Science-fiction ou réalité

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Science-fiction ou réalité
‘Les scientifiques sont unanimes, l’an 2000 marque le point culminant d’un phénomène
observé depuis les années 60 : la numérisation du monde. Il ne s’agit pas d’une simple
contamination numérique mais bien d’un phénomène de transmutation digitalei du monde et
de tout ce qui le compose par la machine, y compris les hommes. On ne peut pourtant parler
de métamorphose mais bien de digitalisation des corps et des espaces. N’importe qui ou
quoi, coexiste sous forme de digitsii dans un monde parallèle, le Métavers. Son réseau se
déploie sur l’ensemble du globe. L’homme est ainsi invité à naviguer dans un espace
désincarné. D’après les premiers rapports établis par les pionniers du Métavers, on y
découvre une nouvelle forme de vie artificielle. Parmi elle, Atopia. Un monde
multidimensionnel persistant, généré en temps réel. Il a été créé artificiellement par un
programme informatique. On le situe à l’emplacement x : 7001 et y : 7006 de la Francogrid.
Son architecture fonctionne comme un organisme vivant. Ces composants ont la particularité
d’être métamorphes et symbiotes. Leur survie dépend de leur capacité à créer des alliances
avec l’homme. Pour se faire, ils expérimentent des relations symbiotiques avec d’autres
environnements fréquentés par l’homme, à la fois artificiels : un site Internet, un réseau
social, mais aussi matériels : un environnement physique, un objet. Son architecture est
capable de s’extraire de sa réalité pour en intégrer d’autres. L’ensemble forme un
écosystème dont l’évolution dépend de l’activité générée par les relations interpersonnelles
que le monde arrive à établir avec ces différentes entités. Pour l’aider dans ses processus, le
monde d’Atopia dispose de puissants agents catalyseurs, le collectif Atopia.’
Science-fiction ou réalité ?
--------Le terme de Métavers a d’abord bien été le propos fictif d’un roman devenu culte, ‘Le
Samourai Virtuel’ (Snow Crash) de Neal Stephenson sorti en 1991. Cette folie littéraire
proposait la vision démentielle d’un monde virtuel où se nouaient des intrigues sociales
commerciales et politiques.
Le métavers est une des nombreuses émulations engendrées par le ‘World Wide Web’, plus
communément appelé la ‘toile’ ou le ‘Web’. A ne pas confondre avec Internet qui est
l’interconnexion mondiale des terminaux permettant de s’y connecter.
Facebook, myspace peuvent être considérés comme des métavers primitifs. A la différence
que les Métavers sont des plateformes où le web ne se vivrait plus en 2 dimensions mais
dans un environnement tridimensionnel immersif qui peut ou non simuler notre
environnement physique. Nos corps de chair sont supplantés par des corps de pixel : les
avatars. S’ils ne sont pas des intelligences artificielles, des bots, ils sont les hôtes de nos
identités numériques. Le curseur de souris deviendrait un personnage capable de
communiquer, de se déplacer et de revêtir n’importe quelle apparence. Les échanges y sont
synchrones. Certains Métavers comme Second Life y développent leurs propres économies,
le Linden dollars. Et avec elles la consommation de biens virtuels. Certains ont même pu
délaisser leurs activités réelles pour celles plus rentables de leurs ‘secondes vies’.
Bien que beaucoup voit dans le futur du web, l’apogée du metavers (le web à lui seul
formerait un seul et unique méta-univers), les pronostics sur les possibles mutations du web
sont encore en gestation. Le Métavers n’est pour l’heure qu’une des nombreuses
plateformes qu’a enfanté le web. Pourtant les différentes topologies à l’étude pourraient bien
préfigurer une révolution bien plus conséquente. L’avènement de la quatrième dimension.
---------Alors que les e-volutions de la toile se succèdent le web 1.0, web 2.0 : participatif,
l’internaute n’est plus spectateur mais diffuseur de contenu, au web 3.0 : dit sémantique
parce qu’ils devancent nos demandent, il est intelligent ; chaque entité physique, personne,
produit, marque, musée, institution, administration se double d’une présence sur le web. Un
site Internet, un compte facebook, un mail. Nous avons –une- identité civile et –des- identités
numériques. Tout comme chaque activité a une enseigne dans le monde du web. Qui bien
souvent se passe d’une visite physique. L’organisation de l’activité humaine a trouvé un
nouveau mentor. Avec elle, un nouveau paradigme de l’espace social, la technologie.
Passer de l’environnement physique à celui du web nécessite un point d’accès, l’interface.
Centré non plus seulement sur un groupe, l’alliance du web et de la technologie permet de
considérer l’homme à l’échelle de l’individu. Il a accès à multitude de services qu’il peut
personnaliser selon ses désirs. Les villes se transforment en véritable terrain de ’je’. Un
espace public pour un usage individuel. Et une intelligence collective. A l’instar des
urbanistes ce sont les opérateurs de mobile qui pensent aujourd’hui la ville. C’est au japon
qu’on voit le premier opérateur de mobile ‘NTT DoCOMo’ lancer son premier concours
international d’urbanisme, le thème ‘Keitaï city’ (étant l’appellation populaire du téléphone
mobile en Japonais).
Dans un monde interconnecté, l’interface devient le meilleur ami de l’homme. Objet de toutes
les convoiteries et folies technologiques. L’objet de tous les possibles. Il est de plus en plus
difficile d’échapper à la relation homme/machine; et avec elle l’avènement de tout un
imaginaire de science-fiction. A terme la généralisation du high tech dans les foyers pourrait
bien donner raison aux chercheurs Mark Weiser, John Seely Brown et Adam Greenfield qui
prônent depuis quelques années une informatique ubiquitaire, l’Ubimédia. La technologie se
fondrait dans l’espace physique pour devenir invisible. Et bientôt les corps. Joël de Rosnay
parle de web symbiotique, l’ordinateur devient notre environnement. Ce n’est plus l’homme
qui envoi de l’information à la machine, mais la machine qui envoi de l’information à
l’homme. Le web fusionne avec l’homme. C’est la mort du web. Du moins tel qu’on le
connaît. Nous pourrions bien nous trouver à l’aune de l’être Cyborg…
-------C’est peut être sans considérer la part la plus humaine du web. Celle qui par-delà une réalité
tangible qui nous unirait pour le meilleur ou pour le pire à la machine, permet au contraire de
s’en extraire. Vers un espace capable de s’affranchir de son contenant. C’est considérer la
part de virtuel qui nous habite et qui nous entoure. C’est ce qu’on regarde dans le miroir, qui
est en face de nous et pourtant, ailleurs, immatériel. Ce sont les empreintes émotives qui
nous traversent et persistent dans nos corps. L’espace des idées, celui où vient se projeter
désirs et fantasmes. Cet ‘autre’ sous-jacent à toute matérialité qui au-delà d’une réalité
tangible suggère d’autres perceptions. Des réalités potentielles. C’est l’émergence de
l’hétérotopie de Michel Foucault. ‘Et bien ! Je rêve d’une science –je dis bien une sciencequi aurait pour objet ces espaces différents, ces autres lieux, ces contestations mythiques et
réelles de l’espace où nous vivons. Cette science étudierait non pas les utopies, puisqu’il
faut réserver ce nom à ce qui n’a vraiment aucun lieu, mais les hétéro-topies, les espaces
absolument autres ; et forcément, la science en question s’appellerait, s’appellera, elle
s’appelle déjà « l’hétérotopologie ».’iii
Ici et pourtant ailleurs, partout et nulle part, ubique, presque uchronique. L’espace du web
génère des environnements où se vivent des persistances émotives de vécu virtueliv. Ils ne
sont pas contraints par un contenant pour s’actualiser. Ils n’en sont pas pour autant irréel ou
utopique. Ils sont Atopiquesv. C’est l’espace des réalités virtuelles.
L’espace virtuel n’est en aucun cas un simulacre. Ce qui est à peu près la compréhension
générale qui découle du terme virtuel. Aujourd’hui ces projections fascinent ou choquent
parce qu’elles ont essentiellement lieu dans un environnement synthétique qui n’est pas
naturel. Ce n’est pas une interprétation du réel et donc une fausse approximation de la
réalité que constituent les images virtuelles et la réalité générée par ordinateur. Ici la
simulation informatique est un moyen d’explorer, d’ausculter la réalité, voire de l’amplifier ou
de la démultiplier.
L’architecte-sculpteur F. Kiesler réfléchissait déjà à un lieu qui répondrait aux besoins de la
psyché. Sa ‘Endless House’ nourrit l’ambition d’un espace sans fin. Le groupe Archigram
expérimentait des projets qu’ils définissent comme des – auto environnement -, chacun
ayant la capacité de ’transporter un environnement complet et d’occuper ainsi la terre entière
grâce à une technologie portative ‘ . Un autre collectif, autrichien, Haus-Rucker-Co, appellent
ses différents masques, visières et casques des -transformateurs d’environnements- Leur
‘Mind Expander’ relève d’une ‘PSY-ARC’ : une architecture supposée agir sur le psychisme
de l’individu qui y pénètre. Un dispositif technique pour l’expansion de l’individualité
consciente.
Avec l’avènement du web, nous nous télétransportons dans un espace où les limites sont à
définir. Notre environnement ne répond plus seulement à des contraintes physiques.
L’espace contemporain est multidimensionnel. Est-il alors sensé de penser l’architecture
bâtit comme une structure spatiale avec un dedans et un dehors quand le corps de l’individu
peut aujourd’hui traverser tout ce qui lui résiste en un clic. Il n’y a plus d’un côté un monde
physique et de l’autre le web. On est dans la continuité et l’itération permanente ouvrant des
perspectives multiples.
L’homme post-moderne sera-t-il, est-il déjà, sans le savoir un avatar ? Le nouveau monde
sera-t-il un artifice ou un artefact ?
----Le collectif Atopia est un laboratoire d’expérimentation technologique et d’émergence
idéologique. Ils ont colonisés une partie du réseau pour y créer Atopia. Un espace qui
soutient et expérimente une vision Atopique de l’activité de l’homme sur les réseaux ainsi
que les liens que peuvent entretenir des espaces de nature différente entre eux. C’est un
projet de recherche et développement. Ce n’est qu’en mettant en commun différents
secteurs de compétences, que vont se développer les ’usages’ propre à cette nouvelle
condition numérique de nos quotidiens. De ces usages vont dépendre l’appropriation de ces
réalités virtuelles par la société. Et de la société dépend l’évolution de ces univers.
i
Digital : Anglicisme, mot anglais pour numérique, «digital» veut dire numérique, qui traite en langage binaire (1 0), l'opposé de
l'analogique qui reste physique.
ii
Digit Elément d’information numérique désignant en réalité un simple chiffre.
iii
Michel Foucault ‘Le corps utopique, les hétérotopies
Frederick Thompson
v
Atopie du grec a-(sans) et topo-(lieu)
iv