Espaces vectoriels de dimension finie

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Espaces vectoriels de dimension finie
Agrégation interne de Mathématiques
Département de Mathématiques
Université de La Rochelle
F. Geoffriau
2006-2007
Espaces vectoriels de dimension finie
Définition 1. – Famille libre, famille liée, vecteurs colinéaires
Soit E un espace vectoriel.
a. Soit p ∈ N∗ , v1 , . . . , vp ∈ E. On dit que la famille (v1 , . . . , vp ) est une famille libre, ou
que les vecteurs v1 , . . . , vp sont des vecteurs linéairement indépendants si
∀ λ1 , . . . , λ p ∈ k
λ1 v1 + · · · + λp vp = 0 =⇒ λ1 = · · · = λp = 0
b. Une famille A de vecteurs de E est dite libre si toute sous-famille finie de A est libre.
c. On dit qu’une famille A de vecteurs de E est une famille liée (ou que les vecteurs de A
sont des vecteurs linéairement dépendants) si elle n’est pas libre.
d. On dit que les vecteurs x et y sont des vecteurs colinéaires s’il existe λ et µ ∈ k vérifiant
(λ, µ) $= (0, 0) et λx + µy = 0.
Remarque 2. – a. Dire qu’une famille de vecteurs (v1 , . . . , vp ) est une famille liée signifie
qu’il existe des scalaires λ1 , . . . , λp ∈ k non tous nuls tels que
λ1 v1 + · · · + λp vp = 0
b. Le vecteur nul est colinéaire à tout autre vecteur et une famille contenant un vecteur nul
est liée (1 · 0 = 0).
c. Une famille contenant deux vecteurs égaux est liée (1 · v + (−1) · v = 0).
d. Si u est un vecteur non nul, les vecteurs colinéaires à u sont de la forme λu avec λ ∈ k.
e. Soit u et v deux vecteurs. Dire que la famille (u, v) est liée signifie que u et v sont
colinéaires.
Exemple 3. – a. La famille (e1 , . . . , en ) de kn définie en ? ? ? est libre.
b. La famille (X n )n∈N de k[X] est libre.
Remarque 4. – Soit A une famille de vecteurs d’un espace vectoriel E et B une sous-famille
de A.
a. Si A est libre, B l’est aussi ;
b. Si B est liée, A l’est aussi.
Proposition 5. – Famille libre et unicité d’écriture
Soit A = (u1 , . . . , up ) une famille finie de vecteurs d’un espace vectoriel E. Pour i ∈ {1, . . . , p},
soit Ai = (u1 , . . . , ui−1 , ui+1 , . . . , up ). Les conditions suivantes sont équivalentes
(i) la famille A est libre ;
(ii) tout élément de Vect(A) s’écrit de manière unique sous forme d’une combinaison linéaire
d’éléments de A ;
– 2 – Espaces vectoriels de dimension finie
(iii) pour i ∈ {1, . . . , p}, on a ui $∈ Vect(Ai ).
Preuve – (i) =⇒ (ii). Soit v ∈ Vect(A). Alors v est une combinaison linéaire de u1 , . . . , up .
Soit λ1 , . . . , λn , µ1 , . . . , µn ∈ k,
!
v=
p
"
λi ui et v =
i=1
p
"
i=1
#
µi ui =⇒
p
"
i=1
(λi − µi )ui = 0
La famille A étant libre, on a λi = µi pour tout i ∈ {1, . . . , p}. Donc v s’écrit de manière
unique comme combinaison linéaire de u1 , . . . , up .
(ii) =⇒ (iii). Soit i ∈ {1, . . . , n}. Supposons ui ∈ Ai . Il existe des scalaires
λ1 , . . . , λi−1 , λi+1 , . . . , λp ∈ k tels que
ui = λ1 u1 + · · · + λi−1 ui−1 + 0 · ui + λi+1 ui+1 + · · · + λp up
L’unicité de l’écriture implique 1 = 0. Contradiction, donc ui ∈
/ Vect(Ai ).
(iii) =⇒ (i). Supposons la famille A liée. Soit λ1 , . . . , λp ∈ k non tous nuls et tels que
λ1 u1 + · · · + λp up = 0. Il existe i ∈ {1, . . . , p} tel que λi $= 0. Alors
ui = −
λ1
λi−1
λi+1
λp
u1 − · · · −
ui−1 −
ui+1 − · · · −
up
λi
λi
λi
λi
Ainsi, ui ∈ Vect(Ai ). Contradiction, donc A est libre.
!
Proposition 6. – Ajout d’un vecteur à une famille libre
Soit A une famille libre de vecteurs d’un espace vectoriel E et u ∈ E \ Vect(A). Alors, la
famille A ∪ {u} est libre.
Preuve – Soit µ, λ1 , . . . , λp ∈ k et v1 , . . . , vp ∈ A tels que
µu + λ1 v1 + · · · + λp vp = 0
Si µ $= 0, on obtient
u=−
λ1
λp
v1 − · · · −
vp
µ
µ
Impossible puisque u $∈ Vect(A). Ainsi µ = 0. Donc
λ1 v1 + · · · + λp vp = 0
Comme A est libre, alors λ1 = · · · = λp = 0. Donc A ∪ {u} est libre.
!
Théorème 7. – Famille libre et famille génératrice
Soit E un espace vectoriel. Soit n, p ∈ N∗ , A = (u1 , . . . , un ) une famille libre de vecteurs de
E et B = (v1 , . . . , vp ) une famille génératrice de E.
a. On a n " p.
F. Geoffriau
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b. Si n < p, il existe kn+1 , . . . , kp ∈ N tels que (u1 , . . . , un , vkn+1 , . . . , vkp ) soit une famille
génératrice de E.
Preuve – La famille B étant génératrice, il existe α1 , . . . , αp ∈ k tels que
u1 = α1 v1 + · · · + αp vp
L’un au moins des αi est non nul (sinon, u1 = 0 et A est liée). Quitte à changer l’indexation
des vj , on peut supposer α1 $= 0. Donc
v1 = −
α2
αp
1
u1 −
v2 − · · · −
vp
α1
α1
α1
On en déduit que C1 = (u1 , v2 , . . . , vp ) est une famille génératrice de E. Il existe alors
β1 , . . . , βp ∈ k tels que
u2 = β1 u1 + β2 v2 + · · · + βp vp
Si β2 = · · · = βp = 0, on obtient u2 − β1 u1 = 0, ce qui contredit le fait que A soit libre.
Quitte à changer l’indexation des vj , on peut supposer β2 $= 0. Comme précédemment, on
voit alors que C2 = (u1 , u2 , v3 , . . . , vp ) est une famille génératrice de E.
On pose m = min(n, p). En réitérant le procédé, on obtient une famille
Cm = (u1 , . . . , um , vm+1 , . . . , vp )
génératrice de E.
Supposons n > p. Alors m = p, et Cm = (u1 , . . . , up ) est une famille génératrice de E.
Donc up+1 ∈ Vect(C) et (u1 , . . . , up+1 ) est liée, ce qui est impossible car la famille A est libre.
Ainsi n " p et la famille (u1 , . . . , un , vn+1 , . . . , vp ) est génératrice de E.
!
Proposition 8. – Famille liée et cardinal
Soit E un espace vectoriel et soit (e1 , . . . , en ) une famille de vecteurs de E. Alors toute famille
d’au moins n + 1 vecteurs dont les éléments sont des combinaisons linéaires de e1 , . . . , en est
liée.
Preuve – Puisqu’une sous-famille d’un famille libre est libre, il suffit de considérer une
famille de n + 1 vecteurs.
La preuve se fait par récurrence, soit Pn la propriété à démontrer. Soit e1 un vecteur de
E et soit λ, µ ∈ k, la famille (λe1 , µe1 ) est clairement liée, donc P1 est vraie.
Soit n ∈ N, n # 2, supposons Pn−1 vraie. Soit e1 , . . . , en ∈ E et soit x1 , . . . , xn+1 ∈
Vect(e1 , . . . , en ). Il existe (λi,j )1!i!n+1,1!j!n tels que
∀ i ∈ {1, . . . , n + 1}
xi = λi,1 e1 + · · · + λi,n en
Si pour tout i ∈ {1, . . . , n+1}, λi,n = 0, alors x1 , . . . , xn ∈ Vect(e1 , . . . , en−1 ) et par hypothèse
de récurrence, la famille (x1 , . . . , xn ) est liée, et il en est de même de (x1 , . . . , xn+1 ). Sinon,
quitte à réindexer (x1 , . . . , xn+1 , on peut supposer λn+1,n $= 0 et alors on pose
∀ i ∈ {1, . . . , n}
yi = xi −
λi,n
λn+1,n
xn+1 ∈ Vect(e1 , . . . , en−1
Par hypothèse de récurrence, la famille (y1 , . . . , yn ) est liée, il existe µ1 , . . . , µn ∈ k tels que
et donc
µ1 y1 + · · · µn yn = 0
µ1 x1 + · · · + µn xn −
n
"
i=1
λi
λi,n
λn+1,n
xn+1 = 0
La famille (x1 , . . . , xn+1 ) est ainsi liée. On conclue grâce au théorème de récurrence.
F. Geoffriau
!
– 4 – Espaces vectoriels de dimension finie
Remarque 9. – On aurait pu déduire la proposition précédente du théorème 7.
Définition 10. – Base, dimension finie
On appelle base d’un espace vectoriel E toute famille de vecteurs de E qui est libre et
génératrice de E.
On dit que E est un espace vectoriel de dimension finie s’il est engendré par une
famille finie de vecteurs.
Exemple 11. – a. La famille (e1 , . . . , en ) définie en ? ? ? est une base de kn appelée base
canonique de kn et kn est un espace vectoriel de dimension finie.
b. La famille (X n )n∈N est une base de k[X], appelée base canonique de k[X].
c. Pour p ∈ N, la famille (1, X, . . . , X p ) est une base de kp [X].
Proposition 12. – Caractérisation d’une base
Soit E un espace vectoriel et A = (e1 , . . . , en ) une famille de vecteurs de E. Les conditions
suivantes sont équivalentes
(i) A est une base de E ;
(ii) pour tout u ∈ E, il existe un unique n-uplet (λ1 , . . . , λn ) ∈ kn tel que
u = λ1 e1 + · · · + λn en
On dit alors que λ1 , . . . , λn sont les coordonnées du vecteur u dans la base (e1 , . . . , en ).
Preuve – La famille A est une génératrice de E si et seulement si tout vecteur de E
est combinaison linéaire de e1 , . . . , en et d’après 5, la famille A est libre si et seulement si
l’écriture de tout vecteur de Vect(A) comme combinaison linéaire de e1 , . . . , en est unique.
D’où l’équivalence entre les deux assertions.
!
Théorème 13. – Théorème de la base incomplète
Soit E un espace vectoriel de dimension finie, L une famille libre de E et G une famille
génératrice de E telles que L ⊂ G. Alors, il existe une base B de E telle que L ⊂ B ⊂ G.
Preuve – On considère l’ensemble E des familles libres B de E telles que L ⊂ B ⊂ G, c’est
un ensemble non vide car il contient L. L’espace vectoriel E étant de dimension finie, le
cardinal d’une famille libre est majorée par celui d’une famille génératrice finie de E (8). Il
existe donc une famille libre B, vérifiant L ⊂ B ⊂ G et possédant un plus grand nombre
d’éléments. Montrons maintenant que B est une base.
Soit x ∈ G. Si x ∈
/ Vect(B), alors B $ = B ∪ {x} est une partie libre. On a L ⊂B $ ⊂ G et
B ! B $ (car x ∈
/ B), cela contredit la maximalité de B. Donc x ∈ Vect(B). Donc G ⊂ Vect(B).
Par conséquent E = Vect(G) ⊂ Vect(B), donc E = Vect(B) et B est une famille génératrice
de E.
Ainsi B est une base de E.
!
Corollaire 14. – Existence de base
a. Tout espace vectoriel non réduit à {0} de dimension finie possède une base.
b. D’une famille finie de générateurs, on peut en extraire une sous-famille constituant une
base.
Preuve – On applique le théorème de la base incomplète avec G une famille finie de
générateurs et L = {u} où u ∈ G \ {0}.
!
Remarque 15. – a. L’espace vectoriel {0} possède une base qui est ∅.
b. Tout espace vectoriel possède une base, mais la démonstration générale repose sur l’axiome
du choix (ou le lemme de Zorn).
F. Geoffriau
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Corollaire 16. – Complémentation d’une famille libre
Soit E un espace vectoriel de dimension finie. Soit L une famille libre et G une famille
génératrice de E. Il existe une partie G $ de G telle que G $ ∪ L soit une base de E.
Preuve – On applique le théorème de la base incomplète avec comme famille libre L et
comme famille génératrice G ∪ L.
!
Théorème 17. – Cardinal d’une base, dimension
Soit E un espace vectoriel. Si E est de dimension finie, alors toutes ses bases sont finies et
possèdent le même nombre d’éléments. Ce cardinal commun est appellé dimension de E et
est noté dim(E).
Preuve – Soit G une famille finie génératrice de E et soit B une base de E extraite de G
(appliquer le théorème de la base incomplète avec ∅ comme famille libre). Ainsi B est finie.
Soit B $ une autre base de E. D’après le théorème 7, en considérant B comme une famille
libre et B $ comme une famille génératrice, on obtient card(B) " card(B $ ). En permutant les
rôles de B et de B $ , on obtient aussi card(B $ ) " card(B).
Ainsi card(B) = card(B $ ).
!
Convention 18. – Si un espace vectoriel E n’est pas de dimension finie, on dit qu’il est
de dimension infinie et on note dim(E) = +∞.
Théorème 19. – Espace vectoriel isomorphe à kn
Un espace vectoriel E de dimension finie n est isomorphe à l’espace vectoriel kn .
Preuve – Soit (e1 , . . . , en ) une base de l’espace vectoriel E. L’application
$
$
kn
$
$ (λ1 , . . . , λn )
est un isomorphisme de kn sur E.
−→
E
+−→ λ1 e1 + · · · λn en
!
Exemple 20. – Soit n ∈ N∗ . On a dim(kn ) = n, dim(kn [X]) = n + 1, dim({0}) = 0 et
k[X] est de dimension infinie.
Définition 21. – Codimension
Soit E un espace vectoriel et F un sous-espace vectoriel de E. On appelle codimension de
F dans E, notée codim(F ), la dimension de l’espace vectoriel quotient E/F .
C’est aussi la dimension d’un supplémentaire de F dans E.
Proposition 22. – Famille libre, génératrice, base et dimension
Soit E un espace vectoriel de dimension finie n.
a. Toute famille génératrice de E a au moins n éléments et une famille génératrice à n
éléments est une base de E.
b. Toute famille libre de E a au plus n éléments et une famille libre à n éléments est une
base de E.
Preuve – a. Si G est une partie génératrice, elle contient une base B, cette base possédant
n éléments, G possède au moins n éléments. Si G a n éléments, alors B = G et G est une base
de E.
b. Si L est une partie libre, on peut lui adjoindre des éléments d’une partie génératrice pour
constituer une base B contenant L. La base B possédant n éléments, L a au plus n éléments
et si L en possède n, alors L = B et L est une base de E.
!
F. Geoffriau
– 6 – Espaces vectoriels de dimension finie
Corollaire 23. – Sous-espace vectoriel et dimension
Soit F un sous-espace vectoriel d’un espace vectoriel E de dimension finie.
a. Si B est une base de F , il existe une base de E contenant B.
b. L’espace vectoriel F est de dimension finie et dim(F ) " dim(E).
c. Si dim(F ) = dim(E), alors F = E.
Preuve – La base B de F est une partie libre de E. Il existe une base B $ de E contenant B.
On a alors card(B) " card(B $ ), c’est-à-dire, dim(F ) " dim(E). Enfin, si dim(F ) = dim(E),
alors B et B $ ont le même nombre d’éléments et B ⊂ B$ , ce qui entraı̂ne B = B $ , les espaces
vectoriels engendrés sont donc les mêmes : E = F .
!
Remarque 24. – Soit F et G deux sous-espaces vectoriels d’un espace vectoriel E. Pour
que F = G il faut et il suffit que F ⊂ G et dim(F ) = dim(G).
Proposition 25. – Existence de supplémentaire
Soit E un espace vectoriel de dimension finie. Tout sous-espace vectoriel F de E possède au
moins un supplémentaire.
Preuve – On sait que F est de dimension finie p, avec p " n = dim(E). Si p = n, alors
F = E et {0} est un supplémentaire de F . Supposons p < n. Soit B = (u1 , . . . , up ) une base
de F . Alors d’après le théorème de la base incomplète, il existe up+1 , . . . , un ∈ E tels que
(u1 , . . . , up , up+1 , . . . , un ) soit une base de E. Soit G le sous-espace vectoriel engendré par
up+1 , . . . , un .
Soit u ∈ E, il existe λ1 , . . . , λn ∈ k tels que
u = λ1 u1 + · · · + λn un = (λ1 u1 + · · · + λp up ) + (λp+1 up+1 + · · · + λn un )
On a λ1 u1 + · · · + λp up ∈ F et λp+1 up+1 + · · · + λn un ∈ G, donc E = F + G.
Soit u ∈ F ∩ G. Il existe λ1 , . . . , λn ∈ k tels que
u = λ1 u 1 + · · · + λ p u p
On en déduit que
et
u = λp+1 up+1 + · · · + λn un
λ1 u1 + · · · + λp up − λp+1 up+1 − · · · − λn un = 0
La famille (u1 , . . . , un ) étant libre, on a alors λi = 0 pour i ∈ {1, . . . , n}, d’où u = 0. Donc
F ∩ G = {0}.
Ainsi G est un supplémentaire de F dans E.
!
Remarque 26. – a. En général, un sous-espace vectoriel n’admet pas un unique sousespace vectoriel supplémentaire.
b. Même en dimension infinie, un sous-espace vectoriel possède des supplémentaires.
c. Soit E un espace vectoriel de dimension finie et F et G deux sous-espaces vectoriels de E.
Soit B et B $ des bases de F et G respectivement. Alors F et G sont supplémentaires dans E
si et seulement si B ∪ B $ est une base de E. Cela reste vraie en dimension infinie.
Théorème 27. – Dimension, intersection et somme
Soit F et G des sous-espaces vectoriels de dimension finie d’un espace vectoriel E. Alors
F + G et F ∩ G sont de dimension finie et
dim(F ) + dim(G) = dim(F + G) + dim(F ∩ G)
Preuve – Notons p = dim(F ), q = dim(G). Comme F ∩ G est un sous-espace de F et G,
il est de dimension finie, et r = dim(F ∩ G) " min(p, q).
F. Geoffriau
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Soit (u1 , . . . , ur ) une base de F ∩ G. Il existe des vecteurs vr+1 , . . . , vp , wr+1 , . . . , wq tels
que F = (u1 , . . . , ur , vr+1 , . . . , vp ) soit une base de F et G = (u1 , . . . , ur , wr+1 , . . . , wq ) soit
une base de G. On pose B = (u1 , . . . , ur , vr+1 , . . . , vp , wr+1 , . . . , wq ).
Soit u ∈ F + G, il existe v ∈ F et w ∈ G tels que u = v + w. Les familles F et G étant
génératrices de F et de G respectivement, il existe α1 , . . . , αp , β1 , . . . , βq ∈ k tels que
v = α1 u1 +· · ·+αr ur +αr+1 vr+1 +· · ·+αp vp et w = β1 u1 +· · ·+βr ur +βr+1 wr+1 +· · ·+βq wq
u = v + w = (α1 + β1 )u1 + · · · + (αr + βr )ur + αr+1 vr+1 + · · · + αp vp + +βr+1 wr+1 + · · · + βq wq
Ainsi B est une famille génératrice de F + G.
Soit α1 , . . . , αr , βr+1 , . . . , βp , γr+1 , . . . , γq ∈ k tels que
(∗)
α1 u1 + · · · + αr ur + βr+1 vr+1 + · · · + βp vp + γr+1 wr+1 + · · · + γq wq = 0
Alors
α1 u1 + · · · + αr ur + βr+1 vr+1 + · · · + βp vp = −γr+1 wr+1 − · · · − γq wq ∈ F ∩ G
donc il existe δ1 , . . . , δp ∈ k tels que
−γr+1 wr+1 − · · · − γq wq = δ1 u1 + · · · + δp up
δ1 u1 + · · · + δp up + γr+1 wr+1 + · · · + γq wq = 0
La famille G étant libre, on en déduit que γr+1 , . . . , γq sont nuls. Donc (∗) devient
α1 u1 + · · · + αr ur + βr+1 vr+1 + · · · + βp vp = 0
La famille F étant libre, on en déduit que α1 , . . . , αr , βr+1 , . . . , βp sont nuls. Et ainsi B est
une famille libre.
Donc B est une base de F + G et dim(F + G) = dim(F ) + dim(G) − dim(F ∩ G).
!
Corollaire 28. – Dimension et supplémentaires
Soit E un espace vectoriel de dimension finie. Les sous-espaces vectoriels F et G de E sont
supplémentaires si deux des trois conditions suivantes sont réalisées
(i) E = F + G ;
(ii) F ∩ G = {0} ;
(iii) dim(E) = dim(F ) + dim(G).
Preuve – Clair d’après 27.
!
Remarque 29. – Soit E un espace vectoriel de dimension finie et F un sous-espace vectoriel
de E. On a
codim(F ) = dim(E) − dim(F )
Définition 30. – Rang d’une famille de vecteur
Soit A une famille de vecteurs de E. On dit que A est une famille de rang fini si Vect(A)
est de dimension finie. S’il en est ainsi, le rang de la famille A, noté rg(A), est la dimension
de Vect(A).
F. Geoffriau
– 8 – Espaces vectoriels de dimension finie
Théorème 31. – Caractérisation d’une application linéaire
Soit E et F deux espaces vectoriels. On suppose E de dimension finie n. Soit (e1 , . . . , en )
une base de E, et v1 , . . . , vn ∈ F . Il existe une et une seule application linéaire f de E dans
F telle que f (ei ) = vi pour tout i ∈ {1, . . . , n}. Plus précisément,
∀ λ1 , . . . , λ n ∈ k
f
n
%"
i=1
&
λi ei =
n
"
λi vi
i=1
Preuve – Soit u ∈ E. Il s’écrit de manière unique sous la forme u = λ1 e1 + · · · + λn en avec
λ1 , . . . , λn ∈ k. On pose
f (u) = λ1 v1 + · · · + λn vn
On définit ainsi une application f : E → F . Il est facile de vérifier qu’alors f est linéaire.
Soit g ∈ L(E, F ) vérifiant g(ei ) = vi pour tout i ∈ {1, . . . , n}. Alors pour tout u ∈ E, il
existe λ1 , . . . , λn ∈ k tels que u = λ1 e1 + · · · + λn en et
g(u) = λ1 g(e1 ) + · · · + λn g(en ) = λ1 v1 + · · · + λn vn = f (u)
par linéarité. On en déduit que f = g.
!
Proposition 32. – Injection, surjection, bijection
Soit E et F deux espaces vectoriels. On' suppose E de dimension
finie n. Soit f ∈ L(E, F ),
(
E = (e1 , . . . , en ) une base de E, et F = f (e1 ), . . . , f (en ) . Alors
a. F est une famille génératrice de im(f ) = f (E) ;
b. f est surjective si et seulement si F est une famille génératrice de F ;
c. f est injective si et seulement si F est une famille libre ;
d. f est bijective si et seulement si F est une base de F .
Preuve – a. On a F ⊂ im(f ), donc Vect(F) ⊂ im(f ). Soit w ∈ im(f ), il existe v ∈ E tel
que w = f (v). Par suite, il existe λ1 , . . . , λn ∈ k tels que
w = f (v) = f (λ1 e1 + · · · + λn en ) = λ1 f (e1 ) + · · · + λn f (en )
On a donc im(f ) = Vect(F).
b. C’est clair, d’après a., car im(f ) est un sous-espace vectoriel de F .
c. Soit λ1 , . . . , λn ∈ k tels que
0 = λ1 f (e1 ) + · · · + λn f (en ) = f (λ1 e1 + · · · + λn en )
Si f est injective, il vient λ1 e1 + · · · + λn en = 0. Comme E est une base de E, on en déduit
que λi = 0 pour i ∈ {1, . . . , n}. Ainsi, F est libre.
Inversement, soit v = λ1 e1 + · · · + λn en ∈ ker(f ), alors λ1 f (e1 ) + · · · + λn f (en ) = 0. Si F
est libre, on a donc λ1 = · · · = λn = 0. Par suite, v = 0, ker(f ) = {0}, et f est injective.
d. C’est une conséquence immédiate de b. et c.
!
F. Geoffriau
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–9–
Théorème 33. – Dimension du noyau et de l’image
Soit E et F deux espaces vectoriels et f une application linéaire de E dans F . L’espace E
est de dimension finie si et seulement si ker(f ) et im(f ) sont de dimension finie. Dans ce cas,
on a
'
(
'
(
dim(E) = dim ker(f ) + dim im(f )
Preuve – Supposons ker(f ) et im(f ) de dimension finie. Soit (y1 , . . . , yr ) une base de
im(f ). Soit x1 , . . . , xr les antécédents par f de y1 , . . . , yr . Soit (z1 , . . . , zs ) une base de
ker(f ). Montrons que (x1 , . . . , xr , z1 , . . . , zs ) est une base de E
Soit x ∈ E. Alors f (x) ∈ im(f ) et il existe λ1 , . . . , λr ∈ k tels que f (x) = λ1 y1 +· · ·+λr yr .
Posons x$ = λ1 x1 + · · · + λr xr . On a alors f (x − x$ ) = f (x) − f (x$ ) = 0, donc x − x$ ∈ ker(f ).
Ainsi il existe µ1 , . . . , µs ∈ k tels que x − x$ = µ1 z1 + · · · + µs zs . Ainsi
x = x$ + x − x$ = λ1 x1 + · · · + λr xr + µ1 z1 + · · · + µs zs
ce qui montre que la famille (x1 , . . . , xr , z1 , . . . , zs ) est génératrice de E.
Soit λ1 , . . . , λr , µ1 , . . . , µs ∈ k tels que λ1 x1 + · · · + λr xr + µ1 z1 + · · · + µs zs = 0. Prenant
l’image de ces deux membres par f , il vient
0 = λ1 f (x1 ) + · · · + λr f (xr ) = λ1 y1 + · · · + λr yr
Comme la famille (y1 , . . . , yr ) est libre, on en déduit λ1 = · · · = λr = 0. Et donc
µ1 z1 + · · · + µs zs = 0, ce qui entraı̂ne µ1 = · · · = µs = 0, car la famille (z1 , . . . , zs ) est
libre. Ceci démontre que (x1 , . . . , xr , z1 , . . . , zs ) est une famille libre de E.
Par conséquent (x1 , . .'. , xr , z(1 , . . . , zs') est une
( base de E qui est donc de dimension finie
et dim(E) = r + s = dim im(f ) + dim ker(f ) .
Réciproquement, si E est de dimension finie, ker(f ) étant un sous-espace vectoriel de E
est de dimension finie et im(f ) est engendré par l’image par f d’une base de E, donc im(f )
est de dimension finie.
!
Remarque 34. – Soit E et F deux espaces vectoriels, E étant de dimension finie et soit f
une application linéaire de E dans F . Alors
'
(
'
(
codim ker(f ) = dim im(f )
Définition 35. – Rang d’une application linéaire
Soit E et F deux espaces vectoriels et f une application linéaire de E dans F . On appellera
rang de l’application linéaire f la dimension de im(f
' ), noté rg(f ).(
Si (e1 , . . . , en ) est une base de E, alors rg(f ) = rg f (e1 ), . . . , f (en ) .
Corollaire 36. – Injection, surjection, bijection en dimension finie
Soit E et F deux espaces vectoriels de dimension finie avec dim(E) = dim(F ). Pour toute
application linéaire f de E dans F , les assertions suivantes sont équivalentes
(i) f est injective ;
(ii) f est surjective ;
(iii) f est bijective.
Preuve – Il suffit de montrer (i) ⇐⇒ (ii). On a
'
(
'
(
ker(f ) = {0} ⇐⇒ dim ker(f ) = 0 ⇐⇒ dim im(f ) = dim(E) = dim(F ) ⇐⇒ im(f ) = F
Donc f est injective si et seulement si f est surjective.
F. Geoffriau
!

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