Un rocher magique sous les étoiles

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Un rocher magique sous les étoiles
Par Tania K.
Janvier 2008
J'avais l'immense envie d'un ciel
étoilé... Quoi de plus banal, me direzvous, mais ceux qui me connaissent et
m'ont patiemment suivie même par
les froides soirées d'hiver sonder les
confins de l'univers, savent que rien
ne me passionne plus que la nuit et
ses myriades d'étoiles. Comble de
l'ironie, j'ai choisi, pour vivre, la
mégalopole la plus grande du monde
et donc la plus polluée en termes de luminosité, ce qui nous donne une
visibilité quasi nulle pour voir dans les cieux de Mexico autre chose que les
lumières des avions qui s'apprêtent à atterrir (quoique par certains soirs
clairs d'hiver, on devine l'incontournable constellation d'Orion...).
J'avais donc envie d'un ciel étoilé, d'un dépaysement proche de Mexico et
j'ai choisi la mythique Peña de Bernal. Erigée au cœur de la province
mexicaine de Querétaro, à seulement 195 kilomètres de Mexico D.F., ce
monolithe est le troisième du monde après le celui de Gibraltar et le Pain
de Sucre à Río de Janeiro. Perché à quelques 2,510 mètres d'altitude (et
dominant le village du haut de 350 mètres) la Peña de Bernal serait issue
d'un antique volcan dont l'énergie s'épuisa, et dont le magma s'est
solidifié le long de la cheminée pour s'éroder au fil des millénaires.
On raconte que Bernal et son rocher sont emplis d'énergie positive. Ici
comme dans tout le Mexique, le divin, le surnaturel et la réalité se
côtoient sans complexes... Les amateurs de spiritualité New Age ne
manquent jamais leur rendez-vous à la Peña de Bernal lors de l'équinoxe
du printemps. En effet, du 19 au 21 mars, ils s'y retrouvent par milliers
pour perpétrer les rituels qui remontent aux temps préhispaniques. Jadis,
les flancs de la Peña étaient habités par des tribus d'indiens chichimèques
qui la considéraient comme un lieu sacré - d'ailleurs, coïncidence ou pas,
les habitants du village de Bernal sont réputés pour leur remarquable
longévité.
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En 1642, un groupe de 26 familles espagnoles s'installa près du rocher non
sans mal, puisque l'armée espagnole dut à plusieurs reprises les défendre
des "barbares" indigènes. Mais c'est surtout lors de la Vice-royauté que
fleurit le village de Bernal, connaissant un essor économique, politique et
social grâce à l'activité minière.
Un village qui connaît la douceur de vivre
Aujourd'hui Bernal est devenu un charmant village coloré à la chaux, aux
ruelles étroites, dont les magasins d'artisanat regorgent de tapis, de
vestes, de couvertures et de rebosos de laines fabriqués dans des métiers
à tisser vieux de plus de 100 ans. L'idéal est de parcourir le village à pied
ou en bicyclette (à condition qu'elle ait des freins... ce qui ne va
apparemment pas de soi et qui peut provoquer des petites poussées
d'adrénaline surtout dans les descentes!). C'est un régal que de se
prélasser sur les bancs en fer forgé de la place principale pour goûter à la
placidité d'un temps qui n'a plus d'âge, à l'ombre d'un laurier d'Inde où
jacassent sans relâche des pies. A l'angle du zocalo se trouve "El Castillo",
bâtisse du 17ième siècle à l'architecture vice-royale, où se sont écrites les
pages les plus importantes de l'histoire politique de Bernal; il abrite
aujourd'hui un folklorique musée de masques. Sa tour frontale possède
une horloge d'origine allemande, qui y fut placée par le Président Don
Porfirio Díaz pour marquer le début du 20ième siècle. L'église principale,
"Templo de San Sebastián Martir", est remarquable, bizarrement, par son
manque de style défini, bien qu'elle fût construite de 1700 à 1725. On
retrouve néanmoins dans son clocher la main de l'artisan indigène.
Quelque peu en retrait du centre-ville, la "Capilla de la Animas", chapelle
aussi connue sous le nom "las Animitas" (les petites âmes), date du 18ième
siècle et fut édifiée en l'honneur de toutes les âmes du purgatoire. Son
atrium et son autel possèdent des dimensions dignes d'une maison de
poupées. Seule une peinture sur l'autel représente d'une manière
inquiétante le purgatoire, le restant des peintures à la fresque ayant des
tracés généreux et des couleurs plus douces. A quelques ruelles de là,
"Capilla de la Santa Cruz" (18ième et 19ième siècles) est consacrée, comme
son nom l'indique, à la Sainte Croix, particulièrement vénérée ici. La
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tradition veut que les pèlerins arrivent dans l'atrium à genoux sous le
soleil de plomb, pour s'acquitter d'une dette céleste...
Une petite faim vous tenaille? Laissez-vous tenter par les plats concoctés
dans des casseroles en terre cuite, sur un foyer rustique: gorditas
martajadas con chile rojo (1), enchiladas serranas con cecina (2), ou les
nopales santos (3), et enfin la barbacoa de cabri étuvée dans des feuilles
de maguey. Au Mesón de la Roca, une des meilleures tables du village, les
quesadillas de chapulines valent le détour (4). On finira en douceur par les
bonbons à la confiture de lait de chèvre, aux cacahuètes ou à la goyave, ou
avec de la biznaga (cactus confit) et du curado de pulque (5). Spécialité du
pays: la confiture de garambullo, un fruit de cactée similaire à la figue de
barbarie, avec un léger goût à la mûre et à la figue.
Derrière l'église principale, dans la rue 5 de Mayo, à l'angle de la rue
Iturbide, le sympathique Mario a disposé un étal en bois ancien dans
l'atrium d'une casona du 18ième siècle, vendant ses fromages du pays à
base de lait de chèvre ou de vache, du miel des collines au parfum de
luzerne, des galettes à crème et à la mélasse, puis de l'eau de lima (6)
pour se désaltérer. Il fait goûter avec fierté ses produits du terroir aux
curieux et touristes qui passent, tandis qu'il vante en toute innocence les
bienfaits de "la peña"...
Près du village, le colosse règne sans partage
En effet, où que l'on aille dans le village, quoi que l'on fasse, dans toutes
les conversations et tous les clichés, plane toujours l'ombre du Rocher de
Bernal, centre de ce petit univers. Grâce à son énigmatique charme, le
village de Bernal a été élevé en février 2006 au rang de "Pueblo Mágico"
(Village Magique).
Les sportifs défieront la Peña de Bernal par l'escalade et le rappel. Les
scientifiques reconnaitront que le monolithe emmagasine effectivement
une quantité importante d'énergie solaire, ce qui permettra aux rêveurs
d'y lire d'autres signes. Beaucoup de vérités se retrouvent ici, mais
finalement chacun trouvera la sienne. Un instant particulièrement
féerique: le spectacle nocturne des jets d'eau, sur les contreforts du
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rocher. L'eau y danse au son de musiques du monde, comme pour mieux
livrer l'enchantement des lieux. On en oublie la nuit particulièrement
frileuse dans ces contrées désertiques...
Et au-dessus du village l'infini veille...
Et mes étoiles dans tout cela?
Un front froid nous est venu du nord, couvrant le ciel nocturne d'un duvet
nuageux... qui s'est déchiré par moments pour me laisser entrevoir
quelques étoiles et constellations, comme un tout petit clin d'œil. Cela fait
bien longtemps que je suis fidèlement le chemin des étoiles... mais ce
n'est jamais vraiment vers le ciel qu'il m'amène, sinon vers les recoins les
plus insolites et charmants de cette "bonne vieille terre"...
(1) sorte de crêpe épaisse à base de farine de maïs et de piment rouge
(2) tortilla frite farcie de viande séchée
(3) feuilles de cactus
(4) tortilla frite avec du fromage de Oaxaca et des sauterelles grillées
(5) le pulque est une boisson fermentée du cactus maguey
(6) citron doux

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