Foresterie communautaire Vers une meilleure

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Foresterie communautaire Vers une meilleure
 Foresterie communautaire Vers une meilleure compréhension du concept et comment le faire fonctionner Avril 2014 Introduction Le présent document se fonde sur les réponses aux questionnaires émanant de participants des pays suivants : Cameroun, Côte-­‐d'Ivoire, République du Congo, Ghana, Liberia, Vietnam et Laos. Il résume les réponses reçues. Dans certains cas, les réponses n'étaient, cependant, pas claires pour nous. Aussi, le présent document ne doit donc être considéré que comme un projet, auquel des modifications pourront être apportées, lors de la réunion, pour s'assurer que le document final reflète correctement la situation des différents pays. 1. Qu'entendez-­‐vous par « gestion communautaire des forêts » et y a-­‐
t-­‐il quelque chose de similaire dans votre pays ? Les pays répondants disposent d’un large éventail de concepts concernant la foresterie communautaire. Certains pays ont une définition très large de la foresterie communautaire : pour RECOFTC au Vietnam, par exemple, la foresterie communautaire englobe tout ce qui augmente le rôle des populations locales dans la gestion des forêts. Cela peut comprendre la gestion directe de la communauté, les entreprises forestières à petite échelle, les schémas de production forestière indépendante et les partenariats entreprise -­‐ communauté. Il existe trois types de foresterie communautaire au Vietnam, à savoir : • type 1 : les forêts en copropriété, possédées et gérées par les populations locales ; •
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type 2 : les forêts sous contrat entre une organisation étatique et les populations locales, détenues par le gouvernement ; type 3 : les forêts de gestion traditionnelle par les populations locales, non reconnues légalement. Pour la plupart des répondants, le droit de gérer les terres et les ressources forestières était un élément important (Liberia, Cameroun, Ghana, République du Congo, Laos, Vietnam). Le Liberia a également mentionné le droit de réglementer l’accès et l’usage. Les pays à évoquer des modèles de foresterie communautaire impliquant la propriété réelle de la terre ont été moins nombreux (Ghana, Liberia, République du Congo et Vietnam). Au Ghana, on entend par « forêt communautaire » les accords de partage des recettes. Les plantations sont un type de forêts communautaires, appartenant conjointement au gouvernement et aux communautés ; ces dernières recevant une part de 45 % des revenus générés par la forêt. Une certaine incohérence a été constatée entre la façon dont certains pays ont décrit leur compréhension théorique de la foresterie communautaire et ce qu'ils ont ensuite proposé comme exemples de foresterie communautaire dans leur propre pays. Par exemple, tant le Ghana que la République du Congo ont, tous deux, déclaré la propriété comme étant une partie essentielle de la foresterie communautaire, puis ensuite, ils ont décrit des modèles de « foresterie communautaire » dans leurs propres pays où le gouvernement a conservé la propriété officielle de la terre. 2. Quels types d'activités économiques sont autorisés sur les terres ? Les forêts communautaires de nombreux pays autorisent la collecte des produits forestiers non ligneux (NTFP) (Ghana, Cameroun, Vietnam, République du Congo). Le Vietnam a indiqué que certaines de ses forêts communautaires (type 1, voir p. 1 ci-­‐
dessus) permettaient aux communautés de commercialiser les NTFP, mais que d'autres modèles de forêt communautaire existaient, dont ceux fondés sur un contrat communautaire-­‐gouvernemental (type 2) et ceux nullement reconnus par la loi (type 3), où les NTFP ne pouvaient être collectés qu’à des fins de subsistance des communautés. Plusieurs modèles de forêts communautaires autorisent les communautés de pratiquer l'agriculture (République du Congo, Cameroun, Vietnam, Liberia). Certains pays permettent également la collecte commerciale du bois dans les forêts communautaires (Liberia, Cameroun, République du Congo, et certaines forêts communautaire (FC) au Ghana et au Vietnam). Au Cameroun, au Liberia et dans certains types de forêts communautaires au Vietnam, les communautés peuvent négocier et signer des contrats directement avec les sociétés forestières, en ayant droit à une partie des revenus de cette exploitation (au Liberia, 55 %). Dans les forêts communautaires de type 1 au Vietnam, les communautés sont libres de faire de même pour les plantations, mais la collecte commerciale du bois des forêts naturelles n'en est qu'au stade du test. Les autres types de forêts communautaires au Vietnam (type 2) appartiennent au gouvernement, et non pas aux populations locales, de sorte que la communauté ne peut contracter directement avec les sociétés forestières. D'autres types de forêts communautaires sont axés principalement sur la conservation. Dans ces zones, les activités économiques peuvent être totalement interdites (Cameroun, Côte d'Ivoire), ou permettre l'écotourisme (Ghana, Laos). En Côte d'Ivoire, en dépit d'une interdiction générale d'exercice de toute activité économique dans les forêts communautaires, il peut éventuellement arriver que des plantations soient autorisées afin de réduire la pauvreté. 3. Quelles règles régissent la forêt communautaire ? La plupart des pays disposent d’un certain degré de législation nationale, en matière de foresterie communautaire, laquelle est plus ou moins détaillée (ce qui est susceptible d'influencer sa mise en œuvre). Au Liberia, une loi spécifique sur la foresterie communautaire, accompagnée d'un ensemble détaillé de règlements, a été adoptée en 2009. En revanche, dans d'autres pays, si l'on a bien abordé la foresterie communautaire dans la législation au niveau national, il demeure un besoin persistant de mise en œuvre d'une législation plus détaillée (Vietnam, Côte d'Ivoire). Les forêts communautaires de nombreux pays sont également régies par des plans de gestion individuels, développés au niveau local (Laos, Cameroun, Liberia, République du Congo, et certaines FC au Ghana). Ces plans fixent les droits et les responsabilités des parties prenantes locales, par rapport aux types d'activités pouvant avoir lieu dans la forêt communautaire. Au Cameroun, le plan de gestion comprend une liste de projets à financer avec les revenus de l'exploitation. En général, ces plans de gestion sont élaborés par la communauté, avec un certain degré d'implication des acteurs gouvernementaux locaux (Laos) ou nationaux (Liberia, Ghana), voire parfois du secteur privé (République du Congo). Le Cameroun et le Liberia ont mentionné le soutien d’ONG et/ou de consultants dans l'élaboration de ces plans de gestion, qui devaient être fondés sur des études socio-­‐économiques, ainsi qu'environnementales. Au Liberia, le plan de gestion est accompagné par la création d'un organe de gestion communautaire des forêts multipartite, qui supervise sa mise en œuvre. Certains de ces plans de gestion ont des durées limitées, après l’échéance desquelles, ils doivent, du moins théoriquement, être renégociés et renouvelés (République du Congo et Cameroun : 5 ans). 4. Comment a fonctionné la foresterie communautaire dans la pratique ? Qu'est-­‐ce qui a bien fonctionné ? Les réponses apportées à la question de savoir si la foresterie communautaire constitue un développement positif, offrent une image contrastée. Bien qu'en théorie tous les pays voient la foresterie communautaire comme importante et positive, en pratique, il semblerait y avoir beaucoup de problèmes, notamment dans les pays africains. En effet, presque tous les pays déclarent que l'importance de la foresterie communautaire réside dans le fait que les communautés se voient octroyer le pouvoir (juridique) de gérer les forêts et d'en tirer profit. La participation des membres de la communauté dans la gestion des forêts est perçue comme positive par presque tous les pays (Côte d'Ivoire, Ghana, Cameroun, Vietnam et République du Congo). Les questionnaires font allusion au fait (sans toutefois fournir de données) que les avantages économiques sont, cependant, réduits. Le Cameroun fait notamment état de génération de revenus et de la création des emplois pour la jeunesse, comme effets positifs sur la foresterie communautaire, mais nulle donnée n’est proposée à l’appui de cette affirmation. Néanmoins, les forêts communautaires jouent un grand rôle dans la conservation des sites biologiquement importants et souvent sacrés (Ghana, Laos). Le Ghana indique que dans les forêts naturelles, la protection « bois sacrés » appartenant à la communauté s’est avérée efficace pour protéger de petits fragments de forêts ayant un rôle de biodiversité et d'îlots de préservation culturelle. Il est intéressant de souligner qu'au Ghana, des plantations forestières (industrielles) appartenant conjointement aux communautés et à la Commission des forêts, sont considérées comme un exemple de partenariat entre les communautés et l’État pour le développement, permettant les investissements communautaires sur des produits forestiers à forte valeur ajoutée, ainsi que le potentiel de pouvoir réduire la taille illégale ou le vol d'arbres. Il existe trois types de foresterie communautaire au Vietnam, tel que mentionné ci-­‐
dessus. Le type 1 a bien fonctionné pour fournir à la population locale des droits et avantages légaux concernant les forêts. Le type 2 génère avec succès des liquidités immédiates au profit des populations locales (sachant que nulle donnée n’a été mise à disposition sur ce point), et le type 3 de FC apporte de manière satisfaisante aux populations locales l’espace nécessaire pour pratiquer leurs traditions coutumières. Quels ont été les problèmes ? Des règles compliquées, une législation inadéquate ou hors de propos, le manque de soutien technique et financier et des structures de gouvernance peu claires, sont fréquemment mentionnés (Cameroun, Côte-­‐d'Ivoire, République du Congo, Laos) comme étant les principaux problèmes rencontrés. La taille réduite de la zone et la difficulté à la rendre économiquement viable, sont également mentionnées par le Ghana (en ce qui concerne les forêts naturelles), le Cameroun, la République du Congo et le Vietnam. Au Cameroun, la complexité des règles complique la tâche des collectivités à mettre en œuvre la foresterie communautaire, le tout aggravé par le manque de soutien financier et technique, la faiblesse des structures organisationnelles et les conflits internes. De la même manière, la République du Congo fait état de la lourdeur des procédures ou des mécanismes, à laquelle viennent s’ajouter l'incompétence et le manque de capacités au sein des communautés. Plusieurs pays ont mentionné les difficultés qui empêchaient les forêts communautaires de réaliser de véritables avantages économiques pour les communautés. Au Cameroun, l'absence de marchés pour les NTFP est un problème important. Au Liberia, la formation et l'autonomisation des communautés à faire un usage économiquement productif propre de leurs forêts, se sont avérées insuffisantes. Le résultat qui s’en est suivi est qu’en pratique, les forêts communautaires ont fonctionné comme des concessions forestières commerciales, avec peu d'avantages financiers, sociaux et environnementaux apportés aux communautés. Au Ghana, la foresterie de plantation fournit des retombées insuffisantes aux communautés ; dans les forêts naturelles, les espaces sont généralement trop petits pour apporter des avantages économiques tangibles, sans aucune possibilité d'expansion, puisque la plupart des forêts naturelles ont disparu. Presque tous les pays dénoncent l'empiètement et la taille illégale comme étant les principales menaces. Au Cameroun, cet empiétement n'est pas imputable dans son ensemble aux concessionnaires forestiers, puisque ce sont les forêts communautaires qui prévalent, juridiquement parlant, quant à l'exploitation commerciale du bois. Néanmoins, cette protection ne s'applique pas à d'autres secteurs, et les forêts communautaires se trouvent particulièrement en proie aux menaces de la part de concessions minières. Au Ghana, la principale menace pour les forêts communautaires n'émane pas non plus de concessionnaires forestiers, mais d'autres acteurs, tels que les vendeurs d'écorce d'arbres, les coupeurs de bois illégaux (également signalés en République du Congo) et les mineurs à petite échelle. Le Liberia a également signalé des problèmes avec l'expansion des terres, au bénéfice des secteurs de l'huile de palme et minier. Le Liberia et le Ghana ont tous deux déclaré des problèmes d'expansion illégale de concessionnaires forestiers dans les forêts communautaires. Au Ghana, ces contrevenants ont soutenu qu’ils agissaient ainsi car les terres n'étaient pas clairement délimitées. Le Liberia a expliqué que ce problème était en partie dû au fait que le pays n'avait pas encore élaboré de politique globale d'aménagement du territoire, ni de plan pour traiter les revendications territoriales concurrentes ; une autre raison avancée était la faiblesse des mécanismes d'application de la loi. Dans d'autres pays, l'exploitation légale du bois commercial constitue une menace importante. En Côte d'Ivoire, des permis d'abattage ont été accordés sur les zones forestières communautaires. Le Laos a, quant à lui, observé que les acteurs bénéficiant d'un statut privilégié étaient encore en mesure d'extraire du bois comme bon leur semblait. Au Vietnam, les problèmes signalés concernant les forêts de type 1 tiennent au fait que les droits légaux et les forêts ne deviennent pas automatiquement des droits et des avantages dans la pratique, en raison du flou existant et du manque d'exécution de leur mise en œuvre. Cependant, les forêts de type 1 sont généralement les mieux protégées contre les incursions par d'autres acteurs, puisque les communautés possèdent un droit à la terre. En revanche, les forêts des types 2 et 3 sont beaucoup plus vulnérables dans la pratique, puisque les communautés ne possèdent pas la terre. Dans les forêts de type 2, les populations locales ne connaissent pas la durée de leurs contrats, puisque ceux-­‐ci doivent être renouvelés chaque année, et il n'y a aucune garantie qu'elles se verront attribuer les forêts l'année suivante. Dans les forêts de type 3, les populations locales n'ont pas de droits légaux sur les forêts (et sont donc dépourvues de toute protection juridique). Comment améliorer les choses ? Les règles existantes n’étant pas favorables aux utilisateurs des forêts, de nombreux pays proposent de modifier ces dernières et/ou le système juridique, pour élaborer un ensemble de règles applicables et utiles pour les communautés (Cameroun, Côte d'Ivoire, Vietnam, République du Congo). Le renforcement de la capacité de toutes les parties prenantes, et notamment des communautés autochtones et locales, a également été évoqué par le Cameroun, la République du Congo, le Ghana, le Laos, le Liberia et le Vietnam. Le Liberia a noté, en particulier, l'importance de la formation des communautés pour réaliser des activités économiquement bénéfiques, de sorte que les forêts communautaires ne deviennent pas simplement des concessions d’abattage forestier. Pour le Ghana, l’amélioration de la foresterie communautaire dans les forêts naturelles passerait, en tout premier lieu, par la réalisation de recherches plus poussées quant à leur contribution au développement durable, ainsi que par l'amélioration de leurs systèmes de gouvernance, notamment en ce qui concerne la surveillance et les retours d’information. Pour les plantations, la voie à suivre serait d'inclure le renforcement des capacités des communautés pour un engagement efficace avec le gouvernement, ainsi que d’améliorer le flux des avantages aux communautés. Au Vietnam, pour les forêts de type 1, la proposition est de renforcer la capacité des communautés locales et de créer un environnement juridique et d'exécution favorable aux populations locales. Pour les forêts de type 2 et de type 3, il s’agirait d’accorder aux populations locales des droits légaux sur la forêt (en d'autres termes, passage vers le type 1). Au Laos, la mise en place d'un cadre juridique clair, couvrant les ressources foncières et forestières villageoises, qui permettrait une gestion des ressources naturelles efficace de la part des communautés, avec une planification participative de l'utilisation des terres au niveau du village reflétant l'utilisation réelle des terres et des forêts, s’avérerait nécessaire, ainsi que l'allocation de ressources financières adéquates pour le soutien de la mise en œuvre de la gestion forestière communautaire et la mise en place de systèmes de micro-­‐finance pour l'auto-­‐soutien à long terme, au niveau local. 4. Que trouveriez-­‐vous utile d'apprendre des expériences d'autres pays/ dans le cadre de cet atelier ? De nombreux participants aimeraient mieux comprendre ce que la foresterie communautaire implique, comment elle est encadrée légalement dans les différents pays, et comment elle fonctionne dans la pratique à travers le monde, ainsi que ses avantages et ses inconvénients. Il a aussi fréquemment été mentionné, le souhait d'étudier les différents modes de gouvernance et de contrôle communautaires, et comment les améliorer, y compris au moyen d’un soutien à l'élaboration des plans de gestion des forêts communautaires. Le Liberia souhaiterait se pencher sur les moyens de faire barrage à l'empiétement sur les forêts communautaires par l'exploitation forestière, l'exploitation minière et les concessions d'huile de palme, notamment par la formation des communautés pour qu’elles puissent assurer une surveillance elles-­‐mêmes. Un intérêt a également été exprimé concernant la recherche de moyens pour améliorer les flux d'avantages pour les communautés et protéger les intérêts de ces dernières quant à l'évolution des plantations. Le Cameroun, en particulier, souhaiterait également mieux examiner les différentes procédures possibles d'attribution et de gestion, ainsi que les sources de financement de la foresterie communautaire, en améliorant les relations avec les acheteurs-­‐transformateurs et le développement de chaînes viables pour les NTFP. Le Libéria souhaiterait, quant à lui, étudier les possibilités pour les communautés d'accéder aux avantages qu'offre le carbone forestier. Fin.