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lundi 25 mars 2013 LE FIGARO 40 culture culture ! " REPORTAGE Au lendemain de la foire de Dubaï et alors que la Biennale d’art contemporain se poursuit à Sharjah, les Émirat arabes unis s’imposent comme un nouvel acteur clé du marché de l’art. L VALÉRIE SASPORTAS ENVOYÉE SPÉCIALE À DUBAÏ e Tout-Dubaï en parle. Mais lorsqu’on y parvient, l’avenue Alserkal, « nouveau district pour l’art plastique », ne ressemble en rien à ce qu’on imagine. Loin des clinquants gratte-ciel de la ville, dans un quartier difficile d’accès, al-Quoz est une zone industrielle où une vingtaine de galeries d’art contemporain ont investi d’anciens hangars de stockage des grands centres commerciaux. Avant, il y avait aussi des camps de travailleurs avec vue imprenable sur l’émirat au sable englouti sous le béton des tours. C’était au temps de l’âge d’or de l’immobilier, avant la crise de 2008. Depuis, les champs de grues ont disparu et c’est un courant d’art qui souffle sur Dubaï. L’enclos d’Alserkal est une sorte de SoHo à l’orientale. Pionnière, la Green Art Gallery, fondée en 1995 par une famille syrienne qui tenait une autre galerie à Homs, s’y est installée en 2010. Autres galeries phares de l’émirat : The Third Line, codirigée par l’Émirienne Sunny Rahbar et l’Italo-Américaine Claudia Cellini, Carbone 12, du jovial Iranien Kourosh Nouri, ou encore la Belge Isabelle van den Eynde, qui a quitté Bruxelles pour Dubaï. C’est elle qui a révélé les frères iraniens Ramin et Rokni Haerizadeh, 36 et 34 ans, qui ont fui Téhéran il y a huit ans après une rafle de la police des mollahs et ont trouvé refuge aux Émirats arabes unis. Leur maison atelier dans le quartier de Barsha 2 ouvre sur un paradis créatif qu’on n’imagine pas dans un pays non démocratique. C’est une caverne d’Ali Baba d’ocres et de bleus, peuplée de peintures, collages et sculptures d’une liberté outrancière pour un État conservateur. Mais les autorités de Dubaï laissent faire. À peine ont-elles émasculé plusieurs fois une statue d’inspiration grecque… Aujourd’hui, les deux frères iraniens sont connus du marché mondial. Lors de la dynamique Dubai Art Fair, la foire You take my breath away, 2012, de l’Iranienne Sara Rahbar, à la galerie Dubaïote Carbone 12. annuelle d’art contemporain qui a fermé ses portes samedi dernier, une œuvre de Ramin a été vendue 30 000 dollars par la galerie française Nathalie Obadia. Et une peinture de Rokni, estimée entre 20 000 et 25 000 dollars, est au catalogue de la prochaine vente d’art moderne arabe, iranien et turc de Christie’s, à Dubaï, les l6 et 17 avril. Une foire intimiste Ce bronze du Chinois Yue Minjun, Dinosaur n° 23, 2008, a été vendu à Dubaï par la Pace Gallery entre 2 000 et 3 000 dollars. PACE GALLERY décryptage DELPHINE MINOUI [email protected] Ils avaient l’or noir. Ils ont désormais l’art. Loin de se contenter de leurs tours futuristes surgies du désert, de leurs centres commerciaux géants, et de leurs hôtels de luxe dernier cri, les pays du Golfe misent aujourd’hui sur la culture comme nouvelle valeur refuge pour préparer l’après-pétrole. À une semaine d’intervalle, Sharjah et Dubaï viennent respectivement d’accueillir une biennale et une foire d’art contemporain, tandis que leurs voisins d’Abu Dhabi et de Doha rivalisent en projets d’ouverture de musée. De quoi attirer, à l’ombre des gratte-ciel et des palmiers, une cohorte de collectionneurs, galeristes et critiques, curieux de voir ces anciens petits morceaux de sable se rêver en nouveaux temples de l’art. Le pari est audacieux. A l’origine de ces mini-États : des tribus nomades bédouines, enrichies dans la seconde moitié du XXe siècle grâce à la découverte de gisements de pétrole et de gaz, et dont les héritiers eurent l’idée de puiser dans ces réserves – limitées – pour construire l’avenir sur la base de trois piliers - l’immobilier, le tourisme et le commerce international. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : de 1970 à 2007, la part du secteur des hydrocarbures dans le PIB des Émirats arabes unis (dont font partie Dubaï, Abu Dhabi et Sharjah) a fondu de 70 à 35 %. Mais la course à la diversification ne s’arrête pas là. Ivres d’ambition, et dépourvus de véritable patrimoine culturel, les dirigeants de cette région se sont également tournés vers l’art au début des années 2000. Avec, rivalité oblige, une surenchère à donner le tournis. À Dubaï la frimeuse, royaume des riches philanthropes venus d’Iran ou d’Arabie saoudite, les galeries privées se sont démultipliées à la vitesse de l’éclair. Dès 2006, la foire Art Dubaï voit le jour. En parallèle, pas moins d’une dizaine de projets de musées sont lancés. Fidèle à sa folie des grandeurs, le petit émirat – dix fois plus petit que la Suisse - en vient même à créer une « autorité des arts et de la culture », dont il confie la responsabilité à l’Allemand Michael Schindhelm. Mais, avec la crise financière, le gestionnaire culturel repart dès 2009. Dans son livre Dubaï Speed, véritable chronique de ces années folles, il reproche à l’émirat d’avoir fait de l’art un outil marketing, tout en reconnaissant son incroyable capacité d’attraction - qui en fait, encore aujourd’hui, une plaque tournante du commerce de l’art. Encourager la sensibilité artistique Abu Dhabi, plus sérieuse, a elle aussi souffert de la récession. Les travaux de l’antenne du Louvre, dessinée par l’illustre Jean Nouvel, ne commencent que cette année, date à laquelle le musée aurait dû être inauguré. Le Guggenheim, lui, a été retardé. Mais si la capitale des sept Émirats arabes unis (EAU) a revu ses ambitions à la baisse, elle n’entend pas rester en sourdine. Car il faut aussi compter avec d’autres concurrents, tel Sharjah, plus conservatrice et sérieuse, mais dont la biennale d’art, cajolée par l’épouse du cheikh (lire ci-contre), commence à faire de l’ombre aux plus connus des émirats. Non loin de là, la richissime Doha, au Qatar, veille également au grain. Là-bas, c’est également une femme, la cheikha Mayassa al-Thani – qui n’est autre que la fille de l’émir – qui tient les rênes de la culture. Du haut de ses 29 ans, elle s’est donné les moyens de ses ambitions en recrutant Edward Dolman, ex-patron de Christie’s, comme bras droit. En tête de sa longue liste de mégaprojets figure le futur musée national, prévu pour 2015, et dont l’architecture (en forme de rose des sables) a également été confiée à Jean Nouvel. Dans cette course au tout-art, le plus important reste en effet à faire : dépasser la vitrine du bling, encourager la sensibilité artistique, former des critiques d’art locaux, créer des outils pédagogiques. Car c’est une chose de vouloir tout acheter. C’en est une autre de bâtir un vrai socle culturel et de l’entretenir. ■ Reste que les frères iraniens ne sont pas une exception à Dubaï. De nombreux autres artistes ont trouvé ici un havre favorable de création et d’exposition, dans le sillage du pionnier émirien Hassan Sharif, 62 ans, dont les installations inspirées par Duchamp s’exposent dans la maison de son frère, The Flying House. À la septième foire de Dubaï, cette profonde dynamique artistique était visible à travers soixante-quinze galeries venues de trente pays, du Moyen-Orient notamment, mais aussi d’Asie, d’Occident (dont les Français Nathalie Obadia, Daniel Templon, Chantal Crousel, Éric Hussenot et Yvon Lambert) et même d’Afrique de l’Ouest, cette année. Une foire intimiste (en comparaison, Bâle compte trois fois plus de galeries), pesant tout de même 40 millions de dollars, et où l’on déambulait comme dans un musée et non comme dans un souk clinquant. Des créations venues d’Égypte a vec Youssef Tirage argentique coloré à la main de l’Égyptien Youssef Nabil, Amani, Cairo, 1993, vendu 50 000 dollars par la galerie Nathalie Obadia lors du Dubaï Art Fair (ci-dessus). Technique mixte de l’Iranien Ramin Haerizadeh, Untitled, 2013, cédé pour 30 000 dollars par cette même galerie (en haut à droite). CARBONE 12 ET NATHALIE OBADIA Nabil, du Maroc avec Mounir Fatmi, de Syrie avec Fadi Yazigi. De Tunisie, d’Algérie, d’Arabie saoudite, de Chine avec Yue Mingun, dont le dinosaure à tête d’homme hilare a été vendu illico par la londonienne Pace Gallery entre 2 000 et 3 000 dollars. « Les instabilités des pays voisins ont consacré le rôle de Dubaï comme lieu de rencontre de la triade artistes-galeristescollectionneurs », commente Amin Moghadam, de la revue de géopolitique Transcontinentales. Et si l’on y a vu autant d’œuvres nourries au lait de l’histoire et des littératures du monde, c’est parce que « l’entrée des beaux-arts aux Émirats arabes unis, tels que ceux-ci sont définis en Occident, s’est faite à l’initiative d’une série d’experts et de marchands d’art, souvent formés en Europe ou aux États-Unis et néanmoins familiers des Émirats », selon ce fin connaisseur. C’est ainsi qu’en 2005 le Britannique William Laurie a implanté Christie’s dans le quartier d’affaires DIFC (Dubaï International Financial Center), où se concentrent une dizaine de galeries d’art et aussi l’Art and Culture Department, organisateur d’Art Dubaï. En sept ans, Christie’s, en situation de monopole depuis la défection de Bonham’s en 2008, a totalisé près de 230 millions de dollars. Ses catalogues de vente évoquent ceux d’un musée, 90 % des Diplômée de la Royale Academy et du Royal College of Art de Londres, SE la Cheikha Hoor al-Qasimi est imprégnée de la culture britannique dont elle conserve un humour distant et un penchant pour l’originalité bien dosée. VALÉRIE DUPONCHELLE ENVOYÉE SPÉCIALE À SHARJAH (ÉMIRATS ARABES UNIS) A typique et artiste elle-même, Cheikha Hoor, la jeune fille de l’émir SA Sultan Bin Mohammed al-Qasimi, est pour beaucoup dans l’ouverture de la Biennale de Sharjah aux arts plastiques. Baskets sport sous la longue abaya noire traditionnelle, cloutée tendance punk tout autour de l’encolure, SE la Cheikha Hoor al-Qasimi laisse tomber le voile en dehors des heures protocolaires. Coupe au carré, très peu maquillée, toute ronde et sans façons comme une chef de bande vénérée de ses équipes majoritairement féminines, cette jeune trentenaire dégage une énergie atomique. Cela tombe bien. Elle a fait ses études d’art à Londres (peinture à la Royal Academy of Arts, puis « Curating Contemporary Art » au Royal College of Art) et parle couramment le japonais. Fort tempérament, elle s’est imprégnée de la culture britannique, de ses jardins verts, de sa mode inattendue, de son humour qui tient à distance et de ce penchant pour l’originalité bien dosée qu’incarna Blondie en chantant Atomic. Du soir au matin, Cheikha Hoor court sans escorte à travers la XIe Biennale de Sharjah, sa vie, son œuvre. Discutant avec chacun, artiste repérée en Flandre comme Ana Torfs, « curator » ultraperfectionniste comme la diva japonaise Yuko Hasegawa ou invité de marque qu’il s’agit d’honorer et convaincre, gardant toujours la main en femme d’action souriante, décidée et aussitôt exaucée. Vantant les mérites de ses 100 artistes ve- H.E. SHEIKHA HOOR AL-QASIMI nus de plus de 41 pays aux délégations du Macro, le Musée d’art contemporain de Rome, ou aux visiteurs émérites de la foire voisine d’Art Dubaï, comme le milliardaire belge Guy Ullens qui, selon The Art Newspaper, a dépensé un million d’euros en un temps record pour acheter les jeunes artistes de ce Moyen-Orient prometteur, après avoir misé sur la Chine nouvelle dans son Ullens Center de Pékin. Son temps est compté Son temps est compté. En répondant aux questions, elle continue de ranger la pile de cartes de visite récoltées en un jour. Son anglais, fluide, direct mais bien élevé, ne s’écarte pas des limites de la bien- séance. « Je suis une artiste, formée comme telle, j’ai grandi entourée d’art et de musique, je joue du piano et de la clarinette. Quand j’ai eu 17 ans, on a bâti le Musée de Sharjah au moment où je commençais à étudier à Londres, à la Slade School of Art. Ma peinture était abstraite, plutôt d’une veine surréaliste. J’ai voulu alors monter à Sharjah “Near”, une exposition de 21 artistes britanniques, axée sur les nouveaux médias et les installations », explique cette hyperactive qui « a appris à dormir dans les avions pour économiser son temps » et dont la silhouette fluo tendance Sporty Spyce est connue de tous les grands acteurs de la planète art, de New York à Sydney. LE FIGARO lundi 25 mars 2013 culture 41 CHRONIQUE Après un passage à vide, le chanteur et guitariste américain présente les plus belles pages de son travail dans un riche coffret. La musique « En 2002, j’étais à Berlin avec mon père, poursuit-elle. Il était occupé par ses affaires. J’en ai profité pour aller voir la Documenta XI à Kassel, celle d’Okwui Enwezor (ce Nigérian, directeur de la Haus der Kunst, à Munich, a été le commissaire de la Triennale, l’an dernier, au Palais de Tokyo, NDLR). J’ai été éblouie par ce bouillonnement, tous ces débats politiques, ces vidéos. J’avais peu de temps pour tout voir, alors je courais partout. Je me suis demandée : pourquoi notre Biennale de Sharjah n’est-elle pas comme ça ? » Une biennale plus traditionnelle, basée sur des pavillons nationaux comme la Biennale du Caire. « On voyait toujours les mêmes artistes, les mêmes rapports de force, dit-elle. J’ai voulu voir comment était faite la sélection. Je suis entrée dans le comité de sélection. Puis je me suis retrouvée à la tête de la biennale, je ne sais pas vraiment comment. C’était bizarre, il n’y avait en 2003 que des hommes âgés, trois peintres académiques, j’étais la seule femme, j’avais seulement 22 ans. “Pourquoi suis-je systématiquement écartée en tant que peintre de la sélection ?”, leur ai-je demandé. Ils ont claqué la porte, m’ont laissée seule avec la biennale à concevoir en six mois. C’est devenu une biennale d’artistes, j’ai accroché avec eux, mis des cartels à 6 heures du matin avec eux, nettoyé le sol avant l’arrivée du public pour que tout soit parfait. » Cheikha Hoor reconnaît qu’elle a tout appris ce printemps-là. « Les critiques ont été bonnes, sauf une qui m’a traitée de “fille de”. J’ai travaillé très dur, je ne suis pas la “petite fille chérie de papa”, même si je me lève à 4 h 30 du matin pour le voir, car c’est l’heure où il écrit (l’émir, qui par- le couramment ourdou, a écrit de nombreux livres, NDLR) et où il est accessible et d’une humeur particulièrement bonne. Sa sagesse m’est précieuse. » ■ Voir sur le figaro.fr la Biennale de Sharjah en quinze artistes chocs. Une 11e biennale réussie « Le Moyen-Orient a de jeunes artistes, bien sûr, mais il leur faut du temps pour mûrir et devenir ce qu’ils sont profondément. Les galeristes et les maisons de ventes ont tendance à les pousser à la production tout jeunes, à peine éclos, et parfois cela les perd, analyse Cheikha Hoor. Il faut du temps et de la liberté aussi pour créer, penser, savoir ce que l’on a à dire. C’est le rôle de la Sharjah Art Foundation que de les aider de cette façon-là, non mercantile, critique au sens noble du terme. Les maisons de ventes ont essayé d’ouvrir des antennes ici, avant Dubaï. Je leur ai dit : “Sorry, pas de business ici !”. Quand je me suis occupée de la Biennale, toutes les foires sont venues me voir avec l’idée de s’y accoler, de me “conseiller” (rires). Je leur ai dit, “Non, merci, il n’y a rien à gagner ici !”. » La XIe Biennale, toute en installations sonores, métaphores et créations est une belle réussite composée avec rigueur et passion. V. D. « Sharjah Biennal 11 », jusqu’au 13 mai, www.sharjahart.org L’art de l’improvisation Excellent styliste, Stephen Stills déclare avoir appris l’art de l’improvisation avec les deux plus grands guitar heroes de l’histoire du rock : Eric Clapton et Jimi Hendrix. « Tout le monde me questionne au sujet des morceaux avec Hendrix, alors que ce n’est pas ce qu’il y a de plus intéressant sur le coffret. On trouve d’autres personnes de qualité, comme John B. Sebastian, Jerry Garcia ou Ringo Starr », affirme-t-il, agacé. On sait pourtant que les deux hommes ont enregistré des heures de musique ensemble, diffusées au compte-gouttes depuis. L’autre guitariste avec lequel Stills a longtemps croisé le fer est son alter ego Neil Young. « Nous sommes les meilleurs amis du monde, mais Neil Musée Jacquemart-André en bref ▼ Record pour la vente d’ art précolombien de Barbier-Mueller Les trésors précolombiens de Jean-Paul Barbier-Mueller, dispersés aux enchères durant deux jours, vendredi et samedi, chez Sotheby’s, à Paris, ont totalisé 10,3 millions d’euros. Du jamais vu pour l’art précolombien. En outre, plusieurs pièces emblématiques ont atteint des prix élevés. Ainsi, la Grande Vénus callipyge, céramique mexicaine datant de 400 av. J.-C., s’est envolée à plus de 2 millions d’euros, et la Grande Divinité anthropo-zoomorphe à tête de félin, du Costa Rica, a atteint 721 500 €. Chère bague de Joséphine La bague de fiançailles offerte en 1796 par Napoléon Bonaparte à Joséphine de Beauharnais s’est vendue, dimanche, 896 400 euros lors d’une grande vente aux enchères organisée par la maison Osenat, sur le thème de «l’Empire à Fontainebleau». D’un diamètre de 18 mm, cette bague en or ornée d’un diamant et d’un saphir taillés en poire, disposés « en toi et moi » était estimée (hors frais) entre 8 000 et 12 000 euros. Le bijou provient de la collection du prince Victor Napoléon (1862-1926). Institut de France 22 MARS – 22 JUILLET 2013 une exposition avec le soutien du instable. Dans les allées de la foire, comme dans le dédale de la Biennale de Sharjah, les riches familles régnantes des monarchies pétrolières et les expatriés fortunés d’Inde et du Pakistan ont croisé, souvent pour la première fois, des collectionneurs de Bruxelles, de Monaco, de France, comme Patricia Marshall, et même venus de Chine. « Dubaï est devenue un hub artistique », observe Nathalie Obadia. Et le phénomène devrait se développer avec le Louvre et le Guggenheim d’Abu Dhabi, « deux labels scientifiques », dit-elle, que n’a pas la rivale, Doha, au Qatar ». ■ n’est pas fiable », lance-t-il. À plusieurs reprises – en 1976 et en 2011, notamment –, l’ombrageux Canadien a planté son ami de toujours. « Il est devenu un personnage de bande dessinée, alors que j’ai de jeunes enfants, et que je dois avoir une vie réglée autour d’eux », explique Stills, qui ne s’est pas remis de la tournée avortée de reformation de Buffalo Springfield. Crosby et Nash, qu’il retrouvera bientôt sur les routes, ne lui ont en revanche jamais fait faux bond. « J’ai hâte de revenir jouer en France, qui est un peu ma deuxième maison. C’est après un concert de mon groupe Manassas que j’ai rencontré ma première épouse. » La chanteuse Véronique Sanson, mère de leur fils Christopher, quitta la France en 1973 pour vivre son amour de l’autre côté de l’Atlantique. Parmi les dizaines de morceaux assemblés, on retrouvera avec plaisir ceux gravés avec Manassas, formation sous-estimée, dont le double album de 1972 compte parmi les plus grandes réussites de Stills. « On était sans doute un peu en avance sur notre temps, mais on s’est bien amusés », témoigne l’homme. On y trouve en germe ce qui est devenu l’Americana, agrémenté des tonalités latino d’un homme qui a grandi au fil des affectations de son militaire de père. « J’étais au lycée au Costa Rica quand j’ai enregistré le premier titre de ce coffret. » Stills recommande l’écoute de ces longues heures de musique en voiture, pour un périple entre Munich et le sud de l’Espagne, par exemple. « Les routes européennes sont dans un bien meilleur état que les nôtres », affirme l’Américain, qui se félicite de pouvoir encore jouer régulièrement sur le Vieux Continent. « Carry On », coffret de quatre CD (Rhino/Wea). Crosby, Stills & Nash, les 4 et 5 juillet à l’Olympia. OUVERT 7/7J - 10H / 18H - NOCTURNES LUNDI et SAMEDI / 20H30 RÉSERVATION COUPE-FILE SUR INTERNET : www.musee-jacquemart-andre.com et www.fnac.com œuvres ayant une longue note de présentation. « Contrairement à un marché bien établi, nous avons eu ici un rôle pionnier », explique Hala Khayat, belle Syrienne trentenaire, qui a remplacé William Laurie, parti fonder en 2010 sa propre galerie sur l’avenue Alserkal. Signe des temps, « on vend surtout des artistes hybrides, qui ont une double culture, égypto-allemande, irano-américaine. Une œuvre en fusion, qui répond à beaucoup de problèmes d’identité », confie-t-elle. D’où des amateurs d’une diversité qu’on ne voit pas ailleurs, ni à Istanbul, trop turque, ni à Beyrouth, trop Stephen Still est un des grands personnages du rock des quarante dernières années. MARIO ANZUONI / REUTERS G R A P H I S M E : C U LT U R E S PA C E S / J E A N - L U C TA M I S I E R — C R É D I T P H O T O : N AT I O N A L G A L L E RY O F A R T, WA S H I N G T O N , L’Allemande Candida Hofer est très prisée des Émiriens. Ici photo de la « salle de Conférences du Sénat Paris II », 2007, proposée par la galerie Yvon Lambert à Art Dubaï. YVON LAMBERT vec la rétrospective qui sort aujourd’hui, Stephen Stills voit son œuvre enfin réhabilitée. Après un début de carrière fulgurant, le chanteur et guitariste a marqué le pas. Et pourtant, le sexagénaire, qui pose en chemise hawaïenne à côté de ses compères Crosby et Nash sur des affiches collées dans les couloirs du métro, est un des grands personnages du rock des quarante dernières années. Sans doute était-il temps de faire le tri parmi sa production. Carry On, un copieux coffret de quatre CD, atteste de la richesse de l’inspiration d’un homme qui se confond depuis trop longtemps avec le trio qui l’a rendu riche et célèbre. Après avoir été considéré complètement dépassé, le groupe Crosby, Stills & Nash est revenu en odeur de sainteté ces dernières années. Avec ses harmonies de voix soignées, l’excellente formation Fleet Foxes doit beaucoup au travail de ces pionniers réunis à la fin des années 1960. Si Crosby et Nash ont déjà bénéficié d’anthologies publiées respectivement en 2006 et 2009, il était temps que Stills ait les honneurs à son tour. « Un coffret de ce type-là, c’est ce qu’on récolte quand on a eu une longue carrière », explique-t-il, modeste. « Cela permet de retracer une carrière en laissant de côté les mauvaises chansons et les prises ratées », affirme-t-il dans un éclat de rire. C’est justement son camarade Graham Nash, archiviste compulsif, et son collaborateur Joel Bernstein qui ont passé en revue des centaines d’enregistrements, pour aboutir à une sélection cohérente. « Je ne peux pas écouter plus de vingt ou trente minutes de musique d’affilée à cause de l’état déplorable de mon audition », assure le musicien, rendu malentendant par plusieurs décennies de pratique de la guitare électrique à fort volume. C O L L E C T I O N O F M R . A N D M R S . PA U L M E L L O N — © C O U R T E S Y N AT I O N A L G A L L E RY O F A R T, WA S H I N G T O N A Olivier Nuc