Interdiction de commercialisation de certains

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Interdiction de commercialisation de certains
Interdiction de commercialisation de certains produits financiers à
l’attention de clients de détail
Le 20 mai 2014, l’Arrêté royal du 24 avril 2014 portant approbation du règlement de l’Autorité des services
et marchés financiers concernant l’interdiction de commercialisation de certains produits financiers
auprès des clients de détail a été publié au Moniteur belge. Son entrée en vigueur est fixée le 1er juillet
2014.
EN BREF
L’Arrêté royal du 24 avril 2014 portant approbation du règlement de l’Autorité des services et marchés financiers
(FSMA) concernant l’interdiction de commercialisation de certains produits financiers auprès des clients de détail
(l’ « Arrêté Royal ») a pour objet l’interdiction de la commercialisation à l’attention de clients de détail de quatre
types d’instruments financiers considérés comme particulièrement complexes, spéculatifs et extrêmement difficiles
à évaluer par les clients de détail :
1) Les assurances vie négociées (« Life Settlements ») et les produits financiers dont le rendement dépend
directement ou indirectement d’une ou plusieurs assurances vie négociées ;
2) Les produits financiers dont le rendement dépend directement ou indirectement d’une monnaie virtuelle ;
3) Les instruments de placement autres que des parts d’organismes de placement collectif dont le rendement
dépend directement ou indirectement d’un organisme de placement collectif alternatif qui investit dans un
ou plusieurs actifs non conventionnels ; et
4) Les assurances de la branche 23, liées à un fonds interne qui investit directement ou indirectement dans un
ou plusieurs actifs non conventionnels, ou dont le rendement dépend directement ou indirectement d’un
organisme de placement collectif alternatif qui investit directement ou indirectement dans un ou plusieurs
actifs non conventionnels.
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L’ARRÊTÉ ROYAL EXPLIQUÉ
I.
Le cadre réglementaire
L’Arrêté Royal donne force de loi au règlement homonyme adopté par la FSMA le 3 avril 2014 (le « Règlement »)
à la suite d’une consultation portant notamment1 sur l'interdiction de commercialisation de certains produits
financiers, organisée du 3 février au 17 février 2014 2. Le Règlement, approuvé par l’Arrêté Royal, trouve son
fondement dans la nouvelle compétence normative accordée par le législateur à la FSMA par le biais de l’article
23 de la loi du 30 juillet 2013 visant à renforcer la protection des utilisateurs de produits et services financiers ainsi
que les compétences de l'Autorité des services et marchés financiers, et portant des dispositions diverses (I) (dite
« loi Twin Peaks II »), et consacrée par la nouvelle formulation de l’article 30bis de la loi du 2 août 2002 relative à
la surveillance du secteur financier et aux instruments financiers (la « Loi du 2 août 2002 »).
Plus généralement, ce Règlement s’inscrit dans la suite de la démarche initiée par la FSMA en 2011 avec la
publication de son moratoire sur la commercialisation de produits structurés particulièrement complexes (le
« Moratoire »)3, auquel ont adhéré la grande majorité des établissements financiers4. À la différence du Moratoire,
qui requière une adhésion volontaire des distributeurs,
le Règlement édicte une interdiction de principe de
commercialiser en Belgique les produits financiers qu’il vise.
II.
Champ d’application
L’Arrêté Royal a vocation à s’appliquer sur l’ensemble du territoire belge, indépendamment de la nationalité ou du
lieu d’établissement de la personne qui commercialise le produit financier prohibé. Les entreprises étrangères,
qu’elles relèvent ou non de l’Espace Economique Européen, et qu’elles exercent leurs activités en Belgique par le
biais d’une succursale ou en libre prestation de services, sont donc également concernées par cette interdiction.
La FSMA précise clairement que cette interdiction de commercialisation doit être considérée comme une
disposition d’intérêt général de droit belge.
Notons cependant que seule l’approche territoriale a été retenue. Ainsi, la commercialisation de produits prohibés,
en dehors de la Belgique, par une personne établie en Belgique, n’est pas interdite par l’Arrêté Royal.
III.
La commercialisation prohibée
L’article 2 du Règlement énonce qu’il est interdit de commercialiser en Belgique, à titre professionnel, auprès d'un
ou de plusieurs clients de détail, un ou plusieurs des produits financiers visés.
La notion de « commercialisation » est définie par référence à l’article 30bis de la Loi du 2 août 2002 et revêt une
portée particulièrement large.
Il s’agit de « la présentation du produit, de quelque manière que ce soit, en vue d’inciter le client ou le client
potentiel à acheter, à souscrire, à adhérer à, à accepter, à signer ou à
ouvrir le produit concerné ». La
commercialisation vise ainsi la simple diffusion de publicité, considérée comme un « exemple typique » de
commercialisation par la FSMA. Rappelons toutefois que l’interdiction ne vise que la commercialisation
1
La consultation de la FSMA portait également sur un avant projet d’arrêté royal imposant certaines obligations en matière
d’information lors de la commercialisation de produits financiers des clients de détail. Cet arrêté royal a été publié au Moniteur belge le
12 juin 2014. Il fera l’objet d’un prochain commentaire.
2
http://www.fsma.be/~/media/Files/fsmafiles/consultaties/fr/2014/Consultatienota%20productverbod.ashx
3
http://www.fsma.be/~/media/Files/fsmafiles/press/2011/nipic/fr/fsma_2011_02.ashx
4
http://www.fsma.be/~/media/Files/fsmafiles/press/2011/nipic/fr/Liste_moratoire.ashx
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professionnelle, réalisée directement par l’offreur ou l’émetteur même du produit ou par un intermédiaire. La
FSMA précise que l’activité de gestion de portefeuille ne comporte pas de commercialisation et n’est dés lors pas
concernée par l’interdiction, dès lors que les décisions d’investissement sont prises par le gestionnaire lui-même
et non par son client.
Les produits financiers dont la commercialisation est interdite se divisent en quatre catégories :
1° une assurance vie négociée ou un produit financier dont le rendement dépend directement ou indirectement
d'une ou de plusieurs assurances vie négociées.
Cette première interdiction vise les produits qui dépendent d’assurances vie négociées (« life settlements
»). L’assurance vie négociée est définie comme « une assurance sur la vie en vertu de laquelle des
prestations sont dues en cas de décès de l’assuré, qui a été cédée à un tiers à titre onéreux ou dont le droit
au bénéfice a été ou est cédé à un tiers à titre onéreux » (art.1er, 4° du Règlement). En d’autres termes il
s’agit d’un produit d’investissement dont le rendement est lié à l’assurance vie d’un tiers et plus
concrètement, notamment, au moment du décès de l’assuré.
L’interdiction vise tant les assurance décès au sens strict que les assurances vie prévoyant une prestation
en cas de vie à une certaine date d’échéance ainsi qu’en cas de décès avant cette date (« assurances vies
mixtes »).
L’évaluation de tels produits suppose de tenir compte de multiples facteurs tels que l’espérance de vie des
personnes assurées, la monnaie applicable aux contrats d’assurance vie sous-jacents, le montant des
primes à payer tant que les assurés sont en vie et la solvabilité des entreprises d’assurances et des
éventuels réassureurs concernés.
La FSMA, outre qu’elle souligne la problématique éthique liée à ce type de produit, considère qu’il ne peut
être attendu d’un client de détail qu’il soit capable de procéder à la détermination de sa valeur.
2° un produit financier dont le rendement dépend directement ou indirectement d'une monnaie virtuelle.
Il est de plus en plus habituel que la monnaie virtuelle (la FSMA donne l’exemple du « Bitcoin ») fasse
l’objet de pratiques spéculatives (e.g. opérations d’achat-vente à court terme). Ces opérations ne peuvent
être interdites en tant que telles par la FSMA mais cette dernière a toutefois décidé d’agir par anticipation
en prohibant la commercialisation auprès de clients de détail de produits financiers liés à de telles
monnaies virtuelles.
La FSMA estime en effet que de pareils instruments présentent des risques trop importants pour les clients
de détail (e.g. risque de piratage de la plateforme de négociation, risque de change, absence de garantie
légale, …).
3° un instrument de placement autre qu'une part d'un organisme de placement collectif dont le rendement dépend
directement ou indirectement d'un organisme de placement collectif alternatif qui investit dans un ou plusieurs
actifs non conventionnels, et,
4° une assurance de la branche 23, liée à un fonds interne qui investit directement ou indirectement dans un ou
plusieurs actifs non conventionnels, ou dont le rendement dépend directement ou indirectement d'un organisme
de placement collectif alternatif qui investit dans un ou plusieurs actifs non conventionnels.
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Ces deux dernières catégories de produits financiers interdits visent à englober toute forme de
commercialisation indirecte d’actifs « non conventionnels » ou de produits qui y sont liés.
Les actifs non conventionnels sont définis négativement, ce qui permet une application aussi étendue que
possible de l’interdiction.
Ces actifs non conventionnels correspondent à tous les actifs autres que ceux appartenant aux catégories
de placements autorisés, ouvertes aux organismes de placement collectif publics de droit belge ou aux
organismes de placement en créances de droit belge. Ces catégories de placements sont ceux énumérés
à l’article 50 de la directive 2009/65/CE OPCVM (pour ce qui concerne les OPCVM), à l’article 183 de la loi
du 19 avril 2014 relative aux organismes de placement collectif alternatifs et à leurs gestionnaires (pour ce
qui concerne les fonds d’investissement alternatifs) et dans les arrêtés royaux et réglementations relatifs
aux organismes de placements collectifs alternatifs (sicav en instruments financiers et liquidités, sicafi
publiques et pricaf publiques) et aux organismes de placement en créances de droit belge.
Malgré cette définition négative potentiellement large, la FSMA estime que son règlement ne visera en
pratique que des actifs « non mainstream » tels que les matières premières, les objets d’arts et des produits
tels que le vin et le whisky.
IV.
Contrôle et sanctions
Le contrôle du respect de l’Arrêté Royal est de la compétence de la FSMA, laquelle, dispose à cette fin de
pouvoirs de contrôle et de sanction5.
On citera notamment la possibilité de se faire communiquer tout document pertinent, de procéder à des
inspections et expertises sur place ou encore d’imposer le respect de l’Arrêté Royal sous peine d’astreinte.
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Auteur: Thomas Derval (+32 2 533 17 09 ou [email protected])
Associé de contact: Catherine Houssa (+32 2 533 17 55 ou [email protected])
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Voir pour l’étendue de ces pouvoirs le chapitre II, section 8 de la Loi du 2 août 2002.
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