième option semble recevoir un assentiment beaucoup plus large de la part des principaux
intéressés. Mais la perspective du changement de carrière impose une préparation préalable et, à
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l’égard de la retraite, un changement possible de régime, en particulier pour les fonctionnaires tels
que les enseignants. Il pourrait en résulter des allers et retours entre régimes tout au long d’une
carrière, avec une difficulté croissante pour connaître la durée cumulée des régimes et une
liquidation beaucoup plus complexe qu’actuellement.
Partagez-vous cette analyse ?
Anne-Marie GUILLEMARD
La solution finlandaise ne vise pas un retour au travail : c’est plutôt une approche préventive qui est
retenue, par le biais d’un certain nombre de mesures visant notamment à renforcer l’employabilité
des personnes concernées. La « seconde carrière », pour ma part, ne me paraît pas une approche
tellement réaliste, même s’il est évident que la mobilité ne peut plus seulement être verticale et doit,
dès avant la mi-carrière, être rendue possible dans une logique horizontale, entre les fonctions. Il y
a là un enjeu important pour parvenir à fidéliser les jeunes, mais aussi pour rendre le travail attractif
vis-à-vis des salariés avançant en âge. Ce sont des mobilités successives, tout au long de la carrière,
qu’il faut imaginer et rendre possibles pour demain. On n’observe d’ailleurs aucune « seconde
carrière », dans aucun pays.
En revanche, je crois que, comme vous le soulignez, les passages inter-régimes seront inévitables si
l’on se dirige vers les évolutions que j’appelle de mes vœux. Mais l’impact de cette évolution, sur
le plan technique, dépasse mes compétences ; je ne pourrai donc m’étendre sur ce sujet.
De la salle
Comment pourra-t-on assurer les renouvellements massifs indispensables, si la formation des
nouveaux entrants n’est pas assurée ni anticipée ? Cela vaut par exemple pour les médecins, mais
aussi à tous les niveaux de la société. Ce problème est d’autant plus crucial que toutes les branches
professionnelles intègrent des techniques de plus en plus sophistiquées.
Yves MAMOU
J’ai déjeuné récemment avec le Délégué général des établissements hospitaliers associatifs privés,
au sein desquels des besoins très importants de recrutement se dessinent pour les prochaines
années. Or ce Délégué avait une proposition intéressante à soumettre au gouvernement : appliquer
la loi relative à la validation des acquis professionnels, pour permettre notamment aux agents de
service, via une formation de quelques semaines, d’évoluer vers une fonction d’aide-soignant qu’ils
remplissent de fait, dans une certaine mesure, aujourd’hui.
Anne-Marie GUILLEMARD
Cela pose aussi la question de la transmission des compétences et des savoir-faire au sein des
entreprises et des organisations. Il faut organiser cette transmission, qui ne peut pas toujours être
régie par des règles ou des consignes écrites : elle s’opère souvent dans une logique d’interaction
entre les générations. Cela demande certes du temps.
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André ARTETA, administrateur CGT, CNRACL
Nous constatons depuis une trentaine d’années une fuite considérable des personnels hospitaliers en
raison d’une dégradation croissante des conditions de travail à l’hôpital. Ces personnels sont
aujourd’hui, de façon bien légitime, soucieux de quitter au plus vite une fonction et un métier qu’ils
aiment mais qu’ils exercent dans des conditions de plus en plus difficiles. Je crois que ce ne serait
pas leur rendre service que de leur demander de continuer à exercer cette fonction plusieurs années
supplémentaires. Rien n’a été fait, depuis vingt ans, pour améliorer ces situations. Nous devons
nous doter d’un service public à même de répondre aux problèmes des jeunes et des salariés plus
âgés, par la qualification et l’existence de bonnes conditions de travail. Hélas, je ne vois pour
l’instant aucune inflexion en ce sens.
Anne-Marie GUILLEMARD
Cela me semble, une fois de plus, illustrer les dangers d’une réforme des retraites qui ne prendrait
pas en compte un volet spécifiquement consacré à l’emploi.
Guillaume FILHON, Directeur de cabinet, CNAV
Il semble que les personnes âgées, aux Etats-Unis, soient les principales utilisatrices d’Internet. En
France, la situation est inverse. Existe-t-il des études comparatives, à l’échelle internationale, qui
mettraient en évidence la prédominance des habitus nationaux sur les facteurs d’âge dans les modes
de consommation ?
Didier BLANCHET
Je parlerais plutôt d’un retard relatif de la France dans l’adoption et la diffusion des nouvelles
technologies – ce qui pourrait laisser présager un certain rattrapage dans leur utilisation.
Alain ROZENKIER, Sociologue, CNAV
L’analyse de Madame Guillemard appelle à sortir de l’incantation, et fait émerger un acteur qui a
certainement un rôle déterminant à jouer dans les évolutions à privilégier : l’entreprise. Cette
dernière a une mission particulière à assumer sur le plan de l’emploi et de la formation. Or on ne
voit pas en quoi les logiques économiques dures qui poussent à la sortie précoce du marché du
travail seraient remises en cause, aujourd’hui et dans un avenir proche. Comment, dès lors, inciter
l’entreprise à modifier ses choix et ses comportements ?
Anne-Marie GUILLEMARD
La question est effectivement importante. Je crois que les pouvoirs publics doivent jouer un rôle
dans ce domaine, mais non de façon coercitive : il faut changer de logique d’action publique,
comme cela a été fait en Finlande, en adoptant une démarche d’incitation qui ne fasse pas
abstraction des logiques économiques dures à l’œuvre, mais qui les intègre au contraire en misant
sur la compétitivité des entreprises, y compris dans les nouvelles technologies (par exemple le
téléphone portable en Finlande). Cette compétitivité n’est pas contradictoire avec une place plus
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grande faite aux salariés avançant en âge, et l’exemple finlandais est riche d’enseignements à cet
égard. La France est par exemple très en retard par rapport à ses voisins européens en matière de
formation tout au long de la vie.
Didier BLANCHET
L’emploi à des âges élevés suppose qu’il existe une demande de travail – et non seulement une
offre. Un problème souvent évoqué par les entreprises est celui de l’écart entre les salaires et la
productivité en fin de carrière. Des études sont en cours sur ce sujet, mais aucun résultat robuste ne
s’est encore fait jour. C’est donc plutôt une question de stéréotype qui semble en jeu sur ce point.
Yves MAMOU
Pour ma part, je crois que la bonne volonté des entreprises ne suffira pas. Je ne verrais pas d’un
mauvais œil un certain degré de coercition, peut-être d’ailleurs à l’échelon européen.
Marie-Thérèse ANDREUX, Fédération des Retraités CFDT
Je crois qu’on ne peut pas valider les acquis de l’expérience dans n’importe quelles conditions. On
ne peut brader, même pour des objectifs tout à fait louables, une formation indispensable et pointue.
Il faut plutôt miser, à mes yeux, sur la formation tout au long de la vie, qui vient d’être évoquée.
Anne-Marie GUILLEMARD
Je partage assez largement cette analyse : il est trop tôt pour dire quels contours prendra en France
la validation des acquis. Nous devons encore consentir des efforts considérables pour la formation
tout au long de la vie.
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Parcours professionnels et retraite
Les liens entre carrières et retraite : continuités et discontinuités
Ont participé à la table ronde :
Mireille ELBAUM, Direction de la Recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques
(DREES), ministère des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité ;
Michèle TOURNE, Caisse nationale d’Assurance Vieillesse (CNAV) ;
Pierre PESTIEAU, Université de Liège.
La table ronde était animée par Bernard BROUSTET, responsable du pôle économique au journal
Sud-Ouest, et présidée par Florence LEGROS, CEPII, Université de Paris-Dauphine.
Florence LEGROS
Les économistes ont l’habitude de considérer un « agent représentatif » lorsqu’ils étudient les
comportements, et les conclusions tirées à partir de telles études sont parfois utilisées pour la
définition de politiques publiques. Pour autant, cet agent n’est pas toujours représentatif. Nous le
vérifierons au cours de cette table ronde, qui nous conduira à étudier des carrières parfois qualifiées
d’atypiques, mais qui ne le sont pas tant que cela.
Nous verrons notamment quelles sont les conséquences des différentes formes de carrière sur les
retraites, en accordant une attention particulière par exemple aux aléas des carrières, à leur
caractère ascendant ou non, à la fréquence des périodes de temps partiel, à la place des périodes
éventuelles de chômage dans la carrière… Les facteurs d’incidence sont nombreux, et je ne
souhaite pas déflorer davantage le sujet mais, dans la tradition pédagogique du Forum Retraite,
faire un parallèle avec l’histoire du Petit Poucet qui, dans patrimoine, compte sur sa retraite… à
laquelle il éprouve des difficultés à accéder s’il n’a pas tous ses petits cailloux.
I.
Quelques idées reçues sur le départ en retraite
Bernard BROUSTET
Pierre Pestieau, commençons par une réfutation des idées reçues, qui sont nombreuses en France
comme en Belgique.
Pierre PESTIEAU
Nous pouvons nous demander pourquoi, dans des pays comme la France et la Belgique, les
travailleurs sortent du monde du travail à un âge relativement précoce, qui met en danger
l’équilibre du système. On a parfois l’impression, en lisant ou en écoutant les médias, qu'il prévaut
une assez mauvaise compréhension des mécanismes qui conduisent au départ à la retraite.
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J’ai pu rencontrer récemment un jeune retraité de La Poste, de 56 ans, fort heureux de sa situation,
qui était toutefois quelque peu dépité en évoquant le cas d’une de ses connaissances, un homme de
52 ans retraité d’EDF, qui pouvait bénéficier de l’électricité gratuite jusqu’à la fin de ses jours ! De
telles situations – dont les sondages révèlent qu’elles attirent aussi de nombreux enseignants –
posent évidemment problème. L’âge de la retraite effectif, en retenant les moyennes, a diminué en
France autant que la longévité augmentait parallèlement ! Cela représente bien sûr une charge
financière considérable. Les solutions permettant une amélioration de la situation semblent en outre
être contradictoires avec les aspirations de nos contemporains, puisqu’on constate un écart
important entre l’âge de départ à la retraite attendu et l’âge de départ souhaité, souvent de six ou
sept ans inférieur.
Si l’on cherche les raisons de ce phénomène, plusieurs contrevérités peuvent sans doute être mises
en cause. Nombreux sont ceux qui croient par exemple que la progression des salaires selon l’âge
est une loi économique universelle. Si une telle évolution, en moyenne, est effectivement constatée
en France et en Belgique, on remarque qu’au Japon et en Suède, où les travailleurs relativement
âgés sont beaucoup plus nombreux que dans nos pays, la courbe des rémunérations connaît une
inflexion et un point de rupture autour de l’âge de 50 ans, à partir duquel les rémunérations
moyennes décroissent.
Une autre idée reçue tend à considérer que la mise à la retraite des travailleurs âgés libère des
emplois pour les jeunes chômeurs. Pourtant, il est établi aujourd’hui que les facteurs réels
conduisant aux décisions de mise à la retraite sont en réalité bien différents. Surtout, l’effet de
libération des postes pour les jeunes chômeurs n’est nullement avéré, bien au contraire : il semble
bien que ce lien n’existe pas.
Il est aussi souvent admis que le fait de relever l’âge de la retraite pénalise les travailleurs les moins
qualifiés. Il n’en est rien, et il apparaît même que le relèvement de l’âge de la retraite, pratiqué dans
une logique incitative, a l’effet le plus favorable pour les salariés les plus modestes, qui sont
généralement aussi les moins qualifiés.
Selon une logique plus opportuniste, certains estiment qu’avec le vieillissement démographique, le
poids politique des retraités augmente. C’est avoir une vision naïve de la problématique de la
retraite, qui ne serait guidée que par des considérations opportunistes, et surtout qui ferait fi de
l’interaction des facteurs conduisant aux grands équilibres à préserver.
On croit souvent, par ailleurs, que la fin de l’activité professionnelle coïncide nécessairement avec
le moment où l’on perçoit ses prestations de retraite. L’observation des situations qui existent dans
certains pays montre au contraire que non seulement les « secondes carrières » existent, mais qu’il
est aussi des cas dans lesquels une période transitoire est ménagée, afin de permettre au système de
retraite de procéder aux ajustements nécessaires.
Pour d’autres encore, si une réforme du système de retraite s’avère profitable à une grande
majorité, elle devrait être adoptée rapidement sachant que l’on ne peut éviter que certains y soient
perdants. Ces perdants sont ainsi considérés comme le prix à payer pour l’incertitude qui marque
l’avenir. Un travail de pédagogie important doit être assuré à cet égard, car il n’est pas de fatalité
dans de tels constats.
Une autre idée reçue consiste à croire que les travailleurs âgés sont davantage usés par le stress et la
pénibilité de leurs activités qu’il y a cinquante ans. Cela est sans doute vrai dans certains cas, par
exemple dans le domaine hospitalier, mais on ne peut en faire une généralité. En moyenne, les
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travailleurs de 50 ans sont aujourd’hui en meilleure santé qu’il y a vingt ans, même si la pénibilité
de certaines activités s’est sans doute accrue. Mais il faudrait sans doute opter pour une réduction
de la durée hebdomadaire du travail, quitte à ce que la carrière, dans son ensemble, soit plus
longue.
Enfin, une dernière idée reçue consiste à estimer que les riches non seulement vivent plus
longtemps que les autres, mais en outre partent à la retraite plus tôt. Là encore, aucune donnée
statistiquement établie ne permet de l’affirmer ; peut-être même, dans certains cas, l’inverse se
produit-il.
II. Carrières et régime général de retraite
Bernard BROUSTET
Je vous propose maintenant d’aborder la réalité française de façon plus détaillée et plus chiffrée.
Michèle Tourne va d’abord nous présenter le lien qu’elle perçoit entre les carrières et le régime
général des retraites.
Michèle TOURNE
Le montant de la retraite, dans le régime général, dépend bien sûr des rémunérations perçues au
cours de la carrière. Des études de la CNAV sur les profils de salaire et sur les typologies de
carrière des nouveaux retraités, notamment, permettent d’éclairer la situation et le parcours des
retraités du régime général. Ceux-ci sont polypensionnés à 42 %, et cette proportion est beaucoup
plus importante que dans les autres régimes. Parmi l’ensemble des retraités du régime général, la
pension moyenne se monte à 1 111 euros par mois, la part du régime général dans ce montant
représentant 42 %. La part du régime général est prépondérante (c'est-à-dire supérieure à 50 % du
montant total) dans la retraite globale pour 63 % des personnes.
L’étude de l’évolution des pensions à partir des carrières salariales, sur les cinquante dernières
années, révèle par ailleurs que les salaires annuels médians, isolés par génération, se répartissent de
part et d’autre d’une coupure correspondant à l’année 1960 comme date de naissance des individus
formant ces groupes. Pour les générations les plus jeunes, la progression du salaire est rapide dans
les premières années et connaît ensuite une évolution plus lente en fin de carrière, là où les
générations nées avant 1960 connaissent une évolution de leur rémunération plus heurtée.
Une autre étude porte sur les différents indicateurs financiers de la pension du régime général.
L’examen du délai de récupération moyen montre la proportion prédominante (29 %) d’un délai
moyen de huit ans pour les hommes et d’un ou deux ans pour les femmes, avec respectivement pour
durées moyennes 6,3 ans et 4,3 ans, et une distribution plus étalée pour les femmes. Le taux de
récupération moyen (rapportant la masse des pensions versées durant la retraite à la masse des
cotisations versées pendant la vie active) révèle une dispersion plus grande encore, avec des taux
moyens de 5,1 euros par euro cotisé pour les hommes et de 21,3 euros par euro cotisé pour les
femmes. Le taux de rendement interne moyen ressort, lui, à 3,9 % pour les hommes et à 5,8 % pour
les femmes.
Nous avons aussi travaillé sur les taux de remplacement nets, basés sur le salaire moyen de la
carrière. Le taux médian s’établit à 68,8 % pour les hommes et à 74,9 % pour les femmes, avec une
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concentration plus forte pour les hommes, dont une part importante (près de 30 %) bénéficient d’un
taux de remplacement de 70 %. L’éclairage de ces données par les parcours individuels est permis
par une étude des typologies de carrière des nouveaux retraités du régime général en 2000.
Il apparaît, à travers cette étude, que six groupes homogènes peuvent être distingués, en fonction du
niveau de pension. Le premier groupe, où la pension est la plus faible, représente 28 % des
effectifs, tandis que le groupe représentant le montant le plus élevé de pension concentre 18 % des
effectifs. En ajoutant à ces données un éclairage par des caractéristiques individuelles, il apparaît
que les hommes sont les plus nombreux dans le groupe 6, rassemblant les pensions les plus élevées.
Y sont aussi regroupées les pensions « normales » (par opposition aux pensions d’invalidité ou
d’inaptitude). La dernière étape de ce travail a consisté à construire des « carrières types » associées
à chaque groupe. Il ressort de cette étude que, pour deux des profils mis en évidence, la progression
de la rémunération intervient surtout au début de la carrière, tandis qu’un autre profil,
correspondant plus typiquement aux carrières féminines, est caractérisé par une progression plus
régulière mais aussi globalement plus faible des rémunérations sur l’ensemble de la carrière. Le
type de carrière correspondant au niveau le plus élevé de pension est lié à une carrière complète
dans le régime général, « sans histoire », effectuée dans huit cas sur dix par des hommes, avec une
progression assez régulière de la rémunération entre 25 et 55 ans.
Nous nous proposons aujourd’hui de poursuivre cette rechercher à partir du fichier des assurés
cotisants et à partir de carrières en cours, afin d’étudier les évolutions à l’œuvre dans les parcours
individuels et leur impact sur les pensions de retraite.
III. L’impact des aléas de retraite sur la carrière
Bernard BROUSTET
Nous allons maintenant porter un regard plus global, et en envisageant les différents régimes
existants, du lien entre aléas de carrière et retraite.
Mireille ELBAUM
Les efforts demandés dans le cadre des réformes mettent au premier plan les questions d’équité. La
question du risque que peuvent courir les populations les plus fragiles, notamment, va se poser avec
une acuité accrue dans le suivi et l’évaluation des réformes.
Les études conduites actuellement au sein du service public de la statistique sur le lien qui peut
exister entre retraite et aléas de carrière sont réalisées au moyen d’outils d’observation et de
simulation. Le premier est un échantillon inter-régimes des retraités, portant sur 80 000 individus,
avec pour avantage d’inclure l’ensemble des pensions dont bénéficie un individu (de base ou
complémentaires). Ce travail est effectué tous les quatre ans depuis 1988. Pour les carrières,
l’enquête de l’INSEE auprès des ménages constitue le principal outil que nous pouvons mobiliser,
de même que les enquêtes Emploi. Les outils de simulation portent d’abord sur des « cas-types »,
permettant l’étude de l’impact des différentes réglementations sur des parcours-type pouvant ne pas
être linéaires ou homogènes. La principale limite de cet outil porte bien sûr sur la représentativité
des cas-types sélectionnés. Le dernier outil est bien sûr constitué par le modèle Destiny de microsimulation développé par l’INSEE, représentatif de la population totale, en simulant les évènements
pouvant survenir au cours de la vie, à partir des données recueillies par l’Institut sur la situation des
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ménages. La limite de cet outil réside notamment, comme pour les enquêtes effectuées sur les
ménages, dans la connaissance imprécise des revenus d’activité des individus.
Ces outils permettent un éclairage des liens entre retraite et profils de carrière, qui a donné lieu à
des résultats riches mais parfois méconnus. La situation des retraités actuels fait d’abord apparaître
quatre types de résultats. En premier lieu, l’âge de liquidation est directement déterminé par le
croisement entre le régime d’affiliation et le caractère complet ou non des carrières, et une
différence majeure apparaît entre hommes et femmes, puisque seule la moitié environ de celles-ci
avait atteint les conditions requises pour la liquidation à l’âge de 60 ans. En outre, les liquidations
se font souvent en deux temps pour les fonctionnaires, qui sont fréquemment polypensionnés.
Enfin, il apparaît que la liquidation anticipée de la génération de 1934 par rapport à la génération de
1920 a surtout bénéficié aux cadres. Un autre résultat réside dans le fait que les retraites perçues par
les salariés sont en général plus élevées que celles des non salariés.
En troisième lieu, il est intéressant de noter que l’évolution de la pension moyenne sur quatre ans
fait apparaître une augmentation de près de 6 % en euros constant, avec un rôle important du
renouvellement dans ce phénomène, mais dont une part importante est due à la sortie d’anciens
retraités, l’effet de l’arrivée de nouveaux retraités n’expliquant que 1,1 % de ces 6 %. Enfin, les
trajectoires de fin de carrière montrent que 55 % des hommes n’étaient pas dans l’emploi au
moment de la liquidation de la pension de retraite.
En ce qui concerne la situation des retraités futurs, les études de simulation ont mis en évidence
l’impact de l’élévation de l’âge de fin d’étude, dont l’effet semble indéniable sur la possibilité,
envisagée par l’étude, de partir en retraite à 60 ans avec 160 trimestres de cotisation. Quant à
l’impact des aléas de fin de carrière, une étude de la DREES montre l’incidence nette d’une période
de travail à temps partiel pour les générations les plus récentes, mais avec un caractère déterminant
de la retenue ou non de cette période dans les vingt-cinq meilleures années. L’impact des périodes
de chômage indemnisé dépend également de leur place dans le parcours professionnel. On voit
donc que les outils de simulation permettent une prise en compte des problèmes d’équité, en
autorisant une observation particulière de la situation des polypensionnés. L’étude montre aussi,
par exemple, que le minimum garanti dans la fonction publique joue un rôle très important pour les
carrières à faible rémunération, avec un effet particulièrement favorable lorsque cet effet joue à
temps plein (avec une carrière constituée par vingt-cinq années passées dans le secteur public et
vingt-cinq années dans le secteur privé).
Il faut enfin dire un mot des perspectives ouvertes de l’échantillon individuel et inter-régimes des
cotisants, constitué à partir de cette année. Cet échantillon ouvre en effet des perspectives
nouvelles, de façon essentielle pour le système de statistique publique. Il vise à donner une
photographie de la situation des droits acquis, par un échantillon des actifs de chaque génération, en
rapprochant pour chaque individu les droits acquis dans une trentaine de régimes. Cet outil est
conçu pour représenter l’ensemble des générations de 30 à 66 ans. Il aura également une dimension
de panel, et offrira des informations générales sur les droits acquis au sens de la réglementation, y
compris pour les périodes « validées mais non cotisées ». Nous pourrons, dès la fin de l’année
2004, recueillir les premiers résultats à partir de cet outil.
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Débat
Jean PICOT, ARRVO
Le taux de rendement interne est-il « purgé » de l’inflation ou la comprend-il ?
Michèle TOURNE
Il s’agit de taux de rendement réels, qui prennent aussi en compte les règles des différents régimes.
Geneviève REDAY-RULVEY, Association de Genève
Je voudrais, pour ma part, féliciter le Professeur Pestieau pour avoir eu le courage d’affirmer et de
préciser un ensemble de vérités.
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Vieillir et épargner demain
Epargne et cycles de vie : choix individuels et collectifs
Ont participé à la table ronde :
Olivier DAVANNE, DPA Conseil, Université de Paris-Dauphine ;
Anne LAVIGNE, Laboratoire d’économie d’Orléans ;
Monika QUEISSER, Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) ;
Yves ULLMO, Cour des Comptes ;
La table ronde était animée par Bernard BROUSTET, responsable du pôle économique au journal
Sud-Ouest, et présidée par Patrick ARTUS, CDC-Ixis.
Patrick ARTUS
Durant la table ronde de cet après-midi, nous nous demanderons comment préparer le
vieillissement et la retraite. Yves Ullmo commencera par nous présenter le comportement
qu’adoptent les agents économiques en vue de leur retraite, du moins au regard de l’information
disponible à ce sujet, car nous verrons que cette information est assez imprécise et insuffisante à
l’heure actuelle. Monika Queisser nous offrira un point de vue comparatif international sur les
systèmes de retraite et sur la façon dont on peut mieux assurer la transparence, à plusieurs titres.
Olivier Davanne reprendra ensuite, plus en détail, des questions similaires portant sur le cas
français, par exemple du point de vue de la gouvernance ou de la valorisation des actifs. Enfin,
Anne Lavigne attirera notre attention sur ce que devrait être la fiscalité de l’épargne.
Je commencerai en dressant un état des lieux sur le plan macroéconomique. Le vieillissement peut
être illustré par la part de la population en âge de travailler par rapport à la population totale. Ce
ratio a commencé à décliner dans les pays développés, tels que le Japon ou la France. Un déclin
similaire devrait s’amorcer de façon quelque peu décalée dans le temps, aux alentours de 2020,
dans de nombreux pays émergents comme la Chine ou certains pays d’Amérique latine. Le
problème du vieillissement est clair : du fait du recul du nombre de salariés actifs, même en cas de
stabilité de la production globale, la production par habitant est amenée à reculer mécaniquement. Il
s’agit donc d’éviter que le vieillissement ne réduise, à terme, la production par habitant.
La première piste, connue, consiste à rechercher une augmentation du taux d’activité de chaque
producteur, de façon à ne pas faire diminuer la production par habitant. Les taux d’activité sont
aujourd’hui très différents, par exemple, entre la zone euro et des pays tels que les Etats-Unis ou le
Japon. Le recours à l’immigration constitue une autre piste pour augmenter le taux d’activité. Là
aussi, les Etats-Unis constituent un exemple très illustratif de ce type de politique. Celle-ci pose
d’autres types de problèmes, sur le plan économique mais aussi sur le plan politique et en termes de
relations internationales. Une troisième piste consiste à augmenter le temps de travail par tête, ce
qui pose aussi la question de l’affectation – aux loisirs ou au revenu – des gains de productivité.
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La phase de vieillissement impose par ailleurs, en principe, une épargne plus forte en anticipation
de ce phénomène, ce qui devrait être synonyme de flux accrus d’investissement, avec des résultats
visibles sur le plan de la productivité. Or cet accroissement du taux d’épargne est finalement peu
contesté, malgré ce que prévoit un tel scénario de rationalité économique collective, et la France
constitue une exception à cet égard – même s’il s’avère que cette épargne a trop peu été utilisée
pour des investissements productifs.
Une autre voie d’anticipation, en économie ouverte, consiste à rechercher la diversification des flux
d’épargne vers des pays où le vieillissement est moins prononcé ou du moins décalé dans le temps,
qui sont aussi des pays à niveau de vie plus faibles, avec pour corollaire une augmentation des
rendements de l’épargne investie. Cependant, là aussi, l’observation des faits montre que la réalité
n’a pas été conforme à ce schéma. C’est le cas notamment aux Etats-Unis, pays qui a été
importateur d’épargne au cours des dix ou quinze dernières années. Une destination d’épargne se
distingue, parmi les pays émergents : la Chine, qui en reçoit un flux de 50 milliards de dollars par
an. Les autres pays émergents (par exemple ceux de l’Amérique latine) reçoivent de très faibles
flux d’épargne en provenance d’autres pays.
Ces données se résument dans l’avoir ou la dette extérieure qui peuvent être mis en évidence pour
chaque pays. Or un seul pays semble avoir préparé son vieillissement, du point de vue de la
diversification internationale de l’épargne : le Japon, qui détient 1 800 milliards de dollars
d’épargne hors de ses frontières. Les Etats-Unis se caractérisent par une position inverse, en raison
du déficit abyssal de leur balance commerciale.
La dette non provisionnée des régimes de retraite (en pourcentages du PIB), qui fournit un aperçu
de leurs besoins de financement, montre que la France connaît une dette qui correspond à plus de
deux années de production annuelle du pays.
I.
Les revenus des retraités
Yves ULLMO
L’examen des données statistiques montre que le niveau de vie moyen des retraités est globalement
similaire à celui des actifs, notamment grâce à des apports provenant, pour 20 % environ de leurs
revenus, de l’épargne. Deux besoins d’information se font jour : d’une part, il faut mieux connaître
les disparités de patrimoine et de revenus financiers des retraités, en les liant aux revenus des
retraites ; d’autre part, il est nécessaire de mieux connaître la transformation du patrimoine des
actifs au moment de leur passage à la retraite (la sortie en rente ou en capital n’étant qu’un aspect
de cette transformation).
Il existe trois types d’épargne personnelle des actifs susceptibles d’être mobilisés pendant la
retraite :
•
le logement en propriété, générateur d’un revenu en nature rarement pris en compte dans
l’estimation du revenu disponible des retraités ;
•
le patrimoine professionnel, qui disparaît au moment du passage à la retraite (sauf exceptions)
et qui est mal connu en ce qui concerne les retraités ;
•
le patrimoine financier, généralement seul pris en compte, dont il sera retenu ici une acception
large.
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On peut rappeler que dans une conception large, l’épargne est constituée de différents produits
parmi lesquels les PEE, les OPCVM, l’assurance vie… S’agissant de l’épargne à caractère collectif,
il existe des fonds assurantiels facultatifs, dont l’un des plus connus est la PREFON. Notons aussi
que la loi Madelin a permis la transformation de l’épargne salariale en épargne retraite, d’autres
dispositions s’y étant ajoutées avec la dernière réforme des retraites, notamment l’introduction du
PPESVR.
Il convient de distinguer l’information sur les patrimoines de l’information sur les revenus. En
matière de patrimoine, l’information existe et est intéressante, mais ne permet pas de répondre aux
questions qui nous intéressent ici. On peut distinguer les enquêtes portant sur le patrimoine avant
l’âge de la retraite, et celles relatives au patrimoine existant postérieurement à l’entrée en retraite.
Toutefois, ces informations sont généralement disjointes et isolées. En ce qui concerne les revenus,
l’information est encore moins satisfaisante et ne répond pas, en particulier, à la question centrale :
nous ne disposons que d’informations globales ne permettant pas d’isoler le comportement des
épargnants de celui des retraités. L’enquête « budgets de famille », effectuée par l’INSEE tous les
cinq ans, est plus intéressante. Une réponse plus approfondie est apportée par le Panel européen des
ménages, qui suit des générations à travers les années, en permettant des comparaisons
internationales, même s’il ne permet pas non plus de relier la période précédant la retraite et la
période de la retraite.
Des instruments de suivi spécifiques pourraient être construits, par exemple pour les nouveaux
produits d’épargne retraite. Une autre méthode réside dans la constitution de panels, dont le Panel
européen des Ménages constitue un exemple intéressant. Des solutions plus satisfaisantes sont à
attendre de cette piste. Mais on peut aussi envisager une troisième piste, qui paraît plus
prometteuse : constituer un groupe de travail qui rassemblerait l’information disponible, analyserait
la façon dont cette information permet de répondre aux questions qui se posent, avant de tracer les
pistes d’un groupe de travail.
II. Panorama international des régimes de retraite
Bernard BROUSTET
Nous allons maintenant aborder un panorama comparatif international avec Monika Queisser, qui
va nous présenter un schéma des différents régimes obligatoires de retraite au plan international.
Monika QUEISSER
En ce qui concerne l’épargne collective, en retenant l’ensemble des flux capitalisés par les
entreprises, il apparaît d’abord que nombre de pays de l’OCDE disposent d’une couverture
importante dans le domaine des retraites complémentaires. Quatre pays ont des dispositifs
obligatoires ou quasi-obligatoires (Australie, Danemark, Suisse et Pays-Bas). Dans la plupart des
pays, dont la France, les entreprises ont une possibilité, non pas une obligation. Dans le domaine de
l’épargne individuelle, on peut remarquer que la Hongrie, le Mexique, la Pologne et la Suède
offrent un modèle particulièrement intéressant. Dans le cas du Mexique, c’est bien sûr le modèle
chilien qui a fourni l’inspiration du dispositif qui a été repris, avec le soutien du FMI.
La part des fonds de pension, en proportion du PIB, d’après les chiffres de décembre 2001, montre
un niveau particulièrement élevé de ces outils individuels aux Pays-Bas et en Suisse (avec des taux
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dépassant 100 %), devant même le Royaume-Uni et les Etats-Unis. D’une façon générale, on
remarque que l’épargne collective, dans les pays de l’OCDE, est constituée à travers des fonds
autonomes ou assurés. Un large choix individuel existe le plus souvent (placements, assurances…).
Le modèle est mixte dans certains pays, entre un plan à prestations définies et un supplément de
prestations définies. Un aspect important réside dans l’administration collective des comptes, et
l’on remarque que les frais d’administration sont généralement inférieurs aux solutions
individuelles. Cela dit, des problèmes fréquents de transferts de droits se posent avec les dispositifs
collectifs.
En matière d’épargne individuelle, toutes les formes d’épargne ou d’assurance existent dans les
pays de l’OCDE, de même que l’incitation fiscale. Les formes de liquidation sont variées : parfois,
les sommes épargnées constituent la quasi-totalité de l’épargne pouvant être transformée en
capital ; dans d’autres cas, une transformation en rente viagère est prévue. Il apparaît en tout cas
que les frais d’administration sont élevés, en raison de l’existence de réseaux de distribution plus
coûteux mais aussi en raison des modes de rétribution des agents prévus, incitant à proposer aux
assurés un changement fréquent de contrat. Ces coûts élevés s’expliquent aussi par une relative
absence de transparence et par une négociation individuelle des contrats.
Les tendances politiques à l’œuvre actuellement dans les pays de l’OCDE font aujourd’hui une
large place aux questions d’administration des régimes et à leur coût. Au Royaume-Uni, un
programme « stakeholder pensions » a été mis en œuvre afin de gagner en efficacité dans ce
domaine, par le biais d’une réglementation du marché des produits individuels. En Suède, un
programme intéressant de réforme et de promotion des retraites au niveau des entreprises ou des
branches, a été mis en œuvre. On assiste aussi, dans de nombreux pays, à une révision critique des
produits d’assurance vie, notamment à la suite de faillites qui ont parfois fait scandale.
III. L’épargne en France
Bernard BROUSTET
Je vous propose maintenant de nous focaliser davantage sur la situation française et sur les pistes
qui peuvent être envisagées pour que les systèmes d’épargne permettent, dans les meilleures
conditions, le financement de la retraite.
Olivier DAVANNE
En France comme dans tous les pays industrialisés, nous devrions assister dans les années qui
viennent à un développement de l’épargne nette, en réponse aux réformes visant l’allongement des
durées de cotisation. Or les calculs montrent que le bénéfice, sur une épargne longue, pourrait
entraîner des gains significatifs. Il est donc indispensable de réfléchir aux moyens de faire
bénéficier les ménages d’une gestion financière performante.
La gestion d’épargne à long terme est d’abord soumise à des impératifs de grande technicité. Trois
défis particuliers se dessinent pour cette gestion. La diversification sur toutes les classes de risque
semble être un premier pilier d’une telle démarche (actions et obligations, sur les différentes zones
géographiques, en jouant aussi sur les taux de change). Il est également important de porter une
appréciation sur les risques dans une optique de court terme. Enfin, il convient de faire preuve
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11ème Forum Retraite
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d’une réactivité importante face aux grands cycles de valorisation sur les marchés, dont nous avons
déjà de nombreux exemples, et qui risquent de se présenter de nouveau.
On peut illustrer cette importance de la réactivité en étudiant l’évolution de 1 000 francs investis
en 1990, selon la stratégie d’investissement retenue, sur une dizaine d’années (1990-2003). On
s’aperçoit par exemple, sur un tel horizon, de niveaux de performance assez sensiblement différents
et d’un intérêt particulier, pour la période considérée, à miser sur un portefeuille diversifié, géré de
façon dynamique. Pour toutes ces raisons, il ne peut y avoir, à mes yeux, qu’une gestion déléguée,
qui apparaît comme une condition nécessaire – mais non suffisante – d’une gestion performante de
l’épargne destinée à la retraite.
Trois modes de délégation peuvent être distingués :
•
des mécanismes type FRR (Fonds de réserve des Retraites), correspondant à des mécanismes
collectifs offrant toutefois peu de choix réel ;
•
les fonds diversifiés « profilés », définis en fonction des préférences de chacun et, par exemple,
de son aversion relative au risque ;
•
les produits assurantiels.
Je m’attarderai sur ces deux derniers modes de délégation (le premier étant mentionné « pour
mémoire »), et je tenterai de mettre en évidence leurs mérites et leurs inconvénients, dans un débat
dont certains aspects rappellent celui qui porte sur les normes comptables à privilégier. Les fonds
« profilés » se parent des vertus de la transparence : peu de risques y sont cachés, et les futurs
retraités connaissent en temps réel la valeur en mark to market des droits accumulés. Dans le même
temps, cette transparence a un coût : elle suppose un très haut niveau de rationalité financière de la
part des gestionnaires des fonds. Les produits assurantiels, pour leur part, représentent inversement
la tentation légitime de l’opacité. L’impact des chocs de marché est lissé, mais cette relative opacité
peut faciliter une gestion financière performante, par exemple à travers la diversification des
risques et des horizons lointains.
Dans ce contexte, le rôle des pouvoirs publics consiste d’abord à ajuster les contraintes
prudentielles à l’horizon éloigné de la gestion. Les contraintes fixées par la COB peuvent, à cet
égard, apparaître trop contraignantes pour des fonds profilés destinés à la retraite. On s’aperçoit
également qu’un produit à 100 % monétaire s’avère extrêmement risqué dans une optique
d’utilisation pour la retraite, contrairement à nombre d’idées reçues. Un produit moins risqué serait
plutôt une obligation indexée à très long terme, même si ses fluctuations à court terme peuvent être
importantes. Un ajustement de type réglementation, prudentiel, à ces différentes caractéristiques
pourrait donc être envisagé.
Les pouvoirs publics doivent également garantir une information professionnelle et indépendante
des épargnants sur les perspectives de rendement et les risques. Il est indispensable, sur des
produits complexes comme les produits d’épargne, quel que soit le mode de délégation, que les
agents disposent d’une information fiable sur les gains pouvant être espérés et sur les risques qui
entourent cette estimation de rente. Or ceci n’est jamais opéré dans une logique de délégation,
d’autant plus que des questions de contrôle peuvent alors se poser. L’outil PPESVR semble plus
ouvert sur ces questions, et ce n’est pas le moindre de ses intérêts.
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Enfin, n’oublions pas les considérations fiscales, au regard desquelles les pouvoirs publics jouent
aussi un rôle particulier. Si une première approche tend souvent à privilégier une logique
d’équilibre, il est aussi permis de considérer que l’achat de fonds étant réservé à des ménages ayant
un niveau de revenus élevé, une différenciation peut être introduite dans la fiscalité, dans une
logique d’équité. Hélas, les options retenues jusqu’à présent vont plutôt en sens inverse : une
distorsion a été créée entre les produits, et les gains fiscaux liés à la baisse de l’impôt sur le revenu
semblent les plus élevés, a priori, pour les ménages ayant les revenus les plus élevés.
IV. Epargne, retraite et fiscalité
Bernard BROUSTET
Anne Lavigne va maintenant prolonger cette dernière question de la fiscalité, par une approche plus
large de la problématique épargne, retraite et fiscalité.
Anne LAVIGNE
Je me suis posé trois questions sur le thème qui m’a été proposé.
Faut-il accorder les avantages fiscaux à l’épargne ?
La question de la taxation optimale de l’épargne est complexe. Classiquement, les arguments
théoriques de ce débat mettent en avant l’élasticité-intérêt de l’épargne, en incluant des
considérations de cycle de vie et des considérations comportementales, liées notamment au motif
de transmission et au motif de précaution. Les théories comportementales, plus récemment, ont
évoqué des effets psychologiques tels que des effets d’imitation, dans une perspective assez
nouvelle. On peut aussi se demander si cette taxation doit privilégier un impôt sur le revenu ou un
impôt sur la dépense. Le débat se complexifie lorsqu’il s’agit d’arbitrer entre l’imposition des
revenus du travail et celle des revenus du capital. D’aucuns prônent la non taxation du capital, pour
des motifs de neutralité fiscale. Certains plaident, eux, pour qu’aucune fiscalité défavorable ne
décourage l’épargne.
Sur le plan des avantages fiscaux et de l’incitation à l’épargne, des études réalisées aux Etats-Unis
offrent des résultats intéressants, bien qu’ils soient contrastés. Il apparaîtrait une élasticité-intérêt
proche de zéro, qui montrerait une très faible sensibilité des agents à la variation du taux d’intérêt,
ce qui pourrait inciter à ne pas rechercher d’avantage fiscal pour l’épargne. Du point de vue de
l’épargne individuelle pour la retraite, il a été estimé que la réduction de 20 % à 40 % de la charge
fiscale, sur l’ensemble du cycle de vie, avait encouragé la croissance des fonds de pension. Cela dit,
on peut aussi se demander si ces mesures ont causé un effet d’éviction ou un effet d’entraînement
sur l’épargne individuelle. Les études, sur ce point, montrent qu’un effet d’entraînement est
intervenu dans une première période mais a disparu ensuite – sans que n’existe nécessairement un
effet d’éviction. En ce qui concerne l’épargne des entreprises, des arguments théoriques existent, là
aussi, pour différentes options en présence.
L’influence de la fiscalité sur la structure de l’épargne est éclairée par de nombreuses études sur les
comptes à taxation différée (IRA, 401 (k)). On peut se demander, toutefois, s’il s’agit d’une
épargne nouvelle.
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L’étude de la fréquence des contributions au plafond permet de disposer d’éléments d’information
sur ce point, de même que la corrélation entre épargne IRA et non IRA. Il semble en fait que l’on
assiste plutôt à une recomposition du portefeuille des agents, de façon d’autant plus nette que les
ménages ont des revenus élevés. Des questions demeurent, toutefois, en termes de stratégies
d’allocation, dans la mesure où on s’aperçoit que toutes les possibilités de déduction fiscale sont
loin d’être épuisées par les ménages, dans bien des cas.
Faut-il accorder des avantages fiscaux à l’épargne retraite ?
Les arguments pour la défiscalisation de l’épargne retraite mettent d’abord en avant, dans une
logique paternaliste, la nécessité de protéger les individus contre leur imprévoyance. D’aucuns
soulignent aussi la nécessité de favoriser l’épargne longue et insistent sur la concurrence fiscale
entre produits et nations. Inversement, certains observent qu’il existe un écart croissant entre le
rendement du travail et celui du capital. Sur le plan des moyens à mettre en œuvre, on peut taxer le
produit d’épargne à l’entrée ou à la sortie, avec de nombreuses combinaisons possibles en pratique.
Une brève comparaison de la retraite et de l’assurance vie – dont la fiscalité constitue un dispositif
complexe, avec plusieurs générations de contrats conclus sous différents régimes – montre que la
rente viagère est sans doute le produit le plus substituable à l’épargne retraite.
De façon plus générale, il paraît légitime de plaider pour une harmonisation du traitement fiscal des
PERP avec celui des très proches substituts, en rendant cohérent le traitement appliqué selon le
risque, l’échéance et la sortie. La subvention de l’épargne pour les ménages défavorisés peut
également être envisagée de façon légitime.
Faut-il accorder des avantages fiscaux aux retraités ?
S’agissant des retraités, on constate qu’ils épargnent et prennent des risques, en raison d’un effet de
richesse et de l’allongement de l’espérance de vie. L’on observe en effet un comportement de prise
de risque financier à un âge élevé. Les dépenses fiscales en France en faveur des personnes âgées
consistent d’abord en l’exonération de la CSG et du RDS, et en un abattement de 10 % sur les
pensions. Il est également à noter que les retraités bénéficient, au-delà de la fiscalité favorable de
l’épargne, d’autres avantages fiscaux, avec un taux moyen d’imposition de 3,8 %. Par ailleurs,
l’élasticité-intérêt de l’épargne des retraités qui a été mise en évidence peut conduire à s’interroger
sur l’efficacité des mesures incitatives. On peut enfin se demander si l’augmentation du niveau de
vie des retraités justifie aujourd’hui, et plus encore dans les vingt prochaines années, des avantages
fiscaux spécifiques.
Bordeaux, le 7 novembre 2003
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11ème Forum Retraite
Caisse des dépôts et consignations – Direction des Retraites
Débat
Paul MAILLARD, Directeur général, Gestion BTP
Yves Ullmo a indiqué qu’une faible distinction existait en réalité entre l’épargne d’entreprise et
l’épargne retraite. Cela est vrai en termes d’utilisation, mais on ne peut raisonner de la même façon
lorsqu’il s’agit de la mise en place et de la négociation, dans l’entreprise, d’un tel dispositif.
Par ailleurs, quant à l’interprétation de la justification de la fiscalité du PPESVR, qui demeure un
produit d’épargne salarial destiné à associer les salariés à la marche de l’entreprise, le rôle de liant
social que peut jouer l’épargne salariale dans les entreprises a clairement été mis en évidence dans
le rapport rédigé par Jean-Pierre Balligand et Jean-Baptiste de Foucault, sans qu’on n’en fasse
nécessairement un produit d’épargne retraite.
Yves ULLMO
Je suis en partie d’accord. Mais je me suis refusé à désigner une catégorie particulière de produits
d’épargne destinés à la retraite : mon propos a embrassé l’ensemble des produits d’épargne. Dans
cette perspective, les différences ont paru atténuées.
Pierre BOLLON, Association française de la gestion financière
J’ai relevé quelques contradictions dans l’exposé d’Olivier Davanne quant à la capacité des
ménages à assurer une gestion efficace de leur épargne, en particulier quant aux hypothèses de
« myopie » relative retenues dans l’un ou l’autre des scénarios présentés. Cet exposé m’a aussi paru
sévère quant aux éléments qui empêcheraient les OPCVM de proposer une gestion à long terme. En
particulier, je ne vois pas en quoi les contraintes de la COB constituent des freins tels que ceux qui
ont été évoqués.
Olivier DAVANNE
Je n’ai pas cherché à attaquer un produit plus qu’un autre : les deux solutions ont un sens, à mes
yeux. J’ai simplement cherché à ouvrir des pistes de réflexion, et il me semble qu’une prise de
conscience ne soit pas encore totalement réalisée pour ce qui touche à la constitution de fonds en
vue de la constitution d’une épargne retraite. Tous les aspects qui découlent d’une telle approche
n’ont pas été analysés comme il se doit, et il me semble que des éclairages complémentaires restent
à apporter, en toute transparence, aux agents afin de leur apporter une information complète.
Robert POUGIS, Fédération de services publics et de Santé, FO
La réforme des retraites par répartition est en cours et elle a été mise en place, nous dit-on, pour
sauver le système par répartition. Or on ne parle cet après-midi que d’épargne salariale et d’épargne
individuelle complémentaire. Il me semble important de se demander, notamment, quelles seront
les conséquences de tels choix sur les régimes de répartition à long terme, de même que nous
Bordeaux, le 7 novembre 2003
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11ème Forum Retraite
Caisse des dépôts et consignations – Direction des Retraites
devons nous demander comment pourront s’inscrire dans ce dispositif les ménages les moins
favorisés.
Patrick ARTUS
Les débats de cet après-midi n’ont pas mis en avant un besoin général d’épargner davantage : il
s’agit plutôt de se demander si la structure des produits d’épargne dont nous disposons en France
sert nos besoins de long terme. Ces deux questions sont très différentes, et il me semble que nos
débats ne les ont pas confondues. En ce qui concerne la fiscalité de l’épargne, une réorientation
vers de l’épargne ayant des externalités (positives ou négatives) pourrait rendre l’épargne plus
efficace. Nous n’avons pas plaidoyé pour que notre pays épargne davantage. Nos marchés
financiers restent animés par un horizon moyen très court. Les primes de risques associées aux
produits de long terme le montrent : elles ne se justifieraient pas si nous considérions d’emblée nos
placements comme une épargne de long terme. Nous devons faire attention à ce raisonnement et,
dans un horizon de long terme, il devrait se produire un bouleversement des notions de risque et des
caractéristiques des produits qui en découlent.
Olivier DAVANNE
Cette remarque est essentielle, et explique pourquoi j’ai insisté sur deux aspects :
•
la réactivité, qui doit permettre de ne pas se reposer sur des idées reçues quant au rendement
comparé des différentes classes d’actifs ;
•
l’information, à travers laquelle une contrainte d’information sur les rendements attendus à long
terme, par exemple, inciterait obligatoirement les opérateurs à s’interroger sur ce point.
Didier BRESSARD, groupe Ionis
Monsieur Davanne s’est fait le chantre de l’opacité de la gestion. Cette position me paraît
difficilement tenable, du moins dans le cadre de marchés qui ne sont « ni purs ni parfaits ».
Olivier DAVANNE
J’ai voulu tenir un discours équilibré et objectif, visant à reconnaître les mérites réels de différents
types d’épargne. Mais je n’ai pas parlé des aspects de supervision réglementaire, qui revêtent
pourtant une grande importance. Je vous rejoins sur ce point.
Yves ULLMO
Le régime par répartition est sauvegardé ; des problèmes demeurent mais sa survie n’est pas en
cause. Cela me paraît évident. On peut penser qu’à terme, la « générosité » des régimes diminuera,
ce qui peut expliquer l’arrivée de l’épargne retraite. S’agit-il d’une épargne complémentaire ou
supplémentaire ? C’est cette seconde acception qui doit être retenue à mes yeux, par son horizon de
long terme, par ses caractéristiques techniques (à cotisations définies) et enfin par son caractère
d’accessibilité, qui ne devrait pas la rendre possible pour tous.
Bordeaux, le 7 novembre 2003
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11ème Forum Retraite
Caisse des dépôts et consignations – Direction des Retraites
Pierre-Yves CHANU, Confédération CGT
Je crois que l’un des inconvénients de la réforme récente des retraites, parce qu’elle ne sauvegarde
pas à long terme le montant des retraites par répartition, obscurcit la frontière entre la retraite et
l’épargne, qui relèvent pourtant de logiques fort différentes. La retraite, historiquement, en France,
est fondamentalement basée sur le travail, et force est de constater que l’épargne relève d’une
logique fort distincte.
Par ailleurs, il me semble que la sortie en rente constitue, d’un point de vue financier, un exercice
très spécifique, que seules les compagnies d’assurance savent pratiquer.
Stéphane HAMAYON, Quantix
Monsieur Artus, vous nous avez indiqué qu’un changement d’horizon pouvait induire une
modification de la stratégie de portefeuille. Mais peut-on néanmoins parler de disparition du risque
au fur et à mesure que l’horizon s’accroît, sur les placements actions ?
Patrick ARTUS
Il est vrai que le risque sur les placements financiers doit être compris comme cumulatif, en
fonction de l’horizon de placement. Mon propos était différent : j’indiquais qu’à long terme,
l’horizon de risque pouvait se déplacer.
Bordeaux, le 7 novembre 2003
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11ème Forum Retraite
Caisse des dépôts et consignations – Direction des Retraites
Clôture du Forum
Francis MAYER
Directeur général, Caisse des dépôts et consignations
Nos débats ont été riches et instructifs pour l’avenir. Je voudrais saluer particulièrement les
membres de la Commission de Surveillance ici présents.
Deux des axes stratégiques majeurs que j’ai tracés pour la Caisse des dépôts et consignations dans
les cinq à dix ans à venir visent à faire de notre Institution le principal investisseur financier à long
terme de l’économie française, et le partenaire neutre et désintéressé des collectivités locales. A cet
égard, la ville de Bordeaux revêt un enjeu particulier pour la Caisse des dépôts et consignations,
puisque nous venons de signer un accord instituant la décentralisation du financement du logement
social de la Ville. Comme l’a dit Victor Hugo : « prenez Versailles ; ajoutez-y Anvers ; vous aurez
Bordeaux ».
Nos échanges sur les retraites ont fait émerger plusieurs conclusions. En premier lieu, un paysage
totalement nouveau se dessine à la faveur des évolutions démographiques à l’œuvre, et des
changements considérables sont à attendre, tant sur le plan social que sur le plan économique et
financier, tout d’abord du fait de la modification radicale du ratio entre actifs et inactifs. Ceci ne
sera pas exempt d’un questionnement sur la nature de l’épargne, comme nos débats de cet aprèsmidi l’ont montré, sans négliger les questions de fiscalité, qui revêtiront un enjeu crucial.
Dans ce paysage, la Caisse des dépôts et consignations, qui gère actuellement une retraite sur sept
en France, à travers 46 fonds et Caisses, sera appelée à jouer un rôle central. Elle présente pour cela
deux atouts : des agents et des cadres hautement qualifiés d’une part ; un système d’information
totalement intégré, performant et rénové, d’autre part, qui nous a permis de dégager en 2003 des
gains de productivité à hauteur de 9 %. Sur cette base, nous nous efforçons de développer notre
activité car nous la concevons comme étant au service de l’intérêt général. Nous développons deux
projets : l’intégration de la Caisse des Mines, qui est en cours, et la création du régime additionnel
sur les primes de la fonction publique, qui pourrait être implanté à Bordeaux.
Bordeaux, le 7 novembre 2003
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11ème Forum Retraite
Caisse des dépôts et consignations – Direction des Retraites
Conclusion du Forum
Alain JUPPE
Député maire de Bordeaux, ancien Premier ministre
Mesdames et messieurs, je suis ravi de vous accueillir à Bordeaux pour cette manifestation, qui
porte sur un thème qui m’est cher. Je me réjouis particulièrement qu’ait été adoptée, il y a quelques
mois, une réforme sur les retraites qui prépare l’avenir et les défis de demain, mais en apportant
aussi des améliorations immédiates. Un décret vient de paraître et concrétise par exemple la
possibilité pour ceux qui ont travaillé très tôt de prendre leur retraite même s’ils n’ont pas atteint
l’âge de 60 ans, sous certaines conditions de cotisation. De même, l’intégration d’une partie des
primes des fonctionnaires dans le calcul des pensions constitue une avancée indéniable.
Le gouvernement réfléchit à la mise en place du régime additionnel sur les primes des fonctions
publiques. Ce dernier devrait en effet revenir, pour sa gestion, à la Caisse des dépôts et
consignations, d’après les indications qu’a pu me fournir M. le Premier ministre. Celui-ci m’a
également assuré que le centre de la gestion de ce régime serait implanté à Bordeaux, ce qui nous
permettra de capitaliser sur l’efficacité du site de la Caisse des dépôts et consignations qui y existe
déjà, avec 1 350 collaborateurs.
M. le Directeur général, vous avez évoqué un autre sujet qui me tient à cœur : le rôle de la Caisse
des dépôts et consignations en tant que partenaire des collectivités locales. Nous attendons
beaucoup de vous. Plusieurs projets ont été évoqués, dont celui concernant le centre ville de
Bordeaux, qui doit connaître une dynamique nouvelle, mais qui connaît des taux de vacance
atteignant parfois 15 % à 20 %. La Ville de Bordeaux veut s’attaquer à ce chantier, qui sera sans
doute long – probablement une décennie. Une action programmée d’amélioration de l’habitat a été
engagée, de même qu’une opération de restauration immobilière. Pour tout cela, des partenaires
financiers sont nécessaires, et je me réjouis de la convention signée avec la Caisse des dépôts et
consignations.
Je me réjouis également de la Convention signée entre la Ville et la Caisse des dépôts et
consignations en ce qui concerne le financement du logement social, d’autant plus que je ne suis
pas sûr que la décentralisation, telle qu’elle a été mise en avant jusqu’à présent, ait pris toute la
dimension de l’urbanité dans les régions. Nous sommes demandeurs de transferts de compétences,
par exemple en matière de logement social, car dès lors que nous disposons d’un SCOT et d’un
programme d’amélioration de l’habitat, il nous semblait assez naturel d’acquérir cette compétence.
Je suis heureux de constater que la Caisse des dépôts et consignations accompagne ce mouvement.
Mais je mettrai sur la table un autre dossier : le financement des grandes infrastructures. Nous
attendons aussi beaucoup de la Caisse des dépôts et consignations dans ce domaine. Nous avons
fait le choix, en 1995, du tramway, en prévoyant, de façon ambitieuse, trois lignes à la fois, qui se
croisent en centre ville. La première partie du projet, d’environ 658 millions d'euros, est en voie
d’achèvement et a été largement financée par la Communauté urbaine, l’Etat nous ayant apporté
une subvention substantielle. Nous avons malheureusement appris qu’il risquait d’en aller
autrement pour la deuxième phase, alors même que les premiers travaux ont été engagés. Il nous
semble qu’il n’était pas de bonne méthode, pour l’Etat, de nous « abandonner » ainsi au milieu du
gué. Nous sommes en cours de négociation avec l’Etat afin d’imaginer des formules de
financement adéquates, parmi lesquelles figurent des prêts à long terme ou à très long terme de la
Bordeaux, le 7 novembre 2003
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11ème Forum Retraite
Caisse des dépôts et consignations – Direction des Retraites
Caisse des dépôts et consignations (même si, comme je l’ai fait observer à qui de droit, un prêt
n’est pas une subvention).
Un autre projet d’infrastructure porte sur le « partenariat public-privé », à travers un projet de
construction d’un pont, qui a fait couler beaucoup d’encre. Il s’agit d’un pont à travée levante, dont
le coût est élevé, appelant un financement adéquat. Nous serions donc, là aussi, très intéressés par
la recherche de solutions d’ingénierie intéressantes avec la Caisse des dépôts et consignations.
Merci de votre attention et merci à tous pour votre participation.
Synthèse réalisée en temps réel par la société Ubiqus Reporting
www.ubiqus-reporting.com
01 44 14 15 00
Bordeaux, le 7 novembre 2003
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