Dans le contexte de la mondialisation des échanges, la promotion

Transcription

Dans le contexte de la mondialisation des échanges, la promotion
Rencontre sur la diversité culturelle
au Salon international du livre de Québec
16 et 17 avril 2004
Rapport de la Rencontre
Secrétariat gouvernemental à la diversité culturelle
Direction générale des affaires internationales et de la diversité culturelle
Ministère de la Culture et des Communications
Québec, décembre 2004
•Ministère de la Culture et des Communications
•Société de développement des entreprises culturelles
Table ronde et ateliers
Y ont participé :
Line Beauchamp
Mahamoudou Ouedraogo
Bernard Petterson
Pierre Curzi
Rasmané Ouedraogo
Hélène Raymond
Michel Gautherin
Bouhouch El Houcine
Robert Pilon
Chékou Oussouman
Dominique Sagot-Duvauroux
Christophe Guene
François Rouet
Bernard Boucher
Marc Ménard
Ivan Bernier
Gérald Grandmont
André Dorval
Luc Bergeron
Laurent Cardinal
Baba Hama
Normand Provencal
Philippe Sauvageau
Laurent Lapierre
Roxane Girard
La Rencontre sur la diversité culturelle
a été organisée par
le ministère de la Culture et des Communications
en collaboration avec
la Société de développement des entreprises culturelles et
l’Agence intergouvernementale de la Francophonie (AIF).
Nous remercions
le ministère des Relations internationales
le ministère du Développement économique
et régional et de la Recherche
la Coalition pour la diversité culturelle Canada-Québec
le Salon international du livre de Québec et
tous les participants de leur précieuse collaboration.
Sommaire
Rencontre sur la diversité culturelle: Message de Mme Line
Beauchamp, ministre de la Culture et des Communications du
Québec
Table ronde sur la diversité culturelle
Atelier 1 :
Les coalitions pour la diversité culturelle dans l’espace
francophone
Atelier 2 :
La culture dans l’économie
Atelier 3 :
Le développement durable des industries culturelles dans
les pays en développement
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Rencontre sur la diversité culturelle
Salon international du livre de Québec
16 et 17 avril 2004
(Extrait du dépliant de la Rencontre)
Dans le contexte de la mondialisation des échanges, la promotion de la diversité culturelle
constitue un enjeu majeur qui concerne l’ensemble de la population. Je suis donc très
heureuse que cette rencontre ait lieu dans le cadre d’un événement qui s’adresse à un large
public, tel le Salon international du livre de Québec. Le lieu ne saurait être plus approprié,
cette grande fête du livre étant déjà un hommage à l’immense variété des imaginaires
humains.
Je suis très heureuse de participer à une table ronde avec le ministre de la Culture, des Arts
et du Tourisme du Burkina Faso, M. Mahamoudou Ouedraogo. En compagnie de
représentants d’instances multilatérales, nous y ferons état de la mobilisation internationale
qui cherche à assurer que les États et les gouvernements conservent le pouvoir d’intervenir
en faveur de l’expression et de la production culturelles.
Dans le cadre de cette rencontre, trois ateliers permettront à des experts venus des quatre
coins de la Francophonie d’aborder plusieurs sujets. On y discutera notamment de l’action
des coalitions dans l’espace francophone, de l’importance et de la place de la culture dans
l’économie et dans l’évolution des sociétés, ainsi que des mesures à prendre pour assurer
aux industries culturelles des pays en développement la stabilité qui en fera des
instruments de progrès social, économique et culturel.
Cette rencontre s’inscrit en appui aux démarches de l’UNESCO en vue d’élaborer une
convention concernant la protection de la diversité des contenus culturels et des expressions
artistiques. J’invite le public à assister en grand nombre à cet événement qui témoigne du
dialogue des cultures.
La ministre de la Culture et des Communications,
Line Beauchamp
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Table ronde sur la diversité culturelle
Le 16 avril 2004 à 19 h 30
Scène principale : la Scène des rendez-vous littéraires
Les participants font le point sur les enjeux de la diversité culturelle et sur la mobilisation
internationale qui a pris forme.
Conférenciers :
•
•
•
•
•
Mme Line Beauchamp, ministre de la Culture et des Communications du Québec;
M. Mahamoudou Ouedraogo, ministre de la Culture, des Arts et du Tourisme du
Burkina Faso;
M. Bernard Petterson, directeur de la Culture et du Patrimoine, Agence
intergouvernementale de la Francophonie;
M. Pierre Curzi, coprésident, Coalition Canada-Québec pour la diversité culturelle;
M. Rasmané Ouedraogo, président, Coalition burkinabé pour la diversité culturelle.
Modératrice :
•
Mme Hélène Raymond, animatrice à la radio de Radio-Canada.
En souhaitant la bienvenue aux invités du Burkina Faso et de l’Agence intergouvernementale
de la Francophonie (AIF), dont la présence confère à cette rencontre une portée internationale
qui traduit bien l’enjeu qui nous préoccupe, de même qu’en remerciant les autorités du
Salon international du livre de Québec d’accueillir cette table ronde ainsi que les
organisateurs qui rendent possible cet échange, la ministre de la Culture et des
Communications du Québec, Mme Line Beauchamp, déclare qu’«Un salon du livre
constitue un lieu tout à fait approprié pour discuter des enjeux de la diversité culturelle»
La ministre réitère également l’importance que le gouvernement du Québec accorde à cette
cause qui vise la protection de la diversité des contenus culturels et des expressions
artistiques, et souligne notamment l’étroite collaboration avec les deux autres ministères du
gouvernement très actifs dans ce dossier : le ministère des Relations internationales et le
ministère du Développement économique et régional. Soulignant la profonde conviction de la
pertinence et de la valeur de l'échange et de la concertation qui sous-tend ses interventions
pour faire la promotion de la diversité culturelle, Mme Beauchamp soutient que cette
rencontre constituera une occasion supplémentaire d’enrichir les points de vue des
participants et de renforcer leur engagement quant à la valeur fondamentale de cette
mobilisation.
En guise d’amorce à la discussion, elle développe deux points, en rappelant, d’abord, la
nature et la portée de la mobilisation qui a pris forme en faveur la protection de la diversité
des contenus culturels et des expressions artistiques; ensuite en caractérisant la position du
Québec dans ce débat qui trouve désormais un écho sur tous les continents. À cet égard, elle
souligne notamment que l’objectif que le Québec vise est celui de défendre le droit des États
et gouvernements de soutenir l’expression culturelle de leurs communautés, de leur assurer
un espace culturel propre, tout en favorisant l’accès à l’expression culturelle des autres.
Selon la ministre, la "diversité des contenus culturels et des expressions artistiques" suppose
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que dans les marchés exigus, les gouvernements puissent mettre en œuvre des mesures de
soutien et des politiques culturelles. C’est à cette seule condition que la diversité des
expressions culturelles pourra être encouragée et partagée. Ces mesures de soutien
s’adressent, d’une part, aux créateurs qui sont à l’origine de la chaîne culturelle. Mais elles
s’adressent également aux industries culturelles qui produisent, diffusent et rendent
accessibles la production culturelle aux citoyens. Au même titre que l’environnement, les
droits sociaux, ou les droits de la personne, la protection et le partage de la diversité des
expressions culturelles s’imposent comme une composante de la qualité de la vie, ou comme
une étape de plus dans l’évolution de la société.
À cet égard, la ministre souligne l’engagement, sans ambivalence du Québec en faveur d’une
solution qui assurerait aux États et gouvernements le droit de maintenir et de développer des
mesures de soutien à l’expression culturelle. Ainsi, le Québec veut conserver sa pleine
capacité d’intervenir pour soutenir la culture et, refusera de prendre des engagements de
libéralisation et aura recours aux réserves nécessaires pour préserver ses politiques dans le
cadre de toutes les négociations commerciales. De plus, le Québec appuie l’adoption, par
l’UNESCO, d’une convention internationale sur la diversité culturelle dont l’objet sera de
définir un droit applicable en matière de diversité culturelle et qui sera sur un pied d’égalité
avec les accords commerciaux. Aussi, la ministre exhorte à poursuivre la mobilisation afin de
renforcer les appuis et atténuer les résistances : «L’enjeu est de soutenir l’UNESCO dans sa
démarche, de conforter les appuis et de contrer les résistances au projet de convention et,
plus largement, à l’intervention de l’État en faveur de la production culturelle nationale et de
la régulation d’un accès à une pluralité d’expressions culturelles extérieures». Dans cette
perspective, souligne-t-elle, plusieurs travaux de recherche ont été amorcés au Québec afin
de documenter les sujets qui peuvent soit alimenter l’éventuelle convention, soit développer
des argumentaires et démonstrations en fonction des débats à venir. Ces travaux portent
notamment sur :
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Les rapports que pourrait entretenir la future convention avec les accords
commerciaux déjà signés et avec l’Organisation mondiale du Commerce (OMC);
L’impact de la Convention sur la diversité des contenus culturels et des expressions
artistiques sur le principe de la libre circulation des idées par les mots et les
images;
L’état de la production audiovisuelle nationale dans certains pays;
Le financement des industries culturelles dans les pays en développement.
Pour sa part, le ministre de la Culture, des Arts et du Tourisme du Burkina Faso, M.
Mahamoudou Ouedraogo, souligne le poids de l’environnement international qui conditionne
toute la question de la diversité culturelle. Il situe cet environnement dans le contexte du
développement des sciences et des techniques et leurs nombreuses applications pratiques, de
même que la libéralisation des échanges commerciaux mondiaux, sous l’impulsion de
l’Organisation mondiale du commerce, qui font que le monde soit devenu un "village global".
Selon le ministre, la mondialisation découle de la volonté d’instaurer un monde unifié et,
dans cette optique, seules les considérations économiques sous-tendent cette volonté de
"mondialisation à pas forcés" qui s’impose à toute l’humanité. Pourtant, souligne-t-il, il
semble bien que le progrès accompli par l’humanité jusqu’à nos jours résulte de
l’interculturalité des échanges qui ont toujours caractérisé l’humanité. À cet égard, la culture
peut être un premier vecteur économique car c’est elle qui détermine les habitudes de
consommation.
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Se questionnant sur les fondements de la diversité culturelle, il soutient que le défi pour une
culture est d’être ouverte, alors que dans le même temps elle cherche à se ressourcer en
s’enracinant. Selon lui, les cultures sont toujours la résultante d’un brassage, d’un
métissage, et aucun peuple ne peut échapper à "l’envahissement culturel" venant d’ailleurs :
«Il faut donc reconnaître et apprécier les spécificités culturelles car chaque culture enrichit
l’humanité. Une culture qui disparaît est une perte irréparable pour toute l’humanité»,
soutient-il. Le principe étant acquis que toutes les cultures contribuent à l’expérience
commune de l’humanité, le ministre souligne la nécessité d’une convention internationale sur
la diversité culturelle qui «permettrait alors à chaque pays de choisir librement la voie de
l’épanouissement de sa culture et de permettre à cette culture de pouvoir échanger avec les
autres cultures». Par ailleurs, il exhorte à «travailler aussi à diminuer cette sorte "d’Apartheid
médiatique" qui se concrétise par la fracture numérique entre l’Occident et les pays en
développement, alors qu’au travers du prodigieux développement des moyens de
communications qui mettent en relation toutes les parties du monde, l’opportunité s’offre à
l’humanité, par le dialogue et l’interpénétration des cultures, de cheminer vers un monde de
paix et de progrès où chacun en toute conscience apporte sa pierre à l’édification de la
maison commune».
Le président de la Coalition Canada-Québec pour la diversité culturelle, M. Pierre Curzi,
souligne les avantages pour les États et les gouvernements de se doter de véritables
politiques culturelles. Il faut les préserver à tout prix car elles offrent un rempart à la
libéralisation du commerce international qui se négocie actuellement par le biais d’accords
bilatéraux ou régionaux de libre-échange dans lesquels la culture est malgré elle confrontée
au secteur des biens et services, au même titre que l’acier ou l’agriculture. C’est cela l’enjeu
de la diversité culturelle : «il faut exclure la culture des négociations commerciales et
permettre à tous les pays du monde de développer un espace culturel qui permette de
produire des biens, des services culturels et de les échanger».
D’où la nécessité d’une Convention sur la diversité culturelle : Celle-ci «donnerait un
fondement juridique international, de vraies bases juridiques pour étayer la prétention que
tous les pays dans le monde ont la capacité de développer et de maintenir des politiques
culturelles pour assurer à tous les peuples de la terre un contenu culturel et un espace
culturel qui leur appartiennent. Ces politiques culturelles permettent aux pays d’occuper leur
propre espace culturel et de le préserver quand vient le moment de négocier des accords de
libre-échange. C’est le combat que mène la société civile, regroupée en coalitions pour la
diversité culturelle. Ce combat, elle ne la mène pas seule, mais en collaboration avec des
États et des gouvernements. C’est aussi le sens de la mobilisation qu’elle a engagé à travers
le monde pour l’adoption à l’UNESCO de cette Convention internationale».
Abondant dans le même sens, le président de la Coalition burkinabé pour la diversité
culturelle, M. Rasmané Ouedraogo, souligne qu’il y a "urgence", notamment avec l’échéance
de janvier 2005 où les États sont appelés à déposer à l’OMC la liste des biens et services
culturels qu’ils soumettront à la libéralisation du commerce mondial. D’où la nécessité de
préserver et de promouvoir la diversité culturelle, et d’élaborer une convention internationale
contraignante. La promotion de la culture est une nécessité dans le cas particulier des pays
en développement où une politique nationale de promotion de la culture est encore à l’état
embryonnaire, affirme-t-il. Ces pays, pour la plupart, sont encore aujourd’hui à lutter pour la
reconquête de leur espace culturel, perdu du fait de la colonisation : «C’est pourquoi l’État
doit avoir la totale liberté d’élaborer sa politique culturelle, une politique de soutien à la
culture et à la diversité culturelle».
7
À cet égard, la Coalition pour la diversité culturelle vient en soutien à l’action du
gouvernement pour élaborer une politique culturelle qui puisse prendre en charge la diversité
culturelle, mais elle sert également d’interface entre les États pour rappeler de temps en
temps aux autorités politiques que la culture doit exister par delà les stratégies de
négociations des accords bilatéraux de libre-échange qui font peser des contraintes et des
pressions sur elles. Et c’est là le sens de la mobilisation des Coalitions qui s’organisent pour
se battre au sein de l’UNESCO et d’autres instances pour l’adoption de cet instrument
juridique international, une convention contraignante qui sera le socle juridique qui
confèrera de façon officielle aux États leur liberté d’élaborer leurs politiques culturelles,
conclut M. Rasmané.
Le directeur de la Culture et du Patrimoine à l’Agence intergouvernementale de la
Francophonie (AIF), M. Bernard Petterson, quant à lui, souligne la difficulté qui a malgré
tout permis la poursuite du débat à l’UNESCO pour l’élaboration de la Convention sur la
diversité culturelle, et l’âpreté du combat sur les enjeux de la diversité culturelle. Il précise
notamment le rôle qu’a joué l’AIF au cours de l’année 2003 pour les premiers résultats
obtenus, à côté de ce que fait la société civile dans ce domaine. Une société civile avec
laquelle l’AIF collabore. Il estime qu’il est très important pour les organisations
internationales que la société civile, non seulement à travers les professionnels de la culture,
mais à travers tous ceux qui peuvent être touchés d’une manière ou d’une autre par cette
question, se mobilisent et fassent pression sur les politiques lorsque c’est nécessaire. Il relève
à cet égard que la Francophonie (Organisation internationale de la Francophonie-OIF) a, dès
ses origines, mis au cœur de sa démarche opérationnelle la diversité culturelle et
linguistique, par le biais de ces programmes de soutien, et de coopération Nord-Sud.
Dès lors, la diversité culturelle et linguistique est devenue un sujet de préoccupation
majeure, voire le dossier numéro un de ses préoccupations et de son action. L’OIF a
également milité en faveur de la préparation et de l’adoption d’une déclaration et de faire en
sorte que ce débat et cette préparation se mènent à l’UNESCO qui a été considérée comme
l’organisation la plus adéquate pour traiter ce dossier. Ainsi, elle a d’abord mené des
opérations de sensibilisation et d’information, à travers une série de séminaires, de
rencontres, de présence dans des manifestations ou des forums internationaux, pour que
l’information, la connaissance et l’importance du dossier soient acquises dans tous les États
membres.
Nonobstant toutes ces actions, la Francophonie a enclenché une démarche en vue de
chercher des appuis hors de la zone francophone en déployant un fort lobbying en direction
d’autres aires linguistiques (hispanophones, lusophones, arabophones). Maintenant que le
directeur général de l’UNESCO a reçu mandat de préparer un avant-projet d’instrument
international sur la diversité culturelle et mis effectivement sur pied un groupe d’experts
pour l’élaborer, l’OIF essaie d’anticiper le plus possible, mais surtout d’être extrêmement
vigilante jour après jour sur ce qui se passe pour mettre les États et les gouvernements qui
souhaitent l’aboutissement de ce travail en situation de faire-valoir leur point de vue et de
réagir si nécessaire. Elle le fait également à travers la production d’études qu’elle confie à des
experts sur des thèmes en lien avec la Convention. Elle a aussi mis sur pied une cellule de
veille, constituée d’experts, pour nourrir le débat et continuer, par leur présence à toutes les
réunions internationales, à sensibiliser et à mobiliser tous ceux qui croient à la diversité
culturelle et qui souhaitent sa préservation.
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Atelier 1 :
Les coalitions pour la diversité culturelle dans l’espace
francophone
Le 17 avril 2004 à 10 h 30
Salle 202
Conférenciers :
•
•
•
•
M. Pierre Curzi , coprésident, Coalition Canada-Québec pour la diversité
culturelle;
M. Rasmané Ouedraogo, président, Coalition burkinabé pour la diversité
culturelle;
M. Michel Gautherin, Coalition française pour la diversité culturelle;
M. Bouhouch El Houcine, Coalition marocaine pour la diversité culturelle.
Président d’atelier :
• M. Pierre Curzi , coprésident, Coalition canadienne pour la diversité culturelle.
Modérateur :
• M. Robert Pilon, vice-président, Coalition Canada-Québec pour la diversité
culturelle.
La société civile s’est engagée activement dans la défense de la diversité culturelle. Dans
plusieurs pays, des coalitions ont émergé et se sont organisées pour influencer le débat. Le
but de l’atelier est de faire le point sur le travail des coalitions et le développement de
coalitions dans les pays du Sud, de concevoir des manières de renforcer les coopérations et
les échanges. Par ailleurs, dans le contexte du prochain Sommet de la Francophonie qui se
déroulera à Ouagadougou en novembre 2004, l’atelier examine la possibilité d’organiser un
rassemblement des milieux culturels de la Francophonie, notamment les coalitions
existantes, de manière à faire le point sur l’évolution de leurs travaux et à en rendre compte
aux chefs d’État et de gouvernement membres.
Le débat :
L’atelier aura permis de faire le point sur le développement des coalitions notamment
dans les pays du Sud. Aussi, a-t-il permis également de discuter : de la synergie possible
de la relation entre les pouvoirs publics et les coalitions; de la stratégie, de la mobilisation
et de la concertation entre les pouvoirs publics et les organisations professionnelles de la
culture tant en ce qui concerne le processus des accords bilatéraux de commerce et
l’objectif d’avoir une bonne convention à l’UNESCO et de faire en sorte qu’elle soit adoptée
par la majorité requise des deux tiers; de la stratégie actuellement en cours aux ÉtatsUnis qui consiste à passer des accords de libre-échange, incluant les secteurs de
l’audiovisuel et du numérique. Cette stratégie inquiète et renforce une volonté de
mobilisation et d’actions conjointes.
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Les intervenants reconnaissent qu’on assiste à un phénomène d’un genre nouveau dans
la relation entre les pouvoirs publics et la société civile relativement au dossier de la
diversité culturelle : on assiste à l’émergence et à l’affirmation d’une valeur qui est la
culture par opposition au "tout-à-l’économique" qui est un peu le résultat du processus de
mondialisation dans lequel on est engagé. C’est aussi l’établissement d’un rapport de
forces entre le politique et l’économique, puisqu’au bout du compte il s’agit de réaffirmer
la capacité des États et des gouvernements de réguler dans une perspective de bien public
l’activité culturelle, de la soutenir et de la protéger par des politiques culturelles.
À cet égard, on assiste à une mobilisation internationale qui prend appui à la fois sur les
interventions des États et des pouvoirs publics et sur l’action très active de la société
civile, constituée d’une part d’organisations professionnelles de la culture regroupées au
sein de coalitions pour la diversité culturelle, ainsi que, d’autre part, de milieux
scientifiques ou académiques qui jouent un rôle dans ce processus. Dans ce contexte, les
travaux d’universitaires, à savoir, par exemple, l’Évaluation de la faisabilité juridique d’un
instrument international sur la diversité culturelle (Rapport Ivan Bernier/Hélène RuizFabri), constituent la genèse de la convention sur la diversité culturelle.
Cette contribution scientifique est venue en interaction avec l’initiative des gouvernements
qui l’ont sollicitée, et démontre les interactions constantes entre les pouvoirs publics et la
société civile dans l’effort de mobilisation en faveur de la diversité culturelle pour qu’à
l’UNESCO on ait une convention efficace, porteuse de résultats, adoptée par le plus grand
nombre pour qu’elle soit légitime, et qu’au moment de son adoption, les négociations
commerciales qui continuent de se poursuivre en bilatéral ne conduisent pas à une
érosion du pouvoir des États de soutenir la culture. L’atteinte de ce résultat fait appel,
d’une part, à des interventions politiques, aux mécanismes de la diplomatie traditionnelle
et, d’autre part, à l’action internationale de la société civile (diplomatie civile), aux efforts
de recherche et de développement d’expertises, au développement des réseaux et à la
mobilisation de l’opinion publique.
Les intervenants admettent que dans une mobilisation internationale qui vise la définition
d’un droit nouveau, l’émergence et l’affirmation d’une nouvelle valeur, qui est la place de
la culture dans la société, puis le rétablissement d’un certain rapport de forces, on assiste
à une synergie particulière qui se traduit par une certaine complicité entre pouvoirs
publics et société civile et la conjugaison des modes d’intervention traditionnelle et des
modes d’intervention d’un type nouveau, à savoir l’action mobilisatrice de la société civile
Reconnaissant que la culture n’est pas marginale et qu’elle constitue une valeur humaine,
les participants réitèrent la nécessité d’une recherche de cohésion en fédérant leurs
énergies pour répondre aux enjeux de la Convention à l’UNESCO. Ils affirment notamment
leur désir d’accélérer le processus en vue des grands rendez-vous de l’UNESCO en 2005
en postulant que le caractère contraignant de la convention sera atteint si la majorité des
États s’engagent pour la soutenir.
Les constats :
•
Les intervenants reconnaissent l’importance du soutien de la société civile (milieux
culturels et académiques), mais aussi et davantage des chefs d’État et de
gouvernement, de leur ministre des Affaires étrangères de qui relèvent
habituellement les ambassadeurs à l’UNESCO et à l’OMC, et de leur ministre du
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Commerce international. En ce sens, ils soulignent la nécessité pour les
organisations culturelles de faire valoir leur position d’abord auprès de l’ensemble
des membres d’un même gouvernement pour mobiliser l’appareil gouvernemental
et propulser l’enjeu de la diversité culturelle.
•
Ils affirment leur volonté de ne pas se substituer aux gouvernements, mais de faire
valoir auprès de ceux-ci la conviction que l’enjeu des négociations concernant le
secteur culturel ne peut être considéré dans son aspect purement commercial. En
ce sens, ils considèrent que la culture ne peut pas devenir un élément du marché,
de l’échange. Ainsi, aucun État ne peut se prévaloir des enjeux de la culture
comme monnaie d’échange dans les négociations commerciales internationales.
•
Plusieurs experts conviennent de la nécessaire concertation entre les organisations
culturelles organisées en coalitions pour la diversité culturelle et les pouvoirs
publics. Le débat qui a cours a favorisé l’émergence d’une «diplomatie civile»
témoignant d’une volonté de réseautage, de mobilisation internationale, et de la
nécessaire mise en place d’un régime de droit parallèle apte à protéger la culture.
•
Remettant en cause l’idée d’«équilibre», les intervenants ont avancé l’idée que la
culture pouvait primer sur le commerce en s’insérant sous une forme de droit
moral qui ne pourrait être contourné par le marché.
•
Les participants s’entendent sur la nécessité de poursuivre le travail de
mobilisation et de sensibilisation notamment en Europe et au sein des pays en
développement (PED). En Europe, par exemple, où paradoxalement il n’existe de
Coalition qu’en France, l’enjeu se situe dans le cadre du Traité de Maastricht et de
la nouvelle constitution européenne qui ne vont pas très loin sur les questions de
culture. Et les Coalitions ont notamment à développer un vrai travail en Europe sur
l’affirmation de la diversité culturelle. Cette affirmation que la diversité doit être
défendue et doit être maintenue et qu’aucun pays ne doit la contester.
•
Dans la réalité, la Constitution européenne laisse encore une énorme place au
caractère prioritaire du respect des règles de la circulation des échanges
commerciaux et des règles de la concurrence et si on n’y prend pas garde, quelque
part, ce qu’on dénonce au plan international au regard du poids de l’OMC, on la
connaît aussi en macroéconomie au regard de l’Europe. C’est pourquoi la Coalition
française a dans son plan de travail à court terme un programme de visites et
d’organisation de réunions avec un certain nombre de pays en Europe et,
particulièrement en considération de la situation des 10 nouveaux pays entrants
dans la Communauté européenne qui, pour certains d’entre eux, sont déjà
extrêmement engagés dans un processus d’accord de libéralisation avec les Étatsunis sur lequel un certain nombre de leurs capacités d’intervention en matière
audiovisuelle sont déjà pour le moins entamées. À cet égard, un argumentaire, en
préparation, doit faire la démonstration que la diversité culturelle et l’émergence
d’industries culturelles peuvent constituer des leviers de développement
économique s’inscrivant du reste dans une perspective de développement durable.
•
Les intervenants ont souligné que la vigilance, la transmission du savoir, la
circulation de l’information, la pression et le lobbying sont autant de mots d’ordre
dans la poursuite de la mobilisation internationale en faveur de la convention sur
la diversité culturelle.
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Les pistes d’actions :
1. Efforts de mobilisation en direction d’autres pays pour susciter la création de
coalitions (Togo, Bénin, Mali, Belgique, Irlande, Colombie, Brésil, Pérou);
2. Renforcement de la coopération entre les coalitions existantes par des
programmes de mobilisation transversale (regroupements régionaux);
3. Profiter des sommets et forums internationaux pour susciter l’engagement de
pays qui n’ont pas encore adhéré au principe de la Convention de l’UNESCO
pour une participation collective à la défense de la diversité culturelle;
4. Collaborer étroitement avec la Coalition coréenne pour la diversité culturelle à
l’organisation des Troisièmes Rencontres internationales des organisations
professionnelles de la culture à Séoul du 1er au 4 juin 2004; participation
attendue de délégués d’organisations professionnelles de plus de 50 pays;
attention particulière accordée aux pays d’Asie; organisation d’une réunion du
Comité international de liaison des Coalitions pour la diversité culturelle (CILCDC) au cours des jours précédents le début des rencontres;
5. Organisation d’une rencontre réunissant des délégués d’organisations
professionnelles d’une douzaine de pays des Amériques en marge de la
Deuxième Réunion interaméricaine des ministres et hauts fonctionnaires
gouvernementaux chargés des politiques culturelles de l’OÉA prévue à Mexico à
la fin du mois d’août 2004; attention particulière accordée aux pays leaders
d’Amérique latine ainsi qu’aux pays de cette région engagés dans les
négociations d’accords bilatéraux de libre-échange avec les États-Unis (missions
ponctuelles préparatoires en Colombie, au Pérou et au Brésil en juin 2004);
organisation d’un forum de dialogue avec les ministres de la Culture de l’OEA;
intervention de représentants du CIL-CDC auprès des ministres de la Culture
réunis à Mexico;
6. Organisation d’une «Opération UNESCO» à Paris en septembre ou octobre
2004 : séminaire portant sur les attentes des professionnels de la culture à
l’égard du texte de la convention sur la diversité culturelle; rencontres ciblées
avec les ambassadeurs à l’UNESCO du groupe de pays leaders; réunion
éventuelle du CIL-CDC au cours des jours précédents;
7. Présence d’une délégation du CIL-CDC à la rencontre annuelle des ministres de
la Culture du Réseau international sur la politique culturelle (RIPC) à Shanghai
en Chine en octobre 2004; réunion éventuelle du CIL-CDC à Shanghai au cours
des jours précédents la rencontre du RIPC;
8. Organisation d’une rencontre réunissant des délégués d’organisations
professionnelles d’une quinzaine de pays de la Francophonie, en grande
majorité des délégués de pays d’Afrique francophone, à l’occasion du Sommet
des chefs d’État et de gouvernement de la Francophonie au Burkina Faso en
novembre 2004; intervention de représentants du CIL-CDC auprès des chefs
d’État et de gouvernement réunis à Ouagadougou.
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Atelier 2 :
La culture dans l’économie
Le 17 avril à 13 h 30
Salle 202
Conférenciers :
•
•
•
•
•
M.
Chékou
Oussouman,
responsable
de
programme,
Agence
intergouvernementale de la Francophonie;
M. Dominique Sagot-Duvauroux, professeur à l’Université d’Angers;
M. Christophe Guene, directeur de SOFI, Belgique;
M. François Rouet, chargé d’étude, Ministère de la Culture de France;
M. Marc Ménard, économiste, Société de développement des entreprises
culturelles (SODEC).
Président d’atelier :
• M.
Chékou
Oussouman,
responsable
intergouvernementale de la Francophonie.
de
programme,
Agence
Modérateur :
•
M. Bernard Boucher, directeur général politiques, communications et relations
internationales, Société de développement des entreprises culturelles (SODEC).
L’économie de la culture n’est pas une économie comme les autres. La culture crée de
l’emploi, génère une part du PIB et contribue à l’économie des pays développés. Comment
peut-elle contribuer à renforcer l’économie des pays en développement ? Quelles sont les
logiques économiques qui traversent le secteur culturel ? Peut-on préserver la diversité
culturelle dans une économie de marché ? Le but de l’atelier est de réunir un groupe
d’économistes et de spécialistes de l’économie de la culture des pays francophones afin de
partager un certain nombre de constats sur les facteurs qui contribuent à déterminer les
caractéristiques spécifiques de l’économie de la culture. À partir de ces observations,
l’atelier aura à établir une proposition qui serait de nature à favoriser une sensibilisation
des pouvoirs publics, des agents économiques et culturels des pays en développement.
Le débat :
La place grandissante de l’économie de la culture dans les pays développés est
régulièrement soulignée, statistiques à l’appui. Par exemple, l’UNESCO affirme que les
industries culturelles créent vingt fois plus d’emplois que les autres secteurs et que le
chiffre d’affaires généré par l’ensemble des entreprises culturelles dans le monde s’élevait
à 831 milliards de dollars en 2000. Malgré ces affirmations, encore peu d’économistes ou
de spécialistes se sont arrêtés à situer la place de l’économie de la culture dans le
discours économique et à comprendre les caractéristiques spécifiques de ce segment de
l’économie.
Les participants reconnaissent qu’à chaque fois qu’on remue les arguments économiques
autour des questions relatives à l’économie de la culture, on voit comment les forces de
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marché peuvent remettre en cause des situations à cause des tensions constantes entre la
culture et le commerce, mais, ils s’entendent pour dire que la culture est au cœur de
l’économie et de la société de l’information. Par exemple, en France, en 2002, la culture
représentait 4,6 % des dépenses des ménages, soit 38 milliards d’euro, ce qui démontre
bien que la culture a une valeur marchande. C’est pourquoi, d’un point de vue
stratégique, la culture ne doit pas être un élément de négociation entre les pays dans les
négociations commerciales bilatérales ou multilatérales.
À partir du moment où les biens culturels sont "marchandisées" et industrialisés, il est
évident qu’on peut et on doit avoir un discours économique sur cette facette importante
qu’est la culture. Malheureusement, la vision économique traditionnelle (modèle néoclassique), fondée sur les notions d'efficience des marchés concurrentiels et de rationalité
des agents économiques, n’apporte pas de réponse à la question de l’économie de la
culture. Cette vision considère que le marché assujettit tous les biens, culturels ou non,
aux mêmes forces de la loi de l'offre et de la demande. Cela constitue, d’une part, une
vision appauvrie des marchés culturels et artistiques et, d’autre part, une vision simpliste
de l'être humain, réduit à un homo oeconomicus hyperrationnel, égoïste, maximisateur de
son utilité personnelle et dénué d'émotions;
Toutefois, il est possible de dépasser cette vision réductrice en puisant à même les
travaux économiques relativement récents qui se sont penchés sur les nouvelles
caractéristiques des économies contemporaines. Les recherches théoriques sur l'économie
de l'information, sur la croissance endogène tirée par le savoir et sur ce qui a été qualifié
de «nouvelle économie», nourries par une analyse empirique de la réalité culturelle,
peuvent permettre de mieux comprendre les particularités non seulement des biens
culturels eux-mêmes, mais aussi des comportements économiques spécifiques qui en
découlent. On peut ainsi démontrer d’un point de vue strictement économique qu'un bien
culturel ne doit pas être considéré comme n'importe quel autre bien.
Les constats :
Devant la difficile articulation commerce-culture, les experts ont débattu sur certains
facteurs qui peuvent déterminer les caractéristiques de l’économie de la culture :
ƒ
Un bien culturel, parce qu'il constitue un bien d'information et un bien
symbolique, porteur d'identité, de valeurs et de sens, possède un ensemble de
caractéristiques qui le distinguent des biens matériels typiques de la révolution
industrielle. Ce point de vue, sociologique et anthropologique, repris par
l'UNESCO, constitue un argument solide en faveur d'un traitement particulier à
accorder aux biens culturels.
ƒ
L’économie de la culture ne s’inscrit pas dans le registre de l’économie classique
basée sur les échanges, la concurrence, l’offre et la demande. Cependant, il
convient de reconnaître que toutes les formes d’activités culturelles (artisanales
ou expérimentales) s'insèrent dans une logique économique dès lors qu'elles
sont confrontées au jeu de l'offre et de la demande. De même les activités
culturelles les plus simplifiées ou les plus commerciales constituent bien de la
culture, à partir du moment où il y a production et diffusion de sens.
15
ƒ
Pour de nombreux produits culturels, il existe une dimension économique qui
est essentielle à leur production, à leur diffusion et à leur consommation. Et
c'est cette dimension économique, nourrie et élargie par la marchandisation et
l'industrialisation, qui a largement favorisé, non seulement le développement
fulgurant des industries culturelles, mais aussi la démocratisation de l'accès à
la culture.
ƒ
Il est important de faire la distinction entre les marchés culturels d'oeuvres
uniques et les marchés de biens culturels industrialisés. Si tous deux sont
soumis aux lois du marché, dans le second cas, la reproduction de l'oeuvre en
multiples copies se caractérise par un investissement et une valorisation de
capitaux importants, par une certaine mécanisation de la production et par la
division du travail.
ƒ
Un bien culturel est coûteux à produire et très peu coûteux à reproduire. Un
bien culturel fait l’objet d’un important travail de création : chaque produit
culturel, même s’il est produit de façon industrielle est d’abord une production
unique qui relève d’une création dont le fondement est d’abord extra
économique. De ce fait, le processus créatif est très difficile à contrôler, prévoir
et rationaliser et de cela découle un marché de travail culturel fort particulier.
ƒ
Différents traits des biens culturels expliquent l'existence de rendements
croissants à la fois dans la production et dans la demande, ce qui se traduit par
des comportements économiques particuliers de la part des producteurs. La
structure de coût et les marchés de type «le gagnant rafle tout» se traduisent par
le paradoxe suivant : une multiplication des produits et des entreprises, d'un
côté, la concentration des ventes sur un petit nombre de produits et la
concentration des entreprises, de l'autre. L'«effet de taille», essentiel à la mise en
place d'un certain nombre de stratégies de gestion du risque et de maximisation
des possibilités de succès, rend particulièrement difficile la survie des petits
producteurs, plus encore s'ils oeuvrent dans des marchés eux-mêmes réduits.
ƒ
Par conséquent, il y a une tendance à ‘’l’atrophisation’’ des lieux de diffusion de
la culture, c'est-à-dire de lieux de rencontre entre producteurs et
consommateurs au bénéfice de la concentration de grands groupes (4 majors
contrôlent 80% du marché mondial du disque) qui contrôlent la distribution et
non la production et standardisent face à l’abondance des biens à consommer :
mécanismes de financement; coupes dans les investissements; abus de position
dominante.
ƒ
Cependant, on reconnaît l’importance de la présence de la culture à la vie
économique (tourisme, restauration du patrimoine, etc.), et le rôle des activités
économiques comme facteur de structuration de l’économie; la culture est un
élément essentiel au cœur de l’économie : son rôle au sein du secteur de
l’information, de l’innovation, voire de la nouvelle économie; la culture comme
consommation intermédiaire (la culture et les arts possèdent une valeur de
développement aux formes très diverses) et qui devient alors un vecteur
d’externalité : les productions artistiques contribuent à former des compétences
et à fournir des références; la diversité culturelle comme facteur de
développement économique notamment pour les PED.
16
ƒ
Le lien entre les deux notions passe, d’une part, par la pluralité des créateurs et
des producteurs culturelles, et passe aussi par le fait que les filières culturelles
possèdent une véritable écologie d’innovation et fonctionnent bien à la diversité.
Il passe aussi par le fait qu’au sein de la société, il y ait une véritable
sensibilisation et une véritable valeur accordée aux modes d’expressions
culturelles d’une part, et aussi à l’innovation. Ceci implique par conséquent
deux domaines dans lesquels il y a une nécessité d’action publique ou collective
qui se pose peut-être de manière différente suivant l’état de développement des
pays, mais qui se pose à eux.
Les recommandations :
1. Les experts ont rappelé le danger de centrer uniquement le débat sur la
«production» et de négliger l’aspect «consommation» en expliquant que sans
commercialisation, l’échange culturel n’a pas lieu et que la production culturelle
est dès lors vaine.
2. Les experts ont manifesté leur inquiétude devant la tendance à la diminution des
lieux de diffusion de la culture, à la concentration de la production, au dérapage du
marché et aux abus de positions dominantes notamment en matière de cinéma.
3. Paradoxalement, on assiste à une diversité de l’offre, mais à une concentration de
la demande. La production se diversifie, or, la demande est influencée par les
médias, les critiques, et en bout de ligne, il n’est « consommée » qu’une très faible
partie des produits culturels (souvent ceux-là mêmes qui bénéficient d’un puissant
marketing.
4. Or, la diversité culturelle implique une production diversifiée, mais aussi une
accessibilité plus large pour le consommateur. Et, c’est cette accessibilité qui
semble aujourd’hui menacée par la présence de ce que les experts appellent les
«oligopoles à franges» qui limitent le risque par la concentration et l’intégration
culturelles élevant les barrières pour toute autre forme de concurrence.
5. Il faut donc veiller à ce que des œuvres diversifiées puissent être produites partout
dans le monde (diversité de l’offre). Mais, il faut également veiller à ce que ces
œuvres diversifiées produites partout dans le monde puissent effectivement
rencontrer leurs publics (diversité de la demande). La conciliation de ces deux
préoccupations soulève notamment le problème des enjeux en termes de politiques
publiques et du rôle des organisations internationales, car sans interventions
publiques, il n’y a pas de diversité, mais il y a simplement une standardisation des
genres et des productions. D’où la nécessité des mesures de soutien tant à la
création qu’à la mise en place de canaux de distribution et de diffusion à l’abri des
logiques commerciales.
6. Le combat de la diversité culturelle passe donc inévitablement par la capacité des
États de soutenir la culture par des politiques publiques; par une clarification du
partenariat Nord/Sud; par un transfert des savoirs et un raisonnement
économique qui tiennent compte de la consommation et de la volonté d’accéder à
une diversité des expressions culturelles; par la promotion d’opérateurs culturels.
17
Atelier 3 :
Le développement durable des industries culturelles
dans les pays en développement
Le 17 avril à 16 h
Salle 202
Conférenciers :
•
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•
•
•
•
M. Bernard Petterson, directeur de la Culture et du Patrimoine, Agence
intergouvernementale de la Francophonie;
M. Baba Hama, secrétaire général, Festival panafricain du cinéma et de la
télévision de Ouagadougou (FESPACO);
M. Normand Provencal, administrateur, Association internationale des librairies
francophones;
M. Philippe Sauvageau, directeur du Salon international du livre de Québec;
M. Laurent Lapierre, titulaire, Chaire de Leadership Pierre-Péladeau;
Mme Roxane Girard, directrice générale financement des entreprises, Société de
développement des entreprises culturelles (SODEC).
Président d’atelier :
• M. Philippe Sauvageau, directeur du Salon international du livre de Québec.
Modérateur :
• M. Gérald Grandmont, sous-ministre adjoint aux politiques, au patrimoine et
aux affaires interministérielles, Ministère de la Culture et des Communications.
L’atelier a permis d’examiner de quelle façon les organismes multilatéraux et les pays
développés peuvent adapter leur contribution en faveur des pays du Sud en matière de
développement des industries culturelles. Les participants ont proposé de nouvelles façons
d’appréhender les enjeux qu’impliquent l’implantation et la gestion de projets favorisant le
financement des industries culturelles dans les pays en développement, à partir
d’expériences tirées de projets réalisés sur le terrain. Ils ont notamment proposé certaines
voies à emprunter pour relever les défis qui attendent non seulement les entrepreneurs
culturels, mais également les gouvernements des pays du Sud dans ce secteur.
Certaines expériences ont été relatées :
ƒ
ƒ
Il s’agit notamment d’une collaboration entre la Société de développement des
entreprises culturelles (SODEC) et l’Agence intergouvernementale de la
Francophonie (AIF) visant l’implantation du Fonds de garantie des industries
culturelles (FGIC) dont l’objectif était de mettre en place un outil qui favorise l’accès
au financement de type bancaire pour les entreprises et organismes culturels de six
pays d’Afrique où l’entrepreneuriat culturel représentait une masse critique
satisfaisante;
Il s’agit également de l’expérience de l’Association internationale des librairies
francophones (AILF) dans sa démarche de briser l’isolement des libraires; d’offrir
18
ƒ
des moyens de formation adaptés aux réalités des libraires; de négocier des
ententes macro-économiques avec les éditeurs, les distributeurs et les diffuseurs et
finalement exercer des représentations auprès de diverses instances afin
d’améliorer les conditions d’acheminement du livre dans les pays en
développement;
Il s’agit aussi d’approches méthodologiques en matière de gestion pour un
développement durable des industries culturelles.
Trois grands enjeux ont orienté les discussions :
1. Comment intéresser les États, notamment les pays africains, aux industries
culturelles comme potentiel de développement économique ? On sait que les biens
et services culturels sont porteurs d’identité et de valeur, et sont considérés, au
sens de la Déclaration universelle de l’UNESCO sur la diversité culturelle, comme
«patrimoine commun de l’humanité (…) aussi nécessaire pour le genre humain
qu’est la biodiversité dans l’organisme vivant». La production de ces biens et
services est aussi créatrice d’emploi et de richesses économiques et génèrent des
recettes mondiales importantes. Ainsi, plusieurs créateurs, issus des pays du Sud,
permettent aux multinationales de générer des revenus non négligeables : la
Banque mondiale estimait à quelque 1,5 milliard de dollars la vente annuelle de CD
de world music d’inspiration africaine dans le monde. De ce montant, l’Afrique tout
entière ne récolterait que 0.43% des recettes.
2. Comment accompagner le développement des entreprises culturelles dans les pays
du Sud ? Les PME culturelles, généralement sont peu structurées, sont souvent
dirigées par des entrepreneurs, eux-mêmes artistes, qui ont choisi de s’autoproduire faute de structures existantes pour les encadrer. Or, on sait que le
développement des PME culturelles passe aussi par la création d’unités de gestion
et par une professionnalisation des différentes fonctions, notamment de
production, de mise en marché et de diffusion.
3. Comment développer le marché et accroître son autosuffisance ? On sait que les
produits culturels africains ne circulent pas suffisamment, et que les échanges
entre pays du Sud sont limités.
Constats :
ƒ
Le peu d’intervention de l’État dans le secteur de la culture engendre des
conditions difficiles pour le développement des entreprises culturelles et menace
leur survie. Bien que l’on puisse comprendre pourquoi la culture ne fait pas partie
des priorités dans les pays où les besoins en santé et en éducation, par exemple, ne
sont pas comblés de façon minimale, il n’en reste pas moins que l’absence de
politiques, de législations et de fiscalité favorables au développement d’entreprises
culturelles, d’une part, et de programmes d’aides à la création de ces entreprises,
d’autre part, font que le financement bancaire ne peut répondre à lui seul à toutes
les conditions qui, dans les pays du Nord, permettent aux entreprises de produire
et de diffuser la culture;
ƒ
L’économie informelle, dans laquelle oeuvrent nombre d’entreprises, les maintient
dans une marginalité quasi totale. On comprend qu’il y ait peu d’incitatifs à
s’inscrire dans l’économie formelle, vu l’absence d’avantages, notamment fiscaux,
19
offerts par l’État en même temps que cela les éloigne de l’accès aux crédits
bancaires;
ƒ
La faiblesse du marché intérieur pour les produits culturels obère la capacité de
rémunérer correctement les entrepreneurs culturels, conjuguée avec la difficulté
chronique qu’ont ces entrepreneurs d’exporter leurs biens et services culturels
même dans les pays voisins. Il s’agit d’un marché lui-même informel où le piratage
occupe une place importante;
ƒ
Le phénomène grandissant du piratage qui grève non seulement un marché déjà
faible mais qui évolue dans le secteur de l’économie informelle du fait de l’absence
d’État. Le piratage devient un véritable fléau qui ne permet pas aux entreprises
d’être rémunérées pour leurs services. Cependant, si des structures informelles se
mettent en place on constate que dans le même temps les gouvernements affirment
de plus en plus leur volonté de mettre en place des politiques culturelles (ex. : Le
Burkina Faso et la vitalité de ses secteurs culturels);
ƒ
L’intervention des pays du Nord qui a traditionnellement été tournée vers la
réalisation de projets, n’a pas nécessairement favorisé le développement
d’entreprises culturelles. La plupart des entreprises sont créées grâce aux avoirs
personnels d’entrepreneurs africains, et, à cet égard, l’aide par projet se soucie
avant tout de la finalité du projet et n’a pas pour préoccupation d’assurer la
continuité. Aussi, l’aide apportée par les organismes multilatéraux ne constitue
qu’une réponse partielle au problème structurel de ces pays et n’a pas d’effets
structurants. Pour ce faire, elle devrait éviter de se concentrer uniquement sur la
production et favoriser davantage l’émergence d’industries, de structures
d’entreprenariat culturel. En vue d’obtenir l’adhésion de ces pays au projet d’une
Convention sur la diversité culturelle, il importe de partager les expériences et les
réflexions afin d’établir des mécanismes susceptibles de soutenir le développement
des industries culturelles dans les PED, d’une façon durable;
ƒ
Une démocratisation de la culture ne peut exister lorsque la circulation des biens
culturels est contrôlée par un nombre restreint d’entreprises issues des pays
développés.
PISTES DE SOLUTION
ƒ
Les participants conviennent que le débat sur la diversité culturelle ne peut faire
l’économie d’une réponse appropriée aux problèmes que vivent les PED. L’aide
apportée par les organismes multilatéraux ne constitue qu’une réponse partielle au
problème structurel de ces pays. Il importe donc de partager les expériences et les
réflexions afin d’établir des mécanismes susceptibles de soutenir le développement
des industries culturelles dans les PED, d’une façon durable. En effet, comment
concevoir une véritable réciprocité dans les échanges culturels si une bonne moitié
des pays du monde sont dans l’impossibilité d’assurer la production et la diffusion
de leur culture ? Pire encore, comment prétendre à une démocratisation de la
culture quand la circulation des biens culturels est contrôlée par un nombre
restreint d’entreprises issues des pays développés ? Ainsi, pour contribuer au
développement durable des entreprises culturelles des pays du Sud :
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ƒ
Il ne faudrait pas attendre que les conditions soient toutes réunies avant de poser
le premier geste qui pourra conduire à un développement durable. Il faut plutôt
briser le cercle vicieux en faisant des choix qui auront des répercussions durables;
ƒ
Encourager les États à se doter de politiques favorisant le développement des
industries. Pour y arriver, les États devront procéder à une analyse de la
conjoncture actuelle, établir le profil de développement pour chaque industrie,
établir des stratégies législatives, fiscales et constitutionnelles. Doter les
institutions de moyens pour agir. Un transfert d’expertise Nord-Sud pourrait être
envisagé, il ne s’agit pas là de livrer des propositions calquées sur les réalités du
Nord, mais bien de les adapter à celles du Sud;
ƒ
Mettre en place les mesures qui vont favoriser l’entrepreneuriat. Outre des
politiques gouvernementales permettant le développement des entreprises, les
entrepreneurs culturels ont besoin d’apprivoiser des outils de gestion et de
connaissance de leur industrie leur permettant d’optimiser les résultats de leurs
efforts. À cet égard, il faut inventer de nouvelles solidarités afin de doter les
groupes culturels d’outils d’acquisition de compétences : concevoir des programmes
d’échanges professionnels et de jumelages lors de manifestations culturelles;
mettre en œuvre des programmes de formation à effet multiplicateur (formation de
formateurs) à l’intention d’entrepreneurs culturels dans le but de les aider à
développer des outils de gestion; l’expertise ainsi transférée permettra ultimement à
ces entrepreneurs de devenir eux-mêmes formateurs de leurs collègues;
ƒ
Ouvrir les marchés du Nord aux produits culturels des pays du Sud. Concevoir des
structures d’accueil dans les réseaux de diffusion du Nord pour tous les produits
(spectacles, cinéma, livres, disques, artisanat). À cet égard, les experts insistent sur
l’importance de développer des mécanismes de suivi et de favoriser l’échange
d’expertise dans le respect des modes de fonctionnement des populations locales;
ƒ
«Créer comme personne d’autre», c’est aussi «Gérer comme personne d’autre». Car
la gestion véritable est une création. Aussi, le développement durable en gestion,
que ce soit dans les pays développés ou dans les pays en développement, ne devrait
pas se faire sur la base de modèles théoriques en gestion et en leadership, mais
tenir compte de démarches plutôt empiriques. Dans ce domaine particulièrement,
les experts rappellent qu’en matière de gestion de la culture, il n’y a pas de modèle
unique qui soit transposable partout. Le métissage est au contraire bienvenu et l’on
doit tenir compte des différences culturelles pour développer des modèles en se
rappelant que l’accent doit être mis sur la qualité du produit et non pas sur la
qualité de la gestion;
ƒ
Le soutien au développement durable doit passer par l’échange d’expertise en mode
continu et en mode respect des populations locales. Par exemple, le véhicule
culturel par excellence qu’est le livre doit être diffusé dans un esprit multilatéral de
diversité culturelle autant pour le rendre accessible en amont par l’entrée des
cultures étrangères qu’en aval par une accessibilité facilitée par des conditions
d’acheminement tant fiscales, douanières ou de transport permettant au libraire
d’exercer son métier, c’est-à-dire rendre disponible au meilleur prix le livre comme
base à tout besoin d’enseignement d’un pays et tout développement personnel des
individus;
21
ƒ
La signature d’une convention à l’UNESCO sur la diversité culturelle est
primordiale afin de sauvegarder la richesse culturelle collective mondiale et les
professions qui en dépendent.
Les recommandations :
Les intervenants recommandent :
1. Des mesures de type politique, c’est-à-dire un travail de sensibilisation des
décideurs aux enjeux et à la place qu’occupe la culture;
2. La mise en place de politiques culturelles qui établiraient un cadre fiscal et
juridique pour soutenir les mesures d’aide à la création, à la production et à la
distribution des biens et services culturels;
3. La mise en place de lois pour contrer la piraterie des œuvres culturelles et
artistiques et favoriser le respect des droits d’auteur;
4. Explorer toutes les sources possibles de financement des œuvres culturelles et
artistiques (public, privé, mécénat, etc.);
5. Développer des formations adaptées qui soient respectueuses des différences
culturelles;
6. Travailler sur la réceptivité à sa culture et à la culture de l’autre.
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La Brochure sur la diversité culturelle,
de même que le Dépliant de la Rencontre
sont disponibles sur le site Web de la diversité culturelle :
http://www.mcc.gouv.qc.ca/international/diversite-culturelle/salon-du-livre-2004.html
Pour information:
Victor Dzomo-Silinou
Conseiller en affaires internationales
Secrétariat gouvernemental à la diversité culturelle
Direction générale des relations intergouvernementales et de la
diversité culturelle
Ministère de la Culture et des Communications du Québec
225, Grande Allée Est, Bloc C - 2e étage
Québec (Québec) G1R 5G5 Canada
Téléphone: 1(418) 380-2372, poste 7370
Télécopieur: 1(418) 380-2340
Courriel: [email protected]
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