Quand faut-il envisager une chirurgie de rattrapage après dissection
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Quand faut-il envisager une chirurgie de rattrapage après dissection
SOMMAIRE Organisateur : B. DOUSSET (Paris) Président : B. DOUSSET (Paris) Modérateurs : S. CHAUSSADE (Paris) B. TERRIS (Paris) 1- Critères histopathologiques péjoratifs après mucosectomie endoscopique B. TERRIS (Paris) 2- Techniques et limites de la résection endoscopique des lésions colo-rectales superficielles S. LEBLANC (Paris) 3- Repérage pré-opératoire de la cicatrice de résection endoscopique A. KHAYAT (Paris) 4- Résultats des exérèses chirurgicales de rattrapage M. LECONTE (Paris) FCC 12 – Quand faut-il envisager une chirurgie de rattrapage après dissection endoscopique d’un cancer colo-rectal superficiel ? Critères histopathologiques péjoratifs après endoscopique des polypes malins colorectaux mucosectomie B. Terris (Paris) Service de Pathologie, Hôpital Cochin. 115ème Congrès Français de Chirurgie, 3 octobre 2013. Entre 5 et 11% des polypes réséqués endoscopiquement ou chirurgicalement présentent une dégénérescence adénocarcinomateuse. La découverte de telles lésions après exérèse endoscopique pose le problème de la conduite à tenir en terme de surveillance ou de résection chirurgicale complémentaire. Le traitement dépend principalement du risque d’envahissement ganglionnaire. Parmi les différents paramètres intervenant dans la décision (terrain, taille et nombre de polypes, qualité de la résection endoscopique, topographie), les caractéristiques anatomopathologiques sont les plus importantes. En raison de l’absence de structures lymphatiques au sein de la muqueuse colique normale, seuls les adénocarcinomes envahissant la sous muqueuse (pT1) peuvent présenter un risque de dissémination ganglionnaire. Ainsi la polypectomie endoscopique est suffisante en cas d’adénocarcinome intra-muqueux dans la limite de marges latérales de résection saines. C'est la raison pour laquelle, le terme de polype malin ou transformé ou cancérisé devrait être strictement réservé à ceux présentant des glandes carcinomateuses dépassant la musculaire muqueuse ave infiltration de la sous muqueuse. Cela devrait limiter les ambiguïtés de compréhension et surtout de sur-traitement inutile. Pour ces adénocarcinomes envahissant la sous muqueuse (pT1), plusieurs études ont tenté de définir des paramètres pathologiques corrélés à un risque important de dissémination lymphatique. Si la plupart de ces séries ont montré l’importance de l’extension de l’infiltration en profondeur (critères quantitatifs), d'autres critères cette fois ci qualitatifs sont à prendre en considération telle que la différenciation tumorale, l’existence d’emboles vasculaires ou de bourgeonnement tumoral, Deux études, incluant 292 et 140 polypes malins infiltrant la sous muqueuse, ont permis de mieux préciser la valeur de chacun de ces critères (Egashira et al. 2004, Ueno et al. 2004). 1. Degré d’extension en profondeur de la composante infiltrante : Haggitt et al établirent une classification en 4 grades selon l’extension en profondeur de l’envahissement au sein des polypes pédiculés. Le risque métastatique est de 0% lorsque l’infiltration est limitée à l’axe du polype (grade 1) et à la jonction axe– pédicule du polype (grade 2), de 10% lorsque le pédicule est envahit (grade 3) et de 27% quand cette infiltration concerne la sous muqueuse profonde (grade 4) de la paroi colique proprement dite. Si cette classification permet de bien distinguer les polypes pédiculés, tous les polypes sessiles ou plans dégénérés en revanche sont classés en grade 4. De plus, plusieurs études ont montré que 86 à 93% des malades opérés pour un grade IV ne présentaient pas de métastases ganglionnaires. Kudo et al. proposèrent de diviser les polypes sessiles malins en 3 catégories, en fonction du degré d’infiltration de la sous muqueuse: SM1 (invasion jusqu’à 200-300 µm sous la musculaire muqueuse), SM3 (invasion de la totalité de la sous muqueuse), SM2 (invasion intermédiaire). Le pourcentage de métastases FCC 12 – Quand faut-il envisager une chirurgie de rattrapage après dissection endoscopique d’un cancer colo-rectal superficiel ? ganglionnaires était de 0% pour les SM1, 10% pour les SM2 et 25% pour les SM3. Dans les 2 études récentes, les auteurs insistent sur l’importance de l’infiltration en profondeur (> 2 mm) et pour l’une d’entre elles sur la largeur de cette infiltration (> 4 mm) comme facteurs liés à un risque de métastase ganglionnaire surtout lorsqu’ils s’associent à l’un des critères exposés ci dessous. 2. Le degré de différenciation tumorale : 30 à 50% des tumeurs peu différenciées s’accompagnent de ganglions métastatiques contre 5% pour les tumeurs bien différenciées. Ce paramètre est cependant peu discriminant en raison du faible nombre de tumeurs peu différenciées à ce stade. Ueno et al rapportent en revanche le caractère agressif des polypes malins montrant un « bourgeonnement tumoral » (tumor budding) qui correspond à de petits amas de cellules tumorales, mal limités, dissociant fréquemment le stroma, présents au niveau du front d’invasion tumorale. 3. Envahissement veineux et lymphatique : L’existence d’une extension vasculaire est étroitement corrélée à la présence d’une extension ganglionnaire. La fréquence de cet envahissement varie cependant selon les grandes séries entre 1 et 30%. Cela est en partie liée aux modalités de recherche de ces derniers (coupes sériées, immunohistochimie). 4. La qualité de l’exérèse endoscopique : la présence de massifs tumoraux au niveau de la limite d’exérèse endoscopique traduit une exérèse incomplète. Une résection complète devant passer selon les études à 1 ou 2mm de la tranche de section. Cependant il est fréquent dans les cas où une résection chirurgicale complémentaire a été motivée pour exérèse endoscopique incomplète de ne plus observer de résidu tumoral (50%). L’exérèse est donc fréquemment sous estimée par le pathologiste. Ceci pourrait être lié à ’électrocoagulation de la base d’implantation qui suffirait à détruire le tissu tumoral résiduel. L’étude de Ueno et al. propose donc de ne pas effectuer de résection chirurgicale complémentaire après exérèse endoscopique d’un polype malin lorsqu’il n’existe pas de « critères qualitatifs » à type : - de composante tumorale peu différenciée - de bourgeonnement tumoral - ou d’invasion vasculaire et ce, même en cas d’infiltration dépassant 2 mm en profondeur et 4 mm en largeur (marge de résection > 1 mm). FCC 12 – Quand faut-il envisager une chirurgie de rattrapage après dissection endoscopique d’un cancer colo-rectal superficiel ? Références Egashira Y et al. 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Techniques et limites de la résection endoscopique des lésions colo-rectales superficielles. S. Leblanc (Paris) Service de Gastroentérologie, Hôpital Cochin Introduction La résection muqueuse par voie endoscopique est le traitement de référence des lésions superficielles du tractus digestif sans risque ganglionnaire, elle concerne les tumeurs bénignes planes ou sessiles, les lésions précancéreuses, les cancers superficiels avec un risque ganglionnaire nul ou très faible, quelque soit la taille ou la localisation colo-rectale [1]. Elle nécessite, au préalable, une caractérisation précise des lésions pour permettre une évaluation endoscopique du risque d’atteinte sous muqueuse et du risque d’envahissement ganglionnaire. Avec l’amélioration récente des techniques endoscopiques (dissection sous muqueuse), la résection endoscopique devient possible pour des lésions de grande taille dans des conditions carcinologiques satisfaisantes, avec une faible morbidité. Dans tous les cas, l’analyse histologique définitive de la pièce de résection guide la suite de la prise en charge (traitement endoscopique suffisant et surveillance ou traitement complémentaire), qui doit être discutée en réunion de concertation pluridisciplinaire. Evaluation endoscopique avant résection endoscopique L’évaluation endoscopique pré-résection est primordiale pour poser ou récuser l’indication d’exérèse endoscopique. Elle doit permettre, en cas de lésion tumorale, de prédire le risque d’invasion en profondeur et le risque corrélé d’envahissement ganglionnaire (Tableau 1). Après résection, l’analyse histologique précise de la pièce permet de définir la limite exacte des lésions curables par endoscopie et des lésions nécessitant un traitement complémentaire. La caractérisation endoscopique repose sur diverses classifications (aspect des lésions avec la classification de Paris, vascularisation), et doit prendre en compte la taille et la localisation de la lésion pour choisir la technique de résection endoscopique la plus appropriée. En cas de cancer colorectal, c’est l’atteinte de la sous muqueuse qui est corrélée au risque d’atteinte ganglionnaire. La classification morphologique japonaise (classification de Paris) distingue les formes polypoïdes (type I), planes (type II) qui peuvent être élevées (IIa), planes (IIb) ou déprimées (IIc), et les formes ulcérées (type III) [2]. Pour les lésions colorectales, les meilleures indications d’exérèse endoscopique sont représentées par les formes I, IIa et IIb qui s’accompagnent d’un risque d’envahissement sous muqueux inférieur à 10%. Enfin pour les lésions rectales, l’écho-endoscopie reste un examen indispensable pour confirmer le caractère superficiel d’une lésion tumorale : elle permet d’évaluer l’atteinte de la paroi en profondeur, l’absence d’envahissement en profondeur de la musculeuse, l’absence d’adénopathie. Sa valeur prédictive positive pour différencier une lésion T1 d’une lésion T2/T3 est supérieure à 90% [3]. Seules les lésions usT1N0 sont éligibles à un traitement endoscopique. FCC 12 – Quand faut-il envisager une chirurgie de rattrapage après dissection endoscopique d’un cancer colo-rectal superficiel ? Les différents traitements endoscopiques : techniques et limites La mucosectomie La mucosectomie est la technique de résection endoscopique la plus utilisée, car la plus ancienne et la plus accessible par sa facilité d’apprentissage. La mucosectomie permet la résection de la muqueuse, en emportant la musculaire muqueuse et une partie de la sousmuqueuse. Elle consiste à réaliser une injection sous muqueuse (de sérum physiologique le plus souvent) pour créer un espace de clivage entre la lésion épithéliale et le plan musculaire. On utilise ensuite une anse diathermique pour encercler la lésion, puis la sectionner par électrocoagulation à l’aide d’un courant monopolaire à haute fréquence. La pièce est ensuite récupérée pour analyse histologique. L’objectif de cette technique est de réaliser des résections en un seul fragment (monobloc), ce qui est le plus souvent possible pour des lésions de taille inférieure à 20 mm. Pour les lésions supérieures à 20 mm, l’exérèse se fait en multiples fragments (piecemeal resection). Le principal risque de l’exérèse multi-fragmentaire est le risque de résidus adénomateux « en pont » entre les fragments ainsi que le long des berges de la tumeur. Ces exérèses incomplètes (ou R1) sont associées à un risque accru de récidive locale. Les avantages de la mucosectomie sont représentés par : - une efficacité démontrée pour les lésions colorectales (proche de 100% pour les adénomes, supérieure à 90% pour les lésions villeuses colorectales ou Laterally Spreading Tumors en 1 à 2 séances) - la simplicité de mise en oeuvre et d’apprentissage - une morbidité très faible (5% pour les résection coliques [4], 3.8% pour les résections rectales de type LST) représentée par les hémorragies immédiates ou retardées, et les perforations (1.3% dans une série récente australienne [5]). Les hémorragies peuvent être traitées endoscopiquement dans la majorité des cas, de même que de nombreux cas de perforation, lorsque celles-ci sont reconnues immédiatement. Certaines situations peuvent rendre le geste plus difficile et représentent des limites techniques de la mucosectomie: localisations connues comme « difficiles » à (orifice appendiculaire, versant iléal de la valvule), le non soulèvement de la lésion notamment en cas de récidive. Elles imposent le recours à une autre technique de résection endoscopique (dissection sous muqueuse) ou un traitement chirurgical. Le principal inconvénient de la mucosectomie est représenté par le risque de récidive, dû à l’absence d’une résection en bloc R0 pour des lésions de taille supérieure à 20 mm). La dissection sous muqueuse endoscopique ou ESD (Endoscopic Submucosal Dissection) Il s’agit d’une méthode plus récente développée au Japon initialement pour le traitement des cancers superficiels gastriques, et qui s’est maintenant étendue aux autres localisations du tractus digestif. Elle consiste, après marquage de la lésion, à réaliser, également, une injection sous muqueuse pour obtenir un plan de clivage entre la lésion et le plan musculaire. L’exérèse débute ensuite par une incision circonférentielle de la lésion avec des marges de sécurité, suivie d’une dissection dans le plan sous muqueux à l’aide d’un bistouri, en électrocoagulation (Figure 2). FCC 12 – Quand faut-il envisager une chirurgie de rattrapage après dissection endoscopique d’un cancer colo-rectal superficiel ? Le principal avantage de cette technique est de permettre une résection en bloc R0 pour des lésions superficielles de plus de 2 cm. Son efficacité est proche de 100% en terme de guérison en cas de résection R0 avec des critères histologiques satisfaisants (cf. infra) Les inconvénients de cette technique restent dominés par un apprentissage long et difficile qui limite actuellement sa diffusion en Europe, ainsi que son coût (absence de cotation spécifique en France), et sa durée (pour une ESD du rectum, durée moyenne de 120 min dans une étude récente japonaise [6]). Elle reste donc réservée à des centres experts. Mais une méta-analyse récente confirme sa supériorité sur la mucosectomie endoscopique pour : l’obtention de résection en bloc, avec des marges saines (R0), et donc moins de récidive locale [7]. Les complications, corrélées à l’expérience de l’opérateur en dissection endoscopique, sont également plus fréquentes que pour la mucosectomie en terme de perforations (18% dans l’étude multicentrique française mais <5% au Japon), et d’hémorragie (11% dans l’étude multicentrique française mais <2% au Japon [8]). Dans la majorité des cas, les complications étaient traitées médicalement et/ou endoscopiquement, avec recours minoritaire à la chirurgie. Analyse histologique de la pièce de résection endoscopique Les critères histologiques qui permettent un traitement endoscopique seul (ou chirurgical sans curage ganglionnaire) pour les lésions tumorales colorectales superficielles sont maintenant bien définis. Ils sont corrélés à un risque d’envahissement ganglionnaire nul ou très faible et associent : - une résection complète R0 prouvée histologiquement (avec marges latérales et profondes) - une lésion bien différenciée - l’absence d’embole lymphatique ou vasculaire - l’absence de bourgeonnement tumoral (budding) - l’envahissement en profondeur dans la sous muqueuse < 1000 µm au-delà de la musculaire muqueuse (au maximum T1sm1) Tous ces critères doivent être renseignés sur le compte rendu anatomopathologique, avant une prise de décision en Réunion de Concertation Pluridisciplinaire. Conclusion Les tumeurs colo-rectales superficielles peuvent être traitées endoscopiquement, sans véritable limite en taille. La mucosectomie endoscopique permet l’exérèse de la majorité des lésions colorectales par une méthode simple, largement diffusée et peu morbide. En cas de lésion dégénérée de grande taille (> 2 cm), ou de doute sur une infiltration de la sous muqueuse, une dissection endoscopique sous-muqueuse doit être préférée afin d’obtenir une résection « carcinologique » (monobloc, RO, analyse histologique précise, marges latérales et profondes). Cette technique plus exigeante n’est à l’heure actuelle disponible que dans des centres experts. La principale limite au traitement endoscopique exclusif est le risque ganglionnaire, qui peut être estimé par l’évaluation endoscopique avant résection, mais n’est définitivement apprécié qu’à l’analyse de la pièce opératoire. FCC 12 – Quand faut-il envisager une chirurgie de rattrapage après dissection endoscopique d’un cancer colo-rectal superficiel ? Tableau 1 : Risque d’envahissement ganglionnaire selon l’infiltration en profondeur Définition Risque d’envahissement ganglionnaire m1 Infiltration limitée à l’épithélium, soit cancer in situ, sans franchissement de la membrane basale 0% m2 Infiltration du chorion sans franchissement de la musculaire muqueuse 0% m3 Envahissement de la musculaire muqueuse 0% sm1 Envahissement superficiel de la sous muqueuse, soit cancer invasif sm2 Envahissement de la partie moyenne de la sousmuqueuse 6% Envahissement profond de la sous-muqueuse 25% Envahissement de la musculeuse >25% Stade T1 T1 sm3 T2 Traitement recommandé Résection endoscopique 0-1% (colon) 0-4.5% (rectum) Résection endoscopique si infiltration dans la sous muqueuse <1000 µ, sinon traitement chirurgical Traitement chirurgical FCC 12 – Quand faut-il envisager une chirurgie de rattrapage après dissection endoscopique d’un cancer colo-rectal superficiel ? Figure 1 : Technique de la mucosectomie Figure 2 : Technique de la dissection sous-muqueuse FCC 12 – Quand faut-il envisager une chirurgie de rattrapage après dissection endoscopique d’un cancer colo-rectal superficiel ? Références 1. Kudo S. Endoscopic mucosal resection of flat and depressed types of early colorectal cancer. Endoscopy 1993;25:455-61 2. The Paris endoscopic classification of superficial neoplastic lesions : esophagus, stomach and colon : November 30 to December, 1 , 2002. Gastrointestinal Endoscopy 2003;58:S3-43 3. Puli SR, Bechtold ML, Reddy JB, Choudhary A, Antillon MR. Can endoscopic ultrasound predict early rectal cancers that can be resected endoscopically? A meta-analysis and systematic review. Digestive diseases and sciences 2010;55:1221-9 4. Heresbach D et al. A national survey of endoscopic mucosal resection for superficial gastrointestinal neoplasia Endoscopy 2010; 42: 806–813 5. Moss A, Bourke M, Williams SJ, et al. 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La voie d’abord laparoscopique est largement validée dans la prise en charge chirurgicale du cancer du côlon (1, 2). Dans la majorité des cas, la coloscopie préopératoire permet de déterminer la localisation de la tumeur par mesure de la distance par rapport à la marge anale. Cependant, des erreurs de localisation par surestimation de la distance sont fréquentes et peuvent s’expliquer par l’enroulement du coloscope dans un colon tortueux. Les taux d’erreurs rapportés dans la littérature varient de 11% à 17% (3-5). Le chirurgien ne peut donc se fier à l’endoscopie pour localiser la lésion ce qui constitue un réel problème en particulier pour les petites tumeurs et les cicatrices après résection endoscopique qui ne sont ni visibles ni palpables. Ces erreurs de localisation exposent au risque de résection de segments coliques sains, de marges de résection insuffisantes, de curage ganglionnaire incomplet et de conversion en laparotomie. Ainsi, de nombreuses techniques ont été mises au point depuis les débuts de la chirurgie colorectale laparoscopique pour permettre une meilleure localisation préopératoire de ces petites lésions. Le tatouage endoscopique est aujourd’hui la technique la plus courante. Le bleu de méthylène, l’indigo carmin et le vert d’indocyanine initialement utilisés, ont été abandonnés en raison du caractère éphémère du marquage de la séreuse. C’est le carbone noir purifié (SPOT®), équivalent de l’encre de Chine, qui s’est imposé comme le produit le plus efficace et le plus sûre (6). Elle s’injecte dans la sous-muqueuse de façon circonférentielle au pôle inférieur de la lésion. Elle a la particularité d’être indélébile et de ne pas diffuser pas dans le méso. Le taux de succès de ce marquage varie selon les études et les modes d’administrations de 70% à 96% (7, 8). Ce mode de repérage présente néanmoins quelques limites (9). L’écoulement d’encre dans la cavité péritonéale est relativement fréquent (14%) bien qu’il n’ait pas de conséquence clinique (6). Des cas d’abcès (10), de nécrose épiploïque, d’inflammation pseudotumorale et de perforation avec péritonite localisée ont été décrits (11, 12). Un marquage par mise en place d’un clip métallique sur la lésion lors d’une endoscopie préopératoire suivi d’un repérage du clip par fluoroscopie ou par ultrason en peropératoire a été expérimenté (13). Cependant, ces deux techniques engendrent un surcoût d’équipement, allongent la durée opératoire et exposent à des erreurs en cas de migration du clip. De plus, l’échographie per laparoscopie nécessite une courbe d’apprentissage et peut être rendu délicate par la présence d’air intraluminal. Plus récemment, la mise en place d’un anneau magnétique fixé par deux clips sur la lésion lors d’une endoscopie préopératoire, la veille de l’intervention, a été proposée. La lésion est ensuite localisée en peropératoire à l’aide d’un instrument métallique standard (14). Cette technique présente l’inconvénient majeur de devoir réaliser une endoscopie la veille de l’intervention, ce qui génère des contraintes d’organisation. Des techniques de repérage radiologique de polyadénomes tels que le lavement aux hydrosolubles couplé à l’injection d’iode intraveineuse et la coloscopie virtuelle ont été comparés à la coloscopie dans une étude prospective. Pour des lésions de moins de 10 mm, la sensibilité de ces deux examens était faible, respectivement de 35% et de 51% (15). FCC 12 – Quand faut-il envisager une chirurgie de rattrapage après dissection endoscopique d’un cancer colo-rectal superficiel ? En dernier recours, la coloscopie peropératoire dont le taux de succès est proche de 100% (16) peut être utilisée mais elle allonge la durée opératoire, implique des difficultés opératoires liées à l’insufflation colique et nécessite une bonne coordination entre endoscopistes et chirurgiens. Notre centre a expérimenté une nouvelle technique de localisation préopératoire des petites lésions coliques et des cicatrices après résection endoscopique avant exérèse colorectale laparoscopique. Elle consiste en la mise en place d’un clip lors d’une coloscopie préopératoire suivie immédiatement le jour même d’un coloscanner à l’eau sans injection d’iode avec reconstruction tridimensionnelle en mode multiplan (Figure 1). Cette technique présente l’avantage de disposer avec certitude, en préopératoire, de la localisation exacte de la lésion en évitant la morbidité liée à l’injection d’encre. Le chirurgien peut ainsi préparer son intervention avec plus de sérénité et informer avec exactitude le patient du geste réalisé, du type d’anastomose et surtout du risque de stomie de protection. Par ailleurs, cette technique ne nécessite pas d’équipement nouveau, est simple, standardisée et facilement reproductible. Figure 1 : Coloscanner à l’eau permettant de repérer une cicatrice de mucosectomie endoscopique, marquée par un clip FCC 12 – Quand faut-il envisager une chirurgie de rattrapage après dissection endoscopique d’un cancer colo-rectal superficiel ? Références 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14. 15. 16. A comparison of laparoscopically assisted and open colectomy for colon cancer. The New England journal of medicine, 2004, Vol. 350, n°20, p. 2050-2059. LACY, A.M., GARCIA-VALDECASAS, J.C., DELGADO, S., et al., Laparoscopy-assisted colectomy versus open colectomy for treatment of non-metastatic colon cancer: a randomised trial. 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FCC 12 – Quand faut-il envisager une chirurgie de rattrapage après dissection endoscopique d’un cancer colo-rectal superficiel ? Résultats des exérèses chirurgicales de rattrapage M. Leconte (Paris) Service de chirurgie digestive, hépatobiliaire et endocrinienne, Hôpital Cochin. 115ème Congrès Français de Chirurgie, 3 Octobre 2013. Le développement de l’endoscopie digestive ainsi que le programme de dépistage permettent le diagnostic de 37 000 nouveaux cas de cancers colorectaux par an en France (1) dont une proportion croissante de formes superficielles (Tis et T1). De façon parallèle, le traitement endoscopique des lésions superficielles s’est considérablement développé grâce aux techniques de mucosectomie et plus récemment de dissection endoscopique sousmuqueuse. Cependant, à l’inverse de la chirurgie qui s’accompagne d’un curage ganglionnaire, les techniques d’exérèse locale ne permettent pas d’établir de stadification ganglionnaire, essentielle pour l’estimation du risque de récidive tumorale et de la survie, et sur lequel se fondent les indications de traitement adjuvant. La possibilité d’une évaluation du risque d’envahissement ganglionnaire après traitement endoscopique des tumeurs colorectales superficielles est donc nécessaire et conditionne, en dehors de la qualité de l’exérèse, l’indication d’une résection chirurgicale complémentaire. Le risque d’envahissement ganglionnaire repose sur les caractéristiques histologiques de la tumeur. Les données de la littérature sont essentiellement issues de séries rétrospectives asiatiques qui comportent des différences de pratiques endoscopiques, chirurgicales et d’analyse histologique. Il a néanmoins été montré que le risque ganglionnaire était nul pour les lésions coliques intra-muqueuses alors que pour les lésions T1 il dépendait de paramètres quantitatifs comme la profondeur de l’infiltration sous-muqueuse, et de paramètres qualitatifs comme la différenciation tumorale, l’existence d’emboles vasculaires ou de bourgeonnement tumoral (tumor budding) (2, 3). A stade égal, le risque d’envahissement ganglionnaire est supérieur pour les tumeurs superficielles T1 du rectum (15%) que pour les tumeurs superficielles T1 du côlon (3 à 8%) (4). Aujourd’hui, ces critères ne semblent pas suffisamment sélectifs pour éviter des chirurgies complémentaires « blanches » c'est-à-dire sans résidu tumoral ni atteinte ganglionnaire sur la pièce opératoire (5). C’est pour cette raison que l’équipe de Cochin a pour projet la mise en place d’une cohorte nationale des tumeurs superficielles du tube digestif. Le but d’un tel travail est de valider des critères anatomopathologiques prédictifs de récidive afin d’homogénéiser la codification histopathologique et de proposer des recommandations de pratique clinique. Il n’existe aucune étude faisant spécifiquement état des résultats de la chirurgie complémentaire après traitement endoscopique des tumeurs superficielles colorectales. Les seules données disponibles sont histologiques et proviennent des pièces opératoires qui ont FCC 12 – Quand faut-il envisager une chirurgie de rattrapage après dissection endoscopique d’un cancer colo-rectal superficiel ? servi à établir les critères histopathologiques péjoratifs après traitement local (5, 6, 7). Une étude récente rapporte cependant les résultats carcinologiques à long terme de la chirurgie pour des tumeurs colorectales sous-muqueuses à haut risque, précédée ou non d’un traitement endoscopique. Les taux de récidive, de survie sans récidive à 5 ans et de survie globale à 5 ans pour les localisations coliques et rectales étaient respectivement de 1,9% vs 4,5%, 97% vs 95% et 99% vs 97% (8). Les deux problèmes posés par la chirurgie complémentaire sont le repérage préopératoire de la cicatrice de résection endoscopique et la morbi-mortalité propre au geste pour une chirurgie potentiellement « blanche ». La coloscopie n’est pas suffisamment précise pour des données de localisation fiable. Plusieurs techniques de repérage préopératoire ont été développées telles que le tatouage endoscopique au carbone noir purifié (9), la mise en place endoscopique d’un clip métallique suivi d’un repérage peropératoire (10) ou encore le repérage radiologique par coloscanner réalisé immédiatement après mise en place endoscopique d’un clip métallique qui a notre préférence. En termes de morbi-mortalité opératoire, la laparoscopie qui représente le principal progrès observé en chirurgie digestive ces dernières années, trouve particulièrement sa place dans cette indication de chirurgie complémentaire. Cette voie d’abord a en effet montré sa supériorité à la laparotomie en terme de morbidité (11) avec une équivalence sur les résultats carcinologiques (12, 13, 14). Selon le rapport de l’AFC de 2002, la mortalité opératoire de la chirurgie colique réglée est faible évaluée à 1,6 % avec un risque augmentant linéairement avec l’âge à partir de 50 ans (15). Même si le traitement endoscopique sera toujours moins morbide et moins coûteux que la chirurgie, l’enjeu carcinologique devra être discuté au cas par cas en tenant compte du terrain et du risque chirurgical. FCC 12 – Quand faut-il envisager une chirurgie de rattrapage après dissection endoscopique d’un cancer colo-rectal superficiel ? Références (1) Mazeau Voynar V., Cerf N. Survie attendue des patients atteints de cancers en France: état des lieux. Collection, Rapports et Synthèses. Institut National du Cancer, 2010. (2) Egashira Y, Yoshida T, Hirata I, et al. Analysis of pathological risk factors for lymph node metastasis of submucosal invasive colon cancer. Modern Pathol, 2004, 17(5):503-11. (3) Ueno H, Mochizuki H, Hashigushi Y, et al. Risk factors for an adverse outcome in early invasive colorectal carcinoma. Gastroenterology, 2004; 127: 385-394. (4) Okabe S, Shia J, Nash G, et al. Lymph node metastasis in T1 adenocarcinoma of the colon and rectum. J Gastrointest Surg, 2004, 8(8):1032-9. (5) Kim MN, Kang JM, Yang JI, et al. Clinical features and prognosis of early colorectal cancer treated by endoscopic mucosal resection. Journal of Gastroenterol and Hepatol, 2011, 26: 1619-1625. (6) Kitajima K, Fujimori T, Fujii S, Taked, J, et al. Correlations between lymph node metastasis and depth of submucosal invasion in submucosal invasive colorectal carcinoma: a Japanese collaborative study. J Gastroenterol, 2004, 39:534-543. (7) Kim JH, Cheon JH, Kim TI, et al. Effectiveness of radical surgery after incomplete endoscopic mucosal resection for early colorectal cancers: a clinical study investigating risk factors of residual cancer. Dig Dis Sci, 2008, 53:2941–2946. (8) Ikematsu H, Yoda Y, Matsuda T et al. Long-term outcomes after resection for submucosal invsive colorectal cancers. Gastroentrology, 2013, 144:551-559. (9) Yeung JM, Maxwell-Armstrong C, acheson AG, et al. Colonic tattooing in laparoscopic surgery - making the mark? Colorectal disease : the official journal of the Association of Coloproctology of Great Britain and Ireland, 2009, 11 (5): 527-530. (10) Nagata K, Endo S, Tatsukawa K, et al., Intraoperative fluoroscopy vs. intraoperative laparoscopic ultrasonography for early colorectal cancer localization in laparoscopic surgery. Surgical endoscopy, 2008, 22 (2): 379-385. (11) Schwenk W, Haase O, Neudecker J, et al. Short term benefits for laparoscopic colorectal resection. Cochrane database Syst Rev, 2005, CD003145. (12) Bonjer HJ, Hop WC, Nelson H, et al. Laparoscopically assisted versus open colectomy for colon cancer: a meta-analysis. Arch Surg, 2007, 142:298-303. (13) Kuhry E, Scwenk W, Gaupset R, et al. Long-term outcome of laparoscopic surgery for colorectal cancer : a cochrane systematic review of randomised controlled trials. Cancer Treat Rev, 2008, 34:498-504. (14) Kang SB, Park JW, Jeong SY, et al. Open versus laparoscopy surgery for mid or low rectal cancer after neoadjuvant chemoradiotherapy (COREAN trial): short-term outcomes of an open-label randomized trial. Lancet Oncol, 11: 637-45. (15) Rapport de l’AFC 2002. Mortalité et morbidité de la chirurgie colorectale. Mantion G, Panis Y. FCC 12 – Quand faut-il envisager une chirurgie de rattrapage après dissection endoscopique d’un cancer colo-rectal superficiel ?