Correction des devoirs de synthèse

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Correction des devoirs de synthèse
GROUPE ISP – Formation ENM ORAUX 2016
Note de synthèse – Corrigés élaborés par L.MALKA
Corrigés des devoirs + Annales
1- Le principe non bis in idem (devoir polycopié)
2- Le référendum (devoir polycopié)
3- La filiation pour tous (CB1)
4- L'Etat d'urgence (CB2)
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Le principe non bis in idem
Selon la doctrine allemande, le principe non bis in idem permet de mettre un terme aux débats judiciaires et retourner à la paix
judiciaire (D16).
Il signifie qu’une personne ne peut pas être poursuivie ou jugée deux fois pour les mêmes faits (D15).
A l’heure ou l’inflation législative emporte une multitude de sanctions pour un même comportement (D8), la jurisprudence est
intervenue pour délimiter les cas de cumul des sanctions dans le respect du principe non bis in idem.
Ce principe reçoit une large consécration (I), imposant une clarification des cas de cumul de sanction (II).
I.
La signification largement affirmé du principe non bis in idem
Le principe non bis in idem est un principe pénal fondateur (A) nécessitant une délimitation commune de son contenu (B).
A. La consécration unanime du principe non bis in idem
Le principe non bis in idem est consacré dans de nombreux pays tels que l’Allemagne, le Portugal ou les Etats-Unis (D16). En
France, si ce principe a été expressément introduit dans les premières constitutions, il est absent de la Constitution de 1958 et
tout juste été évoqué par le Code de procédure pénale à l’article 6 (D16). Le Conseil d’Etat, dans l’arrêt Petit Quevilly de 1958 le
considère comme un principe général du droit (D12 et 16). Le Conseil constitutionnel se contente de le déduire de l’article 8 de
la Déclaration des droits de l’homme du principe de nécessité des peines (D2 et 12).
La reconnaissance de ce principe se généralise au niveau européen d’abord énoncé à l’article 4 du Protocole n°7 à la Conv.EDH
qui stipule que nul ne peut être condamné deux fois pour les mêmes faits s’il a déjà été acquitté ou condamné pour les mêmes
faits par un jugement définitif (D15). Le procès ne peut être rouvert que s’ils existent des faits nouveaux ou en cas de vice
fondamental dans la procédure (D15). Le Comité directeur des droits de l’homme précise que cette disposition ne joue que dans
un procès pénal (D16).
L’article 54 de la Convention de Schengen stipule qu’une personne ne peut être poursuivie par un autre Etat si la sanction a été
subie ou si elle est en cours d’exécution (D6). Il est repris à l’article 50 de la Charte des droits fondamentaux (D7 et 9) qui lui
confère un domaine plus large pour les décisions de l’ensemble des juridictions des Etats membres pour créer un espace
judiciaire européen et postule de la nécessité d’adapter le principe non bis in idem en dehors des domaines spécifiques (D8).
B. L’appréciation stricte des conditions du principe non bis in idem
La règle non bis in idem postule de l’interdiction de cumuler les poursuites et condamnations pour des faits identiques
lorsqu’une condamnation est devenue définitive. Pour la doctrine, il faut distinguer le cumul des sanctions qui veille à garantir
une forme de proportionnalité et le cumul des poursuites qui doit garantir la protection de l’individu et l’intérêt social (D16).
La jurisprudence est venue délimiter les conditions d’application du principe. Dans l’affaire Krombach, un ressortissant allemand
bénéficiant d’un non-lieu en Allemagne en 1987 pour le meurtre de sa belle-fille française a pu être poursuivie en France car la
décision allemande n’était pas définitive et n’avait que pour objet de ne pas introduire l’instance (D10). Dans une affaire de
recel, la Cour de cassation en 2009 ajoute que la décision de classement sans suite en Allemagne n’a pas pour objet d’éteindre
les poursuites et l’action publique en France et permet l’application de l’article 54 CAAS (D4). Allant plus loin, le 23 octobre
2013, la Chambre criminelle a reconnu la possibilité de condamner un ressortissant franco-algérien ayant commis un meurtre en
France et condamné en Algérie pour les mêmes faits en précisant que la peine exécutée en Algérie devait s’imputer sur la peine
prononcée en France (D11).
L’interdiction du cumul des poursuites est confirmée par la Cour EDH lorsque les faits sont substantiellement les mêmes dans un
arrêt Zolotoukhine c. Russie de 2009 (D4 et 14). La Cour de justice laisse l’appréciation des faits identiques aux juges nationaux
même si la matérialité des faits se déduit dans plusieurs Etats (D3 et 5).
II.
L’établissement d’une frontière entre le principe non bis in idem et le cumul de sanctions de natures différentes
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La pluralité d’autorités pouvant prononcer des sanctions à conduit à reconnaître largement le cumul en droit interne (A),
provoquant une divergence d’interprétation avec les cours européennes (B).
A. L’admission du cumul des sanctions administratives et judiciaires en droit interne
Le Conseil constitutionnel ne reconnait pas de valeur constitutionnelle du principe non bis in idem, il admet cependant le cumul
des sanctions dans le respect du principe de proportionnalité (D2). Les deux notions ne se confondent pas (D11 et 16) ; non bis
in idem est une règle de forme se rattachant à l’autorité de la chose jugée alors que le non cumul est une règle de fond
interdisant qu’une même infraction subisse plusieurs peines (D11). La chambre criminelle admet cette distinction (D14). Le
cumul est ainsi possible entre les sanctions pénales, administratives, disciplinaires, budgétaires ou fiscales sous réserve de
proportionnalité (D2).
Selon les juridictions internes, le principe non bis in idem n’est applicable qu’en matière pénale et n’interdit pas le cumul avec
d’autres sanctions (D16). La Cour de cassation admet le cumul des sanctions disciplinaires et pénales à l’égard d’un notaire car
leur nature est différente et la destitution prononcée a un caractère disciplinaire. Selon la Cour d’appel, cette analyse s’oppose à
la vision large de la matière pénale de la Cour EDH (D1). Ainsi le Conseil d’Etat, dans une décision du 30 mai 2007 reconnait la
possibilité de cumuler les sanctions de la commission bancaire et de la commission des sanctions de l’AMF car le fait constitue
des infractions distinctes au droit bancaire et au droit des marchés financiers (D8).
Le Conseil constitutionnel limite la possibilité de cumuler au principe de proportionnalité dans ses décisions de 1989 et 1997
(D.13 et 14) en précisant que le montant global des sanctions prononcées ne soit pas être supérieur au montant le plus élevé
des sanctions encourues (D11 et 14).
B. La divergence d’interprétation du principe non bis in idem avec les juges européens
La Cour de justice ne s’oppose pas au cumul des sanctions pénales et administratives et laissent cette appréciation aux Etats
membres (D2). En revanche la Cour européenne dans son arrêt Gradinger de 1995 s’oppose à ce que des juridictions d’un même
Etat poursuivent ou punissent pénalement pour une même infraction lorsque celle-ci a subi un jugement définitif et requalifie
une infraction administrative en infraction pénale (D2 et 14). Elle rappelle que les garanties procédurales de l’article 4 du
Protocole n°7 seraient affaiblies si on se contentait de constater la différence d’infraction en occultant les faits identiques à
l’origine (D14).
La position du juge français s’articule autour de la réserve de la France concernant le Protocole n°7 aux seules infractions
pénales au sens du droit français permettant ainsi plus largement le cumul (D2 et 13). La Chambre criminelle s’inspire de la
jurisprudence du Conseil constitutionnel en admettant le cumul dans la proportion de la sanction encourue la plus élevée (D2).
En revanche la Cour européenne s’est récemment opposée au cumul des sanctions pénales et fiscales ou administratives dans
les arrêts Lucky Dev contre Suède et Grande Stevens contre Italie de 2014 (D2).
Le Conseil constitutionnel, le 18 mars 2015, semble refuser le cumul à l’instar de la Cour européenne. En réalité, il pose des
conditions très strictes telles que l’identité de faits, la similitude de nature des sanctions, la finalité identique de la sanction ou
des poursuites relevant d’un même ordre de juridiction. C’est conditions trop strictes pour refuser le cumul ne permet pas une
protection équivalente avec la Cour EDH (D2).
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Le référendum
L’article 3 de la Constitution dispose que « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et
par la voie du référendum ».
Le référendum a longtemps été perçu comme un corps étranger dans la tradition constitutionnelle française (D.8). Innovation
révolutionnaire, il a surtout été utilisé à des fins plébiscitaires et notamment sous les périodes impériales (D.8).
Sa résurrection dans la Constitution de 1958 impose encore aujourd’hui une adaptation de son régime afin d’assurer une
meilleure utilisation.
Le référendum connait un dispositif constitutionnel important pourtant peu utilisé (I), nécessitant d’élargir le champ de ses
initiateurs (II).
I – L’instauration d’un referendum institutionnalisé en France
A – Un panel élaboré du recours au référendum (D.1) (D.8)
La Constitution prévoit plusieurs types de référendum. Le référendum législatif prévu à l’article 11 implique que le Président de
la République peut sur proposition du Gouvernement ou proposition conjointe des deux assemblées, soumettre au peuple un
projet de loi à référendum (D. 1 et 5). L’objet est large car il peut porter sur différents sujets comme l’organisation des pouvoirs
publics, la politique économique et sociale ou environnementale et les services publics qui y concourent ou l’autorisation de
ratifier un traité international depuis la révision du 4 août 1995 (D.8). Lorsque le Gouvernement est à l’origine d’une loi
référendaire, il doit faire une déclaration suivie d’un débat devant chaque assemblée (D. 8).
Egalement, dans certaines circonstances, un référendum local peut être organisé. Il résulte soit de l’article 53 qui prévoit la
consultation des populations intéressées par une cession, une adjonction ou un échange de territoire comme application du
droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ; soit d’une consultation pour les lois statutaires en Nouvelles Calédonie ; enfin il peut
s’agir des référendum locaux prévus à l’article 72-1 (D. 1 et 8). La Constitution prévoit également un référendum européen de
ratification d’un traité relatif à l’adhésion d’un Etat à l’Union européenne (D.1). Enfin, le référendum peut être constituant aux
termes de l’article 89 de la Constitution. Dans ce cas, l’initiative appartient au Président de la République ou aux assemblées et
permet la révision de la Constitution (D. 1 et 5). Le référendum constituant intervient après le vote dans les mêmes termes dans
les assemblées du texte de révision proposé (D.5).
B – Le faible impact de l’utilisation référendaire
Alors que le référendum mis en place par le Général de Gaulle était perçu comme une pièce essentielle des institutions, celui-ci
est vite tombé en désuétude (D.6). Son utilisation controversée par le général de Gaulle pour réviser la Constitution en 1962 à
propos de l’élection du Président au suffrage universel direct et en 1969 pour la réforme du Sénat a largement discrédité la
pratique référendaire (D.5 et 8).
De plus, le référendum a été dénaturé par sa rareté et les citoyens se prononcent plus à l’encontre du gouvernement que sur la
question posée (D.6).
Enfin, la dépréciation référendaire s’explique car le référendum surpasse un interdit constitutionnel et la volonté politique est
de contenir son utilisation (D.7). Si le Conseil constitutionnel est le juge des opérations de référendum (D.1 et 6), le contrôle de
constitutionnalité depuis 1962 ne peut porter sur les lois référendaires et sont donc affranchies de toute limite matérielle (D.6, 8
et 9) même a posteriori en cas d’atteinte à une liberté (D. 13). Elles sont l’expression directe de la souveraineté (D.11). Certains
auteurs notent le paradoxe d’une loi référendaire hors hiérarchie des normes pouvant être modifiée par une loi parlementaire
(D.11). Cette incompétence de contrôler la loi référendaire a été réaffirmée plus précisément à l’occasion de la ratification du
traité de Maastricht (D. 12).
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Si le peuple est soumis en France à l’initiative des pouvoirs publics, l’évolution du référendum tente de s’affranchir de cette
restriction par le référendum d’initiative populaire (D.7).
II – La réactualisation du référendum par l’initiative populaire
A – Les inspirations du droit comparé du référendum d’initiative populaire
En France, le privilège est donné à la démocratie représentative ou au référendum sous forme de plébiscite à l’exception de la
Constitution de 1793 qui prévoyait une censure du peuple sur les actes de ses représentants (D.6 et 7). Le référendum
d’initiative populaire est une pratique existant principalement en Italie ou en Suisse (D. 2 et 5). Ici, les initiateurs d’un
référendum doivent réunir un nombre de signatures soutenant un texte et si le nombre est atteint, les pouvoirs publics doivent
organiser un referendum. Si le texte est voté, le Parlement doit discuter d’une modification de la loi (D.5). Il peut s’agir d’un
droit de veto sur certains textes adoptés par le Parlement provoquant un effet suspensif de la loi (D.5).
L’initiative populaire a un champ variable et si elle concerne toutes les lois en Californie, en Suisse, elle ne porte que sur les lois
et arrêtés fédéraux. En Italie, elle porte sur les lois constitutionnelles si elles n’ont pas recueilli la majorité des deux tiers de
chaque assemblée pendant la seconde délibération (D.5). Un nombre de signatures minimum est requis de 500 000 électeurs en
Italie, 50 000 électeurs en Suisse et 5% des personnes ayant participé à la dernière élection du Gouverneur en Californie (D.5 et
3). L’initiative peut être soit abrogative d’une législation existante (D.5) sauf en matière fiscale et budgétaire (D.6) soit elle peut
avoir pour objet de demander l’adoption d’un texte législatif (D.5).
Enfin, le traité de Lisbonne prévoit un référendum d’initiative populaire d’un million de citoyens issus d’un nombre significatif
d’Etat de l’Union européenne peut inviter la Commission européenne à soumettre une proposition (D.7).
B – L’instauration française de l’initiative populaire en demi-teinte
L’initiative populaire a été promue par plusieurs présidents depuis Mitterrand et proposée par le comité Vedel proposant le
référendum d’initiative minoritaire. Ce comité sera source d’inspiration pour le comité Balladur en 2007 (D.6). Il s’agit de mettre
le peuple au centre des décisions politiques et d’éduquer politiquement les citoyens (D.7). La révision de 2008 prévoit qu’un
cinquième des membres du Parlement soutenus par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales peuvent
demander l’organisation d’un référendum législatif (D.3 et 4) et la loi organique d’application a été adoptée le 19 novembre
2013 sur les mêmes domaines que le référendum législatif (D.5). Le texte soumis au référendum prend la forme d’une
proposition de loi et ne peut abroger une disposition législative promulguée depuis au moins un an. Il doit avoir été approuvé
par le Conseil constitutionnel et si le résultat du référendum est négatif, un délai de deux ans s’ouvre avant de pouvoir adopter
une nouvelle proposition portant sur le même sujet (D.5). Le Conseil constitutionnel a globalement déclaré la loi organique
conforme à la Constitution (D.10).
Cette nouvelle voie référendaire suscite quelques critiques notamment en ce qu’il ne s’agit pas d’un referendum populaire mais
partagé (D.3 et 6). L’initiative appartient aux élus qui devront obtenir une caution populaire pour s’autosaisir d’une proposition
de loi car nécessité d’un cinquième des du Parlement doit proposer un texte de loi (D.6). De plus, il s’agit d’une arme pour
l’opposition plus qu’un outil de démocratie participative et diffère des systèmes suisse ou italien.
Sur le plan pratique, la pétition parait inatteignable même à l’échelle européenne puisqu’elle doit être appuyée par un électeur
sur 10 soit 4.5 millions de signatures (D.6). Enfin, les risques d’excès de la participation populaire résultent de l’atteinte aux
droits fondamentaux par des mouvements voulant restreindre les libertés ainsi que de l’instrumentalisation par les partis
politiques minoritaires pour déstabiliser les gouvernements en place (D.6 et 7).
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« La filiation pour tous » (CB1)
Selon Michel GRIMALDI, le mariage est un « acte fondateur d’une famille » (D.13). La loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux
personnes de même sexe a également modifié le droit positif concernant la filiation permettant aux couples homosexuels
d’établir une filiation conjointe (D8).
L’adaptation du droit de la filiation au mariage entre personne de même sexe fait l’objet d’incertitudes en l’état actuel du droit.
Si le droit de l’adoption s’adapte bien à la nouvelle législation (I), les modes de filiation plus récents laissent encore l’accès à la
parenté aléatoire (II).
I –L’évolution limitée de l’adoption par la reconnaissance du « mariage pour tous »
Avant la loi de 2013, l’adoption pour les personnes homosexuelles demeuraient assez limitées (A). Celle-ci a été ouverte sans
condition depuis la possibilité de créer un lien marital entre personnes homosexuelles (B).
A – Les résistances à l’ouverture de l’adoption avant la réforme
Avant la loi de 2013 ouvrant le mariage aux personnes de même sexe, la Cour de cassation s’est refusée dans deux décisions du
7 juin 2012 de reconnaître l’exequatur d’une filiation établie à l’égard de deux parents de même sexe (D1). Ce refus est fondé
sur la contrariété à l’ordre public français et sur le fait que l’article 346 du Code civil réserve l’adoption conjointe aux couples
mariés (D1). Le droit français admettait tout de même la possibilité de reconnaitre un exequatur portant sur la délégation de
l’autorité parentale de non-nationaux (D2).
Le Conseil constitutionnel a tranché en faveur de la différence de traitement entre couples homosexuels et hétérosexuels (D2).
La Cour européenne reconnait le droit à l’égal accès à l’adoption simple même par une personne célibataire homosexuelle (D6),
celle-ci déclare toutefois qu’il n’est pas discriminatoire de refuser d’accorder à une femme le droit d’adopter l’enfant de sa
compagne (D6 et 11). La CEDH rappelle que la Convention n’oblige pas les Etats à étendre l’adoption co-parentale aux couples
non mariés car les situations ne sont pas comparables (D10). Elle estime que la préservation de la famille traditionnelle peut
être un but légitime poursuivi par les Etats sauf si l’adoption est prévue, comme en Autriche, aux couples hétérosexuels non
mariés (D11).
La Cour d’appel de renvoi de Versailles du 20 mars 2014 tire les conséquences de la loi de 2013 en accordant cette fois
l’exequatur du jugement d’adoption à l’étranger (D5).
B – Des conséquences de la loi limitées en pratique sur le droit de l’adoption
La loi du 17 mai 2013 a pour conséquence principale d’ouvrir le droit à l’adoption aux personnes mariées de même sexe à
l’exclusion de la reconnaissance, réservée à la filiation biologique (D4, 8 et 13). Le Conseil constitutionnel rappelle à cet égard
que le principe de l’intérêt de l’enfant ne saurait créer un droit à l’enfant par la loi nouvelle (D8). L’adoption ne peut se faire
alors que simultanément par deux personnes mariées (D12). Les époux souhaitant adopter doivent être agréés par le président
du Conseil général de leur département et ils peuvent demander une adoption plénière rompant tout lien avec la filiation
biologique antérieure (D8). A l’inverse, dans l’hypothèse de l’adoption de l’enfant du conjoint, l’agrément n’est pas nécessaire
(D4 et 8).
Plusieurs critiques ont été formulées eu égard au faible nombre d’enfants adoptables en France et à l’étranger (D8 et 13).
Concernant l’adoption plénière par un couple homosexuel, elle est souvent une adoption internationale et les pays dont sont
issus ces enfants peuvent refuser l’adoption par des couples homosexuels (D8) sauf si un membre du couple adopte seul et se
marie après (D.12). De même pour les enfants adoptables en France, le choix des conseils de famille des pupilles de l’Etat
pourraient préférer des couples hétérosexuels (D8). En outre, Laurent AYNES estime que la réforme détruit la logique initiale de
l’adoption et que la suppression du mariage civil ou de la condition de mariage des adoptants était préférable (D4).
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L’adoption n’est donc pas une réponse satisfaisante et suffisante pour permettre l’accès à la parentalité pour les couples
homosexuels (D13).
II – Les incertitudes sur de nouveaux modes de filiation
L’assistance médicale à la procréation ouverte pour les couples mariés peine à s’appliquer aux couples mariés homosexuels (A)
alors que la gestation pour autrui demeure encore prohibée (B).
A – Des oppositions évolutives à la pleine reconnaissance de l’Assistance Médicale à la Procréation
La PMA est subordonnée à l’existence d’un but thérapeutique (D 9 et 12), l’excluant donc pour les couples homosexuels (D10 et
14). Toutefois les femmes peuvent recourir à la PMA à l’étranger puis se marier en France et faire adopter par le conjoint
l’enfant rendant la PMA frauduleuse (D12). Concernant les services de l’état civil, ils peuvent délivrer un acte de naissance pour
un enfant né d’une PMA permettant ensuite l’adoption ce qui ne sera pas le cas pour une GPA (D8). Les débats judiciaires
marquent une opposition entre les refus du procureur et les décisions des tribunaux puisqu’il n’y a pas d’automaticité à
l’adoption (D9). Cette situation floue est dénoncée comme étant hypocrite (D9).
Une réforme de la PMA est revendiquée au regard du faible nombre d’enfants adoptables mais surtout de la lutte contre la
pratique des inséminations à l’étranger (D.14). De plus, la reconnaissance d’un droit à l’enfant permettrait d’éviter les
discriminations entre les couples hétérosexués et homosexués (D14). Certains se prononcent pour une évolution dans le sens
d’une reconnaissance pour des femmes mariées d’une insémination artificielle ou à une fécondation in vitro avec donneur (D 9
et 13). Pour d’autres, la loi de 2013 ouvrirait une évolution de la PMA pour les personnes célibataires (D13).
B – Les oppositions radicales à la reconnaissance de la gestation pour autrui
La gestation pour autrui (GPA) est une pratique autorisée dans certains Etats et consiste pour une femme à porter
l’enfant d’autrui alors qu’elle n’est ni la mère génétique, ni un parent d’intention (D3). En France, le contrat de GPA est
considéré comme une instrumentalisation du corps de la femme et comme portant atteinte à sa dignité et au principe
d’indisponibilité du corps humain (D12 et 13). L’article 16-7 du Code civil dispose que ces conventions sont frappées de nullité
absolue (D7 et 13). Dès lors, les hommes sont incités à recourir à la GPA à l’étranger et à adopter en France de façon plénière
(D12).
La reconnaissance d’une filiation est largement débattue. Pour Michel GRIMALDI, la discrimination en raison de la
fortune ou encore la discrimination par rapport aux couples de femmes ne suffisent pas à surpasser l’interdiction de la
maternité pour autrui (D13). De plus, le statut des enfants nés de GPA n’est pas incertain en France alors que la reconnaissance
juridique de la GPA aboutirait à un véritable marché en créant un tourisme procréatif (D7). Toutefois, pour d’autres, si ces
enfants bénéficient de la délivrance de certificats de nationalité, ils ne peuvent toutefois obtenir l’établissement des actes d’état
civil et sont privés également d’allocations familiales ou d’une situation régulière en France (D3). Pour pallier cela, la circulaire
« Taubira » (D3, 7 et 15) permet la reconnaissance de ces filiations conformément au principe de l’intérêt de l’enfant affirmé par
la CEDH (D3).
La Cour européenne a condamné la France le 26 juin 2014 pour avoir refusé de reconnaître des enfants nés d’une mère
porteuse (D15 et 16). Tout en affirmant la marge de manœuvre appartenant aux Etat de reconnaitre la GPA, ce refus porte
atteinte au droit à l’identité composante de la vie privée (D16). Dans l’attente d’un recours éventuel en Grande Chambre, la
question de la légalisation de GPA pourrait resurgir (D16).
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L'Etat d'urgence (CB2)
Montesquieu affirmait qu’ « il y a des cas où il faut mettre, pour un moment, un voile sur la liberté, comme l’on cachait les
statues des dieux » (D.2).
L’état d’urgence fait partie des régimes spéciaux ou d’exception (D.16 et 17) permettant d’étendre les pouvoirs de police pour
faire face à des situations de crise (D.16). Il tend à renforcer les pouvoirs de l’autorité civile (D.6) et correspond à des situations
moins graves que l’état de siège. Il fut utilisé notamment pendant la guerre d’Algérie, en Nouvelle-Calédonie et pour les
violences urbaines de 2005 (D.17).
Sa dernière utilisation après les attentats du 13 novembre 2015 (D.17), a abouti à une réflexion profonde sur l’adaptation de son
régime aux circonstances.
La valeur juridique de l’état d’urgence renvoie à la protection des libertés fondamentales (I) ; impliquant un contrôle renforcé du
juge (II).
I.
LES FONDEMENTS DE L’ETAT D’URGENCE EN DEBAT
A. UN DISPOSITIF RENFORCE DE L’ETAT D’URGENCE
La loi du 3 avril 1955 prévoit que l’état d’urgence peut être déclaré sur tout ou partie du territoire en cas de péril imminent
résultant d'atteintes graves à l'ordre public ou en cas d'événements présentant le caractère de calamité publique (D.4, 16, 17)
par décret en Conseil des ministres et peut être prorogé au-delà de 12 jours par une loi (D.3, 4, 17). Cela ouvre la possibilité pour
les autorités de police d’aggraver l’atteinte aux libertés (D.6).
Les pouvoirs publics peuvent effectuer des perquisitions administratives à domicile de jours comme de nuit (D. 4 et 5) en tous
lieux et sur des systèmes informatisés (D.4). Cela exclut les lieux affectés à un mandat parlementaire, à un avocat, un magistrat
ou journaliste (D.4). Ces perquisitions donnent lieu à l’information du procureur de la République et sont effectuées par un
officier de police judiciaire (D. 4 et 17). Le préfet peut dans sa circonscription limiter la circulation, règlementer ou d’interdire le
séjour des personnes cherchant à entraver l’action des pouvoirs publics (D.4 et 17). Il peut également fermer lieu de réunion ou
encore contrôler la presse et les publications (D.4 et 6). Les pouvoirs publics peuvent prononcer une assignation à résidence (D.4
et 5). Elle est prononcée par le ministre de l’Intérieur (D.6) pour les personnes dont le comportement constitue une menace
pour l’ordre public.
La loi de 2015 prévoit également la dissolution par le Conseil des ministres des associations ou groupe qui participent à la
commission d’actes portant atteinte grave à l’ordre public (4, 16 et 17). De plus, le Parlement est informé sans délai des
mesures prises sur le fondement de l’état d’urgence et peut requérir toutes informations utiles afin de le contrôler (D.4). La loi
de 2015 complète la loi de 1955 et proroge l’état d’urgence pour 3 mois (D.11). Même si depuis le 13 novembre 2015, les
mesures ont donné lieu à des perquisitions et des assignations plus ciblées, le Gouvernement a décidé de demander la
prolongation de l’état d’urgence jusqu’à la fin de l’euro 2016 (D.5).
B. UNE CONSTITUTIONNALISATION AVORTEE DE L’ETAT D’URGENCE
Si le Conseil constitutionnel admet que l’état d’urgence puisse être prévu par le législateur dans son rôle de mise en œuvre de
l’ordre public et des droits fondamentaux (D17), un projet de loi constitutionnelle a vu le jour début 2016 prévoyant d’insérer la
déchéance de nationalité et l’état d’urgence dans la Constitution (D10). Ce dernier reprend une idée déjà évoqué par le Comité
« Balladur » en 2007 (D.13) et ajoute un article 36-1 et sur les mêmes motifs et modalités que la loi de 1955 (D.10 et 17).
Le Conseil d’Etat a été saisi le 1er décembre 2015 sur le projet de loi constitutionnelle « protection de la Nation » visant à insérer
le régime de déclaration et de prorogation de l’état d’urgence dans la Constitution à l’article 36-1 ainsi que les conséquences
(D.14 et 17). Cette réforme empêcherait le législateur de les modifier. Le Conseil d’Etat s’est montré favorable à la
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constitutionnalisation sous réserve de l’inutilité de préciser le contrôle du juge administratif et sur le fait de laisser perdurer les
effets des mesures après l’état d’urgence.
L’inscription de l’état d’urgence dans la Constitution prévoit un contrôle automatique de l’adaptation, de la nécessité et de la
proportionnalité du Conseil constitutionnel sur les mesures de police (D.14). Elle précise les compétences de l’autorité judiciaire
et réduit à 3 mois le délai maximal de prorogation par le législateur (D.14). La constitutionnalisation permettrait alors
d’introduire dans la loi de nouvelles mesures administratives de contrôles d’identité sans justifier de circonstances particulières
ou encore des retenues et des saisies administratives (D.10).
Selon François Hollande, face au terrorisme de guerre, l’état d’urgence est le régime le plus approprié s’il est modifié et
constitutionnalisé. En revanche, selon certains auteurs, la constitutionnalisation de l’état d’urgence est inadéquate et n’est pas
une garantie des libertés et permettrait l’arbitraire (D.13). Le Sénat rejette le projet de loi constitutionnelle dans un
communiqué du 22 mars 2016 (D.14).
Si l’état d’urgence prévoit un régime aggravé des libertés, il n’est pas pour autant sans contrôle.
II.
L’ETAT D’URGENCE SOUS CONTROLE
A. UNE OPPORTUNITE DE L’ETAT D’URGENCE SOUS CONTROLE
Le Conseil d’Etat affirme dans une décision du 14 novembre 2005 que le décret par lequel le Président de la République déclare
l’état d’urgence n’est pas un acte de Gouvernement et le contrôle du juge administratif est alors ouvert (D.9, 16 et 17). Ce
recours est ouvert à toute personne résident dans une zone concerné par un recours pour excès de pouvoir, un référé
suspension ou un référé liberté (D.17). L’opportunité du Président est large et le juge administratif n’a qu’un pouvoir de contrôle
restreint (D.9, 16 et 17). Pour les violences urbaines de 2005, le Conseil contrôle la nécessité et l’adaptation du décret et son
domaine géographique mais ne peut examiner la constitutionnalité de la loi de 1955 (D.3, 9 et 17).
C’est à l’occasion de l’examen de la prorogation de l’état d’urgence que surviennent les contestations sur son opportunité. La loi
de 1955 ne donne aucune limite de prorogation (D.16) et le Conseil constitutionnel s’était refusé de contrôler une loi prorogeant
l’état d’urgence car elle n’est qu’une application du régime de 1955 (D.16). L’article 3 de la loi de 1955 permet au
Gouvernement de mettre fin à l’état d’urgence avant l’échéance du délai de prorogation (D.6). Dans l’’ordonnance de 2005
« Allouache », le requérant demandait au Conseil d’Etat que le Gouvernement mette un terme de façon anticipée à l’état
d’urgence (D. 6 et 16). Le Conseil contrôle alors les motifs qui sont le risque de recrudescence des violences urbaines pour ne
pas faire cesser l’état d’urgence (D.6) qu’il limite à l’illégalité manifeste (D.6 et 16). Récemment, une requête de la Ligue des
droits de l’homme de mettre fin à l’état d’urgence a été rejetée dans une ordonnance de du 27 janvier 2016. Le Conseil d’Etat
relève que les conditions de l’état d’urgence n’ont pas disparues et qu’il existe toujours un péril imminent (D.15).
B. DES MESURES D’URGENCE SOUS CONTROLE
L’état d’urgence en 2015 a donné lieu à 3549 perquisitions et 400 assignations à résidence (D.5). Pour le Conseil d’Etat, le
contrôle des mesures prises pendant l’état d’urgence présentent des garanties suffisantes (D.3). De plus, la loi du 3 avril 1955
prévoit un système de contrôle propre par l’avis d’une Commission consultative qui peut être saisie par les personnes concernée
(D.3 et 6). Sa décision peut faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoirs et devient caduque si elle n’a pas été prise dans les
délais impartis (D.6). De plus, l’intervention du juge judiciaire n’est pas totalement absent (D.3). Enfin, le contrôle du juge
administratif est également assez étendu puisque dès 1985, le juge étend son contrôle sur l’erreur manifeste d’appréciation et
le recours pour excès de pouvoir reste ouvert même sans texte (D.6). Dans une ordonnance du 6 janvier 2016, le Conseil d’Etat
contrôle la proportionnalité de la mesure pour déterminer qu’il n’y a pas d’atteinte grave à une liberté. En l’espèce, l’assignation
à résidence était justifiée par un comportement constituant une menace grave à la sécurité publique mais la fermeture de
l’établissement du requérant ne trouvait aucune justification (D.1). Lors d’une demande de suspension d’une assignation à
résidence, le juge opère une conciliation entre la mesure et l’atteinte à la liberté en relevant qu’il n’y a pas d’éléments
établissant que l’assigné à résidence constitue une menace grave pour la sécurité et l’ordre public (D.7).
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Le Conseil constitutionnel a été saisi en premier lieu, dans une décision de 2015, il a été interrogé sur l’absence d’intervention
du juge judiciaire dans l’assignation à résidence. S’agissant d’une mesure de police administrative, l’intervention du juge
judiciaire n’est pas constitutionnellement obligatoire et la mesure est justifiée et proportionnée eu égard aux circonstances de
péril imminent à l’ordre public (D.12). En second lieu, dans une décision de 2016, il s’est prononcé sur les perquisitions
informatiques en affirmant que l’atteinte à la vie privée ne nécessite pas l’intervention du juge judiciaire du fait du caractère
limité de la mesure et que le procureur reste informé. Il émet toutefois une réserve sur la possibilité de copier toutes les
données concernant des personnes dépourvues de tout lien avec l’enquête (D.8).
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