vers la désintermédiation de la relation client

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vers la désintermédiation de la relation client
MÉTIER
56 Veille
COMMUNAUTÉS
VERS LA DÉSINTERMÉDIATION
DE LA RELATION CLIENT ?
Dans cette rubrique, Laurent Deslandres, directeur associé du cabinet Colorado Conseil,
décrypte une tendance ou une innovation. Dans ce numéro, il se penche sur
le phénomène des plateformes dédiées à la relation client extérieures aux marques.
>
La relation client communautaire est une tendance lourde
de nos métiers et l’engagement des
consommateurs est un formidable
enjeu. On pressent bien que la
capacité d’une entreprise à fédérer
une communauté autour de ses
valeurs et ses activités, à créer des
liens, à produire du contenu, à
générer du buzz est un puissant
différenciateur. Les
clients ont envie
d’être impli-
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qués, d’être reconnus et de s’engager dans une relation plus horizontale et moins hiérarchique avec
les marques. C’est un challenge et,
surtout, une chance énorme !
Si l’on s’intéresse au périmètre
spécifique de la relation client, on
constate trois tendances fortes,
correspondant à trois espaces
communautaires distincts. Sur les
réseaux “non brandés”, la relation
client reste marginale. Peu de
clients pensent à Facebook quand
ils ont une demande ou une
réclamation à faire. Twitter est
sans doute plus utilisé, typiquement dans des situations d’urgence. Le client – très souvent
hyperconnecté, bien au fait
des pratiques des réseaux
sociaux – teste, en quelque
sorte, la marque ou alors la
dénonce à l’occasion d’une
situation qu’il juge inacceptable. Mais, de fait,
alors que 30 millions de
Français sont inscrits sur les
réseaux sociaux, les volumes
restent faibles. Et de petites
équipes de community managers suffisent à répondre aux
clients connectés sans avoir à
gérer de véritables enjeux industriels… pour l’instant.
Sur les réseaux sociaux brandés,
appartenant à la marque, la
relation ­communautaire est
un succès majeur, presque
inespéré. On dispose de
nombreux exemples de succès des
communautés, des nouveaux opérateurs télécoms à bas coût (Sosh,
B and You et, bien sûr, Free) à
la fourmilière de Cdiscount ;
nombre de marques ont réussi
à réduire le coût de la relation
client en créant une communauté
relationnelle. Pourquoi mettre à
jour les FAQ, alors que la communauté le fait mieux, plus vite,
et à moindres frais ! Ces communautés où les clients s’entraident
apportent à la fois lien, réactivité
et économies. Leur développement nécessite un certain savoirfaire, la marque défaillante est vite
prise à partie, mais le jeu en vaut
la chandelle.
Des plateformes non
brandées apparaissent
La troisième tendance la plus
significative pourrait changer la
donne. Dans les pays le plus avancés en matière de pratiques communautaires, on observe la naissance de nouvelles plateformes
non brandées, mais dédiées à la
relation client. L’exemple le plus
marquant est Reclame Aqui, un
site de réclamation, au Brésil.
Dans ce pays, fan de digital et
par-dessus tout de communautaire et en avance, sans doute, de
quelques années, un client qui
a une réclamation ne prend pas
la peine d’aller sur le site de la
marque, de trouver le bon formu-
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EN PARTENARIAT AVEC COLORADO
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SCUCI – FOTOLIA
laire ou le numéro
de téléphone. C’est
b e auc oup p lu s
simple et nettement plus
radical : il fait sa demande
sur Reclame Aqui… et
attend. L’identité de l’internaute n’est pas dévoilée. Avant publication, les
réclamations sont validées par
la modération. L’utilisateur peut
indiquer si le problème est résolu
ou pas. La qualité des réponses
des entreprises donne lieu, dans
ce cas, à un classement automatique. À la marque, donc, de
surveiller ce qui s’y passe et de
répondre au client sous peine
d’exposer son insuffisance au
plus grand nombre.
Une plus grande liberté
pour les consommateurs
L’espace de réclamation devient,
ainsi, une plateforme spécialisée,
partagée par les marques, pour
la plus grande commodité des
clients. La relation client communautaire brandée, où les clients
“travaillent” pour les marques,
pourrait trouver son double inversé : une plateforme sur laquelle
les consommateurs demandent
aux marques de se mettre à leur
Laurent Deslandres,
directeur associé
de Colorado Conseil
Il est urgent de sortir
la relation client de l’espace
confiné des SI de l’entreprise.
service. C’est évidemment une
tout autre histoire, du double
point de vue de l’engagement et
du business model de la relation.
Ainsi, après avoir été désintermédiées sur les prix et sur les
avis, les marques pourraient voir
une partie de leur relation client,
l’un des derniers bastions où elles
“tiennent” encore leurs clients, se
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faire à son tour désintermédier !
Et ce n’est pas le seul exemple. La
start-up californienne Instaply
– avec une équipe de fondateurs
français et belges – propose
d’interagir avec les marques de
manière simple, directe, réactive,
à base de “text messaging”. La
disponibilité des vendeurs est, le
plus souvent, un point noir des
enseignes de distribution. Cela
devient d’autant plus complexe
quand il s’agit de les joindre par
téléphone. Instaply se propose
de remédier à cette situation en
mettant directement en contact
clients et vendeurs sur son application de “text messaging” !
L’application donne un accès
direct aux conseillers et vendeurs
aux messages textes sans communiquer de numéro de téléphone.
Quelques entreprises sont déjà
clientes en Europe : Banque
Accord, Tel and Com, Leroy
Merlin Espagne… Ainsi, demain,
rien n’empêchera un client d’envoyer sur cette plateforme un message à deux enseignes concurrentes pour tester la réactivité de
chacune d’elles. Ces initiatives se
rapprochent de la proposition de
VRM (vendor relationship management), où le client émet sa
demande et les fournisseurs inté-
ressés lui répondent. En France,
des sociétés telles que Critizr se
rapprochent de ce modèle.
Pour autant, ces nouveaux dispositifs ne sont pas réellement inquiétants pour les entreprises. Les
marques les plus efficaces sur ces
espaces désintermédiés pourront,
en effet, y trouver un espace de
notoriété. Mais il s’agit clairement
d’une perte de contrôle. Une fois
ce nouveau canal ouvert, difficile,
pour la marque, de maîtriser son
flux de communication. Mettre
en place une relation directe avec
les vendeurs est, a priori, une
bonne idée, mais elle suppose
d’avoir assez de ressources pour y
répondre. Une fois le flux établi, il
sera difficile de revenir en arrière,
car la plateforme n’offre que peu
de possibilités de moduler le flux,
contrairement à un outil interne.
Mais sans attendre l’arrivée de
ces nouveaux modes d’interaction, un constat est à prendre en
compte dès aujourd’hui : il est
urgent de sortir la relation client
de l’espace confiné des SI de l’entreprise, de développer la porosité avec les systèmes extérieurs
(réseaux sociaux, partenaires…).
C’est dans la richesse de son écosystème que se voit la valeur ajoutée de la relation client. ■
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