Nouveaux dispositifs de protection de l`avocat collaborateur libéral

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Nouveaux dispositifs de protection de l`avocat collaborateur libéral
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LA SEMAINE DU DROIT L’APERÇU RAPIDE
AVOCATS
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Nouveaux dispositifs de
protection de l’avocat
collaborateur libéral
Mieux concilier vie personnelle et activité
professionnelle
POINTS-CLÉS ➜ La décision du 7 mai 2014 portant réforme de l’article 14 du règlement
intérieur national (RIN) de la profession d’avocat renforce la protection du statut de l’avocat collaborateur libéral ➜ Elle prend en compte les situations d’indisponibilité du collaborateur pour raison de santé médicalement constatée ➜ Elle instaure par ailleurs une
nouvelle protection du collaborateur en situation de parentalité
Stéphane Bortoluzzi, docteur en
droit, délégué général du CNB
et Géraldine Cavaillé, adjointe au
directeur du pôle « juridique » du CNB
C
onformément aux dispositions de
l’article 21-1 de la loi n° 71-1130
du 31 décembre 1971 modifiée,
l’assemblée générale du Conseil national
des barreaux (CNB), réunie les 11 et 12
avril 2014, a adopté sur la base d’un rapport
de sa commission collaboration, et après
concertation de la profession, une décision
à caractère normatif modifiant l’article 14
du règlement intérieur national (RIN) de
la profession portant sur le statut de l’avocat collaborateur libéral ou salarié. Cette
décision, en application des dispositions
de l’article 38-1 du décret n° 91-1197 du 27
novembre 1991 modifié, a été publiée au
Journal officiel (JO 31 mai 2014, p. 9071).
Les ambitions de la réforme. - Afin de
permettre au collaborateur libéral de mieux
concilier sa vie personnelle et son activité
professionnelle, le CNB a souhaité intro-
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duire de nouveaux dispositifs de protection
du collaborateur dans le RIN.
Il s’agissait tout d’abord de répondre aux
attentes des collaborateurs libéraux, qui
représentent près de 30 % de la profession
(au 1er janvier 2013, 28,8 % exerçaient en
tant que collaborateurs, contre 25,7 % en
2002 : min. Justice, statistique sur la profession d’avocat, situation au 1er janvier 2013),
et qui estiment que la conciliation entre
le travail et la vie personnelle constitue le
« problème majeur » de la profession d’avo-
laboration (Observatoire du CNB, enquête
collaborateurs, oct. 2012).
Il s’agissait également de prendre acte des
modifications qui seront introduites par
l’adoption du projet de loi pour l’égalité
entre les femmes et les hommes déposé par
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des
Droits des femmes, le 3 juillet 2013 au Sénat
et adoptant des dispositifs de protection
des collaborateurs à l’occasion d’une grossesse, d’une maternité mais également d’une
paternité ou d’une adoption et en créant un
« Il s’agissait tout d’abord de répondre aux
attentes des collaborateurs libéraux, qui
représentent près de 30 % de la profession. »
cat. Seule la précarité du contrat de collaboration inquièterait davantage les collaborateurs libéraux dans le cadre de l’exercice de
leur activité professionnelle, tout en considérant que ces deux difficultés doivent être
rapprochées car les évènements personnels
sont très souvent la source d’une dégradation des conditions de collaboration, d’une
évolution professionnelle pénalisée ou
d’une rupture abusive du contrat de col-
dispositif de protection du collaborateur au
retour de son congé de parentalité (Texte en
discussions : examen en deuxième lecture
par la commission des lois de l’Assemblée
nationale le 18 juin et en séance publique le
26 juin 2014).
L’article 4 de ce projet de loi modifie en effet
le régime du contrat de collaboration libérale
créé par l’article 18 de la loi n° 2005-882 du 2
août 2005 en faveur des petites et moyennes
LA SEMAINE JURIDIQUE - ÉDITION GÉNÉRALE - N° 24 - 16 JUIN 2014
LA SEMAINE DU DROIT L’APERÇU RAPIDE
entreprises afin d’introduire, pour les collaboratrices et les collaborateurs, une période de
suspension du contrat et de protection contre
les ruptures de contrat en cas de maternité,
paternité ou adoption. Plus précisément, cet
article 4 introduit une nouvelle période de
protection qui commence dès la déclaration
de grossesse pour les collaboratrices, et dès
l’annonce de l’intention de suspendre leur
contrat à l’arrivée de l’enfant pour les collaborateurs pères ou adoptants, et qui prend
fin à l’expiration d’un délai de huit semaines
à compter du retour de la collaboratrice ou
du collaborateur à l’issue de la période de suspension du contrat pour cause de parentalité.
Les nouveaux dispositifs de protection
dans le RIN. - Ces nouveaux dispositifs
de protection concernent tout d’abord les
situations d’indisponibilité du collaborateur libéral pour raison de santé médicalement constatée.
Une telle indisponibilité pendant la période
d’essai suspend désormais celle-ci, laquelle
reprend de plein droit, pour la durée restant
à courir, au retour du collaborateur.
Postérieurement à la période d’essai, le RIN
prévoit, en son nouvel article « 14.4.2 - Rupture du contrat de collaboration libérale en cas
de maladie » que, dans la limite d’une durée
de six mois, la notification de la rupture
du contrat ne peut intervenir pendant une
période d’indisponibilité du collaborateur
pour raison de santé médicalement constatée, sauf manquement grave aux règles professionnelles non lié à l’état de santé.
Il s’agit de préserver la raison d’être du délai
de prévenance, qui a vocation à permettre
au collaborateur de retrouver une collaboration ou d’envisager son installation, ce
qui ne peut être le cas lorsque le contrat
est rompu alors même que le collaborateur demeure indisponible pour raison de
santé, dans le respect des principes déontologiques de délicatesse et de confraternité.
Concernant la parentalité de l’avocat collaborateur libéral, le CNB a décidé d’introduire un nouvel article 14.5 qui a vocation à
réunir les dispositions applicables aux situations de grossesse, de maternité, de paternité
et d’adoption. À l’instar du projet de loi pour
l’égalité entre les femmes et les hommes, les
dispositifs de protection sont renforcés et
étendus à la paternité et à l’adoption.
L’article 14.5.1 nouveau détermine ainsi les
périodes de suspension de l’exécution du
contrat de collaboration libérale, en ce
qui concerne la maternité, la paternité
et l’adoption. Les délais introduits correspondent aux périodes prises en charge par
le régime social des indépendants (RSI). La
collaboratrice libérale enceinte est ainsi en
droit de suspendre l’exécution de sa collaboration pendant au moins seize semaines
à l’occasion de l’accouchement, réparties
selon son choix avant et après accouchement, avec un minimum de deux semaines
avant l’accouchement et un minimum de
dix semaines après l’accouchement. Ce
congé maternité est sans confusion possible
avec le congé pathologique. En cas de nais-
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casion de la maternité, est étendu à la paternité et à l’adoption. Afin de pallier les difficultés rencontrées par les collaborateurs,
qui, après avoir annoncé sans formalités
leur état de grossesse ou leur paternité prochaine, ont vu leur contrat de collaboration
rompu dans les heures ayant suivi cette annonce, le RIN permet désormais au collaborateur de justifier sa situation de parentalité
dans les quinze jours de la notification de
la rupture du contrat de collaboration afin
d’en obtenir la nullité de plein droit, sauf
manquement grave aux règles professionnelles non lié à la parentalité. Pour s’assurer
de la date de déclaration, cette information
doit être transmise par lettre recommandée
avec avis de réception ou remise en main
« Le dispositif prévoyant l’interdiction de
rompre le contrat à compter de la déclaration
par la collaboratrice libérale de son état de
grossesse, (…) est étendu à la paternité et à
l’adoption. »
sances multiples, le congé maternité peut
être porté à vingt semaines.
Un nouvel article 14.5.2 traite pour sa part
de l’indemnisation, de la rémunération et du droit à congés rémunérés du
collaborateur indisponible pour cause
de parentalité. Si les règles applicables à
l’indemnisation et à la rémunération du
collaborateur dont l’exécution du contrat
est suspendue pour cause de parentalité
sont maintenues, le RIN introduit une disposition nouvelle en prévoyant désormais
expressément que cette période de suspension ouvre droit à repos rémunérés. La
prise en compte de la période de suspension
de l’exécution du contrat de collaboration
pour le calcul du droit à congés rémunérés
avait déjà été reconnue par la jurisprudence
(CA Paris, 25 nov. 2008, n° 06/19932).
Un nouvel article 14.5.3 du RIN règlemente
la rupture du contrat de collaboration
libérale en cas de parentalité. Le dispositif prévoyant l’interdiction de rompre le
contrat à compter de la déclaration par la
collaboratrice libérale de son état de grossesse, jusqu’à l’expiration de la période de
suspension de l’exécution du contrat à l’oc-
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propre et contresignée. Il est précisé que la
collaboratrice ou le collaborateur conserve
la possibilité de rompre le contrat durant
cette période de protection.
Enfin, reprenant le dispositif du projet de
loi pour l’égalité entre les femmes et les
hommes, une nouvelle période de protection est introduite. Il s’agit d’interdire
la rupture du contrat pendant une durée
de huit semaines à compter du retour de la
collaboratrice ou du collaborateur de son
congé maternité, de son congé parentalité
ou de son congé d’adoption, sauf manquement grave aux règles professionnelles non
lié à la parentalité. Dans ce cas, la rupture
est notifiée par lettre dument motivée pour
permettre le contrôle du bâtonnier.
Application dans le temps de la décision. - Ces nouvelles dispositions de l’article
14 du RIN sont applicables aux contrats de
collaboration libérale ou salariée en cours,
à l’exception des contrats de collaboration
libérale dont l’exécution a été suspendue
pour raison de santé ou de parentalité avant
la date de publication de la présente décision (Déc., art. 2).
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