Article 16.01.2015 Marque I love Paris annulée

Transcription

Article 16.01.2015 Marque I love Paris annulée
« I ♥ PARIS » annulée, vers une nouvelle catégorie de marques : la marque pour touristes
(Cour de Cassation, chambre commerciale, 6 janvier 2015)
Les marques « I ♥ Paris » et « J’ ♥ Paris » sont nulles par manque de caractère distinctif :
« pour être distinctif, un signe, même s’il n’est ni nécessaire, ni générique ni usuel ni descriptif,
doit conduire le public pertinent à penser que les produits ou services en cause proviennent
d’une entreprise déterminée », rappelle la Cour de cassation.
Pour la Cour, le contenu sémantique des deux signes « conduira le consommateur à les
percevoir comme des signes décoratifs dont il comprendra le sens, quelle que soit sa langue, et
non pas comme des marques lui garantissant que les produits sur lesquels ils sont apposés sont
fabriqués et commercialisés » par le titulaire de la marque ou avec son autorisation.
On retrouve là l’appréciation désormais classique du caractère distinctif de la Cour de Justice
de l’Union Européenne (CJEU).
Plus troublante est la façon dont la Cour définit le public pertinent au regard duquel doit
s’apprécier la compréhension des signes comme garantissant ou non l’origine des produits.
Curieusement, la Cour de cassation retient comme public pertinent celui constitué « des
touristes d'attention moyenne en quête de l'achat de souvenirs afin de conserver une trace de
leur passage à Paris ».
Ce faisant, la Cour décrit la clientèle propre au marché du titulaire des marques en cause.
L’approche orthodoxe aurait cependant consisté à tenir pour public pertinent l’être abstrait d’un
consommateur moyen des produits visés par l’enregistrement des marques en cause (le
consommateur moyen de tasses à café, de T-shirts de casquettes, etc.), ledit consommateur
moyen étant, selon la formule consacrée par la jurisprudence, normalement informé et
raisonnablement attentif et avisé.
Le public pertinent, ainsi réduit à un touriste en quête d’objets-souvenirs, les signes
« I ♥ Paris » et « J’ ♥ Paris » peuvent bien sûr être perçus comme un simple habillage
décoratif plutôt que comme identifiant l’origine des objets.
Mais ce détour était-il nécessaire ? Le consommateur moyen de casquettes, de T-shirt ou de
tasses à café (qui n’est pas nécessairement un touriste) ne voit-il pas aussi dans les signes
« I ♥ Paris » et « J’ ♥ Paris » une simple décoration ?
Cette solution est à rapprocher de celle retenue récemment par la Cour d’appel de Paris lorsque
la marque « Moulin Rouge » avait été jugée inapte à empêcher son usage sur des objetssouvenirs, faute d’usage à titre de marque.
Les titulaires de marques géographiques ont du souci à se faire…
Xavier Carbasse
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