ESPACE SOLIDARITE HABITAT La lutte contre l`Habitat Indigne
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ESPACE SOLIDARITE HABITAT La lutte contre l`Habitat Indigne
ESPACE SOLIDARITE HABITAT La lutte contre l’Habitat Indigne BILAN 2012 L'Espace Solidarité Habitat (ESH), établissement de la Fondation Abbé Pierre, est un lieu d'accès aux droits pour un public mallogé de la région parisienne. A ce jour, ses principales missions sont : La prévention des expulsions locatives pour impayés La prévention des expulsions locatives pour congé ou sans droit ni titre L’accès aux droits des occupants en logements indignes ou indécents La protection des occupants en hôtels meublés La lutte contre les discriminations L'aide à la recherche d’un nouveau logement. La mission de l’Espace Solidarité Habitat (ESH) de la Fondation Abbé Pierre est de faire respecter les droits des occupants de logements indignes ou indécents en s’appuyant sur les dispositifs existants ainsi que sur la législation en vigueur. L'action de l'ESH doit permettre l’amélioration des conditions de vie des occupants (par la réalisation de travaux ou le relogement) et la poursuite des propriétaires aux pratiques de marchands de sommeil et l’évolution de la jurisprudence en la matière. Toutefois, faire valoir ses droits n’est pas toujours chose aisée lorsque l’on est en situation de précarité et d’exclusion par le logement, c’est pourquoi notre accompagnement ne se résume pas seulement à une réponse juridique. Les ménages, régulièrement confrontés à des obstacles et à des contradictions dans le cadre de ces procédures, auront plutôt tendance à renoncer à poursuivre leur action, l’équipe de l’ESH doit aussi pouvoir redonner confiance aux occupants. Pour chaque nouvelle situation, avant de définir les actions à mener, l’équipe de l’ESH étudie la demande du ménage (travaux et/ou relogement et/ou protection vis-à-vis d’un propriétaire intimidant). Ensuite, elle examine attentivement la situation locative de l’occupant (type de bail, congé donné, impayés de loyer…) et essaye d’avoir le maximum de précisions sur l’état du logement ainsi que sur les démarches effectuées et les procédures déjà en cours. Pour définir précisément les désordres présents dans le logement, une visite à domicile est souvent nécessaire. Cette visite peut, parfois, avoir un caractère plus technique, notamment pour déterminer les causes précises des désordres et les travaux à réaliser. Ainsi des rapports sur l’état de décence du logement, avec photos et avis technique, peuvent être établis par des architectes ou ingénieurs bénévoles engagés auprès de l’ESH. Ces rapports sont bien souvent décisifs devant les tribunaux d’instances. Pour connaître les procédures et démarches en cours, les principaux partenaires contactés sont les services sociaux, les services techniques (Préfecture de Police ou Service Technique de l’Habitat – STH - de la ville de Paris) et les opérateurs mandatés par la collectivité pour intervenir sur l’habitat indigne ou la lutte contre le saturnisme. Composée d'une vingtaine de bénévoles et de dix salariés, assistée de juristes de la Confédération Générale du Logement - Union Parisienne (CGL-UP), l’équipe de l'ESH travaille également en partenariat avec une trentaine d’avocats. Pour cette mission d’accès aux droits des occupants en logement indigne ou indécent, l'ESH travaille également avec 4 associations partenaires dans le cadre du programme SOS Taudis de la Fondation Abbé Pierre : l'Association des Familles Victimes du Saturnisme (AFVS), l’Association pour la Promotion Individuelle et Collective, et pour l'Egalité des Droits (APICED), Habitat Santé Développement (HSD) et le Comité Action Logement (CAL). CHIFFRES CLES En 2012, l'Espace Solidarité Habitat de la Fondation Abbé Pierre a directement suivi 202 situations (à 95% parisiennes) au titre de l’habitat indigne (en augmentation de 5% par rapport à 2011). Les ménages accompagnés par l’ESH vivent majoritairement dans de petites surfaces et des locaux très dégradés pour des loyers qui vont de 100 € à 965€. Sur ces 202 situations accompagnées, 45% font ou ont fait l’objet d’un arrêté préfectoral. Il s’agit essentiellement d’arrêtés d’insalubrité ou de péril remédiable (54%) mais aussi de mises en demeure de faire cesser l'occupation aux fins d'habitation (35%). 40 de ces situations sont suivies dans le cadre du programme national SOS-TAUDIS de la Fondation Abbé Pierre en lien avec les associations partenaires. ETAT DES LOGEMENTS La crise du logement continue d’alimenter le marché de la location en très petites surfaces qui ne devraient pas être louées aux fins d’habitation. En effet, près de 20% des ménages en logements indignes suivis à l’ESH vivent dans un local inférieur aux 9 m2 obligatoires ! Le triste record aura été en 2012, un local d’une surface de 1,56 m2 habitable loué à 330€CC, soit 211€ du m2 ! Sur ces 202 situations accompagnées, 81 arrêtés préfectoraux étaient en vigueur. Cela concerne près de la moitié des logements suivis (45 %). Il s’agit essentiellement d’arrêtés d’insalubrité ou de péril remédiable (54%) mais aussi de mises en demeure de faire cesser l'occupation aux fins d'habitation (35%). L’autre moitié des logements (42%), font l’objet de prescriptions de travaux au titre du péril ou du règlement sanitaire départemental. Sur les adresses où aucune procédure n’est en cours (13%), les logements ne peuvent pas pour autant, être considérés comme décents. Il peut s’agir de logements pour lesquels les procédures administratives ou judiciaires viennent à peine de démarrer. Il peut également s’agir de locaux où les occupants ne souhaitent pas que nous signalions leur situation auprès des administrations. En effet, de nombreux occupants en situation de fragilité sociale ou administrative (sans autorisation de séjour sur le territoire) craignent de déclencher un conflit avec leur propriétaire et ce, malgré le travail d'accompagnement par l’équipe de L’ESH. Dans ce cas, le travail consiste à accompagner le ménage dans une recherche d’un autre logement et à intervenir au moment où les occupants se sentent prêts à affronter leur propriétaire. PROCEDURES CIVILES L’ESH s’appuie sur son réseau d’avocats afin d’accompagner les occupants devant les instances civiles. En 2012, l’ESH a aidé 4 ménages à récupérer des loyers payés alors que leur logement faisait l’objet d’un arrêté préfectoral et une dizaine de ménages ont pu obtenir des dommages et intérêts pour préjudice subi ou trouble de jouissance, avec des sommes allant de 2 000€ à 23 230€. Toutefois, la durée des procédures administratives en matière d’habitat indigne reste trop longue et les occupants sont encore trop « captifs » de locaux qui peinent à être remis aux normes. Mme I., occupante d’un local interdit à l’habitation. Le délai excessif de l’administration pénalise l’occupante. Madame I. nous contacte en novembre 2011 car elle est assignée en validation de congé le 17 janvier 2012. Toutefois, lors du rendez vous proposé à l’ESH, Madame I. précise occuper avec ses 4 enfants, un demi sous sol attenant à la buanderie d’un hôtel particulier dans le 16ème arrondissement de Paris. Un bénévole et un salarié de l’ESH se rendent sur place et constatent que les locaux sont 2 constitués d’une pièce d’une surface inférieure à 8m avec toilettes et douche attenante. Les seuls accès à la lumière sont des soupiraux à 1,80m du sol et donnant sur le pavé de la rue… Madame I. dispose par ailleurs, de la jouissance d’une kitchenette sur le palier. Elle loue ces lieux aux locataires en titre de l’hôtel particulier, en vertu d’un contrat de bail verbal. Les locataires en titre, louent quant à eux, cet hôtel à une société d’investissement luxembourgeoise. Lors de sa première visite, le Service Technique de l’Habitat (STH) n’avait pas engagé de procédure administrative. L’ESH signalera à nouveau cette situation au STH qui après étude de la jurisprudence en la matière, proposera un arrêté de mise en demeure de faire cesser l’occupation à l’Agence Régionale de Santé. Malheureusement, ce n’est qu’en octobre 2012 que cet arrêté sera pris, soit près d’un an après le signalement de l’ESH ! La longueur excessive de la procédure administrative pénalisera Mme I. En juillet 2012 en l’absence d’arrêté préfectoral sur le logement, un magistrat reconnaitra l’indignité et l’indécence des lieux (il ira jusqu’à condamner le loueur au remboursement de la totalité des loyers) mais ordonnera l’expulsion… L’ESH accompagne Mme afin d’interjeter appel de ce jugement incohérent et interviendra auprès de la Préfecture de Police pour différer l’octroi du concours de la force publique jusqu’à la décision du juge d’appel. Toutefois, si l’arrêté avait été en vigueur au moment du jugement, le magistrat n’aurait certainement pas ordonné l’expulsion du local, ajoutant ainsi le stress de l’expulsion à une situation déjà humainement difficile à vivre ! Par ailleurs, Madame est reconnue prioritaire au titre du DALO depuis le 28 janvier 2011 (au titre de la sur occupation) sans qu’aucune proposition de logement ne lui ait été faite. PROCEDURES PENALES En complément de l'action civile visant à la réalisation des travaux et à la réparation du préjudice subi, l'ESH intensifie son action de lutte contre les marchands de sommeil en accompagnant, avec son réseau d’avocats, les occupants dans une procédure pénale. En 2012, 16 situations ont fait l’objet d’une plainte déposée par les occupants ou d’un signalement direct de l’ESH au Procureur de la République. Trois dossiers ont fait l’objet de décisions de justice avec des peines prononcées allant de 6 mois de prison avec sursis à 2 ans de prison ferme ! Il s’agit là d’un signe encourageant qui montre que les poursuites contre les marchands de sommeil aboutissent plus fréquemment qu’auparavant. Cependant, de nombreux occupants souhaitant déposer une plainte à l’encontre de leur propriétaire, se voient encore signifier une fin de non recevoir par les commissariats. Par ailleurs, lorsque les marchands de sommeil mettent à exécution leurs menaces de mise à la porte par la force (en dehors de toute procédure juridique), les occupants se retrouvent sans domicile avec des démarches pour faire valoir leurs droits qui vont mettre de nombreux mois à aboutir. Enfin, notons qu’il est très difficile de mobiliser dans ses droits une personne sans titre de séjour et victime d’un marchand de sommeil car, à ce jour, alors même qu’elle est bénéficiaire d’un droit au relogement induit par les arrêtés préfectoraux, la puissance publique peine à proposer une solution de relogement (même temporaire). PROPOSITIONS POUR AMELIORER L’ACCOMPAGNEMENT DES OCCUPANTS DE LOGEMENTS INDIGNES - Développer l’information et la formation des acteurs (sociaux, associatifs, juridiques…) sur l’accompagnement des occupants en habitat indigne, notamment devant les juridictions civiles et pénales ; - Améliorer les critères de décence en y intégrant progressivement des critères de performance énergétique pour éviter la mise en location de passoires thermiques ; - Rendre systématique la prise d’arrêtés de mise en demeure de faire cesser l’occupation, pour les très petites surfaces ; - Rendre obligatoire la signature d’un avenant au contrat de bail après la levée d’un arrêté, mentionnant les nouvelles dates d’effets du bail ; - Sensibiliser les magistrats pour que le remboursement des loyers, en cas d’arrêté préfectoral, démarre, dès la connaissance par le bailleur des désordres qui ont conduit à la prise d’un arrêté (ou dès l’origine du bail pour les locaux interdits à la location) ; - Poursuivre la sensibilisation des agents des commissariats aux droits des occupants en habitat indigne, afin que toute victime d’un bailleur indélicat puisse déposer une plainte ; - Dans le cas des relogements de droit (suite à un arrêté préfectoral ou une opération d’aménagement), appliquer la loi en proposant un relogement digne et pérenne (par exemple par l’intermédiation locative) à toute personne qui en raison de sa situation administrative ne peux accéder au parc locatif social ; - Appliquer systématiquement les recouvrements des sommes auprès des propriétaires lors de la réalisation des travaux d’office ou des relogements de droit engagés par la puissance publique ; - Prononcer la saisie conservatoire et mettre en œuvre la confiscation des biens des marchands de sommeil (seules peines réellement efficaces pour que cessent ces pratiques inadmissibles) et assurer une visibilité des jugements dans la presse régionale afin de dissuader les vocations ; - Systématiser la création de Pôles départementaux de lutte contre l’habitat indigne comme instance unique, incontournable et efficace de repérage et de suivi des situations d’habitat indigne, y inclure tous les types d’habitat (à partir du moment où c’est la résidence principale de l’occupant) et y inviter tous les intervenants de la lutte contre l’habitat indigne ; - Harmoniser et renforcer le travail de lutte contre les taudis au niveau de la Région Ilede-France. CONTACT Espace Solidarité Habitat – Mission Ile-de-France 78/80 rue de la Réunion 75020 Paris [email protected] tél : 01 44 64 04 40