Doc La contribution du CG 68

Transcription

Doc La contribution du CG 68
N. Grandjean, Service Insertion et Développement Local, Conseil Général du Haut-Rhin, mars 2011 => CR
Audition par la commission régionale relative au
Contrat de Plan Régional de Développement
des Formations Professionnelles (CPRDFP)
Le 23 mars 2011 sur les besoins en formation des bénéficiaires du rSa1,
dans le Haut-Rhin.
En volume budgétaire 2011, la solidarité représente 343,5 M€ sur 779 M€ de
dépenses totales, soit 44 %.
En liminaire, il convient de préciser que nous travaillons au plus près des
territoires et des professionnels (dont ceux de Pôle Emploi) chargés – après
évaluation et orientation - de l'accompagnement socio-professionnel et vers
et dans l'emploi des bénéficiaires du rSa ; nous disposons également des
éléments issus de l'analyse des dérogations, recours et des dispositifs tels
que l'APRE (Aide Personnalisée de Retour à l'Emploi) qui nous permettent de
vous faire un exposé étayé et pragmatique.
Caractéristiques haut-rhinoises :
L'évolution de l'économie se caractérise par une tertiarisation et une perte
des emplois industriels ; on assiste globalement à une dégradation de
l'emploi dans le département avec une progression du taux de chômage2 ces
dernières années (plus importante que dans le Bas-Rhin), une décélération
de l'emploi frontalier sur le canton de Bâle au regard par exemple de celui de
Genève3, à cet égard, la non maîtrise de la langue allemande expliquant pour
une part cette différence.
Les chiffres sont également révélateurs concernant les niveaux de
qualifications des salariés : 22 % sont sans diplômes, plus de 44 % sont
titulaires d'un niveau inférieur au baccalauréat. Autre caractéristique, les
disparités géographiques entre Mulhouse, les fonds de vallées, certaines
zones rurales qui cumulent pertes d'emploi et bas niveaux de qualification et
les autres territoires mieux dotés…
Caractéristiques des bénéficiaires du rSa :
Pour rappel, le revenu de Solidarité active est entré en vigueur le 1er juin
2009. C'est une nouvelle allocation, calculée en fonction des revenus du
travail, de la situation familiale et des autres ressources du ménage.
Les Départements assurent la prise en charge du rSa dit "socle", à savoir
- le revenu minimum versé aux personnes sans ressources,
correspondant à l'ancien RMI (revenu minimum d'insertion),
1 Intervention de Nadine Grandjean, chef du Service Insertion et Développement Local (Direction Enfance Santé
Insertion) au CG du Haut-Rhin, service notamment chargé de la gestion du rSa, de la politique départementale
d'insertion, du Fonds d'Aide aux Jeunes et de la prévention spécialisée.
2 8,3 %, données INSEE 2è semestre 2010. Sur le bassin de Mulhouse, 10,8 %.
3 54 000 emplois frontaliers offerts sur Genève et 27 000 sur Bâle, source CARH (Comité d'Action Economique du
Haut-Rhin), Assises Départementales de l'Economie pour l'Emploi du 4 novembre 2010 à Colmar.
1
N. Grandjean, Service Insertion et Développement Local, Conseil Général du Haut-Rhin, mars 2011 => CR
-
le montant forfaitaire
(allocation parent isolé).
majoré
correspondant
à
l'ancienne
API
Mon propos porte sur ces publics.
Dans le Haut-Rhin4 au 31 janvier 2011 :
- 13 109 foyers sont allocataires du rSa socle (dont 1 851 rSa majoré)
- 1 988 foyers sont allocataires du rSa mixte (socle + activité)
soit 15 097 foyers allocataires et près de 31 000 personnes sont concernées
par cette prestation.
4 589 foyers allocataires du rSa activité dans le Haut-Rhin (relevant de
l'Etat).
En dynamique, nous avons assisté à une progression constante des volumes
des bénéficiaires lors des 12 premiers mois du nouveau dispositif puis à une
propension à la baisse au 2è semestre 2010 qui ne s'est pas poursuivie en
janvier 2011 (tendance à confirmer).
Cette augmentation du nombre des bénéficiaires du rSa socle est cohérente
avec la sévérité de la récession économique.
Répartition géographique :
Les ménages bénéficiaires du rSa se concentrent sur les Commissions
Territoriales des Solidarités Actives (CTSA, ex Commissions Locales
d'Insertion dans le Haut-Rhin) de :
-
Mulhouse (42 %) et la Couronne mulhousienne (14,5 %) = 56,5 %
pour d’entres eux,
Colmar pour 19 % d’entres eux,
Saint-Louis pour 7 % d’entres eux,
17,5 % d'entre eux sur le reste du territoire haut-rhinois (Guebwiller
pour 5 %, Thann pour 5 %, Sainte-Marie aux Mines pour 4 %, Altkirch
pour 3,5 %)
Répartition par âge :
-
75 % des titulaires des dossiers rSa sont âgés de 25 à 49 ans,
17 % sont âgés de plus de 50 (dont 3 % de plus de 60 ans),
8 % sont âgés de moins de 25 ans,
Répartition selon contexte familial :
-
4
les ménages isolés (= une personne seule) sans enfant représentent
50 % des foyers bénéficiaires du rSa socle ou mixte,
Données mensuelles Perceaval et requêtes sous Business Objects (CG) et Elisa (CAF).
2
N. Grandjean, Service Insertion et Développement Local, Conseil Général du Haut-Rhin, mars 2011 => CR
-
les couples sans enfant représentent 3 % des foyers bénéficiaires du
rSa socle ou mixte,
les familles monoparentales avec enfant représentent 34 % des foyers
bénéficiaires du rSa socle ou mixte,
les couples avec enfant représentent 13 % des foyers bénéficiaires du
rSa socle ou mixte. = > 47 % avec enfants.
Répartition par genre :
-
56 % des titulaires des dossiers rSa sont des hommes,
44 % des titulaires des dossiers rSa sont des femmes.
Niveau de qualification :
Nous ne disposons pas, à ce jour, de statistiques sur le niveau de
qualification des bénéficiaires du rSa sur la base de celles présentées
précédemment. Toutefois et à titre indicatif (sur un petit échantillon), deux
structures qui assurent l’accompagnement des bénéficiaires du rSa évaluent
à plus de 72 % le nombre d'entre eux ayant un niveau inférieur ou égal au
niveau V.
De manière générale, tous les professionnels s'accordent pour relever un
faible niveau de formation initiale et professionnelle parmi cette population,
de l'illettrisme, ou une faible maîtrise de la langue française pour les
personnes d'origine étrangère, la non connaissance de la langue allemande,
des diplômes qui ne sont pas actualisés ou qui ne correspondent plus aux
besoins du marché du travail, une déqualification acquise par de longs mois
voire années d'inactivité professionnelle.
La politique départementale d'insertion :
La loi du 1er décembre 2008 généralisant le rSa et réformant les politiques
d'insertion a réaffirmé le rôle de chef de file du Département en matière
d'insertion. En cette période de crise économique majeure, qui a pour impact
d'accroître les dépenses d'allocation rSa (70 M€ en 2010) dont les Conseils
Généraux ne maîtrisent pas les critères d'attribution fixés nationalement, le
choix d'une politique volontariste du Département prend davantage de sens
encore et s'inscrit comme une nécessité ; ainsi en 2011, ce sont plus 10 M€
qui sont consacrés à cette politique, dont les axes forts sont présentés dans
le Programme Départemental d'Insertion du Haut-Rhin 2010 - 2012.
L'enjeu essentiel se situe au niveau de l'accompagnement des personnes les
plus éloignées de l'emploi et de la dynamisation de leur parcours, en
favorisant leur montée en compétences, de telle sorte à pouvoir prévenir la
désinsertion sociale et professionnelle et leur permettre de répondre aux
exigences et aux évolutions du marché du travail.
3
N. Grandjean, Service Insertion et Développement Local, Conseil Général du Haut-Rhin, mars 2011 => CR
Dans cet objectif, il est déployé en palette d'actions répondant aux besoins
des différents publics bénéficiaires du rSa et dans une dynamique
partenariale et territoriales = l'accompagnement social, socio professionnel et
dans l'emploi classique par un référent unique, le soutien aux Structures
d'Insertion par l'Activité Economique, en particulier les Ateliers et Chantiers
d'Insertion, particulièrement pertinents dans le parcours des bénéficiaires
du rSa, le co-financement des Contrats Uniques d'Insertion (900 CAE et 360
CIE prévus en 2011).
En outre, le Conseil Général du Haut-Rhin, sur ses crédits d'insertion, cofinance la formation des salariés en Structures d'Insertion par l'Activité
Economique, au côté de la Région notamment. Il s'agit ainsi de consolider
leur socle de compétences dans la perspective de leur accès à un emploi
dans le milieu dit ordinaire de travail. La participation du Conseil Général du
Haut-Rhin à ce plan est de 60 000 €.
Par ailleurs, le Département participe indirectement au cofinancement de
formations de courte durée via divers secours aux ménages, soutenant leur
participation aux actions (prise en charge des frais annexes…), des actions
ponctuelles de lutte contre l'illettrisme pour des populations spécifiques (par
exemple, gens du voyage sédentarisés) via les projets des CTSA (ex CLI).
Il est à noter que le service insertion et développement local rencontre
régulièrement les animateurs emploi formation du Conseil Régional.
Les freins à la formation :
La formation est l'un des facteurs majeurs qui expliquent l'éloignement à
l'emploi, avec la santé, le logement, la mobilité, les quatre se conjuguant
souvent. Elle est donc un enjeu clé et s'inscrit pleinement comme
complémentaire à la politique départementale d'insertion en faveur des
bénéficiaires du rSa.
Ce public a souvent connu des difficultés scolaires, voire un échec de sa
scolarité, il en garde de mauvais souvenirs, et n'exprime bien souvent
aucune demande de formation, si ce ne sont les formations courtes,
sollicitées notamment par les agences d'intérim, tels que le CACES, ou le
permis de conduire pour favoriser sa mobilité ; en tous cas, des formations
directement mobilisables pour l'emploi qui demeure la demande première et
à court terme.
En outre, la désinsertion qui s'est parfois installée se caractérise également
par un manque de confiance en soi, en ses compétences, y compris
transversales qui sont encore à l'œuvre mais mésestimées.
L'éloignement géographique du lieu de la formation, surtout pour les
personnes habitant loin des centres urbains, vient se rajouter à ces
réticences = temps et coût du déplacement, coût des repas.
4
N. Grandjean, Service Insertion et Développement Local, Conseil Général du Haut-Rhin, mars 2011 => CR
Pour les personnes ayant des enfants, la garde de ses derniers est également
un frein à la reprise d'une formation.
Bénéficier d'un revenu correct pendant toute la formation est essentiel aussi
de manière générale pour couvrir tous les frais de la vie quotidienne
auxquels s'ajoutent ceux générés par la formation (frais annexes,
pédagogiques parfois, matériels et tenues professionnels, etc.), ceci dans le
cas où les frais de formation sont pris en charge.
Ainsi, l'APRE, mise en place en septembre 2010 dans le Haut-Rhin, a-t-elle
concerné 35 demandes sur 185.
L'offre de formation :
L'offre de formation à visée professionnelle et qualifiante est reconnue
comme de qualité et bien diversifiée, qu'elle soit financée par le Conseil
Régional ou Pôle Emploi. Les référents mobilisent au mieux cette offre, de
manière intégrée et coordonnée avec les acteurs de la formation, sans double
prise en charge, qui peut aboutir directement à l'emploi...
Toutefois, elle comporte de nombreuses « qualifications » pour lesquelles le
public rSa n’a souvent pas le niveau d’entrée et les pré-requis
nécessaires.
Exemples :
Le niveau d’entrée en formation compétences professionnelles et pratique du
français ou savoirs fondamentaux, est souvent trop élevé pour beaucoup. Or
la pratique du français est déterminante pour accéder à la formation
(entretien de motivation, tests) et, à terme à un emploi (lecture des
consignes…).
Il manque une offre de formation intermédiaire : lutte contre l'illettrisme
pour certains, remise à niveau dans les savoirs de base, français et
allemand, comme langues étrangères.
Sur les métiers très demandés d’aide à la personne (auxiliaires de vie sociale
(DEAVS), le CACES (certificat d'aptitude à la conduite en sécurité) 1-3-5, la
FIMO (Formation initiale minimale obligatoire) Voyageurs et marchandises,
les métiers du bâtiment second oeuvre, de la sécurité, agent d’entretien,
préparation aux concours d’entrée en IFSI (Institut de Formation en Soins
Infirmiers), l’entretien des espaces verts, l’animation, la vente = il n’y a pas
assez de stages préparatoires, préqualifiants pour des publics ayant un
niveau infra V. En effet, le public échoue aux tests d’entrée : une offre de
formations de type professionnalisation de 4 mois ou plus manque.
En outre, l’offre de formation à ces métiers très demandés n’est pas assez
conséquente sur l’ensemble des bassins d’emploi.
Toutefois, ces demandes sont à mettre en corrélation avec les besoins du
marché du travail. Le CACES par exemple est un préalable à l’inscription en
5
N. Grandjean, Service Insertion et Développement Local, Conseil Général du Haut-Rhin, mars 2011 => CR
agence d’intérim, pour autant son obtention ne garantit nullement l’accès à
l’emploi.
Concernant les métiers de la dépendance, s’ils offrent des perspectives
d’emploi, il convient d’être vigilent à former et à bien accompagner les
professionnels afin d’éviter que des personnes très fragilisées par les
problématiques médico-sociales ne se trouvent en difficulté face à des
personnes en situation de grande vulnérabilité.
Pour certains BrSa ayant une qualification, le frein se situe au niveau
de la durée d’inactivité qui rend obsolète certaines habilitations à
renouveler tous les 3 ans voire tous les ans : électrique nucléaire et
chimique, CACES et engins de chantier ; la prise en charge du coût de ces
habilitations se pose souvent.
Une autre catégorie de public qualifiée sont les personnes ayant un
diplôme étranger mais non valide en France, ce qui rend leur insertion
professionnelle difficile : une mise à niveau aux exigences françaises est
indispensable.
Ces constats demandent à être affinés afin d'aboutir à un recensement des
besoins de formation et à un diagnostic partagé notamment par les deux
Conseils Généraux et le Conseil Régional.
Préconisations & enjeux :
De manière générale, des stages du type remobilisation (travail sur le savoirêtre, l’estime de soi, la présentation) seraient nécessaires sur tous les
bassins d’emploi haut-rhinois.
Ils pourraient en outre allier mise en situation de production, immersion en
entreprise (découvertes des métiers et des compétences mobilisables) et
émergence du besoin de connaissances de base en s’appuyant sur une
pédagogie des adultes innovante, favorisant la réussite, l’envie
d’apprendre en (re)donnant sens à l’investissement que requiert
l’engagement en formation = mobilisation des technologies de l’information,
jeux vidéo à vocation pédagogique, formateurs alliant techniques métiers et
développement des connaissances de base, stages pouvant s'intensifier
progressivement, délocalisés sur les territoires ruraux ou quartiers et ensuite
développés sur les villes centre avec un fort accompagnement des stagiaires,
durée de formation personnalisée, méthodologie des Ateliers de Pédagogie
Personnalisée, etc.
Ce préalable au stage qualifiant permettrait d’éviter la mise en situation
d’échec, vécue difficilement par un public qui doit déjà être encouragé pour
s’inscrire dans une démarche de formation.
Les amener à accéder à l'emploi passe en particulier par l'aménagement de
parcours de formation : de la remise à niveau, dont la lutte contre
6
N. Grandjean, Service Insertion et Développement Local, Conseil Général du Haut-Rhin, mars 2011 => CR
l'illettrisme, l'apprentissage du français et de l’allemand, aux actions
qualifiantes voire diplômantes, en passant par les actions dites de
(re)mobilisation sur le projet professionnel.
Les actions, considérées comme socialisantes, doivent ainsi trouver aussi
leur place dans l’offre de formation régionale, c’est une demande forte et
récurrente des professionnels en charge de l’accompagnement des personnes
en insertion.
L'enjeu de la formation des publics éloignés de l'emploi est majeur, c’est
pourquoi, et au risque de me répéter, il requiert de prendre en considération
les difficultés spécifiques des personnes en montant des projets de formation
adaptés, individualisés, s'appuyant sur une pédagogie interactive,
encourageante, soucieuse d'inscrire le temps de formation nécessaire à
chacun dans un parcours d'insertion. Des financements idoines doivent être
mis en œuvre, souples et promoteurs de démarches pédagogiques
innovantes et expérimentales dans une perspective de diversification et
d'adaptation constante de l'offre de formation.
Ainsi, le partenariat avec le Conseil Régional d’Alsace, partagé avec le
Conseil Général du Bas-Rhin, doit-il être un élément moteur et dynamisant
pour la professionnalisation et l’insertion et des publics en difficulté, par une
mise en synergie et une optimisation de nos moyens d'action.
Je vous remercie de votre attention.
7