Brad Mehldau captive le Victoria Hall
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Brad Mehldau captive le Victoria Hall
Brad Mehldau captive le Victoria Hall Critique Jeudi, la vedette du piano jazz improvisait solo, entre Ravel et les Beatles. Blues à trois temps ou valse de Chopin, danse répétitive ou mélopées d’Orient? Jeudi, le Victoria Hall au complet scrutait avec attention le fascinant ballet des doigts sur le grand piano. Le corps détendu, l’esprit envolé dans un vagabondage intérieur, Brad Mehldau raconte un monde entier de musiques, dont il constitue, seul, le point de fuite. C’est un chaudron magique, une matrice dans laquelle fusionnent aussi bien le baroque, le classique et les Romantiques que les grands noms du jazz modal, de Bill Evans à Keith Jarrett. Il y a du Ravel dans ces coups de cloche savamment éparpillés de haut en bas du clavier. Du Bartók sous le cercle grandissant d’une danse obstinée. Assonance. Puis dissonance. La danse se mue en travail percussif. Descente dans les graves profonds. Roulements de tonnerre. Une idée émerge. Une autre la remplace, jetée aussi sec pour laisser venir de nouvelles envies. Tout n’est pas bon, tout ne fonctionne pas. Mais rien que d’y penser, une telle attitude sur scène reste, en soi, exceptionnelle. Le piano de Brad Mehldau est un laboratoire, une entreprise d’hybridation, une cuisine de l’improvisation nourrie aux quatre points cardinaux. Dont les mets, captés dans le passé et le présent, mélangés, transformés, gardent le goût précieux de leurs origines. C’est une danse irlandaise à présent. A moins d’un ragtime? De majestueux accords sonnent le rappel: Haendel, peut-être? Seul Brad Mehldau le sait, qui poursuit l’air de rien cette polyphonie swingante. Le paysage est à ce point large qu’on ne distingue pas tout. «La main gauche jouait à treize temps, la droite à cinq: quelle maîtrise!» Paroles de musicien assermenté… Le profane, lui, avait toutefois largement matière à savourer. Ainsi, lorsque, sur des notes claires, claironnantes même, aigus et graves filant à train léger, le chant résonne, simple, joyeux. Ainsi encore de cette relecture de And I Love Her des Beatles. Une reprise parmi tant d’autres qu’affectionne le Nord-Américain. Mais point de Nirvana ni de Radiohead ce soir-là. Le quadragénaire retourne à nouveau chez les Fab Four, Blackbird en guise de bis populaire. Après une longue et généreuse prestation, Brad Mehldau salue sobrement, abandonnant sur le fier clavier le linge avec lequel il essuyait sa sueur. Rien de sacré chez Mehldau. Sauf la musique. (TDG) Par Fabrice Gottraux