Abaquesne, premier faïencier français au service de la pharmacie
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Abaquesne, premier faïencier français au service de la pharmacie
Revue d'histoire de la pharmacie Abaquesne, premier faïencier français au service de la pharmacie Jean Hossard Citer ce document / Cite this document : Hossard Jean. Abaquesne, premier faïencier français au service de la pharmacie. In: Revue d'histoire de la pharmacie, 41ᵉ année, n°139, 1953. pp. 147-151. doi : 10.3406/pharm.1953.8563 http://www.persee.fr/doc/pharm_0035-2349_1953_num_41_139_8563 Document généré le 28/09/2015 REVUE DE LA D'HISTOIRE PHARMACIE DÉCEMBRE 1953 =i=^^^S?Ë==È=Ê^t^S!=Ê=Ê.=Ê.=ÉL^= HBaQtiesne premier aa service faïencier de la pharmacie français tenue attiré Abaquesne. la personnage, J'ai dont notamment primitives ancienne des rouennais en sont relevons ou Abaquesne qu'approximativement Masséot sûr L'exposition Pour S'il Société constituent fragments Beaux-Arts de pour Abaquesne offre consacrés en une j'ai subsiste àl'année notre françaises, nous, nouveau effet àcela cru bibliographie un d'Histoire et Montpellier N'ayant dans Rouennais. 15 bon en intérêt de que dernière de largement dans des une de par mentions carrelages effet, le nombreux l'attention la de Rouen. dans «importante livre M. trouvé le date de vous particulier Trésors pharmaciens, vers catalogue Pierre au et sommaire lacelui du puisé même enfin en de Pharmacie Musée dans qui mystères 1500, docteur sur entretenir pots Oliver, dedans partie. constituent dans de du les de la M. ildes figure de saest comptes fait l'exposition faïence forte Chompret l'uvre Jean les céramiste, lanaissance dans pharmacie aucune Beaux-Arts Sur une plaquette pendant que travaux àpersonnalité Thuile lale les ladate de rendus les de biographie titre étude fin sur 31 professeur Rouen précitée, ne ce pots quelques publiés et précise sur consacrée de numéros de les faïencier puisse 16 des sur cet de la gloire cette faïences de », de travaux de ce pharmacie céramique àarticle, nous être qui carreaux minutes. àMasséot ce ville, qui àlel'école jour, fixée intés'est plus lui de eta îi. 148 REVUE d'histoire de la pharmacie ressant, c'est celle du 24 mai 1543, consignée dans l'acte suivant (extrait des registres du tabellionnage de Rouen) : « Fut présent Masséot Abaquesne, esmailleur en terre, demeurant en la paroisse Saint-Vincent de Rouen, lequel confesse avoir vendu par ces présentes à Pierre Dubosc, bourgeois apothicaire, demeurant en la paroisse Saint-Martindu-Pont de Rouen, présent, et qui confesse avoir achapté au dit Abaquesne ; c'est assavoir le nombre de la marchandise de poterie de terre émaillée : 40 douzaines de pots émaillés contenant 1 pot pies, 50 douzaines contenant une pinte, 60 douzaines contenant 1 chopine, 80 douzaines demyon, 80 douzaines contenant demyart... item que 36 douzaines de pots de chevrettes » (1). Jusque-là, Abaquesne n'avait, semble-t-il, exécuté que des pavés (pour le château de Madrid, le colombier de Boos, et surtout le château d'Ecouen). L'ampleur de la commande de Pierre Dubosc, et le fait qu'une telle besogne était pour lui inhabituelle, explique qu'il ait engagé en décembre 1543, pour la durée d'un an, un potier de la région, Pierre Roulart. M. Jean Thuile nous révèle d'ailleurs, pour les ateliers méridionaux du xvie et début du xvir siècle, l'existence de nombreux contrats d'association entre des maîtres faïenciers et des potiers en terre commune, les maîtres se réservant le travail d'émaillage et de décoration selon des recettes jalousement gardées secrètes et transmises oralement à leurs successeurs. Cet art de remaillage et de la décoration des poteries était d'ailleurs exclu des enseignements que le maître s'engageait à donner à ses apprentis. Tout nous porte donc à croire que Roulart fut un simple façonnier tourneur en terre, et que les décors des pots qui nous intéressent sont de la main de Masséot Abaquesne ou peutêtre de celle de son fils Laurent, alors âgé de 17 ans. Une autre question qui se pose à l'occasion du contrat DuboscAbaquesne est celle de la destination de ces pots. Nous n'avons malheureusement trouvé qu'un autre renseignement sur ce Pierre Dubosc. Dans son ouvrage sur les apothicaires rouennais, M. Laruelle nous apprend qu'il passait contrat le 15 avril 1548 avec Balthazar Sanchez, sujet espagnol, pour apprendre de ce dernier, en l'espace de deux ans, l'état de sucrier, raffineur de sucre, et à faire des confitures. Il est néanmoins impossible d'admettre, quelle que soit l'importance d'une officine, que Dubosc ait conservé pour son usage personnel une commande comprenant 4.152 pièces. Faut-il donc admettre, comme le fait M. Jean Thuile à l'occasion du contrat Estève-Boet et du contrat Favier-Ollivier à Montpellier, que notre Dubosc était un simple marchand qui aurait été grossiste en pharmacie et qui aurait tenu à s'assurer le dépôt et même l'exclusivité des pots de Masséot Abaquesne ? L'acte précise, en effet, que le travail devait être effectué « au plus bref temps que faire se pourra, et laquelle livraison sera faite par ledit Abaquesne et reçue par ledit Dubosc, (1) Voir plus loin le texte de ce contrat. ABAQUESNE AU SERVICE DE LA PHARMACIE 149 ainsi que la besogne se fera sans que ledit Abaquesne en puisse faire pour autre personne » . Quoi qu'il en soit, nous avons là la confirmation du débouché important que constituait pour les faïenciers du xvi* et xvn* siècle la clientèle des apothicaires. Il suffit pour s'en convaincre de relire, dans La céramique à Montpellier, les nombreux contrats de fournitures passés entre les Estève, les Favier, les Ollivier et les apothicaires de leur ville, de Toulouse, d'Aix-enProvence et même de Genève. Le livre de M. Thuile contient une cinquantaine de noms différents d'apothicaires qui furent les clients, souvent les amis et quelquefois les alliés de nos émailleurs de terre. D'ailleurs, un acte passé entre Pierre Estève et Jean Favier, le 14 juin 1578, limite l'activité du premier nommé à la « fourniture des apothicaires », et cette activité suffira à entretenir la vie de l'atelier pendant de nombreuses années. Qu'est devenue cette uvre ? Bien rares sont aujourd'hui les survivants des albarelli et des chevrettes qu' Abaquesne fournit à Dubosc. Ils sont maintenant dispersés entre divers musées (Rouen, Dieppe, Louviers, Cluny, Saumur, Sèvres, Londres, Genève, NewYork) et quelques collections privées. Sans doute doivent-ils leur cruelle dispersion et leur disparition au fait que nulle apothicairerie hospitalière ne leur donna asile. Quelles sont les caractéristiques de l'uvre de Masséot Abaquesne et spécialement des pots de pharmacie sortis de son atelier ? Les formes sont les formes classiques des ustensiles en usage dans les officines de nos ancêtres : chevrettes et pots à canon. Les chevrettes sont globulaires ou piriformes, trapues, avec un léger étranglement au-dessus du pied ; le col se termine par un bord renforcé, parfois taillé en biseau ; le bec rond, très court, est renforcé à son extrémité ; l'anse, petite et plate, est légèrement déprimée dans sa partie médiane. Les albarelli sont grands, cylindriques, quelque peu cintrés ; le col et le pied rétrécis légèrement en s'incurvant, le bord supérieur renforcé et parfois taillé en biseau. C'est dans la décoration que se révèlent l'originalité et le talent de notre céramiste, que le docteur Chompret n'hésite pas à présenter comme l'un des plus grands peintres faïenciers de tous les temps. Sur les chevrettes, le décor comprend, sur la panse, une figure humaine tracée en bleu et modelée en jaune-orangé renforcé par endroits de brun de manganèse. Ces figures, homme ou femme, généralement posées de profil, ne manquent pas de réalisme dans les traits du visage ou les détails du costume. Une couronne laurée verte, coupée parfois de fleurettes orangées, entoure ce motif principal du décor. Le reste de la panse est orné de rinceaux feuillus, largement dessinés, peints en bleu et portant de chaque côté du vase une sorte de fleur jaune-citron. Un large galon orangé, bordé de chaque côté d'un filet bleu, entoure tout le décor. Au-dessous de l'anse, on trouve sur quelques pièces le monogramme de Masséot 150 * revue d'histoire de la pharmacie ou de Laurent Abaquesne. Les motifs décoratifs sur les pots à canon sont les mêmes, mais les figures humaines ne sont pas isolées par une couronne. Quelquefois, le pot est divisé en deux zones ornées de masques, de cartouches, d'animaux, et dans la zone inférieure une date. . Le style décoratif de Masséot Abaquesne rappelle celui de pots attribués aux ateliers anversois de la première moitié du xvie siècle. M. Oliver pense que cette parenté peut s'expliquer par le fait que le connétable de Montmorency, protecteur de Masséot Abaquesne, utilisa sur quelques-uns de ses chantiers des artisans flamands et que ces contacts furent fructueux pour notre Normand. Il n'existe pas à notre connaissance de pièces comportant une inscription de nom de produits. Sur la technique de fabrication de ces pots, M. Oliver nous indique que l'émail utilisé était à base d'oxyde d'étain mal raffiné, obtenu peut-être par récupération de vaisselle usagée ; cet émail donne aux pièces une teinte blanc grisâtre caractéristique ; il est le plus souvent finement craquelé et laisse voir la terre, mélange d'argile rouge de Saint-Aubin-la-Campagne et d'argile blanche de Quatre-Mares (là où étaient les ateliers), mélange très soigneusement et judicieusement dosé et tamisé. Nous avons donc là une uvre originale, personnelle, présentant des qualités techniques et artistiques certaines, et remarquable si on la situe dans le temps. Seul, en effet, le centre de production lyonnais fonctionnait à la même époque, mais aucune des pièces sorties de ses fours ne peut être attribuée à un artisan en particulier. En ce qui concerne Syjallon, à Nîmes, le premier contrat certain de fourniture de faïence date de 1573 et la seule quittance de pots de pharmacie le concernant de 1585. A Montpellier aussi, les premières dates certaines concernant les fournitures aux apothicaires se situent aux environs de 1570. Nous croyons donc pouvoir revendiquer pour notre Rouennais la gloire d'être l'auteur des plus anciens pots de pharmacie authentifiés en France. Il faudra attendre un siècle pour inscrire un nouveau nom au livre d'or de la céramique rouennaise : celui d'Edmé Poterat, en 1644. Par une curieuse coïncidence, ses fours seront édifiés sur l'emplacement même de ceux du précurseur. Tel nous est apparu Masséot Abaquesne, type de l'artisan-artiste du xvie siècle, esprit moderne, premier faïencier rouennais et créateur, pour l'utilité de nos devanciers et pour la joie de nos yeux d'artistes et de collectionneurs, de quelques-uns des plus beaux incunables de la faïence française. . J. Hossard, Rouen. ABAQUESNE AU SERVICE DE LA PHARMACIE 151 BIBLIOGRAPHIE Docteur Chompbet : Faiences primitives françaises, Paris, 1946. F. Guey : La faïence de Rcuen, in Revue de Rouen, n° 29. Docteur n» 1,Hélot 1936. : Bernard Palissy et Abaquesne, in Les amis de Sèvres, Bulletin E, Laruellb : Les apothicaires rouennais, Rouen, Defontaine, 1920. P. Oliver : Masséot Abaquesne et les origines de la faïence de Rouen, Rouen, Lecerf, 1952. J. Tnuiia de Champrosay, : La céramique 1943. à Montpellier du xvr> an xvni» siècle, Paris, Thibault Contrat DubosoAbaquesne l'par comme largeur estât et besongner dit le sepmaines de douzaine demyon moyennant moyennant St-Vincent Dubosc, assavoir assavoir 50 pots item et marchands chacun suns autre,Fut tout le de livrer diet chevrettes 36 pots Rouen, douzaines Dubosc le etc.. le tenant tout compétente que la semblable d'appotkairerie, sol' de la diet présent Dubosc l'on pot tenant nombre somme moyennant :bourgeois sorte au choppines lefaçcn pour 40 Abaquesne àprésent, après de jusqu'à etla etaai choppine diet faire assavoir douzaines de bien somme Masséot Rouen, accoustumê 12 dessus et pour une etde nombre, chacune de de Dubosc la pots et Abaquesne dour (Extrait mesme les ce 45 beuettes émaillez apothicaire et moyennant totale pinte raisonnable Ja lachacune dicte, loyaux, et qu'il de aussy pièce 24 aines leouel qui solz dits Abaquesne, m?rchpndise somme douzaine reçeue de nombre 9au douzaines moyennant* des n'en livraison... dconfessa solz, pour pots ait ;le tenant pots en plus eten comme contenant confesse sorte item Glanes ettotalement diet de livrer la demeurant user par puisse etchacune ordinairement etde marchands, esmaillés bref de somme haulteur esmailleur 22 80 pour de cemire contenant le Abaquesne avoir 80pots il àdehistoriques àsolz la diet dou' pinte Ceste avoir temps appartient. l'usage faire une douzaines nulle poterie lesorte somme chacune tenant de achapté faict ;Dubosc aines enpeinte contenant moins et l'on àvendu vendue pour tout pour 18 que en de personne largeur ung d'apothicairerie, lade aetsol-* tout ade un de trois terre, douzaine normandes, promis lequel faire paroisse de chacune du la Item ainsy accoustumê laquelle chevrettes pièce pot aultre par terre 27 le pot pots faicte ;mesure pots un diet compétente pour choppines diet demeurant aussy solz seque ;36 ces ; pour nombre que tenant esmaillée et pot personne tenants pourra item moyennant dou Abaquesne douzaines de Saint-Martin-du-Pont nombre livraison ; ce chacune s'est présentes la cy par pour l'une dechevrettes (1) d'en chacune besongne aine bons, soyt 60 dessus àdemyon haulteur de E. submis et chaque raisonnabïe en demyart cinq chacune douzaines portant de user qui poterie que Gosselin). dou continuer de jusqu'à la sera loyaulx pots cest pots la douzaine àdemyart déclairée demyons paroisse en pour aine au sebailler somme pièce nièce etPierre faicte façon pièce pour telle suit, fera dirt six de et leà; (1) Les mesures en usage en Haute-Normandie, sous l'Ancien Régime, étaient les suivantes le pot d'Aroucs, soit 1 1. 823 ; la chopine, soit 0 1. 911 ; le demion, soit 0 I. 455 ; le demiart, soit 0 1. 227 ; le petit pot, soit 01 1. 113 ; la demoiselle, soit 0 1. 056.