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DOSSIER N° 2000/1449
COUR D'APPEL DE ROUEN
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 26 JUILLET 2000
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DECISION CONTESTEE :
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JUGEMENT du TRIBUNAL DE COMMERCE de LE HAVRE du
17/03/2000
DEMANDEURS :
Monsieur le Capitaine du navire "Darfur" pris en qualité de
représentant des armateurs propriétaires dudit navire
demeurant c/ l'armateur SUDAN SHIPPING LINE LTD,EI Zubeir Bassa
Street
KHARTOUM (SOUDAN)
Société SUDAN SHIPPING LINE LTD
ayant son siège El Zubeir Bassa Street
KHARTOUM (SOUDAN)
Société BLUE NILE SHIPPING CO LTD
ayant son siège Fortuna Court,block B,1st,2nd,3rd floor,284 Arch
Makarioslll
LIMASSOL- CHYPRE
Représentés par la SCP COLIN-VOINCHET-RADIGUET, avoués
Assistés de Maître SIMON (ROUEN), Avocat,
IDIT
11, rut d i lg Chimpmeslé
76000 ROUEN
Tél. 02 35 71 33 50
Fax: 02 35 88 51 64
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DEFENDEURS :
Monsieur le Capitaine du navire "Happy Feilow", agissant en qualité
de représentant des armateurs propriétaires dudit navire
Société VIGOR TANGERS INC.
Société OTHELLO SHIPPING COMPANY
Société HANSEATIC SHIPPING COMPANY LTD
Société IGUANA SHIPPING AND FIANCNE INC.
Société SLOMAN NEPTUN SCHIFFAHRTS AKTIENGESELLSCHAFT
Société LIQUID GAS SHIPPING LTD
Société NAVIGATION & TRANSPORTS
Société LE CONTINENT
MUTUELLE DU MANS ASSURANCES IARD
Société GAN INCENDIE ACCIDENTS
Société ALLIANZ VIA ASSURANCES
Société COMMERCIAL UNION ASSURANCES IARD
Société ZURICH ASSURANCES
Syndicats des Lloyd"s Underwxriters
Société TERRA NOVA INSURANCE COMPANY LIMITED
Société CONTINENTAL INSURANCE COMPANY
Société NEW-YORK MARINE & GENERAL INSURANCE COMPANY
Société AMERICAN HOME ASSURANCE COMPANY
Société HOUSTON CASUALTY COMPANY
Société RELIANCE NATIONAL INSURANCE COMPANY
Société GRE/ALBANY INSURANCE COMPANY
Société ST PAUL FIRE & MARINE INSURANCE COMPANY
Société SIAT SPA
Société LA MANHEIM
Société SASA
Société LA FONDIARIA ASSICURAZIONA SPA
Société LLOYD ITALICO
Assistés de Maître BRAJEUX (ROUEN), Avocat,
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats et du délibéré :
Mme le Président CREDEVILLE
M. le Conseiller PERIGNON
M. le Conseiller BLOCH
assistés de Mme TEFFE, greffier en chef, lors des débats
DEBATS :
A l'audience publique du 14/06/2000
ARRET CONTRADICTOIRE :
Signé par Mme le Président CREDEVILLE et Mme LECUYER, greffier
présent à l'audience du 26/07/2000 à laquelle M. le Conseiller
PERIGNON l'a prononcé.
FAITS ET PROCÉDURE
Le 20 novembre 1995, les navires "darfur" et "happy fellow" sont entrés
en collision dans l'estuaire de la Seine ; à la suite de cet abordage, deux actions
en responsabilité ont été intentées, l'une à Londres par l'affréteur à temps du
"darfur" et l'autre au Havre par le commandant du "happy fellow" et ses
assureurs ; parallèlement à ces deux actions, un fonds de limitation a été constitué
à Londres le 2 avril 1996 par l'armateur du "darfur".
Outre l'action au fond engagée à l'encontre de l'armateur du "darfur" le
22 décembre 1995, visant à obtenir la réparation intégrale du préjudice subi par
l'armateur du "happy fellow", l'armateur et l'affréteur à temps du navire "darfur"
ont décidé de soumettre leur litige à la juridiction étatique anglaise, alors que la
charte-partie à temps conclue entre les armateurs du "darfur" et la société
Seerederei Baco-Liner Gmbh, contenait une clause d'arbitrage en Allemagne,
pour une action visant à limiter sa responsabilité et à constituer un fonds de
limitation auprès de la High Court à Londres d'un montant de 1,79 millions de
livres sterling, immédiatement après avoir été ainsi assignés par les affréteurs à
temps le 13 mars 1996.
L'armateur du "darfur" soutient que l'appréciation de la limitation de la
responsabilité des défenderesses, qui doit être distinguée de l'action en
responsabilité, relève de la compétence de la juridiction devant laquelle le fonds
de limitation a été constitué. Que cette règle est établie par l'article 6 bis de la
convention de Bruxelles du 27 septembre 1968.
Le tribunal de commerce de terre et de mer du HAVRE, le 17 mars
2000, a :
- rejeté les exceptions de litispendance et de connexité,
s'est déclaré compétent,
- ordonné au capitaine du navire "darfur", à la société Soudan Shipping Line Ltd
et à la société Blue Line Shipping Co Ltd, de communiquer leurs pièces et
conclusions au fond, aux demandeurs et de les déposer au greffe du tribunal avant
le 31 août 2000.
Le tribunal a également fixé une audience de plaidoirie le 6 novembre
2000.
1
L'armateur du "darfur" a formé contredit contre cette décision.
Il soutient, au visa des articles 21 et 22 de la convention de Bruxelles de
1968 que le tribunal doit se dessaisir au profit de la Haute Cour de Londres déjà
saisie de la question et que l'armateur du "happy fellow" et ses assureurs doivent
lui payer 100.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure
civile.
A l'appui de son contredit, il fait valoir que l'exigence d'unicité de
jurisprudence ne peut que conduire à la compétence du juge du fonds de
limitation pour la raison qu'alors qu'il peuty avoir plusieurs juges saisis d'actions
en responsabilité parce qu'il peut y avoir plusieurs créanciers, il n'y a qu'un seul
juge du fonds de limitation car il n'est constitué qu'à un seul endroit et que
l'appréciation de la limitation de responsabilité qui doit être distinguée de l'action
en responsabilité, relève de la compétence de la juridiction devant laquelle le
fonds a été constitué ; qu'il résulte des travaux préparatoires de l'article 6 bis que
cette disposition ne s'applique qu'à l'hypothèse dans laquelle l'armateur
responsable prend l'initiative d'agir contre un ou plusieurs créanciers afin
d'obtenir la constitution d'un fonds de limitation de responsabilité et non au cas
d'une action en responsabilité des demandeurs.
L'armateur du "happy fellow" agissant en qualité de représentant des
armateurs propriétaires du dit navire,
- la société Vigor Tankers Inc,
- la société Othello Shipping Company,
- la société Hanseatic Shipping Company Ltd,
- la société Iguana Shipping and Finance Inc,
- la société Sloman Neptun Schiffahrts Aktienfesellschaft,
- la société Navigation et Transports,
- la société Le continent,
- La Mutuelle du Mans Assurances LARD,
- la société Gan Incendie Accidents,
- la société Allianz Via Assurances,
- la société Commerciall Union Assurances LARD,
- la société Zurich Assurances,
- les Syndicats des Lloyd's Underwriters énumérés ci-dessous Syndicats 0861
( MEB), 0658 (PHJ), 0488 (JCH), 0625 (TMH), 0483 (RCT), 0062 (TFH),
0079 (PJG), 0457 (WTK), 0228 (BGD), 0329 (JLJ), 1183 (ATK), 0672 (LAM),
0034 (DGL), 0575 (JHC), 0102 (KER), 0187 (CRH), 0382 (PWH),
- la société Terra Nova Lnsurance Company Limited,
- la société Continental Insurance Company,
- la société New-York Marine et General Insurance Company,
- la société American Home Assurance Company,
2
- la société Houston Casualty Company,
- la société Reliance National Insurance Company,
- la société GRE/Albany Insurance Company,
- la société St Paul Fire et Marine Insurance Company,
- la société SIAT Spa,
- la société La man heim,
- la société SASA,
- la société La Fondsiaria Assicurazioni Spa,
- la société Lloyd Italico,
ont conclu au rejet du contredit, à la confirmation du jugement, à la
condamnation de l'armateur du navire "darfur" à leur payer 50.000francsau titre
de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
SUR CE,
LA COUR :
Attendu que selon la convention internationale du 19 novembre 1976
"toute personne dont la responsabilité peut être mise en cause peut constituer un
fonds auprès du tribunal ou de toute autre autorité compétente de tout Etat partie
dans lequel une action est engagée pour des créances soumises à limitation".
Attendu d'abord que l'article 6 bis de la convention de Bruxelles du
27 septembre 1968 prévoit :
"Lorsque, en vertu de la présente convention, un tribunal d'un Etat contractant est
compétent pour connaître des actions en responsabilité du fait de l'utilisation ou
de l'exploitation d'un navire, ce tribunal ou tout autre que lui substitue la loi
interne de cet Etat connaît aussi des demandes relatives à la limitation de cette
responsabilité".
Qu'ainsi, l'article 6 bis n'établit nullement une règle suivant laquelle
l'appréciation de la limitation de la responsabilité de l'armateur du "darfur" relève
de la compétence de la juridiction devant laquelle le fonds de limitation a été
constitué, de sorte que la juridiction anglaise devant qui le fonds de limitation a
été constitué aurait seule compétence pour connaître de la demande de limitation
de responsabilité de celui-ci.
3
Qu'en effet, l'article 6 bis prévoit que l'armateur responsable a la faculté
d'agir devant le tribunal compétent pour connaître du fond du litige aux fins de
solliciter la limitation de sa responsabilité et permet ainsi à l'armateur responsable
de faire constater la limitation de sa responsabilité devant une juridiction qui
serait compétente pour connaître du fond du litige ;
Que c'est donc à tort que l'armateur du "darfur" conclut que la règle
prévue à l'article 6 bis de la convention de Bruxelles de 1968 concerne
l'hypothèse dans laquelle l'armateur responsable prend l'initiative d'agir contre
un ou plusieurs de ses créanciers afin d'obtenir la constitution d'un fonds de
limitation, alors que si l'article 6 bis permet au responsable de saisir le tribunal
compétent pour connaître du fond du litige aux fins de voir celui-ci apprécier la
limitation de responsabilité, il ne crée aucune compétence exclusive au profit du
tribunal devant lequel le fonds de limitation a été constitué, ainsi que le laisse
entendre l'armateur du "darfur".
Qu'en l'espèce où il est constant que des actions en responsabilité du fait
de l'utilisation ou de l'exploitation du navire "darfur" ont été portées non
seulement devant le tribunal de commerce du Havre, mais également,
ultérieurement, devant la High Court à Londres, il en résulte que deux tribunaux
pourraient être compétents pour connaître du droit à limitation de l'armateur du
navire "darfur".
Qu'en effet, l'article 6 bis de la convention de Bruxelles n'institue pas un
chef de compétence exclusif et qu'en conséquence, si par application de cet
article, la demande de limitation de responsabilité de l'armateur du "darfur" peut
être portée devant la juridiction compétente à Londres, il est également constant
que le tribunal de commerce du Havre est compétent pour connaître de
l'ensemble du litige, c'est-à-dire du principe même de la responsabilité de
l'armateur du "darfur" mais aussi du droit pour celui-ci de limiter ou non de
responsabilité.
Attendu que selon l'article 21 de la convention de Bruxelles : "lorsque les
demandes ayant le même objet et la même cause sont formées entre les mêmes
parties devant des juridictions d'Etats contractants différents, la juridiction saisie
en second lieu sursoit d'office à statuer jusqu'à ce que la compétence du premier
saisi soit établie" ;
Que selon l'article 22, lorsque des demandes connexes (c'est-à-dire liées
entre elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et juger en même
temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes
étaient jugées séparément), sont formées devant des juridictions d'Etats
contractants différents et sont pendantes au premier degré, la juridiction saisie en
second lieu peut surseoir à statuer.
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Que les juridictions britanniques ont rejeté l'exception de litispendance
soulevée devant elles au motif que les demandes formées devant le tribunal de
commerce du HAVRE et la demande de l'armateur du "darfur" portée devant la
High Court n'ont pas le même objet ni la même cause, de sorte que l'article 21
de la convention de Bruxelles n'est pas applicable.
Que les juridictions britanniques saisies par l'armateur du "happy fellow"
ont estimé que les demandes formées devant le tribunal de commerce du Havre
et la demande de limitation de responsabilité que l'armateur du "darfur" a formée
à Londres sont connexes au sens de cet article et ce, au motif que le juge français,
premier saisi du fond du litige, devra inévitablement connaître de la question de
la limitation de la responsabilité de l'armateur du navire "darfur" et qu'il en
découle qu'il y a risque de jugement inconciliable si les causes étaient jugées
séparément, de sorte que, selon le juge britannique, il y avait lieu de surseoir à
statuer dans l'attente de la décision du tribunal de commerce du Havre.
Que la décision anglaise est, aux termes de l'article 26 de la convention
de Bruxelles reconnue c'est-à-dire a l'autorité de la chose jugée sans qu'il soit
nécessaire de recourir à aucune procédure.
Qu'il s'en suit que l'accueil de l'exception de connexité et le rejet de celle
de litispendance à la High Court, puis par la Court Of Appeal a autorité de chose
jugée en France.
Que d'ailleurs, le tribunal de commerce du HAVRE a été saisi le premier
de la demande, soit le 22 décembre 1995, visant à obtenir réparation intégrale du
préjudice, demande comprenant nécessairement la question de la limitation de
responsabilité de l'armateur alors que la demande de limitation de responsabilité,
formée par l'armateur du navire "darfur", dans le cadre de la procédure qui
l'oppose à son affréteur à temps, n'a été formée qu'en mars 1996.
Attendu que c'est donc à juste titre que le tribunal de commerce du
HAVRE a tiré les conséquences quant à l'exercice de sa compétence, de la
connexité entre les demandes formées par l'armateur du "happy fellow" devant
lui et celle formée par l'armateur du "darfur" devant les juridictions anglaises et
a conclu qu'il convenait de statuer sur le fond et ce d'autant que :
-en premier lieu, les juridictions anglaises ont sursis à statuer dans l'attente de
jugement du tribunal de commerce du HAVRE, de sorte que nul risque de
contrariété de décisions n'existe en l'espèce du fait que le tribunal de commerce
du HAVRE décide de statuer au fond, tant sur la responsabilité de l'armateur du
"darfur" que sur son droit à limiter,
5
- l'abordage a eu lieu dans l'estuaire de la Seine ; les navires ont été remorqués
au port du HAVRE et le "darfur" a fait l'objet d'une saisie conservatoire devant
le tribunal de commerce du HAVRE où une garantie a été émise pour le compte
de l'armateur du "darfur", pour un montant de 14.000.000 de dollars américains
contre mainlevée de la saisie du navire au HAVRE, somme sur laquelle une fois
le jugement sur le fond rendu, l'armateur du "happy fellow" entend se faire
payer,
- la juridiction française dispose, grâce au rapport des experts judiciaires français,
de tous les éléments nécessaires pour déterminer si l'armateur du "darfur" devrait
être ou non autorisé à limiter sa responsabilité,
- la juridiction anglaise ayant déjà sursis à statuer en attendant que le tribunal de
commerce du HAVRE statue sur le droit de l'armateur du "darfur" à limiter sa
responsabilité, il serait contraire à une bonne administration de la justice que ce
tribunal renvoie cette même question devant la juridiction anglaise, alors que les
demandeurs attendent depuis 1995 que ce litige soit tranché par le tribunal
compétent, c'est-à-dire en l'espèce la juridiction française.
Attendu, dans ces conditions, qu'il y a lieu de rejeter le contredit formé
par l'armateur du "darfur" et de confirmer le jugement rendu par le tribunal de
commerce du HAVRE le 17 mars 2000, en ce qu'il s'est déclaré compétent pour
connaître-des demandes des intimées.
Attendu qu'il est inéquitable de laisser à la charge du capitaine
commandant le navire "happy fellow" et à ses assureurs, les frais non compris
dans les dépens exposés à l'occasion du présent litige, à hauteur de 30.000 francs.
PAR CES MOTIFS:
Rejette le contredit formé par l'armateur du navire "darfur" à rencontre
du jugement du 17 mars 2000 rendu par le tribunal de commerce du HAVRE,
Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce du HAVRE en
ce qu'il s'est déclaré compétent pour connaître de l'intégralité des demandes
formées par les intimées devant lui,
Dit que l'armateur du navire "darfur" devra payer à l'armateur du "happy
fellow" et à ses assureurs la somme trente mille francs français (30.000 francs
français) au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Met à sa charge les entiers dépens.
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