Une expérimentation réussie : le modèle de lettre de voiture

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Une expérimentation réussie : le modèle de lettre de voiture
Une expérimentation réussie : le modèle
de lettre de voiture électronique de l’OCIR (France)
François Lespagnon *
En France, l’article 12 du décret du 30 août 1999 prévoit que tout véhicule circulant
sur le territoire national pour y effectuer du transport public doit être muni d’un
document de transport.
Dans le cas d’un transport international, effectué au départ ou à destination de la
France ou en transit, il s’agit de la lettre de voiture internationale prévue par la
Convention de Genève du 19 mai 1956 relative au transport international de
marchandises par route (CMR).
Dans le cas d’un transport national, il s’agit de la lettre de voiture visée à l’article
4 de l’arrêté du 9 novembre 1999, de forme et de présentation libre mais comportant
obligatoirement certaines mentions telles que le nom de l’expéditeur et celui du destinataire, la date de la prise en charge, les adresses complètes des lieux de chargement
et de déchargement.
En outre, l’article 26 de la loi n° 95-96 du 1er février 1995 impose à toute entreprise
établie ou non en France, effectuant un transport intérieur, y compris de cabotage ou un
transport international au départ ou à destination de la France, à l’exception du transit,
un document de suivi faisant mention des dates et heures d’arrivée et de départ sur les
lieux de chargement et de déchargement, constatés contradictoirement et comportant la
signature du conducteur, du remettant et du destinataire.
L’Office Contentieux d’Informations Routières (OCIR) 1 a réalisé et commercialise
un Document Unique de Transport dont le modèle a été déposé à l’Institut National
de la Propriété Industrielle (INPI), regroupant les mentions obligatoires exigées par la
Convention de Genève, l’arrêté du 9 novembre 1999 et la loi du 1er février 1995 et
pouvant donc être utilisé dans tout type de transport de marchandises : national,
international ou de cabotage. C’est ce Document Unique de Transport que j’ai
l’honneur de vous présenter aujourd’hui dans sa version électronique.
En préambule, il conviendrait de se poser la question de la conformité d’une
lettre de voiture virtuelle avec les textes en vigueur.
*
Directeur Général de l’Office Contentieux d’Informations Routières (OCIR), France.
Communication écrite préparée pour les Actes du Symposium sur “Les 50 ans de la Convention CMR –
Avenir et perspectives du transport international par route”, tenu à Deauville (France), les 18-19 mai 2006.
1
L’OCIR est une Société anonyme de droit privé français dont l’activité au service des
transporteurs routiers se divise en un pôle juridique (constitution de sociétés, expertise de fonds de
commerce, litiges, défense en justice) et un pôle commercial (édition des documents de contrôle, logiciels
d’exploitation, formation professionnelle). Voir le site internet <http://www.ocir.com>.
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Certes, l’article 4 de l’arrêté précité du 9 novembre 1999 exige qu’un exemplaire
de la lettre de voiture, préalablement établie, doit se trouver à bord du véhicule mais
s’empresse de préciser que l’édition par des moyens informatiques à bord du véhicule
est autorisée. Cette disposition, complétée par celle de l’article 10 du même texte
indiquant que la lettre de voiture ou son équivalent informatique, doit être présentée
à toute réquisition des agents de l’Etat chargés du contrôle sur route, indiquent bien
que le droit est en symbiose avec le progrès technique. La circulaire n° 20006-17 du
10 mars 2000 clôt définitivement le sujet en soulignant que “les nouvelles
technologies sont prises en compte : l’entreprise peut équiper ses véhicules de
moyens informatiques pouvant restituer les renseignements demandés”.
Depuis 4 ans, notre société propose le Document Unique de Transport Virtuel
(DUTV) sous forme de logiciel permettant de préétablir des modèles de lettres de
voiture à partir de listes de véhicules, conducteurs, expéditeurs, destinataires,
marchandises et de les imprimer dans un choix de 10 langues sur une classique
imprimante laser ou à jet d’encre. Il s’agit donc d’un document papier dont l’édition a
été facilitée par la mémorisation informatique des données répétitives. Un tel
document prérempli, remis au conducteur, doit nécessairement être complété en
cours de transport par les informations exigées pour le document de suivi ainsi que
par les signatures et éventuelles réserves des intervenants au transport tels que
l’expéditeur, le transporteur, ou le destinataire.
Aujourd’hui, nous vous proposons de substituer totalement une lettre de voiture
électronique au document papier, sachant que les intervenants précités disposent à
tout moment de la faculté d’éditer une version papier à partir des données
enregistrées.
L’histoire commence – je devrais dire “la prestation de transport commence” – à
partir de la saisie préalable des éléments connus à faire figurer sur le document CMR
(expéditeur, destinataire, transporteur, marchandises …) par l’émetteur, qu’il soit
chargeur, commissionnaire ou transporteur, et de son envoi sur le site Internet qui
gère l’ensemble des lettres de voiture.
Prenons l’exemple d’un transporteur dont le siège d’exploitation est situé à
HONFLEUR et qui reçoit de son client “LA MAREE NORMANDE” l’ordre d’enlever ce jour
dans ses entrepôts frigorifiques de TROUVILLE SUR MER, 6 tonnes de poissons variés pour
les livrer à son client allemand “DER FISCHMARKT” à MUNICH, livraison impérative avant
demain 20 mai à 6 heures. Le délai de 15 heures pour accomplir les 1050 km de trajet
est amplement suffisant pour respecter la réglementation sociale des temps de conduite.
Le transporteur FRIGOTRANS, qui n’en est pas à son premier voyage sous
température dirigée pour le compte de son client, établit donc un DUTV (une lettre de
voiture) à partir de ses modèles prédéfinis, en 2 langues : français et allemand, et place
ces informations sur le site Internet, qui sont disponibles en temps réel par l’ensemble
des intervenants munis d’un code d’accès et d’un mot de passe ainsi que du
conducteur, dispensé d’une quelconque identification numérique parce que reconnu
par la carte SIM de son PDA (Personal Digital Assistant).
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Atelier / Workshop 3 : The Electronic Consignment Note / La lettre de voiture électronique
C’est en effet le conducteur du véhicule qui va assurer la saisie complémentaire
des informations : d’abord les heures d’arrivée et de départ du lieu de chargement
pour satisfaire aux exigences du document de suivi, les précisions éventuellement
manquantes relatives à la marchandise (poids, quantité) les possibles réserves qu’il
pourrait formuler et le recueil de la signature de l’expéditeur.
L’ensemble de ces précisions est assuré au moyen du clavier du PDA, les
signatures étant pour leur part formalisées manuellement sur l’écran à l’aide du
crayon-stylet adéquat. Le tout est envoyé comme un simple message électronique email sur le site qui gère l’établissement de toutes les lettres de voiture virtuelles et qui
transformera les signatures en images vectorisées.
Dans notre exemple, le conducteur indiquera qu’il s’est présenté à l’entrepôt
frigorifique de LA MAREE NORMANDE aujourd’hui à 14 h, qu’il en est reparti à 15 h et
que son chargement, conforme au poids et au volume indiqué, n’appelant aucune
réserve de sa part, il apposera sa signature après avoir recueilli celle de l’expéditeur.
Bien entendu chacun des intervenants au transport disposant d’un code d’accès
et d’un mot de passe peut, à tout moment, prendre connaissance de l’état
d’élaboration du document et, partant, de la géolocalisation du véhicule, soit tout
simplement en fonction des précisions calendaires du document de suivi (reparti tel
jour à telle heure du lieu de chargement), soit par une reproduction cartographique
couplée à une identification par système GPS.
Ce soir vers 11 h, si le destinataire veut s’assurer que son chargement est en
route, il pourra interroger le serveur qui lui donnera des informations rassurantes : le
véhicule a bien quitté le lieu de chargement à 17 h ; ou bien, le véhicule se trouve en
ce moment sur l’autoroute en direction de STRASBOURG.
En cas de contrôle sur route, le conducteur présentera son document de transport
virtuel appelé sur l’écran de son PDA, rien ne s’y oppose comme nous l’avons
démontré. La taille de l’écran exige une segmentation de la lettre de voiture mais
chaque compartiment est accessible par les onglets du PDA qui agit comme une
télécommande de nos appareils audiovisuels. Au demeurant, un code d’accès et un
mot de passe au site Internet sont réservés aux autorités de contrôle qui disposent en
permanence d’une faculté de consultation et d’édition des lettres de voiture … par
définition incomplètes !
Le temps presse, nous supposerons que le véhicule de l’entreprise FRIGOTRANS
n’a fait l’objet d’aucun contrôle sur route.
Arrivée au lieu de déchargement, le conducteur prendra soin de compléter son
DUTV comme il le ferait d’un document papier : mentions du document de suivi et
éventuelles réserves contradictoirement validées par les signatures du conducteur et
du destinataire.
Je vous renvoie au brillant exposé du professeur Claringbould pour ce qui
concerne la validité de ces signatures, en précisant simplement qu’un certain nombre
de cas de réserves les plus fréquemment constatées ont été listées pour simplifier leur
mention sur le document.
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Un menu déroulant offre ainsi le choix entre “colis manquant”, “colis mouillé”,
“colis endommagé”, “retard de”, “marchandise refusée”, pouvant être paramétrés et
complétés par une mention spécifique saisie au clavier.
Le même scénario d’envoi de ces informations sur le site Internet se reproduit ; la
lettre de voiture CMR est ainsi consultable en temps réel par chacun des intervenants.
C’est à cet instant que l’option “zéro papier” prend toute son importance : si
pour des raisons diverses (preuve, statistiques, archivage, comptabilité …) un ou
plusieurs intervenants souhaite obtenir et conserver un exemplaire papier de la lettre
de voiture, il a tout loisir de l’imprimer en se connectant sur le site. On peut même
envisager qu’à titre commercial, l’émetteur du DUTV édite et transmette le document
à ses partenaires commerciaux. Le gain de temps est certain puisqu’il n’est pas
nécessaire d’attendre le retour du véhicule pour procéder à la distribution des
exemplaires de la lettre de voiture.
Toutefois, l’intérêt d’une telle édition reste limitée dans la mesure où la
consultation des archives, restreinte ou non aux délais légaux de conservation, s’avère
toujours possible. Dans ces conditions, on peut considérer que dans plus de 80% des
cas, l’édition matérielle de la lettre de voiture sera abandonnée. Après tout, l’essentiel
n’est-il pas que la marchandise arrive à destination intacte et dans les délais
convenus ? Par contre, en cas de litige à l’enlèvement, de verbalisation en cours de
trajet, en cas d’avarie, de manquant ou de retard constaté à la livraison, l’habitude
perdurera d’agir à l’appui d’un document papier, lequel aura néanmoins été élaboré
par procédé informatique accéléré.
Nous façonnons d’abord nos habitudes puis nos habitudes nous façonnent citait
volontiers l’auteur dramatique anglais John Dryden. Gageons que les professionnels
du transport et les juristes qui les accompagnent façonneront de nouvelles habitudes
tirées de la modernité.
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