Electronic Commerce and the Challenge for Tax Administration (in

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Electronic Commerce and the Challenge for Tax Administration (in
Nations Unies
Secrétariat
ST/SG/AC.8/2001/L.4
Distr. limitée
9 mai 2001
Français
Original: anglais
Groupe spécial d’experts de la coopération
internationale en matière fiscale
Dixième session
Genève, 10-14 septembre
Le commerce électronique : une gageure
pour l’administration fiscale*
Table des matières
Chapitre
Paragraphes
Page
I.
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2
II.
Contexte technologique et commercial . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2
III.
Commerce électronique et imposition des revenus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
6
A.
Juridiction fiscale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
6
1.
Régime fiscal fondé sur la résidence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
6
2.
Régime fiscal fondé sur la source . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
7
B.
Qualification des revenus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
9
C.
Observations finales sur les avantages et inconvénients respectifs de l’imposition en
fonction de la résidence et de l’imposition à la source dans le contexte du commerce
électronique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
11
Commerce électronique et impôts sur la consommation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
13
A.
Questions soulevées par la TVA . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
14
B.
Questions soulevées par la taxe de vente au détail au niveau infranational
aux États-Unis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
18
Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
21
IV.
V.
* Le présent document a été établi par M. Walter Hellerstein, de la faculté de droit de l’Université
de Géorgie, conseiller auprès du Département des affaires économiques et sociales du Secrétariat
de l’Organisation des Nations Unies. Les opinions qui y sont exprimées sont celles de l’auteur et
ne reflètent pas nécessairement celles de l’Organisation.
01-39993 (F)
*0139993*
090801
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ST/SG/AC.8/2001/L.4
I. Introduction
L’avènement de l’âge de l’Internet a de profondes implications en matière
d’administration fiscale comme, d’ailleurs, dans quasiment tous les domaines. La
croissance exponentielle du commerce électronique pose un défi de taille aux
régimes fiscaux traditionnels, qu’il s’agisse d’imposition directe ou indirecte. L’idée
que des fournisseurs de téléservices puissent se livrer à d’innombrables transactions
économiques, sans laisser de traces, à partir de sites impossibles à localiser,
constitue un grave sujet de préoccupation pour les autorités fiscales du monde
entier. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE),
l’Union européenne et les Gouvernements de l’Australie, du Canada et des ÉtatsUnis, notamment, ont les uns et les autres publié des rapports dans lesquels ils
décrivent les principaux problèmes que pose le commerce électronique aux régimes
d’imposition sur le revenu à travers le monde 1, et auxquels ils s’emploient à
chercher des solutions.
Le présent document offre une vue d’ensemble de ces problèmes ainsi que des
amorces de solution trouvées. On trouvera dans la première partie un rappel du
contexte technologique et commercial actuel et des questions fondamentales qui se
posent à l’administration fiscale en raison de cet état de choses. Les deuxième et
troisième parties sont consacrées aux principaux problèmes soulevés par le
commerce électronique, respectivement en matière d’imposition sur le revenu et en
matière d’imposition sur la consommation.
II. Contexte technologique et commercial
Toute analyse sérieuse des questions juridiques et de politique générale que
soulève l’imposition des activités économiques électroniques doit reposer sur une
solide compréhension du contexte technologique et commercial dans lesquelles elles
se situent. Ce contexte a été décrit ailleurs de façon claire et très détaillée2, et je n’ai
pas la prétention de recommencer dans les quelques pages qui me sont allouées ici.
Il me paraît néanmoins utile de commencer cet exposé par quelques remarques sur
le commerce électronique, sa nature, son développement, les transactions auxquelles
il donne lieu et les problèmes fondamentaux qu’il soulève en matière
d’administration fiscale, afin de mieux situer les questions d’imposition plus
techniques qui constituent l’essentiel de mon propos.
On a défini le commerce électronique comme « la possibilité pour deux parties
ou plus de se livrer à des transactions donnant lieu à un échange de biens ou de
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1
2
2
Voir Australian Taxation Office: Tax and the Internet (1997) [ci-après dénommé « Livre blanc de
l’Australie »]; Administration fiscale du Canada : Le commerce électronique et l’administration
fiscale du Canada (1998); Commission des Communautés européennes : Proposition de
directive du Conseil modifiant la directive 77/388/CEE concernant le régime de taxe sur la
valeur ajoutée applicable à certains services fournis par voie électronique (2000) [ci-après
dénommé « Proposition de directive de l’UE »];Comité des affaires fiscales de l’OCDE :
Commerce électronique : document de travail sur les questions fiscales (1998) [ci-après
dénommé « Document de travail de l’OCDE »]; Office of Tax Policy, U.S. Treasury Department:
Selected Tax Policy Implications of Global Electronic Commerce (1996) [ci-après dénommé
« Treasury White Paper »].
Voir par exemple Richard Doernberg et Luc Hinnekens : Electronic Commerce and International
Taxation (1999); Karl Frieden: Cybertaxation: The Taxation of E-Commerce (2000).
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services par le biais d’outils et de techniques électroniques 3 ». De manière plus
descriptive et peut-être plus utile, le commerce électronique a aussi été défini
comme « une vaste gamme d’activités commerciales menées à l’aide d’ordinateurs,
notamment l’échange en ligne de biens et de services, le virement électronique de
fonds, les transactions en ligne portant sur des instruments financiers, l’échange de
données électroniques entre entreprises et à l’intérieur d’une même société 4 ». Les
transactions électroniques revêtent aujourd’hui de multiples formes et s’inscrivent
dans des contextes très divers; il est vraisemblable qu’elles se développeront de
façon spectaculaire, à supposer que la vitesse à laquelle les réseaux de
communication peuvent transférer des données augmente et que les systèmes de
paiement s’améliorent. Il est en fait malaisé de parler du développement de
l’Internet et du commerce électronique sans tomber dans l’hyperbole. Les prévisions
concernant l’augmentation des revenus générés par le commerce électronique
donnent tout simplement le vertige. Selon l’OCDE, ces revenus pourraient atteindre
au total 330 milliards de dollars dès 2000-2001, voire 1 trillion entre 2003 et 2005 5.
Le commerce électronique ouvre des perspectives nouvelles en matière de
vente directe au consommateur de biens et services traditionnels. Il offre des
possibilités semblables aux échanges interentreprises qui peuvent porter aussi bien
sur des produits et services électroniques que sur des produits et services de type
classique. En fait, en 1998, les transactions effectuées entre sociétés américaines par
le biais de l’Internet se sont chiffrées à 43 milliards de dollars, soit cinq fois le
montant total des ventes aux consommateurs 6. Donnons quelques exemples des
opérations auxquelles elles donnent lieu :
• Passation de marchés en ligne, soit échanges interentreprises par le biais de
l’Internet, pouvant prendre la forme aussi bien d’enchères inversées (qui
facilitent les négociations entre une seule entreprise acheteuse et nombre de
vendeurs) et de la « place de marché électronique » (qui facilite les
négociations entre de multiples acheteurs et vendeurs);
• Cybercatalogues que les internautes du monde entier peuvent consulter pour
voir une image des produits proposés, avant de faire leur choix et d’acheter,
s’agissant notamment de livres ou de vins;
• Logiciels que l’acheteur peut charger directement dans son ordinateur;
• Photographies transférées par voie électronique, dont le prix varie selon
l’utilisation finale prévue;
• Information en ligne que l’utilisateur trouve dans des bases de données
électroniques comme Lexis-Nexis, accessibles sur l’Internet et par le biais de
réseaux de communication ordinaires;
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3
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Treasury White Paper (voir note 1 ci-dessus), p. 8.
Doernberg et Hinnekens (voir note 2 ci-dessus), p. 3.
OCDE, Division des affaires fiscales : Will There Be Uniform International Tax Rules for
E-Commerce? (1999).
« The Net’s Real Business Happens.Com to .Com », The New York Times, 19 avril 1999, sect. C,
p. 1, col. 3 à 5 et sect. C, p. 6, col. 3 à 6 (citant des statistiques fournies par l’entreprise
Forrester Research, sise à Cambridge au Massachusetts). Selon le même article, les transactions
interentreprises se chiffreront à 1,3 trillion de dollars d’ici quatre ans, soit 9,3 % des achats du
secteur privé des États-Unis.
3
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• Services (par exemple, conseils juridiques, comptables et médicaux) dispensés
moyennant finance sur des sites Web dont l’accès est réservé aux abonnés
munis d’un mot de passe électronique;
• Vidéoconférences, outil principalement utilisé à l’heure actuelle par les
grandes entreprises ou par des institutions possédant le matériel onéreux
nécessaire, mais qui sera peut-être à terme à la portée d’un plus grand nombre
d’utilisateurs avec l’apparition de caméras vidéo bon marché raccordables à un
ordinateur individuel;
• Opérations boursières, actuellement proposées par certaines entreprises de
bourse sur des sites Web où le client peut négocier des obligations, des fonds
communs de placement, des options, des instruments financiers à terme et des
marchandises;
• Services extraterritoriaux, actuellement proposés sur certains sites Web,
notamment immatriculation de sociétés, services bancaires et règlement des
achats effectués par carte de crédit.
Compte tenu de ce qui précède, en quoi le commerce électronique a-t-il de
sérieuses implications en matière d’imposition? Selon Jeffrey Owens, chef de la
Division des affaires fiscales de l’OCDE, qui interviendra ultérieurement au cours
de nos travaux, l’Internet possède six caractéristiques qui auront une incidence sur
le fonctionnement des régimes fiscaux 7.
1)
La mise en place de systèmes de communication mondiaux publics et
privés sûrs, dont la gestion peut être assurée à un coût modique. Les grandes
entreprises ne seront pas les seules à voir s’ouvrir là devant elles la perspective de
nouvelles formes d’activité commerciale. Les petites et moyennes entreprises
participeront plus facilement aux échanges commerciaux internationaux. Les frais
de premier établissement sur l’Internet sont généralement très peu élevés, ce qui
entraînera un développement rapide des activités transfrontières.
2)
Le processus de « désintermédiation » qui conduira à l’élimination des
intermédiaires ou à la diminution sensible de leur rôle dans le commerce des biens,
des services et des données d’information. Les transactions commerciales effectuées
sur l’Internet ne nécessitent qu’un petit nombre d’intermédiaires-distributeurs,
représentants, courtiers et autres professionnels. Il est déjà possible pour le
producteur d’un logiciel de vendre et livrer directement son produit au
consommateur final. De la même façon, une compagnie aérienne peut vendre des
billets directement aux voyageurs. On pourra peut-être accéder à des informations,
notamment financières, sans passer par des banques ou autres institutions
financières.
3)
Le développement du cryptage qui protège la confidentialité de
l’information transmise sur l’Internet. Les messages échangés entre particuliers
peuvent être interceptés, mais s’ils sont cryptés, il est généralement impossible d’en
comprendre la teneur.
4)
L’intégration accrue des différentes fonctions de l’entreprise, par
exemple la conception et la production. Les réseaux Intranet privés sont désormais
__________________
7
4
Jeffrey Owens, The Tax Man Cometh to Cyberspace, exposé présenté le 5 avril 1997 au
Symposium sur l’imposition multijuridictionnelle du commerce électronique du Programme
fiscal international de la faculté de droit de Harvard.
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monnaie courante dans les sociétés transnationales. Selon l’OCDE, au moins les
deux tiers des transactions conclues sur l’Internet le seraient par ce biais, ce qui
favorise l’intégration croissante des opérations commerciales au sein de l’entreprise
et brouille de plus en plus la répartition des tâches entre entreprises apparentées. Ce
phénomène peut également produire un effet de synergie spectaculaire, le résultat de
l’intégration étant bien supérieur à la somme des parties.
5)
La latitude accrue qu’il donne à l’entreprise en matière de structuration
de ses activités internationales.
6)
La fragmentation de l’activité économique. Le lieu où s’exerce une
activité économique – où se trouvent le vendeur ou l’acheteur d’un produit ou le
fournisseur ou le bénéficiaire d’un service – perd de son importance et il est plus
difficile de situer cette activité géographiquement 8.
Owens fait observer ensuite que l’Internet et les réseaux Intranet présentent
plusieurs caractéristiques techniques susceptibles d’avoir une incidence marquée sur
le fonctionnement des régimes fiscaux, à savoir l’absence de tout contrôle central;
l’absence d’une immatriculation centralisée; le fait qu’il soit difficile, voire
impossible, de retrouver la trace d’une transaction; le faible rapport qui existe entre
un nom de domaine (c’est-à-dire une adresse Internet) et la réalité (c’est-à-dire la
position géographique exacte du destinataire ou du matériel informatique utilisé
pour transmettre ou recevoir l’information). Les remarques d’Owens n’ont rien
perdu de leur pertinence en quatre ans, bien que, mesurée à l’aune de l’Internet,
l’année 1997 puisse sembler remonter à la nuit des temps.
Point n’est besoin d’être un spécialiste des questions fiscales pour distinguer
les vastes implications que cet état de choses peut avoir pour des régimes fiscaux à
assise territoriale. Considérons en premier lieu l’accroissement phénoménal du
nombre de transactions transfrontières. En réduisant considérablement les frais de
communication et de vente liés à une activité économique, quelle que soit la
situation géographique ou la taille de l’entreprise, l’Internet permet aux sociétés
autrefois confinées à un marché local de vendre biens, services et information à
l’échelle internationale 9. À lui seul, cet accroissement mettra lourdement à
contribution les administrations fiscales, particulièrement celles qui éprouvent déjà
des difficultés à maîtriser les transactions locales de type traditionnel.
Deuxièmement, la numérisation de l’information – la conversion de textes, de
sons, d’images, de vidéos et autres contenus en une série de un et de zéros qui peut
être transmise par voie électronique – complique le repérage de la source, de
l’origine et de la destination du produit, au stade de la production comme au stade
de la consommation 10. « L’Internet est une technologie de frontaliers 11 ». Un
serveur peut être situé dans n’importe quel point du globe sans que cela ait la
moindre influence sur la nature de la transaction commerciale conclue sur l’Internet.
Du point de vue des autorités fiscales, la principale difficulté consiste à savoir
comment appliquer des régimes fiscaux à assise territoriale à un environnement
technologique qui enlève quasiment toute pertinence aux frontières géographiques.
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8
9
10
11
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Ibid., p. 7.
Tom Neubig et Satya Poddar, Blurred Tax Boundaries: The Economy’s Implications for Tax
Policy, Tax Notes, 28 août 2000, p. 1153 et 1158.
Ibid.
Doernberg et Hinnekens (voir note 2 ci-dessus), p. 7.
5
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Troisièmement, les caractéristiques techniques des transactions conclues sur
l’Internet compliquent beaucoup la tâche des autorités fiscales lorsqu’il s’agit
d’établir des pistes de vérification, de déterminer l’identité des parties, d’obtenir des
documents et de fixer des points d’imposition12. En éliminant la nécessité de
recourir à des intermédiaires, en particulier aux intermédiaires financiers sur
lesquels les gouvernements comptaient traditionnellement pour mieux faire
respecter les obligations fiscales puisqu’ils étaient obligés de rendre des comptes,
l’Internet augmente les risques d’évasion fiscale.
Mais les implications du développement du commerce électronique ne sont pas
entièrement négatives pour l’administration fiscale. On a fait observer qu’en
chinois, le mot « crise » combine le caractère « danger » et le caractère
« potentialité »13. Si l’Internet et le commerce électronique font peser la menace
d’une crise sur l’administration fiscale au niveau mondial parce qu’ils mettent en
péril les régimes fiscaux existants, ils sont aussi riches en potentialités. Plus
précisément, les nouvelles technologies offrent des possibilités accrues de
simplification en autorisant le remplacement des documents papier par l’échange
électronique des données, en permettant aux contribuables de soumettre leur
déclaration d’impôt par voie électronique et en automatisant d’autres aspects de
l’exécution des obligations fiscales. Aussi bien les travaux du Groupe technique
consultatif sur la technologie de l’OCDE que le Streamlined Sales Tax Project
(Projet de taxe à la consommation simplifiée) aux États-Unis mettent ainsi l’accent
sur le parti que l’on peut tirer des nouvelles technologies, dans le cas d’échanges
transfrontières, pour améliorer le service et l’efficacité en matière d’impôts à la
consommation 14.
III. Commerce électronique et imposition des revenus
Les deux grandes questions que pose le commerce électronique du point fiscal
sont celles de la juridiction compétente et de la qualification du revenu 15, que
j’aborderai dans cet ordre.
A.
Juridiction fiscale
En général, les États imposent le revenu soit en fonction de la résidence, soit
en fonction de la source. Or, ces deux notions deviendront probablement plus
difficiles à cerner dans le contexte du commerce électronique.
1.
Régime fiscal fondé sur la résidence
Le lieu de résidence d’une personne physique ou d’une société se livrant au
commerce électronique (domicile, lieu d’immatriculation ou siège de la direction
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12
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14
15
6
Owens (voir note 7 ci-dessus), p. 10.
LaShawn A. c. Kelly, 887 F. Supp. 297, 317 (D.D.C. 1995); voir aussi
<www.renewlife.org/faqs/faq 10.htm>.
Voir OCDE, Comité des affaires fiscales : Implementing the Ottawa Taxation Framework
Conditions (juin 2000); Streamlined Sales Tax Project,
<www.geocities.com/streamlined2000/projectstatus.html>.
Le problème des prix de transfert risque également de s’exacerber mais, sachant que Jeffrey
Owens doit traiter de cette question, je lui laisse le soin d’en évoquer ce nouvel aspect.
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effective) n’a pas nécessairement de rapport avec celui où se déroule ses activités.
Si le droit de lever l’impôt est fonction de la résidence, il sera plus que jamais facile
au contribuable de déplacer son revenu d’un pays à fiscalité élevée vers un pays à
fiscalité faible ou nulle où il aura pu établir son domicile fiscal 16. Les activités
industrielles ou commerciales traditionnelles ont toujours offert ce type de
possibilité mais le commerce électronique multiplie les opportunités dans la mesure
où il permet aux personnes physiques ou morales qui en tirent profit de rester
quasiment invisibles.
2.
Régime fiscal fondé sur la source
S’il est difficile pour des autorités fiscales d’imposer les revenus des
transactions électroniques lorsque le régime fiscal est fondé sur la résidence, il l’est
tout autant sinon plus d’imposer selon le principe de la source ceux qu’en tirent des
non-résidents. Prenons l’exemple des États-Unis, qui ont pour règle générale
d’imposer les revenus de source américaine encaissés par des personnes physiques
non résidentes ou des sociétés étrangères 17. En ce qui concerne les bénéfices
industriels ou commerciaux, ils n’imposent en principe que « les bénéfices
imposables effectivement tirés d’une activité commerciale ou industrielle menée aux
États-Unis 18 ». En outre, en vertu de la plupart des 48 conventions fiscales
bilatérales qu’ils ont conclues, les revenus que des personnes physiques ou morales
étrangères tirent d’activités commerciales ou industrielles menées aux États-Unis ne
sont imposables dans ce pays que s’ils sont imputables à un « établissement stable »
ou « installation fixe » aux États-Unis 19.
L’application aux revenus du commerce électronique de ces grands principes
de la fiscalité américaine pose un certain nombre de problèmes. Premièrement, il est
difficile de se prononcer en fonction des critères habituels sur la question de savoir
si une personne étrangère se livrant au commerce électronique exerce une activité
commerciale ou industrielle « aux États-Unis ». La notion d’entreprise industrielle
ou commerciale implantée aux États-Unis est liée aux formes d’activités
traditionnelles habituellement menées à partir d’un endroit précis. Dans le
commerce électronique en revanche, il est possible, grâce aux technologies de
l’information et de la communication, d’effectuer des transactions sans établir de
présence physique dans la juridiction fiscale où se déroulent les activités
génératrices de revenus. On a pu dire que « d’un certain point de vue, les
transactions électroniques ne semblent pas se produire dans un lieu précis mais ce
monde nébuleux qu’est le cyberespace 20 ». On ne peut pas donc dire avec certitude
qu’une personne ou société étrangère effectuant de nombreuses transactions avec
des clients américains exerce une activité commerciale ou industrielle aux ÉtatsUnis – au sens habituellement donné à ce terme – bien qu’on soit clairement en
présence d’une activité industrielle ou commerciale 21.
À supposer néanmoins qu’une personne ou une société étrangère qui effectue
des transactions électroniques avec des clients américains soit considérée comme
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16
17
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20
21
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Karl Frieden, Cybertaxation: The Taxation of E-Commerce 441 (2000).
Internal Revenue Code, par. 871, 881 et 882.
Internal Revenue Code, par. 871 et 882
Treasury White Paper (voir note 1 ci-dessus), p. 23.
Ibid., p. 26.
Voir Piedras Negras Broadcasting Co. c. United States, 43 B.T.A. 297 (1941), aff ’d, 127 F.2d
260 (5th Cir. 1942).
7
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exerçant une activité industrielle ou commerciale aux États-Unis, il restera à établir
aux fins de l’application des nombreuses conventions fiscales conclues par ceux-ci
que cette personne dispose aux États-Unis d’un « établissement stable », ce qui
soulèvera des difficultés encore plus grandes. On entend généralement par
« établissement stable » une « installation fixe d’affaires par l’intermédiaire de
laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité 22 ». Comme il n’est pas
indispensable de disposer aux États-Unis d’une installation fixe pour y effectuer des
transactions électroniques, ce dont les entreprises intéressées tendent à tirer parti,
les revenus de ces transactions pourront éventuellement être soustraits à l’impôt aux
États-Unis alors qu’ils y seraient taxés s’ils étaient le fruit de pratiques
commerciales plus traditionnelles.
De fait, l’application de la définition d’établissement stable dans le cadre du
contexte électronique pose d’importants problèmes à l’OCDE. Dans la version
provisoire du document que le Groupe de travail No 1 sur la double imposition et
les questions connexes a publié pour commentaires au sujet du projet de
clarification des commentaires sur la définition d’établissement stable figurant dans
le modèle de Convention de l’OCDE 23, le Groupe est arrivé à la conclusion que,
même si un site où un équipement automatique est exploité par une entreprise peut
constituer un établissement stable dans le pays où il est situé, une distinction doit
être faite entre l’équipement informatique et le logiciel utilisé par cet équipement.
Un site Web peut être considéré comme une combinaison de logiciels et de données
électroniques utilisés par un serveur ou stockés dans celui-ci. Il ne constitue donc
pas un établissement stable car, n’impliquant aucun bien corporel, il ne peut être
considéré comme une installation d’affaires. En revanche, le serveur a
nécessairement une localisation physique qui, elle, peut constituer une telle
installation.
Les conclusions du Groupe de travail de l’OCDE peuvent se défendre si l’on
s’en tient à la définition classique de l’établissement stable, d’autant plus qu’il a été
invité à partir du postulat que « les principes sur lesquels repose le Modèle de
convention fiscale de l’OCDE sont applicables au commerce électronique 24 ». On
peut cependant douter du bien-fondé de cette position. Il peut en effet paraître futile
de prétendre adapter à des transactions se déroulant dans un univers où la notion de
présence physique est souvent sans importance une définition de l’établissement
stable qui est précisément fondée sur cette notion. L’OCDE elle-même est
consciente du problème puisqu’elle a demandé à son Groupe technique consultatif
sur le suivi de l’application des normes existantes des conventions pour l’imposition
des bénéfices des entreprises de lui présenter, après examen, ses commentaires sur
la question de savoir :
a)
Si la notion d’établissement stable permet de définir un seuil acceptable
pour la répartition des recettes fiscales entre le pays de la source et le pays de la
résidence, dans le contexte de l’utilisation de paradis fiscaux aux fins du commerce
électronique;
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22
23
24
8
United States Model Income Tax Convention du 20 septembre 1996, art. 5, par. 1.
OCDE, Clarification pour l’application de la définition d’établissement stable dans le cadre du
commerce électronique : modifications des commentaires sur l’article 5 du Modèle de
convention fiscale de l’OCDE, version provisoire révisée publiée pour commentaires, 3 mars
2000.
Ibid., p. 2.
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b)
S’il convient de définir des règles spéciales pour le commerce
électronique et, dans l’affirmative, si les nouvelles règles pourraient remplacer les
règles internationales existantes25.
En fin de compte, la qualification d’un serveur comme établissement stable
pourrait avoir pour principale conséquence d’inciter les contribuables à installer ce
type de matériel dans des pays où la fiscalité est faible ou inexistante. En effet, étant
donné que l’emplacement d’un serveur n’a aucune incidence sur la nature d’une
transaction effectuée sur l’Internet, la planification fiscale la plus élémentaire
voudrait que les serveurs soient installés dans des paradis fiscaux ou dans des pays
qui n’assimilent pas la présence d’un serveur à un établissement stable. Une société
au moins a récemment appris ce qu’il pouvait en coûter dans un État des États-Unis
d’avoir négligé cet aspect de la fiscalité. Ayant décidé de faire héberger son serveur
par un centre de données du New Jersey, elle a appris ultérieurement que sa décision
revenait à établir une « installation d’affaires » dans cet État. Le New Jersey l’a
alors assujettie à son impôt sur les bénéfices des sociétés et a perçu une taxe sur les
achats effectués par les résidents du New Jersey, qu’ils aient ou non été effectués sur
le site Web de l’entreprise 26. On notera à ce sujet que depuis l’adoption par le
Congrès de l’Internet Tax Freedom Act (loi sur l’exonération fiscale des transactions
effectuées sur Internet), il est expressément interdit à tout État des États-Unis de
prendre prétexte de la présence dans sa juridiction d’un serveur appartenant à une
entreprise installée dans un autre État pour obliger celle-ci à collecter des taxes sur
ses ventes à distance 27.
B.
Qualification des revenus
Le commerce électronique soulève des questions fiscales épineuses car une
fois réglée la question de savoir si le contribuable est passible de l’impôt sur le
revenu et dans quelle juridiction, il faut encore, dans l’affirmative, qualifier ce
revenu. Ce point est important du fait que les règles d’imposition nationales et
internationales définissent la compétence en fonction de la catégorie de revenu.
Ainsi, selon l’Internal Revenue Code des États-Unis, la source des revenus de
professions indépendantes est le pays où les services ont été rendus 28, celle des
loyers et des redevances est fonction de l’emplacement du bien donnant lieu à leur
versement ou, dans le cas de certaines catégories de biens incorporels, le lieu où ce
bien est utilisé 29 et celle des profits sur les ventes d’articles en stock est le pays de
l’acquéreur 30. Le Modèle de convention fiscale de l’OCDE 31 et nombre de
__________________
25
26
27
28
29
30
31
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Ibid.
Ed Foster, « Exodus into New Jersey Proves to Be Very Taxing for One Dot.Com Company »,
InfoWorld.com, 25 août 2000 (<www2.infoworld.com/articles>).
Voir Walter Hellerstein, Internet Tax Freedom Act Limits States’ Power to Tax Internet Access
and Electronic Commerce, 90 J. Tax’n 5 (1999).
Internal Revenue Code, par. 861 a) 3) et 862 a) 3).
Internal Revenue Code, par. 861 a) 4) et 862 a) 4).
Internal Revenue Code, par. 861 a) 6) et 862 a) 6). Le 2 octobre 1998, l’Internal Revenue
Service a publié les règles finales régissant la qualification du revenu de transactions supposant
l’utilisation de logiciels. Voir Treas. Reg. 1.861.18. Ces dispositions pourraient se révéler
importantes pour la mise au point par les États-Unis de règles de qualification des revenus du
commerce électronique.
Modèle de convention fiscale de l’OCDE concernant le revenu et la fortune, 30 juin 1998
(dénommé Modèle de convention fiscale de l’OCDE).
9
ST/SG/AC.8/2001/L.4
conventions bilatérales contiennent des dispositions analogues qui déterminent à
laquelle des parties revient le droit de lever l’impôt compte tenu de la nature du
revenu.
En matière de commerce électronique, la principale difficulté consiste à établir
une analogie entre les transactions électroniques et les transactions traditionnelles
visées par les dispositions pertinentes du droit national et des traités internationaux.
On peut considérer, par exemple, que l’acquéreur d’une image numérisée achète les
services de l’entreprise qui a mis l’image sur l’Internet. Le revenu tiré de cette vente
devrait alors être imputé à l’État où se produit la prestation de services 32. Mais on
peut également considérer que la transaction consiste à acheter le droit d’utiliser un
bien incorporel – l’image numérisée transmise via l’Internet. Dans ce cas de figure,
le droit de lever l’impôt sur le bénéfice découlant de la transaction revient
normalement à l’État où le droit constituant ce bien incorporel est exercé 33. Enfin,
on peut également estimer que la transaction n’est autre chose que l’achat d’une
photographie, qui sur le plan économique est identique à l’achat de n’importe quel
article. En principe, le bénéfice est alors imposable par l’État de destination du titre
de propriété de la photographie 34. Il est évident qu’une transaction électronique doit
être classée en fonction de ses caractéristiques. L’exemple retenu a simplement pour
objet de démontrer que cette opération, qui est déterminante pour l'attribution du
droit de lever l’impôt sur les bénéfices qui en découlent, est une tâche très ardue à
laquelle nous venons tout juste de nous atteler.
Les premiers travaux du Groupe technique consultatif (GTC) de l’OCDE sur la
classification conventionnelle des paiements effectués au titre du commerce
électronique donnent une idée des difficultés qui nous attendent 35. Ainsi, les
membres du Groupe n’ont pu se mettre d’accord sur la manière de classer la
commande et le téléchargement d’un produit numérique lorsque la transaction
consiste pour le client à sélectionner un produit sur un catalogue en ligne, le
commander en ligne auprès d’une entreprise commerciale et le télécharger sur son
disque dur. Pour la majorité des membres du Groupe, une telle transaction relève de
l’article 7 du Modèle de convention fiscale de l’OCDE, qui vise les « bénéfices des
entreprises », car elle peut être assimilée à la commande électronique de biens
tangibles, les modalités de la livraison ne justifiant pas de la classer différemment
aux fins de l’application des règles conventionnelles. Pour une minorité en
revanche, la transaction se solde par le paiement de « redevances » et relève en
conséquence de l’article 12 du Modèle de convention puisqu’elle consiste en réalité
pour le consommateur à acquérir le droit de copier un logiciel sur son disque dur.
__________________
32
33
34
35
10
Internal Revenue Code, par. 861 a) 3) et 862 a) 3). En vertu des articles 14 et 15 du Modèle de
convention fiscale de l’OCDE, l’application de ce principe dépendrait en partie de la question de
savoir si les services se rattachent effectivement à un établissement permanent ou sont
imputables à une base fixe située dans le pays où ils sont fournis.
Internal Revenue Code, par. 861 a) 4) et 862 a) 4). En vertu de l’article 12 du Modèle de
convention fiscale de l’OCDE, l’application de ce principe dépendrait en partie de la question de
savoir si les services se rattachent effectivement à un établissement permanent ou sont
imputables à une base fixe situées dans le pays où ils sont fournis.
Internal Revenue Code, par. 861 a) 6) et 862 a) 6). En vertu de l’article 7 du Modèle de
convention fiscale de l’OCDE, l’application de ce principe dépendrait en partie de la question de
savoir si les « bénéfices » tirés de cette vente sont « imputables » à un établissement stable situé
dans l’État où le titre de propriété est transféré.
Groupe technique consultatif de l’OCDE sur la classification conventionnelle des paiements
effectués au titre du commerce électronique, 24 mars 2000.
unpan001661.doc
ST/SG/AC.8/2001/L.4
Dans un rapport préliminaire, le GTC a décrit 26 catégories de transactions
portant, entre autres, sur le commerce de produits numériques (mises à jour et
modules complémentaires, logiciels à durée limitée, logiciels à usage unique, etc.),
l’hébergement d’applications (sous licence distincte ou dans le cadre d’un contrat
global), l’hébergement de sites Web, la maintenance logicielle et autres formes
d’assistance aux clients, l’entreposage et la recherche de données, l’accès
électronique à des conseils professionnels et les portails commerciaux et enchères
en ligne. Si les paiements découlant de certaines transactions ont pu être classés à
l’unanimité comme des bénéfices industriels ou commerciaux, des redevances ou
des paiements au titre de la prestation de services au sens des dispositions des
conventions, les autres ont fait l’objet d’avis divergents. Mon objectif en décrivant
ces transactions n’est pas de dresser une liste de règles, mais de souligner un point à
mon avis fondamental : le commerce électronique est la source d’innombrables
transactions qui soulèvent des problèmes inédits de qualification des revenus, que
les catégories actuelles ne permettent pas aisément de résoudre.
C.
Observations finales sur les avantages et inconvénients respectifs
de l’imposition en fonction de la résidence et de l’imposition
à la source dans le contexte du commerce électronique
Dans le livre blanc intitulé « Selected Tax Policy Implications of Global
Electronic Commerce 36 », le Département du Trésor des États-Unis considère que
l’avènement du commerce électronique ne peut qu’« accélérer » la tendance en
faveur de l’imposition en fonction de la résidence, aux dépens de l’imposition à la
source, en raison des difficultés soulevées par la mise en oeuvre d’un régime
d’imposition à la source dans le cyberespace :
Le développement des nouvelles technologies des communications et du
commerce électronique va sans doute nécessiter une application plus
systématique des principes d’imposition en fonction de la résidence. Dans le
cyberespace, il est souvent difficile, voire impossible, d’utiliser la notion
traditionnelle de source pour établir un lien entre un élément de revenu et un
lieu géographique donné. L’imposition à la source pourrait donc perdre sa
raison d’être et être frappée d’obsolescence du fait de l’apparition du
commerce électronique. En revanche, presque tous les contribuables résident
quelque part... La politique fiscale des États-Unis reconnaît déjà qu’à mesure
que les principes traditionnels perdent de leur importance, l’imposition en
fonction de la résidence peut s’y substituer. Cette tendance sera accélérée par
l’évolution du commerce électronique, domaine dans lequel les principes de
l’imposition en fonction de la résidence revêtiront aussi une grande
importance 37.
Cette analyse est sujette à caution pour diverses raisons. D’abord, comme le
fait observer M. Reuven Avi-Yonah, « la recommandation tendant à imposer les
revenus tirés du commerce électronique principalement ou exclusivement en
fonction de la résidence ne reflète pas le consensus international qui est à la base
des conventions fiscales et du régime fiscal international des États-Unis 38 ». Ce
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36
37
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Treasury White Paper.
Ibid., p. 20.
Reuven S. Avi-Yonah, International Taxation of Electronic Commerce, 52 Tax L. Rev. 507, 525
11
ST/SG/AC.8/2001/L.4
consensus repose sur l’idée que le pays de la résidence a prioritairement le droit
d’imposer les revenus passifs (de placements), tandis que le pays de la source a
prioritairement le droit d’imposer les revenus actifs (tirés d’une activité industrielle
ou commerciale) 39. L’abandon du principe de l’imposition à la source en faveur du
principe de l’imposition en fonction de la résidence dans le contexte du commerce
électronique serait donc contraire aux normes internationalement acceptées dans le
domaine de la politique fiscale.
Ensuite, il n’est pas du tout certain que l’imposition en fonction de la
résidence apporte une solution à toutes les difficultés que soulève l’attribution des
revenus du commerce électronique en fonction de la source. Certes, un régime
d’imposition en fonction de la résidence serait sans doute un peu moins compliqué à
administrer qu’un régime d’imposition à la source dans le cas des revenus du
commerce électronique, mais « nombre de spécialistes de la fiscalité internationale
ont rencontré des situations beaucoup plus complexes qui les amènent à considérer
qu’à terme, l’imposition du commerce électronique ne pourra reposer sur le principe
de la résidence 40 ». De surcroît, « le manque de pertinence de la notion de résidence
dans le cas d’une société 41 » et la facilité avec laquelle une entreprise exerçant son
activité sur l’Internet peut établir une résidence à l’écart de ses activités
« matérielles » donnent à penser que l’adoption généralisée d’un régime fondé sur la
résidence pour l’imposition du commerce électronique soulèverait sans doute autant
de problèmes qu’elle en résoudrait.
Enfin, et ce point est particulièrement important pour les pays en
développement et les économies en transition, un régime fondé sur la notion de
résidence pose de sérieux problèmes d’équité fiscale au niveau international.
Comme le fait observer Charles McLure, « le passage à un système d’imposition en
fonction de la résidence serait une aubaine pour les États-Unis, premier producteur
mondial de contenu électronique 42 ». « En revanche, » poursuit-il, « cette
perspective est préoccupante si l’on se place du point de vue du pays de la source ou
du pays où a lieu la consommation – en particulier s’il s’agit de pays en
développement 43 ». David Tillinghast exprime les mêmes craintes :
Les mutations provoquées par l’Internet ..., qui réduit de façon spectaculaire le
besoin de présence physique du vendeur ou du prestataire de services dans le
pays où est situé son client, risquent de modifier fondamentalement la
répartition des recettes en faisant nettement pencher le système d’imposition,
et donc les recettes, en faveur du pays de la résidence. Étant donné que les flux
de revenus entre pays ne sont pas toujours équilibrés et qu’ils sont même
souvent très déséquilibrés lorsqu’il s’agit de flux entre pays développés et pays
__________________
39
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43
12
(1997).
Ibid., p. 520.
James D. Cigler, International of Taxation of Electronic Commerce: An Evolution Requiring
Planning and Action (document non publié présenté à l’International Tax Reform Forum, Tax
Policy Group, Silicon Valley Joint Venture, le 4 décembre 1997), cité dans Charles E. McLure,
Jr., Taxation of Electronic Commerce: Economic Objectives, Technological Constraints, and Tax
Laws 269, 419 et 420 (1997).
Avi-Yonah, p. 527.
McLure, p. 420.
Ibid. (caractères italiques ajoutés).
unpan001661.doc
ST/SG/AC.8/2001/L.4
en développement, de telles mutations pourraient avoir de profondes
conséquences sur le plan des recettes publiques 44.
Pour résumer, abstraction faite des impératifs d’une politique fiscale rationnelle ou
de toute considération pratique concernant sa mise en oeuvre, il est incontestable
que le choix de principes d’imposition donnés risque fort d’avantager les uns aux
dépens des autres. Par conséquent, si au-delà du simple calcul mathématique, on
tient compte des effets redistributifs, un système d’imposition des revenus du
commerce électronique fondé sur la résidence n’est sans doute guère souhaitable.
Il existe certes une autre option qui permettrait d’éviter quelques-unes des
difficultés soulevées par les règles actuelles d’imposition à la source sans aller
jusqu’à adopter un système d’imposition des revenus du commerce électronique en
fonction de la résidence : elle consiste à répartir les recettes au moyen d’une
formule prédéterminée. Cette approche permettrait aussi de ne pas avoir à procéder
à des enquêtes complexes, difficiles et souvent peu satisfaisantes sur l’application
du principe de la libre concurrence en matière de prix de transfert pour éviter une
manipulation des prix entre entreprises appartenant à un même groupe. Il va sans
dire que, bien que la méthode de répartition des revenus imposables au moyen d’une
formule soit utilisée depuis longtemps dans les États fédérés américains45, son
application éventuelle au niveau international est très controversée 46 et irait à
l’encontre des normes internationales acceptées par les pays de l’OCDE 47 et de la
doctrine des autorités budgétaires fédérales des États-Unis 48. Si l’on mentionne ici
cette méthode, ce n’est pas pour en recommander l’adoption, ni même pour inciter
quiconque à l’envisager sérieusement, mais seulement pour veiller à ce que toutes
les options possibles soient présentées.
IV. Commerce électronique et impôts sur la consommation
À bien des égards, les problèmes fiscaux les plus pressants que pose le
commerce électronique concernent les impôts sur la consommation, et non les
impôts sur le revenu. Étant donné que les consommateurs ayant accès à l’Internet
sont chaque jour plus nombreux et qu’un nombre toujours plus grand de produits,
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48
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David R. Tillinghast, The Impact of the Internet on the Taxation of Informational Transactions,
50 Bull. Intl. Fisc. Doc. 524, 525 (1996). L’Australian Tax Office a exprimé une opinion
similaire. Voir Australian White Paper, par. 7.
Voir, d’une manière générale, Jerome R. Hellerstein & Walter Hellerstein, State Taxation,
chap. 8, 9 (3e éd. 1998).
Voir Barclays Bank PLC c. Franchise Tax Bd., 512 U.S. 298 (1994) (décision qui considère que
la Constitution ne s’oppose pas à l’application de la formule de répartition des revenus des
sociétés utilisée en Californie à une entreprise multinationale établie à l’étranger et qui fait état
de l’opposition internationale à ce système).
Modèle de convention fiscale de l’OCDE, art. 7, commentaire, par. 4 (septembre 1992).
Pour l’observateur non averti, il peut sembler étonnant que les États fédérés américains mènent
une politique contraire à celle qui est défendue par l’administration fédérale. Cependant, il est
dans la nature du système fédéral américain de permettre aux États d’agir de façon autonome
dans le domaine budgétaire en l’absence d’instructions contraires expresses du Congrès. Voir
Hellerstein & Hellerstein, par. 8.16. Aucune instruction expresse du Congrès n’interdit aux États
d’appliquer un système de répartition aux entreprises multinationales, même si les États euxmêmes ont généralement adopté ces dernières années des dispositions législatives limitant
l’application de ce type de système aux situations dans lesquelles un même groupe à des filiales
de part et d’autre de la frontière. Ibid., par. 8.17.
13
ST/SG/AC.8/2001/L.4
matériels et immatériels, sont vendus sur l’Internet, les administrations fiscales se
trouvent confrontées à des problèmes immédiats et réels, car les transactions avec
les particuliers constituent en général le maillon le plus faible de l’administration
d’un système fiscal. Ainsi, comme le fait observer l’OCDE, « il est généralement
admis que l’application des impôts sur la consommation pose plus de problèmes
dans l’immédiat que la fiscalité directe49 ».
Pour examiner l’impact du commerce électronique sur le plan des impôts
indirects, il convient d’établir une distinction entre les impôts sur la consommation
au niveau national et au niveau infranational et, en particulier, entre la taxe sur la
valeur ajoutée (TVA), comme celle qui a été adoptée par les membres de l’Union
européenne, et les taxes sur les ventes au détail, en vigueur dans les États
américains. Bien que, dans leur principe, ces deux catégories de taxes soient des
impôts sur la consommation et que certains des problèmes soulevés par le commerce
électronique leur soient communs, il existe entre elles des différences considérables
qui peuvent donner lieu à des ambiguïtés et à des erreurs d’interprétation lorsqu’on
les désigne collectivement sous le nom général de « taxes sur la consommation ».
On examinera donc tout d’abord les questions soulevées par la TVA dans le contexte
du commerce électronique, avant de passer aux problèmes particuliers que posent
les taxes américaines sur les ventes au détail.
A.
Questions soulevées par la TVA
Pour bien comprendre les conséquences du commerce électronique sur le plan
de la fiscalité indirecte, il faut commencer par définir quatre catégories de
transactions faisant appel au commerce électronique : premièrement, les transactions
se traduisant par la vente, d’entreprise à entreprise, de biens matériels consommés
par des moyens électroniques (par exemple, l’achat sur l’Internet, par une entreprise
assujettie à l’impôt, d’un ordinateur à un fournisseur à distance); deuxièmement, les
transactions se traduisant par la vente, d’entreprise à entreprise, de produits
numériques (par exemple, l’achat sur l’Internet, par une entreprise assujettie à
l’impôt, d’une base de données électronique à un fournisseur de bases de données);
troisièmement, les transactions se traduisant par la vente, d’entreprise à
consommateur, de biens matériels consommés par des moyens électroniques (par
exemple, l’achat sur l’Internet, par un particulier, de vêtements à un vendeur à
distance); quatrièmement, enfin, les transactions se traduisant par la vente,
d’entreprise à consommateur, de produits numériques (par exemple, l’achat sur
l’Internet, par un particulier, d’une vidéo téléchargeable à un vendeur à distance).
Ces quatre catégories de transactions peuvent être illustrées de la manière suivante :
Entreprise-entreprise,
biens matériels
Entreprise-consommateur,
biens matériels
Entreprise-entreprise,
produits numériques
Entreprise-consommateur,
produits numériques
Les questions soulevées par les transactions se traduisant par la vente de biens
matériels par des moyens électroniques, qu’elles aient lieu entre deux entreprises ou
entre une entreprise et un particulier, n’ont en fait rien de bien nouveau. La vente à
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49
14
Document de travail de l’OCDE, p. 19.
unpan001661.doc
ST/SG/AC.8/2001/L.4
distance existe depuis de nombreuses années, et il n’y a pas de différence de
principe entre une transaction internationale portant sur des biens matériels
effectuée par télécopie ou téléphone et la même transaction effectuée sur un écran
d’ordinateur. Par ailleurs, comme le fait observer l’OCDE, « les pays membres
disposent ... de systèmes permettant d’imposer l’importation de produits
matériels 50 ». Si le commerce électronique multiplie manifestement les possibilités
d’échanges commerciaux entre pays et si l’augmentation du volume de ce type de
transaction incite à examiner les procédures en vigueur pour veiller à ce que cellesci permettent de recouvrer efficacement les impôts correspondants et d’expédier
rapidement les produits considérés vers leur destination 51, le commerce électronique
ne remet pas fondamentalement en cause le fonctionnement de la TVA, du moins en
ce qui concerne les biens matériels. Comme l’a récemment indiqué l’Union
européenne à propos de l’augmentation probable des achats de biens matériels par
des particuliers sur les réseaux électroniques :
Aux fins de la TVA, ces achats sont traités de la même façon que toute autre
forme de vente à distance (ventes sur catalogues, par téléphone, par
correspondance, etc.). La taxation de ces transactions fait l’objet de
mécanismes solidement ancrés – les marchandises achetées dans les pays tiers
sont taxées à l’importation, les marchandises exportées le sont à des taux zéro
et les ventes intracommunautaires de marchandises sont taxées dans le cadre
d’un régime particulier pour les ventes à distance, soit dans l’État membre du
vendeur, soit dans celui de l’acheteur (cela dépendra en grande partie du
volume des transactions réalisées par le vendeur) 52.
Par conséquent, ce ne sont pas les ventes de produits matériels, mais les ventes
de produits numériques d’entreprise à entreprise ou d’entreprise à particulier par le
biais des réseaux électroniques qui soulèvent des questions nouvelles et difficiles du
point de vue de la TVA. Ces questions sont analogues, à bien des égards, à celles
que l’on rencontre sur le plan de la fiscalité directe, c’est-à-dire qu’il s’agit aussi de
questions de compétence et de qualification, mais le contexte est différent. En
principe, bien sûr, aucune question de compétence ne se pose en ce qui concerne le
contribuable qui acquittera en fin de compte la TVA – c’est-à-dire le
consommateur – car les autorités fiscales auront toujours compétence sur le
consommateur si la taxe est imposée par le pays où a lieu la consommation. Dans la
pratique, cependant, si elles ne peuvent exercer leur compétence sur le vendeur, les
autorités fiscales ne pourront pas assujettir à un impôt sur la consommation les
transactions d’entreprise à particulier portant sur des produits numériques.
La qualification de l’objet de la transaction est elle aussi importante, car
l’assujettissement à la TVA (du moins dans l’Union européenne, sur laquelle porte la
présente analyse) dépend du lieu où il est livré, et il est très important de savoir s’il
s’agit d’un bien ou d’un service pour déterminer si, et à quel moment, la TVA doit
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50
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52
unpan001661.doc
Document de travail de l’OCDE, p. 24.
L’OCDE a fait observer que beaucoup de pays membres appliquent un allégement de droits de
douane aux colis de faible valeur provenant d’expéditeurs situés à l’étranger, qui leur permette
d’échapper totalement à l’impôt. Dans le contexte d’un marché mondial dans lequel les
consommateurs peuvent acquérir plus facilement ces produits auprès de fournisseurs étrangers,
l’OCDE suggère que les pays membres envisagent de réexaminer les seuils fixés pour veiller à
ce que les fournisseurs locaux ne soient pas désavantagés par la concurrence des fournisseurs
étrangers qui ne sont pas soumis à l’impôt. Ibid., p. 24.
Proposition de directive de l’UE, Exposé des motifs, p. 4.
15
ST/SG/AC.8/2001/L.4
être acquittée et qui devra la verser aux autorités fiscales53. Les règles régissant
l’application de la TVA aux marchandises reposent sur la notion de destination, mais
celles qui visent les services sont plus complexes. Le principe de base est que le lieu
où un service est fourni est celui où le fournisseur a établi son activité ou dispose
d’un établissement stable à partir duquel le service est fourni 54. Cependant, un
certain nombre de règles particulières s’appliquent à des catégories particulières de
services, comme les services relatifs aux terrains, les services relatifs aux transports,
les services impliquant des activités physiques et, les plus importants du point de
vue de la présente analyse, les services portant sur des produits immatériels, les
services de consultants et les télécommunications 55. Le lieu où sont fournis ces
services lorsque les clients se trouvent hors de l’Union européenne ou sont des
personnes physiques ou morales de l’Union européenne assujetties à l’impôt mais ne
se trouvant pas dans le même pays que le fournisseur, est le lieu où le client – et non
pas le fournisseur – a établi son activité 56. À cet égard, le mécanisme de
l’autoliquidation, c’est-à-dire le versement de la taxe par le destinataire, est souvent
utilisé pour recouvrer la TVA auprès des clients de l’Union européenne 57; par
ailleurs, en vertu d’une directive récente sur la TVA concernant les
télécommunications, les prestataires de services de télécommunications aux
particuliers, lorsqu’ils ne sont pas de l’Union européenne, doivent s’immatriculer
dans l’Union européenne et se charger du recouvrement de la TVA 58.
S’agissant des questions soulevées par la TVA de l’Union européenne et
d’autres impôts sur la consommation dans le contexte du commerce électronique, le
Comité des affaires fiscales de l’OCDE a adopté les conditions-cadres ci-après pour
aider les pays à adapter leurs impôts sur la consommation au commerce
électronique :
Les règles d’imposition des échanges internationaux devraient aboutir à
l’imposition dans le pays où la consommation a lieu et il faudrait parvenir à un
consensus international sur les circonstances dans lesquelles les biens ou
services sont considérés comme consommés dans un pays donné.
Au regard de l’impôt sur la consommation, la livraison de produits
numérisés ne devrait pas être traitée comme une livraison de biens.
Lorsque les entreprises et autres organismes acquièrent dans un pays des
services et des biens incorporels auprès de fournisseurs à l’étranger, les pays
doivent envisager le recours à l’autoliquidation, à l’auto-évaluation ou à
d’autres mécanismes équivalents si cela permet de préserver immédiatement
leur base d’imposition ainsi que la compétitivité des fournisseurs nationaux 59.
Les conditions-cadres ont des conséquences importantes du point de vue de
l’application des impôts sur la consommation au commerce électronique.
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53
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16
Frieden, p. 408.
Sixième directive de la Communauté européenne sur la TVA, art. 9.1, Directive du Conseil
77/388/CEE.
Frieden, p. 394 à 397.
Sixième directive de la Communauté européenne sur la TVA, art. 9.2 e), Directive du Conseil
77/388/CEE.
Frieden, p. 397 et 398.
Ibid., p. 404 à 407.
OCDE, Comité des affaires fiscales : Conditions-cadres pour l’imposition du commerce
électronique, p. 5 (1998).
unpan001661.doc
ST/SG/AC.8/2001/L.4
Premièrement, en réaffirmant l’importance déterminante de la « destination », c’està-dire en stipulant que l’imposition doit intervenir là où la consommation a lieu,
l’OCDE reste fidèle aux principes sur lesquels repose la TVA. Simultanément, en
revanche, sa position soulève un certain nombre de questions quant à l’efficacité de
l’administration de l’impôt, car il peut se révéler extrêmement difficile de
déterminer le lieu de consommation et d’y recouvrer l’impôt dans le contexte du
commerce électronique. Deuxièmement, en qualifiant la fourniture de produits
numérisés de prestation de services et non de fourniture de marchandises, l’OCDE
s’efforce d’introduire un élément de certitude dans le régime international des
produits numériques, pour lesquels les autorités fiscales pourront élaborer un
ensemble de règles. Elle vise également à éviter une érosion de l’assiette, qui se
produirait si les produits numériques étaient qualifiés de marchandises mais
échappaient aux mécanismes de recouvrement (contrôles douaniers, par exemple)
qui sont adaptés aux biens matériels, mais non aux services numériques ou aux
biens immatériels 60. Troisièmement, en recommandant de recourir au mécanisme de
l’autoliquidation pour les transactions électroniques interentreprises, l’OCDE
reconnaît qu’il est souhaitable – sinon nécessaire – de mettre au point des
mécanismes de recouvrement différents pour le commerce électronique
interentreprises et pour le commerce électronique d’entreprise et à particulier.
La récente proposition de directive de l’Union européenne 61 recommandant la
modification de la sixième directive communautaire illustre bien les efforts qui sont
déployés pour remédier aux problèmes que pose le commerce électronique sur le
plan des impôts sur la consommation dans le contexte des conditions-cadres de
l’OCDE. La proposition concerne notamment le régime de la fourniture en ligne de
biens et services numériques destinés à la consommation finale. Faisant observer
que « le mécanisme dit de l’autoliquidation ... assure effectivement une imposition
correcte de la plupart des transactions d’entreprise à entreprise », l’exposé des
motifs accompagnant la proposition de directive précise toutefois que « les
dispositions existantes ne prennent pas suffisamment en compte tout l’éventail des
services qui peuvent être fournis électroniquement » 62. Il est par conséquent proposé
de maintenir le mécanisme d’autoliquidation pour les transactions d’entreprise à
entreprise, mais d’imposer une obligation d’enregistrement aux prestataires de pays
tiers effectuant des transactions avec des particuliers. Simultanément, la proposition
indique clairement que les prestataires de l’Union européenne effectuant des
transactions avec des clients de pays tiers ne se verraient pas imposer de TVA, ce
qui leur confère un avantage concurrentiel par rapport aux prestataires de pays tiers.
Bien que la proposition de directive s’attaque de front à la question la plus
difficile soulevée par l’application de la TVA au commerce électronique – à savoir
son application aux ventes à distance d’entreprise à particulier – il reste à voir si
l’Union européenne (ou d’ailleurs toute autre autorité publique) sera effectivement
en mesure d’imposer une obligation de recouvrement aux entreprises vendant à
distance des produits numériques à des particuliers. Comme on pouvait s’y attendre,
la Chambre de commerce américaine a réagi à l’annonce de l’Union européenne en
déclarant que « toute initiative législative de la Commission visant à étendre la
compétence de l’Union européenne en matière de TVA au-delà des frontières
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61
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Document de travail de l’OCDE, p. 20.
Voir proposition de directive de l’UE.
Proposition de directive de l’UE, Exposé des motifs, p. 7.
17
ST/SG/AC.8/2001/L.4
physiques de celle-ci poserait des problèmes 63 ». Le point sans doute le plus
important, d’ailleurs réaffirmé par l’administration Clinton, est que toute
proposition visant à remédier aux problèmes posés par l’imposition internationale
du commerce électronique doit être formulée dans le cadre de l’OCDE, organisation
qui coordonne un vaste effort concerté tendant à apporter des solutions à ces
questions. Comme l’a déclaré le Secrétaire adjoint au Trésor Stuart Eisentstat :
Les propositions unilatérales, même si elles prétendent
conditions-cadres de l’OCDE, accroissent les risques de
imprévues. Elles peuvent nuire au processus engagé à l’OCDE
détermination de ceux qui se sont efforcés de résister à
unilatérales dans l’attente des résultats de ce processus64.
B.
respecter les
conséquences
et affaiblir la
des mesures
Questions soulevées par la taxe de vente au détail
au niveau infranational aux États-Unis
Les questions soulevées par l’application de la taxe de vente au détail
américaine au commerce électronique suscitent beaucoup d’intérêt au niveau
national comme au niveau international. Or, au plan international au moins, cet
intérêt ne semble guère justifié. Comme on le verra ci-après, les Américains ont très
peu de choses à apprendre au reste du monde en ce qui concerne les impôts sur la
consommation, et les problèmes avec lesquels ils se débattent aujourd’hui à propos
de l’imposition du commerce électronique sont des problèmes qu’ils se sont euxmêmes créés et qui tiennent à l’absence d’harmonisation de leurs régimes fiscaux au
niveau des États et des collectivités locales et, par conséquent, à l’impossibilité pour
les États de demander à des vendeurs à distance de recouvrer des taxes sur leurs
ventes aux consommateurs locaux – qu’elles concernent des produits matériels ou
des produits immatériels.
Pour saisir le « problème américain » posé par l’imposition au niveau
infranational (États et collectivités locales) des ventes au détail dans le contexte du
commerce électronique, il faut d’abord bien comprendre la nature des taxes
américaines sur les ventes au détail et les contraintes constitutionnelles qui pèsent
sur leur mise en oeuvre. Quarante-cinq États et le district de Columbia, de même
que nombre de leurs subdivisions politiques, ont adopté des taxes sur les ventes au
détail 65. L’aspect probablement le plus important de la législation actuelle des États
dans ce domaine, du point de vue du commerce électronique, est que les taxes de
vente au détail des États ne s’appliquent généralement qu’à la vente de biens
matériels et non à la vente de services ou de biens immatériels. Quelques États
imposent une taxe sur une large gamme de services (dont les services d’information
et les services informatiques) et la plupart d’entre eux imposent une taxe sur
certains services (services d’utilité publique et services hôteliers, par exemple), mais
les taxes de vente de la plupart des États ne visent que les ventes de biens matériels.
Les taxes des États sur les ventes au détail sont donc un impôt sur la consommation
très imparfait – car il n’y a aucune raison valable d’établir une distinction entre la
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64
65
18
BNA, Daily Tax Report, 8 juin 2000, p. G-2.
BNA, Daily Tax Report, 9 juin 2000, G-3.
Hellerstein & Hellerstein, par. 12.02. Les taxes de vente locales sont généralement, mais pas
toujours, identiques aux taxes de vente de l’État et ont simplement pour effet de majorer le taux
global de la taxe de vente.
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consommation de biens et la consommation de services par les ménages aux fins des
impôts sur la consommation 66. Surtout, dans le contexte qui nous intéresse ici, les
taxes des États sur les ventes au détail ne posent guère de problème en ce qui
concerne le commerce électronique, puisque les ventes de produits numériques –
seule nouveauté créée par le commerce électronique si les impôts sur la
consommation sont judicieusement conçus 67 – sont en grande partie exclues du
champ d’application de ces taxes.
On est donc en droit de se demander pourquoi les Américains s’intéressent tant
à l’application de la taxe de vente au détail au commerce électronique. Pour saisir
pleinement le sens de la réponse un peu longue qui est donnée ci-après à cette
question, il faut d’abord bien comprendre la structure constitutionnelle régissant les
pouvoirs de chaque État en matière d’imposition des ventes entre États.
Commençons par expliquer ce qu’est une taxe d’utilisation. Lorsque les États ont
initialement adopté des taxes sur les ventes au détail, pendant la dépression, ils se
sont heurtés au problème suivant : ils risquaient de perdre des recettes et leurs
entreprises risquaient de manquer des affaires si leurs résidents allaient faire leurs
achats dans des États voisins n’appliquant pas de taxe sur les ventes au détail (ou
appliquant une taxe moins élevée). En vertu des clauses de la Constitution
américaine concernant le commerce et le « Due Process », il a toujours été entendu
qu’un État ne pouvait pas imposer de taxe sur une vente qui avait lieu dans un autre
État. Pour remédier à ce problème, les États ont adopté des taxes d’utilisation.
Une taxe d’utilisation est imposée sur l’utilisation, le stockage ou la
consommation de biens personnels matériels et de certains services dans l’État. Elle
équivaut, sur le plan fonctionnel, à une taxe de vente. Elle est imposée sur les
mêmes transactions et au même taux que la taxe de vente qui aurait été imposée si la
transaction avait relevé de la compétence fiscale de l’État. Cependant, étant donné
que l’utilisation, le stockage ou la consommation de biens ou de services dans l’État
relèvent du pouvoir d’imposition de l’État, il n’y a pas d’objection constitutionnelle
à l’imposition d’une telle taxe 68 – contrairement à l’imposition d’une taxe sur une
vente ayant lieu dans un autre État.
En principe, un consommateur de l’État ne peut donc tirer aucun avantage
d’un achat en franchise de taxe de vente dans un autre État, car il se verra en
définitive imposer une taxe d’utilisation identique lorsqu’il utilisera, stockera ou
consommera le bien ou le service acheté dans son propre État. Si, par exemple, un
résident de l’État de Washington se rend dans l’Oregon pour acheter une
automobile, il ne paiera pas de taxe dans l’Oregon, où il n’y a pas de taxe sur les
ventes, mais il paiera dans l’État de Washington, lorsqu’il fera immatriculer son
automobile, une taxe d’utilisation équivalant à la taxe de vente qu’il aurait payée s’il
avait acheté l’automobile dans l’État de Washington. Chacun des 45 États et le
district de Columbia qui imposent des taxes sur les ventes imposent aussi des taxes
d’utilisation complémentaires.
En théorie, le régime de base taxe de vente/taxe d’utilisation décrit ci-dessus
s’applique aux ventes par correspondance de la manière qu’il s’applique aux
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Ibid., par. 12.05. Les raisons pour lesquelles les taxes américaines sur les ventes au détail n’ont
qu’un champ d’application limité sont dans une large mesure historiques et politiques.
Voir notes 50 à 52 ci-dessus.
Voir Henneford c. Silas Mason Co., 300 U.S. 577 (1937) (pour une justification du caractère
constitutionnel d’un système de taxe d’utilisation au niveau des États).
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transactions sur les automobiles. Ainsi, si j’achète un livre à Amazon.com et que ce
livre m’est expédié à Athens, dans l’État de Géorgie, il ne fait aucun doute que je
devrai verser à celui-ci une taxe d’utilisation égale à la taxe de vente que j’aurais
versée si j’avais acheté le livre dans une librairie d’Athens. Il existe toutefois une
différence importante entre l’achat effectué auprès d’Amazon.com et l’achat
d’automobile décrit plus haut. Dans le cas de l’automobile, l’État a un moyen
concret d’obliger l’acheteur à payer la taxe d’utilisation – en la recouvrant au
moment de l’immatriculation du véhicule. En revanche, les États n’obligent pas les
consommateurs à immatriculer les livres qu’ils achètent (et ils ne pourront
vraisemblablement jamais le faire tant que le premier amendement restera en
vigueur). Par conséquent, à moins que le consommateur ne paie volontairement la
taxe d’utilisation sur l’achat qu’il effectue auprès du vendeur d’un autre État, ce qui
est relativement rare bien que les consommateurs aient l’obligation légale de le
faire, l’État n’a aucun moyen concret de recouvrer la taxe d’utilisation, si ce n’est
d’obliger le vendeur de l’autre État à la prélever, de la même manière qu’il oblige
les vendeurs situés sur son territoire à prélever la taxe de vente.
C’est à ce stade de l’analyse que l’on perçoit la principale contrainte
constitutionnelle pesant sur les États en ce qui concerne les ventes à distance, à
savoir qu’à moins que le vendeur de l’autre État n’ait une relation ou un lien
important avec l’État, la Constitution ne donne pas à celui-ci le pouvoir d’obliger le
vendeur à recouvrer la taxe d’utilisation que le consommateur lui doit au titre du
bien ou service qu’il a acheté. Dans le jugement qu’elle a rendu en 1967 dans
l’affaire National Bellas Hess, Inc. c. Department of Revenue 69, la Cour suprême
des États-Unis a considéré que les clauses de la Constitution fédérale concernant le
commerce et le « Due Process » empêchaient un État (l’Illinois, en l’occurrence)
d’imposer une obligation de recouvrement de la taxe d’utilisation à un vendeur à
distance n’ayant aucune présence physique dans l’État. Ce faisant, la Cour suprême
a expressément invoqué l’absence d’harmonisation entre les taxes sur les ventes au
détail appliquées par les États et par les collectivités locales pour justifier son refus
d’imposer une obligation de recouvrement au vendeur à distance :
Si le pouvoir de l’Illinois d’imposer une obligation de recouvrement de la taxe
d’utilisation à National était reconnu, il y aurait entrave réelle et immédiate à
la libre conduite des activités inter-États de cette société. En effet, si l’Illinois
pouvait imposer une telle obligation, tout autre État pourrait le faire, de même
d’ailleurs que toute municipalité, toute circonscription scolaire et toute autre
subdivision politique ayant le pouvoir d’imposer des taxes de vente et des
taxes d’utilisation. La multiplicité des taux de ces taxes, des exemptions
autorisées et des obligations administratives et comptables pourrait soumettre
l’activité commerciale inter-États de la National à une multiplicité
d’obligations complexes envers des autorités locales n’ayant pas légitimement
le droit d’imposer une participation équitable aux coûts des administrations
locales 70.
Vingt-cinq ans plus tard, en 1992, la Cour suprême a réaffirmé, dans l’affaire Quill
Corp. c. North Dakota 71, la principale conclusion qu’elle avait formulée dans
l’affaire Bellas Hess – à savoir que les États ne peuvent pas obliger un vendeur à
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386 U.S. 753 (1967).
Ibid., p. 761 et 762 (notes supprimées).
504 U.S. 298 (1992).
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distance n’ayant pas de présence physique dans l’État à recouvrer la taxe
d’utilisation due sur les biens vendus aux acheteurs de l’État.
Pour résumer, le « problème américain » concernant les impôts sur la
consommation dans le cadre du commerce électronique a très peu de choses à voir
avec le commerce électronique et se rapporte presque entièrement à la vente à
distance. De plus, ce sont les autorités elles-mêmes qui en sont à l’origine. Si les
États américains harmonisaient leurs régimes fiscaux au niveau des États et des
collectivités locales, enlevant ainsi aux vendeurs des autres États l’obligation de
respecter les dispositions fiscales disparates de 45 États et de milliers de
collectivités locales dotées d’un pouvoir d’imposition, il ne serait plus nécessaire
d’interdire à un État d’obliger un vendeur d’un autre État à recouvrer ses taxes. Les
Américains pourraient alors commencer à se pencher sur le problème bien réel que
soulève le commerce électronique – celui de l’imposition des produits numériques.
Mais il faudrait d’abord qu’ils fassent entrer ces produits dans l’assiette de leurs
impôts 72.
V. Conclusion
Le commerce électronique pose de très sérieux problèmes sur le plan de
l’administration des impôts. Même si nous pouvons résoudre les questions
techniques soulevées par le commerce électronique, il reste les questions politiques,
qui pourraient en fin de compte se révéler encore plus difficiles à surmonter. Il est
toutefois permis d’espérer que les efforts considérables déployés par l’OCDE et
d’autres initiatives gouvernementales et non gouvernementales (notamment le projet
de taxe de vente simplifiée aux États-Unis) aboutiront à la mise en place de régimes
fiscaux efficaces, même s’ils demeurent imparfaits, à l’ère du commerce
électronique.
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Ainsi qu’on l’a noté plus haut, certains États imposent des taxes sur les services et les produits
numériques, comme les services d’information, les services informatiques et les bases de
données électroniques, mais beaucoup ne le font pas.
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