Abaquesne, premier faïencier français au service de la pharmacie

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Abaquesne, premier faïencier français au service de la pharmacie
Revue d'histoire de la pharmacie
Abaquesne, premier faïencier français au service de la pharmacie
Jean Hossard
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Hossard Jean. Abaquesne, premier faïencier français au service de la pharmacie. In: Revue d'histoire de la pharmacie, 41ᵉ
année, n°139, 1953. pp. 147-151.
doi : 10.3406/pharm.1953.8563
http://www.persee.fr/doc/pharm_0035-2349_1953_num_41_139_8563
Document généré le 28/09/2015
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REVUE d'histoire de la pharmacie
ressant, c'est celle du 24 mai 1543, consignée dans l'acte suivant
(extrait des registres du tabellionnage de Rouen) :
« Fut présent Masséot Abaquesne, esmailleur en terre, demeurant en la
paroisse Saint-Vincent de Rouen, lequel confesse avoir vendu par ces présentes
à Pierre Dubosc, bourgeois apothicaire, demeurant en la paroisse Saint-Martindu-Pont de Rouen, présent, et qui confesse avoir achapté au dit Abaquesne ;
c'est assavoir le nombre de la marchandise de poterie de terre émaillée : 40
douzaines de pots émaillés contenant 1 pot pies, 50 douzaines contenant une pinte,
60 douzaines contenant 1 chopine, 80 douzaines demyon, 80 douzaines contenant
demyart... item que 36 douzaines de pots de chevrettes » (1).
Jusque-là, Abaquesne n'avait, semble-t-il, exécuté que des pavés
(pour le château de Madrid, le colombier de Boos, et surtout le
château d'Ecouen). L'ampleur de la commande de Pierre Dubosc, et le
fait qu'une telle besogne était pour lui inhabituelle, explique qu'il
ait engagé en décembre 1543, pour la durée d'un an, un potier de
la région, Pierre Roulart.
M. Jean Thuile nous révèle d'ailleurs, pour les ateliers
méridionaux du xvie et début du xvir siècle, l'existence de nombreux
contrats d'association entre des maîtres faïenciers et des potiers en
terre commune, les maîtres se réservant le travail d'émaillage et de
décoration selon des recettes jalousement gardées secrètes et
transmises oralement à leurs successeurs.
Cet art de remaillage et de la décoration des poteries était
d'ailleurs exclu des enseignements que le maître s'engageait à donner
à ses apprentis. Tout nous porte donc à croire que Roulart fut un
simple façonnier tourneur en terre, et que les décors des pots qui
nous intéressent sont de la main de Masséot Abaquesne ou peutêtre de celle de son fils Laurent, alors âgé de 17 ans.
Une autre question qui se pose à l'occasion du contrat DuboscAbaquesne est celle de la destination de ces pots. Nous n'avons
malheureusement trouvé qu'un autre renseignement sur ce Pierre
Dubosc. Dans son ouvrage sur les apothicaires rouennais, M. Laruelle nous apprend qu'il passait contrat le 15 avril 1548 avec
Balthazar Sanchez, sujet espagnol, pour apprendre de ce dernier, en
l'espace de deux ans, l'état de sucrier, raffineur de sucre, et à faire
des confitures. Il est néanmoins impossible d'admettre, quelle que
soit l'importance d'une officine, que Dubosc ait conservé pour son
usage personnel une commande comprenant 4.152 pièces. Faut-il
donc admettre, comme le fait M. Jean Thuile à l'occasion du contrat
Estève-Boet et du contrat Favier-Ollivier à Montpellier, que notre
Dubosc était un simple marchand qui aurait été grossiste en pharmacie
et qui aurait tenu à s'assurer le dépôt et même l'exclusivité des pots
de Masséot Abaquesne ? L'acte précise, en effet, que le travail devait
être effectué « au plus bref temps que faire se pourra, et laquelle
livraison sera faite par ledit Abaquesne et reçue par ledit Dubosc,
(1) Voir plus loin le texte de ce contrat.
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ainsi que la besogne se fera sans que ledit Abaquesne en puisse faire
pour autre personne » . Quoi qu'il en soit, nous avons là la
confirmation du débouché important que constituait pour les faïenciers du
xvi* et xvn* siècle la clientèle des apothicaires. Il suffit pour s'en
convaincre de relire, dans La céramique à Montpellier, les
nombreux contrats de fournitures passés entre les Estève, les Favier,
les Ollivier et les apothicaires de leur ville, de Toulouse, d'Aix-enProvence et même de Genève. Le livre de M. Thuile contient une
cinquantaine de noms différents d'apothicaires qui furent les
clients, souvent les amis et quelquefois les alliés de nos émailleurs
de terre. D'ailleurs, un acte passé entre Pierre Estève et Jean
Favier, le 14 juin 1578, limite l'activité du premier nommé à la
« fourniture des apothicaires », et cette activité suffira à
entretenir la vie de l'atelier pendant de nombreuses années.
Qu'est devenue cette uvre ? Bien rares sont aujourd'hui les
survivants des albarelli et des chevrettes qu' Abaquesne fournit à
Dubosc. Ils sont maintenant dispersés entre divers musées (Rouen,
Dieppe, Louviers, Cluny, Saumur, Sèvres, Londres, Genève, NewYork) et quelques collections privées. Sans doute doivent-ils leur
cruelle dispersion et leur disparition au fait que nulle
apothicairerie hospitalière ne leur donna asile.
Quelles sont les caractéristiques de l'uvre de Masséot
Abaquesne et spécialement des pots de pharmacie sortis de son atelier ?
Les formes sont les formes classiques des ustensiles en usage dans
les officines de nos ancêtres : chevrettes et pots à canon. Les
chevrettes sont globulaires ou piriformes, trapues, avec un léger
étranglement au-dessus du pied ; le col se termine par un bord
renforcé, parfois taillé en biseau ; le bec rond, très court, est renforcé
à son extrémité ; l'anse, petite et plate, est légèrement déprimée
dans sa partie médiane. Les albarelli sont grands, cylindriques,
quelque peu cintrés ; le col et le pied rétrécis légèrement en s'incurvant, le bord supérieur renforcé et parfois taillé en biseau.
C'est dans la décoration que se révèlent l'originalité et le talent
de notre céramiste, que le docteur Chompret n'hésite pas à
présenter comme l'un des plus grands peintres faïenciers de tous les
temps. Sur les chevrettes, le décor comprend, sur la panse, une
figure humaine tracée en bleu et modelée en jaune-orangé renforcé
par endroits de brun de manganèse. Ces figures, homme ou femme,
généralement posées de profil, ne manquent pas de réalisme dans
les traits du visage ou les détails du costume. Une couronne laurée
verte, coupée parfois de fleurettes orangées, entoure ce motif
principal du décor. Le reste de la panse est orné de rinceaux feuillus,
largement dessinés, peints en bleu et portant de chaque côté du
vase une sorte de fleur jaune-citron. Un large galon orangé, bordé
de chaque côté d'un filet bleu, entoure tout le décor. Au-dessous de
l'anse, on trouve sur quelques pièces le monogramme de Masséot
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ou de Laurent Abaquesne. Les motifs décoratifs sur les pots à canon
sont les mêmes, mais les figures humaines ne sont pas isolées par
une couronne. Quelquefois, le pot est divisé en deux zones ornées
de masques, de cartouches, d'animaux, et dans la zone inférieure
une date. .
Le style décoratif de Masséot Abaquesne rappelle celui de pots
attribués aux ateliers anversois de la première moitié du xvie siècle.
M. Oliver pense que cette parenté peut s'expliquer par le fait que
le connétable de Montmorency, protecteur de Masséot Abaquesne,
utilisa sur quelques-uns de ses chantiers des artisans flamands et
que ces contacts furent fructueux pour notre Normand.
Il n'existe pas à notre connaissance de pièces comportant une
inscription de nom de produits.
Sur la technique de fabrication de ces pots, M. Oliver nous
indique que l'émail utilisé était à base d'oxyde d'étain mal raffiné,
obtenu peut-être par récupération de vaisselle usagée ; cet émail
donne aux pièces une teinte blanc grisâtre caractéristique ; il est
le plus souvent finement craquelé et laisse voir la terre, mélange
d'argile rouge de Saint-Aubin-la-Campagne et d'argile blanche de
Quatre-Mares (là où étaient les ateliers), mélange très
soigneusement et judicieusement dosé et tamisé.
Nous avons donc là une uvre originale, personnelle, présentant
des qualités techniques et artistiques certaines, et remarquable si
on la situe dans le temps. Seul, en effet, le centre de production
lyonnais fonctionnait à la même époque, mais aucune des pièces
sorties de ses fours ne peut être attribuée à un artisan en
particulier. En ce qui concerne Syjallon, à Nîmes, le premier contrat
certain de fourniture de faïence date de 1573 et la seule quittance de
pots de pharmacie le concernant de 1585. A Montpellier aussi, les
premières dates certaines concernant les fournitures aux
apothicaires se situent aux environs de 1570. Nous croyons donc pouvoir
revendiquer pour notre Rouennais la gloire d'être l'auteur des plus
anciens pots de pharmacie authentifiés en France. Il faudra
attendre un siècle pour inscrire un nouveau nom au livre d'or de la
céramique rouennaise : celui d'Edmé Poterat, en 1644. Par une
curieuse coïncidence, ses fours seront édifiés sur l'emplacement
même de ceux du précurseur.
Tel nous est apparu Masséot Abaquesne, type de l'artisan-artiste
du xvie siècle, esprit moderne, premier faïencier rouennais et
créateur, pour l'utilité de nos devanciers et pour la joie de nos yeux
d'artistes et de collectionneurs, de quelques-uns des plus beaux
incunables de la faïence française. .
J. Hossard, Rouen.
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BIBLIOGRAPHIE
Docteur Chompbet : Faiences primitives françaises, Paris, 1946.
F. Guey : La faïence de Rcuen, in Revue de Rouen, n° 29.
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J. Tnuiia
de Champrosay,
: La céramique
1943. à Montpellier du xvr> an xvni» siècle, Paris, Thibault
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(1) Les mesures en usage en Haute-Normandie, sous l'Ancien Régime, étaient
les suivantes le pot d'Aroucs, soit 1 1. 823 ; la chopine, soit 0 1. 911 ; le
demion, soit 0 I. 455 ; le demiart, soit 0 1. 227 ; le petit pot, soit 01 1. 113 ; la
demoiselle, soit 0 1. 056.

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