Axe Ntuku-Nduma - Province du Sud-Kivu - Territoire de

Transcription

Axe Ntuku-Nduma - Province du Sud-Kivu - Territoire de
lletin d’information :
BULLETIN D’INFORMATION
Lulingu-Nduma
Axe Ntuku-Nduma
Territoire de Shabunda, Province du Sud-Kivu
Mai, 2016
I. Contexte et méthodologie
Le territoire de Shabunda reste le plus instable de la province du Sud-Kivu. La présence de richesses minières et
forestières, ainsi que son grand enclavement, font parties des facteurs favorisant l’activité des groupes armés,
notamment celle du Front de libération du Rwanda (FDLR) ainsi que des différents groupes de Raïa Mutomboki (RM),
et ce depuis plusieurs années.
L’axe qui relie Ntuku à Nduma est situé au nord-est du territoire de Shabunda, dans le groupement de BamugubaNord, dans la zone de santé de Lulingu, et comprend 15 villages situés dans trois aires de santé : Lolo, Nyambembe et
Nduma. La population est composée des ethnies Léga, Bashi et Bangubangu, et vit principalement de l’agriculture et
de l’exploitation artisanale de minerais (cassitérite et coltan).
En mars 2015, les FARDC ont lancé des offensives contre les RM positionnés vers les villages Pula, Lolo, Kifuko et Nkuni
et, malheureusement, l’axe était toujours sous contrôle des RM. Presque une année plus tard, les FARDC ont lancé à
nouveau des offensives contre les groupes RM, et, du 19 au 23 février, elles sont parvenues à délocaliser les positions
des RM de Kazimoto, Kikwama et Kabazimia. Ces dernières étaient situées à proximité de Nduma, en direction de
Matamba, à la limite du territoire Walikale (Nord-Kivu). Après installation des FARDC à Nduma, Nyambembe et Lolo, la
grande partie de la population est retournée dans leurs villages respectifs à partir du 28 Février 2016. Ce mouvement
de retour a été confirmé par les évaluations d’0CHA du mois de mars 20161.
Afin de relater la situation humanitaire globale actuelle de l’axe, ACTED a lancé une évaluation multisectorielle qui s’est
déroulée du 23 Avril au 1er mai 2016 sur 15 villages de l’axe (cf carte en annexe). Elle a combiné la récolte d’informations
qualitatives via des entretiens avec des informateurs clés (autorités locales, autorités sanitaires, leaders
communautaires), la tenue de 15 groupes de discussion avec les communautés retournées et déplacées, couplé à de
l’observation directe. Par ailleurs, des données quantitatives ont été récoltées via l’administration d’un court
questionnaire individuel à un échantillon de 102 ménages.
II. Accessibilité et démographie
Long de 32,5Km, l’axe Ntuku-Nduma se trouve sur le tronçon Lulingu-Swiza et est dans un état de dégradation très
avancé. Les passages sous routes n’existent plus, la présence de bourbiers et ravines, ainsi que des ponts en très
mauvais état rendent l’accessibilité de l’axe très difficile, même par moto.
La situation sécuritaire est relativement calme, sans incident sur la population et les organisations présentes. Les FARDC
sont basées à Nyambeme, Nduma et Lolo et contrôlent tout l’axe. Cette présence encourage la population à revenir
dans leurs villages respectifs, ce qui permet à certains ménages de reprendre leurs occupations habituelles.
Ci-dessous le tableau récapitulatif de la démographie actuelle sur l’axe :
1
Evaluation menée du 21 au 25 mars 2016 sur l’axe Nyambembe-Kaligila-Milenda, territoire de Shabunda, Sud-Kivu.
lletin d’information :
Lulingu-Nduma
Tableau 1 – Démographie de l’axe Ntuku-Nduma (ménages)
Aire santé
Village
Retournés
Déplacés
Total actuel
Lolo
Nyabembe
Nduma
Total
10
4
1
15
746
1 581
890
3 217
18
23
7
48
764
1 604
897
3 265
ACTED a mené deux interventions sur l’axe Ntuku-Nduma du 1er au 4 Octobre 2015 en assistance alimentaire et en
Articles Ménagers Essentiels (AME), ainsi que sur l’axe Ntuku-Byonga, du 18 au 21 Novembre 2015 également en
assistance alimentaire. Actuellement MSF-Espagne soutien les trois aires de santé de l’axe via un approvisionnement
en médicaments et une prise en charge médicale. Par ailleurs, Danish Church Aid (DCA) intervient dans le secteur de
l’éducation, et Alfa Ujuzi en formation des adultes.
III. Profil socio-économique
Les entretiens menés en groupes de discussion ainsi que l’enquête ménage confirment la perturbation économique de
l’axe suite aux récents mouvements de populations et à la recrudescence de l’instabilité de la zone géographique
limitrophe. Le tableau 2 révèle que les revenus mensuels moyens des ménages ont baissé de 62%. 77% des ménages
sont endettés et le niveau d’endettement est encore inférieur au revenu actuel2. L’agriculture reste l’activité principale
des ménages, mais 50% des ménages n’ont pas encore accès à la terre ; et la proportion des ménages sans revenu est
passée de 7% avant crise à 31%. Les tableaux 2 et 3 détaillent cette situation.
Tableau 2 – Revenus et endettement de la population de l’axe*
Moyenne
échantillon
Revenu mensuel
moyen avant la
crise (FC)
Revenu mensuel moyen
depuis la crise (FC)
% de ménages
actuellement endettés
Endettement
moyen chez les
ménages
endettés (FC)
5 081,75
1 947,55
77
1 152,45
* : Taille des ménages harmonisée à 6 membres
Tableau 3 – Activités génératrices de revenus (AGR) de la population de l’axe*
Principale AGR avant la
crise (% de la population)
Moyenne
échantillon
Agriculture (60%)
Travail journalier (30%)
Sans revenu (7%)
Commerce (1%)
Fonctionnaire (2%)
Principale AGR depuis la
crise (% de la
population)
Agriculture (46%)
Sans revenu (31%)
Travail journalier (21%)
Fonctionnaire (2%)
% d’accès actuel à la
terre
% de
pratique
actuelle de
l’agriculture
vivrière
50%
88%
* : Les ménages sans AGR sont inclus dans les pourcentages .
Les échanges et visites ont démontré qu’aucun stock de semence n’était disponible dans la zone et que de nombreux
outils ont été perdus suite aux déplacements : les enquêtes ménages indiquent une moyenne de 0,5 outil par ménage.
Le tableau 4 montre que les populations de l’axe ne réussissent pas à cultiver toutes les semences vivrières et
2
La moyenne des revenus « depuis la crise » est calculée sur un mois, celle d’« avant la crise » étant calculée sur plusieurs mois.
lletin d’information :
Lulingu-Nduma
maraichères désirées. Il faut toutefois noter que certaines denrées, maraichères notamment, ne sont pas cultivées du
fait du manque de semences.
Tableau 4 – Ordres d’importance des pratiques agricoles actuelles et de préférence des pratiques désirées
Préférences si des semences de qualité étaient
Importance des pratiques actuelles
disponibles
Vivrières
1
2
3
4
Riz
Manioc
Arachide
Maïs
Maraîchères
Amarante
Aubergine
Vivrières
1
2
3
4
Riz
Arachide
Manioc
Maïs
Maraîchères
Amarante
Chou
Aubergine
Oignon
L’approvisionnement sur le marché reste complexe, considérant la distance entre les villages et le seul marché
d’approvisionnement situé à Lulingu, à 45km de Nduma. Ainsi, certains ménages se rendent jusqu’au marché de
Tchonka. Malgré la distance, aucune grande influence sur la variation du prix des produits disponibles sur ces marchés
n’a été relevée.
IV. Besoins sectoriels
A. Abris et articles ménagers essentiels
Le score AME est de 3,8, correspondant au seuil d’alerte fixé par le RRMP, tel qu’indiqué dans le tableau 5. Les ménages
ont un grand besoin de bassines (les ménages n’en possèdent en moyenne que 0,2), et possèdent davantage de
casseroles et d’habits pour femmes et enfants (au-dessus de 1 par ménage).
Tableau 5 – Score AME
Moyenne échantillon
Score moyen
% supérieur à 3,8
Code d’alerte 5 du RRMP
3,8
47%
Par ailleurs, la grande partie des ménages vivent dans leur propre logement, dont 61% sont en mauvais état, ainsi que
l’indique le tableau 6.
Tableau 6 – Proportions de ménages selon leur situation de logement
Moyenne échantillon
Habitent dans leur
propre domicile
Habitent en famille
d’accueil
Hébergent une autre
famille
État de
l’habitation
80%
14%
36%
Faible (61%)
Moyen (39%)
B. Sécurité alimentaire
Le SCA des ménages est très faible (moyenne de 16), la grande majorité de la population présentant un SCA inférieur
à 28. Ce résultat, tel que présenté dans le tableau 7, reflète l’insécurité alimentaire des ménages. Celle-ci est confirmée
par le tableau 8, qui montre un recours fréquent à des stratégies de survies néfastes. Enfin, le tableau 9 conclut sur
cette insécurité alimentaire, en présentant une moyenne de repas par jour inférieure à 2 chez les adultes comme chez
les enfants.
lletin d’information :
Lulingu-Nduma
Tableau 7 – Score de consommation alimentaire
Moyenne échantillon
Score moyen
% inférieur à 28
Code d’alerte 5 du RRMP
16
90%
Tableau 8 – Indice de stratégies de survie simplifié et adapté
Score moyen de l’indice
Score moyen de l’indice
% supérieur à 20
simplifié
adapté
Moyenne échantillon
23,7
59%
31,5
Tableau 9 – Nombre de repas par jour
Nombre moyen pour
% d’adultes à 1
Nombre moyen pour
les adultes
repas / jour
les enfants
Moyenne échantillon
1,5
44%
1,6
% d’enfants à 1
repas / jour
35%
C. Éducation
L’axe dispose de plusieurs écoles (voir carte en annexe). Cependant, une grande proportion des classes n’est pas
fonctionnelle. La proportion de nombre d’enfants non-scolarisés a augmenté de manière substantielle depuis les
mouvements, bien que la taille de la population fréquentant les écoles soit en augmentation du fait d’une population
plus dense. Le tableau 10 synthétise ces résultats.
Tableau 10 – Différents indicateurs liés à l’éducation sur l’axe, avant et après la crise actuelle
Avant la crise
Actuellement
Nombre d’écoles (primaires/secondaires) ouvertes
14
18
Proportion des salles de classe partiellement / totalement détruites
73%
80%
Proportion d’enfants de 6-11 ans déscolarisés
19%
39%
Proportion d’enseignants qui encadrent plus de 55 élèves
31%
30%
Taille de la population qui fréquente une école primaire ou secondaire
2398
2512
D. Eau, hygiène, assainissement et santé
Les maladies les plus rependues sont les paludismes, les infections sexuellement transmissibles, et la diarrhée,
contractée par 35% des enfants de moins de 5 ans dans les deux dernières semaines. Peu de ménages possèdent
des récipients de stockage, qui ont un faible accès à des points d’eau aménagés fonctionnels, ainsi que le présente
le tableau 11 ci-dessous. Trois centres de santé (Lolo, Nyambembe et Nduma) construits en dur sont appuyés par MSFE et deux postes de santé (à Byundu et Swiza) construits en buse sont sans appuis. Les soins de santé y sont gratuits.
Tableau 11 – Différents indicateurs liés à l’EHA sur l’axe, avant et après la crise actuelle
Avant la crise Actuellement
% de ménages ayant accès à une source d’eau protégée fonctionnelle
60%
51%
% de ménages ayant accès à une latrine hygiénique
56%
34%
V. Perspectives
Cette évaluation multisectorielle rapide menée par ACTED a mis en évidence l’importante vulnérabilité des populations
de l’axe Ntuku-Nduma, et le besoin urgent d’assistance humanitaire. Globalement, la structure économique de l’axe a
été durement impactée par les déplacements, les revenus ayant baissé de manière substantielle et les dettes ayant
augmenté. L’insécurité alimentaire des ménages est par ailleurs particulièrement inquiétante, et aggrave la
vulnérabilité des ménages déjà impactée par des secteurs de l’éducation, de la santé, du logement et de l’eau, hygiène
et assainissement faiblement structurés et à leur tour touchés par la crise. Les problèmes d’accessibilité
lletin d’information :
Lulingu-Nduma
caractéristiques de la zone évaluée attestent de la nécessité d’une réhabilitation d’infrastructures routières, ce qui
demande toutefois une évaluation plus approfondie.
Pour plus de détails :
Souleymane CISSOKO
Coordonnateur de Zone Sud et Nord Kivu
Bukavu, ACTED - RDC
[email protected]
Nicolas JOUËT
Chargé de Suivi et Evaluation
Kinshasa, ACTED - RDC
[email protected]
lletin d’information :
Lulingu-Nduma
Annexe 1. Carte de l’axe évalué