Rencontre avec les auteurs de l`ouvrage, Aspects fiscaux de la

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Rencontre avec les auteurs de l`ouvrage, Aspects fiscaux de la
Rencontre avec les auteurs de l’ouvrage, Aspects fiscaux de la
comptabilité et technique de déclaration fiscale, Larcier 2013
Vous êtes les auteurs de la quatrième édition de l’ouvrage « Aspects fiscaux de la
comptabilité et technique de la déclaration fiscale », pourriez-vous décrire brièvement
vos parcours professionnels ?
Cette mise à jour de notre précédente édition conserve toujours le concept qui avait fait le succès des
premières éditions rédigées à l’origine par Daniel De Crem et Michel Massart, et tout comme les
auteurs précédents, nous avons nos mêmes spécialités respectives, le droit fiscal et le droit comptable.
Hugues Lamon est associé fiscaliste chez PwC, dans le département M&A Tax. Après 10
ans d’expérience dans la fiscalité internationale, Hugues a développé d’importantes
connaissances en corporate finance et dans tous les aspects fiscaux des acquisitions et
réorganisations d’entreprises. Hugues est ingénieur commercial de la Solvay Business
School of Management, conseil fiscal, analyste financier et diplômé du Mastère en
gestion fiscale de la Business School of Management.
Alexis Van Bavel est associé dans le département d’audit chez PwC, et réviseur
d’entreprises. Avec son portefeuille diversifié de sociétés locales, internationales
et cotées, Alexis a développé une expérience particulière dans l’audit d’états
financiers établis selon les normes belges, IFRS et US GAAP, ainsi que dans le
domaine des comptes consolidés, des questions comptables complexes et des
bonnes pratiques de communication financière pour les sociétés cotées. Alexis est
ingénieur commercial et de gestion (IAG – UCL) et diplômé CEMS Master de la
Community of European Management Schools.
Quelle est l’ambition de cet ouvrage, qui en est donc à sa quatrième édition ? À qui est-il
destiné ?
Cet ouvrage, initialement destiné aux étudiants de la Solvay Brussels School of Economics and
Management, a également pour objet d’offrir aux praticiens de la fiscalité, juristes, comptables et
gestionnaires d’entreprises un support pratique permettant d’apprécier les questions comptables et
fiscales liées aux opérations réalisées par une société belge dans tous les aspects de la vie des affaires
tout en constituant une source de références utiles dans chacune des matières traitées (ex . avis CNC,
normes IFRS, jurisprudence fiscale, etc.).
Cette quatrième édition est une mise à jour au 30 avril 2013 couvrant le traitement comptable et fiscal
applicable aux sociétés belges, analysé de manière systématique sur la base du schéma des comptes
annuels, et incluant également (depuis la troisième édition) une synthèse des normes IFRS selon ce
même schéma.
En ce qui concerne plus spécifiquement le droit comptable, une évolution inquiétante
semble poindre depuis quelques années. Pourriez-vous l’expliciter ?
En effet, nous pourrions dire que le droit comptable européen et belge cherche encore sa voie, que ce
soit à destination des grandes entreprises ou des PME, et que cette recherche est freinée par les
connexions qui existent entre ce droit comptable, le droit fiscal et, dans une moindre mesure, le Code
des sociétés.
L’utilité du droit comptable
Avant toute chose, il faut rappeler l’utilité première et les caractéristiques du droit comptable. Ce droit
vise à fournir à une large gamme d’utilisateurs (direction, actionnaires, fournisseurs, travailleurs, etc.)
des informations sur la situation et la performance financière d’une entreprise, utiles à leurs prises de
décision économique. Pour ce faire, les états financiers doivent être pertinents et donner une image
fidèle de la situation financière et des résultats, et doivent également être comparables avec les
informations comptables d’autres entreprises.
Ces objectifs sont cependant traduits de manières diverses dans chaque pays en fonction de leur
environnement culturel, leur histoire, leur économie ou leurs institutions. Le droit comptable
d’Europe continentale, promulgué par les gouvernements par voie législative, a pour principal objectif
de rendre compte des transactions passées et de calculer un résultat prudent distribuable aux
actionnaires, sans léser les créanciers. Les normes comptables internationales (IFRS) et américaines
(US GAAP), de tendance anglo-saxonne et promulguées par des organismes comptables indépendants,
ont plus pour objectif de donner aux actionnaires une image fidèle de la performance économique de
l’entreprise et des informations sur ses cash-flows.
Les avantages et inconvénients des différentes tendances
Les normes IFRS et US GAAP ont l’avantage d’être mises à jour de manière régulière en fonction de
l’évolution des besoins des utilisateurs des états financiers et des entreprises qui les préparent, et donc
de répondre au mieux à ces besoins. Cette qualité a cependant un coût, qui n’est pas toujours
justifiable pour de plus petites entreprises. Les normes IFRS et US GAAP ont respectivement plus de
3 .400 et 12.000 pages, les normes US GAAP étant plus anciennes, et incluant beaucoup plus de détails
(« cook book ») pour chaque type de transaction. Mais pour une PME, ces normes comptables ne sont
pas complexes, dès lors que son activité reste classique et constante d’année en année ; dans ce cas,
l’application des normes IFRS ou US GAAP demande peut-être un investissement la première année,
mais reste simple par la suite. Et il est également faux de dire que ces normes prônent la juste valeur
générale ou ne respectent pas le principe de prudence ; ce n’est pas le cas, c’est un mythe.
Le droit comptable belge (159 pages) et les directives comptables européennes (58 pages, révisées cette
année sans changement fondamental quant aux règles d’évaluation) n’ont que très peu évolué depuis
plus de 30 ans, et l’on peut se poser la question de savoir s’ils répondent toujours aux besoins des
utilisateurs des états financiers. C’est peut-être pour cette raison que la doctrine comptable continue à
se développer, avec plus de 1.500 pages d’avis de la Commission des Normes Comptables (CNC) à ce
jour. Ces avis étaient nombreux et utiles à l’origine en raison de la nouveauté du droit comptable.
Depuis quelques années, les avis sont de plus en plus inspirés des normes IFRS (pour autant qu’il n’y
ait pas de conflit avec le droit comptable belge), ce qui est une bonne chose pour rencontrer les
objectifs du droit comptable, mais ce qui est une source potentielle de difficultés en raison de la
connexion avec le droit fiscal. De plus, certains avis récents définissent des principes comptables
généraux (instruments financiers, reconnaissance des produits et charges, etc.), ce qui semble
confirmer l’inadéquation actuelle du droit comptable aux besoins des utilisateurs. Ne voit-on pas ici la
CNC évoluer vers un rôle traditionnellement réservé au législateur? Enfin, à ce rythme, le nombre de
pages des avis de la CNC ne va-t-il se rapprocher de celui des normes IFRS, et cela ne va-t-il pas en
plus générer un « cook book » qui est ce que l’on reproche aux normes américaines ?
La solution ?
La solution serait donc d’avoir un seul référentiel comptable de qualité pour toutes les entreprises, qui
permette la comparaison entre elles et la bonne prise de décision par les utilisateurs des états
financiers. Au vu du caractère international de l’économie, ce n’est pas au niveau belge que ce
référentiel comptable devrait être développé, et encore moins au niveau d’un organe national chargé
de développer la doctrine comptable (et non les normes ou la législation). Il faut donc que l’Europe
prenne ses responsabilités en ce sens, aidé par la Belgique et les autres Etats. La récente révision des
directives européennes a réglé la question du coût administratif pour les PME (entre autres en
diminuant le nombre d’annexes aux comptes pour les PME telles que définies au regard des nouveaux
seuils en matière d’obligations comptables), mais n’a pas réglé la question d’un référentiel comptable
européen de qualité.
Ce débat n’est pas nouveau … mais la question n’est pas résolue à ce jour. Lors du passage aux normes
IFRS pour les comptes consolidés des sociétés cotées, banques et compagnies d’assurances
européennes dans les années 2000, la question s’était posée d’également imposer les normes IFRS
pour les comptes annuels des entreprises. Débat vite mis de côté en raison des problématiques de
coûts administratifs pour les PME et de la crise financière. Un référentiel comptable spécifique aux
plus petites sociétés privées, IFRS pour PME, a été mis en place, mais lors de la récente révision des
directives comptables, la Commission Européenne a jugé qu’ IFRS pour PME ne répondait pas
suffisamment aux objectifs de réduction de coûts administratifs (par exemple en imposant un tableau
de flux de trésorerie). A ce niveau, la solution viendra peut-être d’une amélioration dans l’élaboration
des normes IFRS (y compris pour PME), en renforçant la gouvernance par davantage d’implication de
la Commission Européenne, et en s’assurant que les nouvelles normes soient mieux compréhensibles
et limitée à celles qui sont vraiment nécessaires.
Par ailleurs, la problématique de la connexion entre le droit comptable et fiscal subsiste. Mais ceci ne
devrait pas être un obstacle insurmontable, dans la mesure où d’autres pays l’ont surmonté. Et cette
connexion pourra toujours exister, pour autant que les différences fiscalo-comptables (pas beaucoup
plus nombreuses en IFRS qu’en droit comptable belge) soient gérées de manière adéquate par le
législateur.
En conclusion ?
C’est dans ce sens que l’on peut dire que le droit comptable européen et belge cherche encore sa voie,
et cela crée des risques au niveau de la qualité de l’information financière, ou des problématiques
fiscales en raison de la connexion fiscalo-comptable et du développement d’une doctrine comptable
pas toujours parfaitement contrôlée. Il faut briser le mythe de normes IFRS qui prônent la juste valeur
générale ou qui sont beaucoup plus complexes que le droit comptable européen : les IFRS ne
requièrent pas d’évaluer tous les actifs et passifs à la juste valeur (les évaluations au coût historique
amorti existent également), et les avis de la CNC représentent déjà 50% du nombre de pages des
normes IFRS. Au-delà de la récente révision des directives comptables européennes, il est maintenant
urgent que l’Union Européenne (et non des instances nationales de doctrine comptable) prenne ses
responsabilités pour résoudre la question d’un référentiel comptable de qualité. Que ce soit par la
législation ou d’autres mesures destinées à proposer un référentiel comptable de qualité pour les
entreprises européennes.

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