Comment conduire les élèves vers davantage d`autonomie ? Un
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Comment conduire les élèves vers davantage d`autonomie ? Un
Institut Universitaire de Formation des Maîtres de Bourgogne MEMOIRE PROFESSIONNEL E.P.S. Comment conduire les élèves vers davantage d’autonomie ? Un exemple avec un groupe de terminales STT JEANDEAU Emilie Directeur de mémoire : LOIZON Denis Année 2004-2005 Dossier N° Remerciements Je tiens à remercier le groupe de terminales STT du lycée Montchapet, qui ont su s’investir et m’ont permis de réaliser ce travail. Merci aussi et surtout pour l’enrichissement humain qu’ils m’ont apporté. Je souhaite remercier ma tutrice, Cathy Fourot, pour ses précieux conseils, pour son exemplarité dans son travail et sa disponibilité. Je remercie tout particulièrement Denis Loizon, mon directeur de mémoire, grâce à qui j’ai pu me remettre en question et tenter d’analyser ma pratique. 2 Sommaire 1. INTRODUCTION........................................................................... 4 1.1 Le Lycée Montchapet ............................................................ 4 1.2 Problèmes professionnels rencontrés................................... 5 1.3 Le thème d’étude choisi ........................................................ 6 2 CONSTRUCTION DU PROBLEME ............................................ 10 21 Questionnement ................................................................... 10 22 Eléments théoriques............................................................. 10 23 Problématique ...................................................................... 14 24 Hypothèses d’action ............................................................. 14 25 Indicateurs d’évaluation ....................................................... 15 3 DESCRIPTION DES ACTIONS................................................... 15 31 Projet de cycle...................................................................... 15 32 Les leçons ............................................................................ 18 4 EVALUATION DES ACTIONS .................................................... 27 41 Analyses des réussites et des échecs ................................. 27 42 Réajustements possibles ..................................................... 32 43 Perspectives de travail ......................................................... 33 5 CONCLUSION ............................................................................. 34 6 BIBLIOGRAPHIE......................................................................... 35 3 1. INTRODUCTION 1.1 Le Lycée Montchapet Forte de ses 1792 élèves (1214 lycéens et 578 collégiens), la cité scolaire Montchapet (plus précisément le lycée) est l’établissement où j’ai eu la joie d’être affectée en qualité de stagiaire, pour cette année scolaire 2004/2005. Située sur les hauteurs dijonnaises, dans le quartier homonyme campé au Nord-ouest de la capitale bourguignonne, le lycée Montchapet propose des filières générales et technologiques, ainsi que 4 BTS : Banque, Commerce International (CI), Assistant Secrétaire Trilingue (AST) et enfin Négociation et Relation Client (NRC), anciennement baptisé Force de Vente. L’établissement ne compte pas moins de 180 enseignants au total, ce qui représente une foule ô combien impressionnante un jour de pré-rentrée, surtout pour une novice anxieuse qui a du mal à trouver sa place… On dénombre 11 divisions de seconde, 12 de première, 10 de terminale générale et 8 de BTS. Force est de constater que les classes demeurent assez chargées. J’en prends pour preuve celles dont j’ai la responsabilité : une classe de seconde avec un effectif de 33 élèves, une classe de 1ère ES qui en compte 32, une 1ère S à 33 et un groupe de Terminale STT à 26. Au vu des installations dont nous disposons (et qui restent tout à fait correctes), il est parfois difficile de gérer des groupes aussi importants. La conséquence directe est un temps de pratique effective individuelle diminuée. Mais nous avons conscience que ceci n’est en rien une excuse susceptible de nous dédouaner, et qu’il nous incombe parfois la responsabilité d’une pratique insuffisante (lors d’une évaluation en course de haies par exemple). Le recrutement des élèves se fait majoritairement aux alentours de la cité scolaire. Mais pas uniquement, comme l’attestent la présence d’un internat regroupant une quarantaine élèves et le nombre de Transco (transports scolaires de Côte d’Or) stationnés à l’entrée de l’établissement à 8h et 18h. Globalement, on peut tout de même noter que nos élèves sont pour la plupart issus de classes socioprofessionnelles aisées (nombre d’entre eux ont un parent dans le milieu médical ou exerçant une profession libérale). Ce qui va de paire avec un accès plus facile à la culture. La nouvelle orientation du projet d’établissement (2004/2007) se concentre sur 3 points : - Ne pas céder sur les exigences au niveau pédagogique. - Lutter contre l’absentéisme. - Lutter contre les attitudes addictives, notamment la consommation d’alcool et de cannabis, qui connaissent une augmentation et une banalisation très inquiétantes chez les lycéens. A cela s’ajoute un pôle de réflexion spécifique sur les classes de STT, dont le taux de réussite au baccalauréat se situe à 75.40% alors que le taux régional est de 80%. 4 L’équipe EPS du lycée Montchapet est composée de 5 professeurs titulaires : Melle Catherine Fourot (ma tutrice), arrivée en septembre 2002 M. Fabrice Bertrand, arrivé en septembre 2003 Melle Pascale Courtin, arrivée en septembre 2000 Mme Martine Hubert Mme Marie-Annick Vercelli (en CPA) Mme Françoise Rousset (TZR rattachée à l’établissement). Nous sommes en plus 2 enseignants stagiaires : M. Alexandre Gaba et moi-même. Ce groupe de professeurs pourrait donc être propice à l’échange et à l’enrichissement grâce aux expériences des uns et des autres. Malheureusement, nous constatons une lacune de taille : l’absence d’un projet EPS qui donnerait les grandes orientations de l’enseignement de la discipline et qui pourrait permettre une continuité collège/lycée. Nous parlions précédemment des installations sportives de la cité (communes, donc, au collège et au lycée). En voici le détail : - Une piste d’athlétisme de 4 couloirs de 333 mètres, ainsi que 8 couloirs sur une ligne droite. Au milieu se trouve un terrain de football (stabilisé). - Deux gymnases de type C (dont l’un très récent, inauguré en 2000), mais dont les cages de Hand Ball restent pour le moment emballées dans le local de rangement. - Une salle dite de gymnastique (G4), avec un praticable et des tapis amovibles, ainsi qu’une rangée de miroirs (ce qui permettrait la pratique d’activités artistiques telle la danse par exemple). - 5 terrains de Basket Ball en extérieur, situés dans la cour habituellement fréquentée par les collégiens. - 3 terrains de Hand Ball en extérieur. Donc un lycée très bien doté ! L’aspect très appréciable de ces installations est qu’elles se situent sans exception dans l’enceinte même de l’établissement. Il n’y a aucun déplacement à effectuer, et les séances peuvent, par voie de conséquence, être complètes. La cité scolaire Montchapet va cette année fêter son 40ème anniversaire. A cette occasion, nombre de festivités sont en projet. L’organisation se partagera entre tous les personnels ainsi que les élèves, anciens élèves… Une belle semaine se profile en perspective ! 1.2 Problèmes professionnels rencontrés Depuis la rentrée de septembre, je constate différents problèmes professionnels, de nature parfois globale (qui touchent toutes mes classes) et parfois spécifiques à une classe. Concernant mes difficultés générales, je pense tout d’abord être très directive, avec une tendance maternelle (ce qui, pour des lycéens, paraît vraiment décalé !). Un exemple simple mais parlant : lors des cycles de demi-fond, je terminais très souvent les séances en recommandant à mes élèves « N’oubliez pas de 5 prendre un pull chaud que vous pourrez porter pendant vos temps de récupération pour éviter d’avoir froid, et que vous poserez lorsque vous courrez ». A 16 ans, si on a froid, on est capable de soi-même de prendre une épaisseur supplémentaire. D’autre part, je me rends compte que mes préparations de séance sont d’abord guidées par le souci d’une organisation matérielle et sécuritaire rigoureuse plutôt que sur des contenus d’enseignement adapté à chaque classe. J’ai en outre tendance à me trouver en position délicate, en sports collectifs par exemple, car je ne parviens pas à discerner des conduites motrices prégnantes. Je m’astreins à vouloir tout voir, et je ne vois rien. Enfin, je me pose souvent la question « cette situation a-t-elle du sens pour mes élèves ? », car j’ai l’impression de leur confier des choses sans leur permettre de se les approprier. Plus spécifiquement, sur la classe de 1ère S (qui était « l’objet d’observation » de ma première visite conseil), d’autres problèmes sont apparus. La difficulté majeure a résidé dans mon projet de cycle, ou plutôt mon non-projet de cycle de haies. Mon conseiller a mis en lumière mes lacunes sur l’activité et sur la démarche à adopter pour pouvoir l’enseigner correctement. La séance en question était l’évaluation de fin de cycle. Toujours dans un souci d’organisation matérielle, je suis complètement passée à côté de l’engagement moteur de mes élèves, et sur l’heure impartie aux haies, certains auront seulement fait un échauffement et un passage chronométré. Alors qu’il aurait été si simple d’installer un atelier en parallèle… Concernant l’échauffement, je n’ai pas réussi à dégager suffisamment précisément les critères de l’échauffement, que les élèves auraient pu s’approprier. Enfin, tous mes retours étaient majoritairement affectifs, prescriptifs et descriptifs et n’abordaient pas les apprentissages des élèves. 1.3 Le thème d’étude choisi Ce qui est sous-jacent à beaucoup de mes problèmes est apparu au grand jour avec mon groupe de Terminale STT. Certains de ces élèves, issus de 3 classes différentes (T8, T9 et T10), ont en effet été contraints de prendre un menu d’APSA qu’ils n’avaient pas choisi. Tout particulièrement l’athlétisme. Mais parce qu’il était midi, qu’ils avaient cours de 12h à 13h, ils se sont résignés à opter pour le menu Athlétisme/Acrosport ou Sol/Volley Ball alors qu’ils ne souhaitaient pas faire de demifond ou de haies. C’est donc avec cette impression, ce goût amer que j’ai pris en main ce groupe en début d’année. Et puisque je me suis imaginée qu’ils seraient démotivés, non-volontaires et frustrés, j’ai alors opté pour des séances ultra directives, carrées, où JE régissais tout le groupe (séparé en 2 : 20 élèves en demi-fond et 2 élèves en haies). Je faisais une prise en main incroyablement longue (parfois jusqu’à 14 minutes !) pendant lesquelles j’expliquais le déroulement de la séance. Tous les élèves en demi-fond partaient en même temps. Pendant que je gardais un œil sur eux, j’allais 6 vers mes deux élèves de haies, pour aborder les petits ateliers préliminaires. Puis je revenais… Et je sortais de ces séances avec l’affreuse sensation ne n’avoir été présente ni pour les uns ni pour les autres, de ne pas m’être rendue disponible pour eux, de ne pas être entrée dans leur pratique individuelle pour les aider, les conseiller. Bref, d’avoir animé plutôt qu’enseigné. Mais ma tutrice m’a fait remarquer qu’un travail par petits groupes serait pourtant tout à fait envisageable, et moins éreintant pour moi (qui finissais les séances sur les rotules). Et ça a fonctionné ! Mon problème est donc de moins materner mes élèves, de leur confier certaines choses dont ils sont tout à fait capables, et qui ne remettent pas le moins du monde mon autorité ou mon statut d’enseignante en question. Tout naturellement, il apparaît urgent que je conduise mes élèves vers davantage d’autonomie, tout en leur donnant les moyens d’être autonomes (c'està-dire de construire au préalable un certain nombre de pré requis, d’incontournables sur lesquels ils pourront s’appuyer pour s’investir lucidement dans leur pratique). Je travaillerai donc, dans le cadre de ce mémoire professionnel, plus particulièrement avec ce groupe de Terminale STT. Mais il apparaît que ce thème sera transversal à tout mon enseignement. Je souhaite qu’il me permette de me décentrer d’une organisation matérielle certes incontournable, mais qui doit rester secondaire par rapport aux contenus d’enseignement. De cette manière, j’aurai davantage de temps pour affiner l’observation de mes élèves et ainsi proposer une démarche adaptée qui orientera mon projet de cycle. Et mettre en œuvre des situations qui auront vraiment du sens pour mes élèves. Bref, devenir une super enseignante… • Profil du groupe de terminales STT : Comme je l’ai indiqué, ce groupe réunit trois classes différentes : sept élèves de T8 (ACA/CG) dont deux inaptes totales et une inapte partielle (qui pratique la natation adaptée sur le créneau prévu à cet effet, le vendredi après-midi), douze élèves de T9 (ACC) dont une élève inapte totale et sept élèves de T10 (ACC). Soit un total de vingt-six élèves. 6 6 5 5 4 4 4 3 3 Garçons Filles 2 1 0 0 T8 T9 T10 Restent vingt-deux élèves aptes : quatorze jeunes filles et huit garçons. 7 8 Garçons Filles 14 Quant à ce qu’ils pensent de l’EPS, les résultats sont partagés : Aiment l'EPS 4 Aiment un peu 10 N'aiment pas 8 Et lorsqu’on leur demande à quoi sert l’EPS, les réponses varient : Ne présente aucune utilité 3 4 Permet de se faire plaisir 15 Est utile pour le baccalauréat Quelques statistiques concernant ce groupe sur le cycle de demi-fond ou haies (suivant leur choix pour l’épreuve du baccalauréat) : Elèves absents Elèves inaptes Elèves pratiquant Séance N°1 Séance N°2 Séance N°3 Séance N°4 Séance N°5 Séance N°6 Séance N°7 Séance N°8 Séance N°9 Séance N°10 11 1 4 3 2 1 4 3 1 3 12 33 2 5 4 4 2 5 6 3 24 22 194 17 19 20 19 17 18 19 Remarque : La séance 8 était un bac blanc dans les conditions réelles, tandis que l’épreuve terminale officielle a eu lieu au cours de la 10ème séance. 1 Une jeune fille a été victime d’un accident de voiture 2 jours après la rentrée (T8). Le nombre d’élèves absents n’est donc jamais <1. 2 Il s’agit d’une jeune fille inapte totale (T9) mais qui assiste aux cours (de son plein gré). 3 Une autre jeune fille inapte totale (T8) qui reste avec nous. Donc le nombre d’inaptes n’est jamais <2. 4 La jeune fille inapte partielle (T8) a rejoint le groupe de natation adaptée et n’est plus tenue d’assister aux cours d’EPS. Le total devient donc 25 élèves. 8 Le bref portrait que je viens de brosser de la classe nous invite à constater une remarquable hétérogénéité au sein du groupe : Un déséquilibre filles / garçons prégnant. Des objectifs poursuivis variés, mais avec une orientation majoritaire vers un « rendement » en vue du baccalauréat. Une véritable assiduité pour certains (les absents et inaptes étant souvent les mêmes…) A cela s’ajoute la diversité des filières (qui induit un panel d’orientations postbac très variées) et des parcours individuels très particuliers ; avec pour conséquence, par exemple, des écarts d’âge importants, allant de 17 à 21 ans. Autant dire très peu d’écart avec moi pour certains… Malgré toutes ces particularités, trois profils d’élèves ont été identifiés : ! Les contrariés (Hélène et Lucie par exemple) La malchance a voulu que nous commencions l’année par le cycle d’athlétisme, celui-là même qui avait causé tant de soucis le premier jour (cf. 1.3) Dès lors que je proposais des situations qui mettaient en jeu un travail de volume en demi-fond, on me rétorquait « De toutes façons, je ne voulais pas faire d’athlétisme, donc je ne fais rien ». S’en suivait une longue discussion faite de négociations pour qu’ils se mettent au travail. Et bien souvent, l’argument baccalauréat était le plus efficace. Bien plus que les palabres sur l’entretien et la gestion de la vie future (qui ne trouvaient, à mon grand regret, aucun échos chez ces contrariés). ! Les engagés (Lydia, Sophie et Joseph) Fort heureusement, certains élèves se sont investis durant tout le cycle. Sans doute faisaient-ils partie des rares à avoir choisi l’athlétisme. Quoi qu’il en soit, ils se sont accrochés et à force d’efforts et de sérieux ont progressé pour obtenir des notes avoisinant 12. Ils répondaient à toutes les tâches demandées sans jamais rechigner. Ils consultaient d’eux-mêmes le déroulement des séances de demi-fond (toujours affiché en début de séance). ! Les démotivés (Aymeric et Kaël) Un taux d’absences élevé, des oublis d’affaires, un temps d’habillage très long… Telles sont les particularités de ces élèves. Non seulement ils se sentent « nuls » face à n’importe quelle tâche (même chronométrer un camarade !), mais en plus ils réfutent toute idée de progression possible. Pour eux, leur niveau très bas est une fatalité contre laquelle on ne peut rien. Alors pourquoi s’acharner ? Le refuge qu’ils ont trouvé est soit de faire le clown pour amuser la galerie, soit d’adopter une attitude ultra négative : faire la tête, répondre de manière agressive et même aller bouder dans un coin. 9 2 Construction du problème 21 Questionnement Les élèves de lycée tendent à devenir de plus en plus consommateurs, passifs, en attente de ce que l’enseignant leur donne. Du moins c’est ce que je pensais. Face à des élèves qu’on a contraint à choisir un menu, je me suis dit que je devais être d’autant plus dirigiste, seule aux commandes. Mais l’autonomie n’est-elle qu’une exigence institutionnelle abstraite ? En quoi peut-elle être utile à mes élèves ? Comment la mettre en place concrètement pour ne pas qu’elle devienne un cadeau empoisonné ? Un surcroît de liberté auquel les élèves ne sont pas habitués et qui remettraient vraiment en cause mon statut d’enseignante ? 22 Eléments théoriques Nos élèves aujourd’hui Force est de constater que depuis quelques temps, la relation que les lycéens entretiennent avec la discipline EPS semble avoir changé. Une enquête quantitative menée par BEUNARD et réalisée à Marseille en 1996 nous apprend en effet que : 43% d’entre eux aiment l’EPS 34% aiment un peu 23% n’aiment pas. Remarque : Si l’on reprend les résultats du sondage réalisé dans le groupe de terminales STT, on constate la même hiérarchie des réponses avec quasiment la même proportion. Les lycéens marseillais recherchent aujourd’hui des sensations de plaisir, des activités variées avec un apprentissage rapide. On s’éloigne donc de la logique sportive pure et dure : dépassement de soi, effort et compétition (BEUNARD, 1999). Ceci n’a rien d’étonnant. Le même phénomène touche l’UNSS. En effet, de plus en plus de licenciés rejoignent les AS des établissements scolaires pour une pratique dite de loisir, et délaissent les compétitions. Mais comment prendre en considération ces changements ? L’EPS peut-elle jouer de son statut de discipline appréciée pour défendre des valeurs fondamentales ? L’autonomie Pour OUILLET en 1980, l’autonomie est le « droit de se gouverner par ses propres lois ». Tandis que selon Henri WALLON, « L’autonomie ne consiste pas à briser tous les liens qui nous rattachent à autrui. La véritable autonomie est celle de l’homme qui prendra conscience de tout ce qui le rattache aux autres et qui ne sera plus un esclave inconscient des forces naturelles et sociales. » (WALLON, 1947) 10 L’autonomie n’est pas un acquis permanent, une chose qu’on aurait ou non, mais elle se réfère toujours à un contexte, une situation donnée. Elle n’est pas immuable et requiert des conditions favorables pour se révéler. Dans le cadre de l’Ecole, elle reste un objectif à atteindre dans chacune des disciplines scolaires. Elle demeure une exigence institutionnelle, comme nous le rappellent la Mission du Professeur, qui précise que l’enseignant aide les élèves à développer leur esprit critique, à construire leur autonomie et à élaborer un projet personnel (circulaire du 23 mai 1997). En outre, la notion d’autonomie occupe une place non négligeable dans les textes lycée 1999 : « La finalité de l’ EPS est de former par la pratique des APSA un citoyen cultivé, lucide et autonome ». Une des composantes méthodologiques des programmes du lycée rappelle encore cette importance accordée à l’autonomie : « Se fixer et conduire de façon de plus en plus autonome un projet d’acquisition ou d’entraînement ». Mais il semblerait que la notion d’autonomie fasse en réalité partie d’un triptyque fondamental qui compterait également deux autres notions essentielles : la motivation et l’élève acteur : AUTONOMIE MOTIVATION ELEVE ACTEUR La motivation Selon VIAU, la motivation « est un état dynamique qui a ses origines dans les perceptions qu’un élève a de lui-même et de son environnement et qui l’incite à choisir une activité à s’y engager et à persévérer dans son accomplissement afin d’atteindre un but ». (VIAU, 1997) Mais tout comme l’autonomie, la motivation n’est pas un état stable qu’on aurait définitivement. Elle est, elle aussi, tributaire d’un contexte donné. Le rôle de l’enseignant est de créer des conditions favorables à l’émergence de cette motivation. C’est ce que AMES, en 1994, nomme un « climat motivationnel ». Pour lui, c’est « un climat psychologique créé par l’ensemble des conditions d’apprentissage, des informations véhiculées et des consignes, qui a pour effet d’orienter les individus vers un type de but motivationnel. » Il définit 5 points pour contribuer à ce climat : " La nature de l’activité " La façon dont l’activité est pratiquée " Les situations d’apprentissage " La nature des indices pour l’évaluation " Les informations et feed-backs de l’enseignant 11 MEARD et BERTONE, listent les différentes sources de motivation chez les élèves conduisant à une plus grande autonomie : l’activité support, le fait de privilégier le savoir et de le faire construire le savoir par les élèves. L’enseignant d’EPS dispose donc de variables sur lesquelles il peut agir pour tenter de stimuler la motivation extrinsèque des élèves. Car il est nettement plus ardu d’avoir accès à la motivation intrinsèque des lycéens. Celle-ci est bien souvent tributaire de leur vécu en EPS depuis le début de leur cursus mais aussi (et surtout) de leur état psychologique du moment. Nos lycéens sont souvent à des périodes charnières de leur vie. Ils se posent énormément de questions et doutent beaucoup d’eux-mêmes. Ils sont inhibés par l’image qu’ils renvoient aux autres, aux adultes, à la société en général. Ils ont souvent des blessures profondes qu’ils tentent d’étouffer. Les signaux de détresse qu’ils envoient ne sont pas toujours faciles à percevoir… A nous de tout mettre en œuvre pour qu’ils se sentent bien, qu’ils se sentent utiles. L’élève acteur de ses apprentissages Nos élèves auront beau être motivés, pour qu’ils parviennent à une certaine autonomie, ils doivent se retrouver au cœur de l’action. Mais qu’est-ce qu’être acteur ? Pour UBALDI, « L’élève est acteur de ses apprentissages quand il dispose d’un espace de liberté. On doit donc développer son activité de recherche, il manipule des variables ou paramètres de la situation, il est capable d’apprécier les effets de ses actions sur la motricité » (dossier EPS n°40) Cela signifie, par exemple, que les élèves doivent en permanence être capables de dire si ce qu’ils font est correct ou non. Ils doivent donc parfaitement connaître et maîtriser les critères de réussites La nature de l’APSA semble aussi jouer un rôle important. DHELEMMES précise qu’il existe des activités qui rendent davantage l’élève acteur de ses apprentissages, telles les activités d’entretien, les APA, les APPN … Ce qui pour nous sera très utile, puisque l’acrosport est certes une activité gymnique, mais avec un très fort pendant artistique… Un élève sera d’autant plus investi et concerné que les tâches proposées lui sembleront réalisables. Elles doivent lui permettre de progresser, donc lui poser un problème, mais ce problème doit rester dans une certaine limite. C’est ce que L. ALLAL appelle le « décalage optimal » en 1979. Il faut veiller à l’écart entre les exigences de la tâche et les ressources de l’élève. Deux autres procédés permettent à l’élève de devenir acteur : l’autoévaluation et l’évaluation formative. La première est, selon NUNZIATI en 1990, une évaluation par l’élève de son travail, suivie ou non d’une auto notation. HEBRARD précise que « par l’utilisation de critères de réussite simples et concrets, l’élève apprend à s’autoévaluer, à apprécier et suivre l’évolution de ses apprentissages et de ses capacités motrices. A tout moment de l’apprentissage, l’élève doit savoir quels sont les problèmes qu’il a résolus et ceux qui ne le sont pas encore » (HEBRARD, 1986). 12 L’autoévaluation dans une visée d’autonomisation débouche sur une opportunité laissée à l’élève de faire des choix, dès lors qu’il possède toutes les clés pour cela. L’évaluation formative quant à elle permet à l’élève de se situer. MACCARIO en 1984, écrivait : « Il est admis que l’évaluation formative concourt à informer autant l’enseignant que l’apprenant. En ce sens, elle s’inscrit dans une pédagogie de l’autonomie en engageant activement et progressivement les élèves dans la gestion de leur formation ». D’après ces éléments théoriques, conduire les élèves vers davantage d’autonomie nécessite donc l’instauration d’un climat motivationnel ainsi que la mise en place de procédés amenant l’élève à se trouver en situation d’action au sein de ses propres apprentissages. Pour cela, trois notions primordiales semblent devoir orienter mon travail : La dynamique de groupe La constitution d’un projet L’appropriation personnelle de tous les critères. Là aussi, les chercheurs nous apportent des clés. PESTALOZZI a été le premier à montrer l’intérêt du travail en groupe. Quant à VIGOTSKI, il apporte la primauté de l’apprentissage social. Pour lui, le développement de l’individu se fait dans et par le groupe. Il y a une « appropriation active » qui mène au conflit socioéducatif et la négociation (il faut que l’élève, dans la situation d’apprentissage, accepte le problème comme le sien). Enfin, SANNA en 1992 nous explique qu’un individu qui est dans un groupe mesure toujours ce qu’il y a à gagner dans ce groupe. S’il n’y a rien à gagner, il ne s’engage pas. D’où l’importance de réfléchir sur la constitution des groupes, les élèves doivent toujours trouver quelque chose à gagner DEWEY a été l’initiateur de la « pédagogie du projet ». L’action n’a de sens que si elle s’intègre à un projet. Il préconise aussi le « learning by doing» apprendre par l’action, qui ne va pas sans rappeler la notion d’élève acteur… ROGERS affirme en 1988 que « la personne ne peut apprendre que ce qu’elle s’approprie. » Dans L’Eloge des pédagogues, PROST écrit que « les savoirs ne se transmettent pas, ils se construisent et chacun le fait pur son compte, à sa façon et suivant son propre rythme ». 13 23 Problématique Je souhaiterais donc montrer que pour passer d’une attitude de dépendance du professeur à une capacité de travailler « seul », l’enseignant peut jouer sur plusieurs paramètres, comme nous venons de le voir. Ce cycle d’acrosport (activité collective) sera pour moi l’occasion de tenter de prouver les bénéfices de la dynamique de groupe dans l’acquisition d’une certaine autonomie. Je souhaite ainsi démontrer qu’il est possible de développer cette notion chez des élèves très hétérogènes, aux parcours passés et à venir parfois radicalement différents. Pour cela, il sera nécessaire de développer une pédagogie du projet ainsi qu’un travail d’appropriation des critères, tels -entre autres- les exigences du baccalauréat (qui sont loin d’être évidentes au prime abord). 24 Hypothèses d’action Les hypothèses d’action que je vais formuler vont concerner trois domaines : • La dynamique de groupe • Le projet et le suivi de chaque groupe • L’appropriation des critères par chaque membre du groupe Le groupe J’émets l’hypothèse qu’en travaillant avec des personnes qu’on a choisies, on est plus enclin à s’investir. Les groupes affinitaires sont pour moi des conditions favorables pour s’engager dans une activité. A plusieurs, les solutions aux problèmes de certains pourront être trouvées par d’autres. Au sein de la classe, il y aura création d’unités qui fonctionneront comme des microsociétés : chacun aura à trouver sa place et dès lors que les rôles seront attribués, le groupe pourra avancer. Certes il y aura certainement des conflits (liés peut-être à des phénomènes de leadership), des phases de stagnation, mais je pense qu’un élève est davantage prêt à faire des concessions (pour que le groupe avance) face à une personne qui lui est chère plutôt que face à quelqu’un qu’il ne connaît pas. Le projet et le suivi Cette seconde hypothèse est sans doute pour moi la plus importante. Il s’agit de mettre chaque groupe en projet, et pas seulement en perspective de l’épreuve du baccalauréat. Si je parviens à mettre en place les conditions de réalisation de ce projet, alors les élèves pourront se fixer un objectif, se situer en permanence pour estimer le travail qui les sépare encore de cet objectif, jongler avec les possibles de chaque membre du groupe, organiser et échelonner leur production, mettre au point une tactique de « rendement » pour gagner des points, voir avancer leur travail, avoir un retour par rapport aux exigences institutionnelles. Si chaque groupe sait où il va et de quelle manière, en connaissant ses points forts et ses points faibles, alors il peut travailler seul et se voir progresser. 14 L’appropriation des critères On ne peut apprendre que ce que l’on s’approprie. C’est en me fondant sur cette affirmation que je prends le pari que si mes élèves maîtrisent tous les critères exigés par l’activité acrosport (tant au niveau de la sécurité que des exigences institutionnelles) alors ils pourront orienter leur travail et construire leur production à leur rythme. Ils sauront exactement « à quelle sauce ils seront mangés ». Ils pourront, en outre, être capables d’évaluer les autres groupes, et tirer des conséquences pour leur propre groupe. Une sorte de régulation par l’observation. 25 Indicateurs d’évaluation Pour mieux évaluer les résultats de mes actions, il est nécessaire de fixer des indicateurs précis. Il s’agit pour moi, de faire la preuve que le travail en autonomie dans une classe de terminales peut s’avérer efficace au plan quantitatif et au plan qualitatif. Pour cela, j’utiliserai plusieurs indicateurs. Pour le projet : - Se fixer un objectif - Se situer de manière individuelle (auto évaluation) - Mesurer le décalage du groupe par rapport à l’objectif fixé. Pour l’appropriation des critères : - Connaître les critères - Pouvoir les expliquer - S’évaluer par rapport à ces critères - Evaluer quelqu’un d’autre sur un de ces critères Dynamique de groupe : - Surmonter les conflits/ - Tout le monde participe à l’élaboration du projet. - Discuter, échanger, partager. 3 Description des actions 31 Projet de cycle Rappel des caractéristiques principales de ce groupe de terminales STT (cf 1.3) : - Ces élèves sont issus de trois classes différentes - On constate une majorité de filles (64%) - Un taux d’absentéisme relativement élevé - Des objectifs poursuivis différents - 3 profils, à savoir les contrariés, les engagés, les démotivés. 15 Les 3 finalités de l’EPS : 1. le développement des capacités nécessaires aux conduites motrices. 2. l'acquisition, par la pratique, des compétences et connaissances relatives aux APSA. 3. l'accès aux connaissances relatives à l'organisation et à l'entretien de la vie physique. L’APSA acrosport : L’acrosport est une activité mêlant des particularités artistiques à des savoir-faire gymniques. Il s’agit de réaliser devant un public et avec un support musical une création conçue à plusieurs. On doit retrouver des éléments spécifiques à l’acrosport, tels une pyramide (tous les protagonistes doivent être un maillon de cette formation) et des duos (comprenant un porteur et un voltigeur). Le tout doit être guidé par un thème ou un fil directeur choisi par l’ensemble. Tout comme la gymnastique, l’acrosport est régie par un code. Nous utilisons le code UNSS 2001 en ce qui concerne la cotation des duos. Cette cotation va de A à D, respectivement du plus facile au plus difficile. Les élèves doivent aussi être capables de juger la prestation des autres. Il faut donc endosser les rôles de chorégraphe, juge et acteur. La compétence attendue est de « concevoir, réaliser collectivement et juger un spectacle gymnique, constitué de figures composées à partir de deux types de formations différentes et avec un support rythmique approprié, qui articule les dimensions acrobatique et esthétique dans le respect du code de référence » (BO n°25 du 20 juin 2002) Dans les programmes du lycée, les compétences sont déclinées en terme de connaissances. Elles sont au nombre de quatre : les informations et les connaissances procédures telles que les techniques et tactiques, les connaissances sur soi et les savoir-faire sociaux. • Les informations L’acquisition d’une sémantique spécifique à l’activité (porteur, voltigeur, joker, duo, pyramide, duo miroir, montage / démontage), le transfert de certains termes issus du théâtre et de la danse (occupation de l’espace scénique, effet spectacle, orientation par rapport à un public), ainsi que des critères gymniques (gainage, déséquilibre, placement). Il s’agit aussi de déterminer la validité d’un élément : la durée de sa tenue par exemple. Pour résumer, il faut à l’élève maîtriser tous les critères de sécurité et les exigences institutionnelles. • La technique et la tactique Les techniques de sécurité sont primordiales : l’échauffement préalable à toute séance, la répartition du poids de corps du voltigeur sur le porteur, les positions de gainage… Il faut aussi trouver les points d’équilibre pour qu’un duo ou qu’une pyramide soit solide. On peut envisager un aspect tactique dans le choix des éléments imposés dans la composition chorégraphique. Choisir facile pour assurer, ou difficile et prendre des 16 risques ? Le tout étant de décider en fonction de ses possibles, mais aussi et surtout en fonction des possibles de chaque membre du groupe. • Les connaissances sur soi Développer ses sensations kinesthésiques (à quel moment suis-je gainé ?) et des qualités d’appuis manuels. Savoir reconnaître ses points faibles physiques pour les solliciter dans une moindre mesure, ou insister lors de l’échauffement (beaucoup d’élèves se plaignent du dos). • Les savoir-faire sociaux Il faut faire ensemble, travailler avec des compères pour élaborer un projet collectif. Outre ces prérogatives institutionnelles, mon projet de cycle pour ce groupe de terminales STT en acrosport se déclinera en deux parties : l’une générale et l’autre spécifique. " Généralités Un de mes objectifs est de faire travailler ensemble ces élèves. Je souhaite qu’ils parviennent à évoluer au sein d’un groupe en développant des valeurs d’écoute et de respect de l’autre, tout en s’épanouissant. J’aimerais qu’ils puissent travailler en autonomie J’aspire à ce qu’ils puissent développer leur esprit critique à travers un regard porté sur leur propre travail mais aussi sur celui des autres. Je souhaite que mes élèves optimisent la note qui sanctionnera leur travail par des choix pertinents et des efforts constants. J’aimerais aussi leur apporter une ouverture dans le domaine musical, en proposant divers styles de diverses époques. " Spécificités L’élève chorégraphe Il s’agira d’entrer dans une démarche de création par la mise en action de l’imaginaire, un appel à la créativité. Il leur faudra travailler en accord avec un support musical, pourvoir le comprendre (repérer le tempo, les temps forts, les phrases musicales) pour l’exploiter (synchronisation). L’élève aura à organiser l’espace scénique afin qu’il soit orienté pour un public. L’élève juge Je souhaite amener l’élève à reconnaître les éléments exigés dans la prestation de camarades, les nommer et définir s’ils sont ou non faciles. Il faudra qu’il soit capable de juger un élève en particulier sur ses fautes techniques, qui toucheront 4 domaines (placement gainage, déséquilibre chute, amplitude, sortie de praticable) et le groupe en entier sur un critère (soit espace, soit rythme, soit effet, soit montage/démontage). 17 L’élève acteur J’aimerais que mes élèves soient aptes à mener à bien un projet collectif : le présenter devant un public. Ils auront à affronter le regard des autres, à accepter que leur corps soit observé. Je souhaite qu’ils puissent prendre des repères musicaux pour synchroniser des mouvements. J’aimerais qu’ils mémorisent un travail d’une durée comprise entre 1’30’’ et 2’ en sachant ce qu’ils ont à faire. Je souhaite qu’ils ne se blessent pas et qu’ils ne blessent pas l’un de leurs camarades. Je voudrais les amener à réinvestir leur vécu de gymnastique (gainage et placement, divers éléments qu’ils maîtrisent, amplitude). • L’évaluation Conformément aux exigences institutionnelles prévues, l’épreuve se déroulera de la manière suivante : 2 passages seront accordés à chaque groupe, seul le meilleur des deux sera pris en compte. Ces séquences seront filmées. Chaque groupe saura quel autre groupe il aura à juger. Le projet écrit devra être remis en début d’évaluation, avec les exigences suivantes : explication de la construction de l’enchaînement et description détaillée des éléments. Les costumes sont autorisés. 32 Les leçons Les 2 premières séances ont été pour moi l’occasion d’une évaluation diagnostique du niveau de mes élèves. La première s’est principalement axée sur leurs connaissances de la discipline, avant d’observer leurs aptitudes gymniques ; avec tout d’abord un échauffement conséquent. Puis la mise en place de trois ateliers : ATR, Rotation avant et Rotation latérale. Pour chacun de ces ateliers, plusieurs niveaux étaient proposés (par exemple pour la rotation avant, cela allait de la simple roulade avant arrivée sur les pieds au saut de l’ange). Chaque élève essayait les différents niveaux puis indiquait par une croix celui qu’il maîtrisait. A chaque passage, un élève observait de l’extérieur et confrontait ce qu’il avait vu avec ce que l’élève avait ressenti. J’ai aussi beaucoup utilisé la rangée de miroirs de la salle. La deuxième s’est davantage orientée vers l’aspect collectif de l’activité. Des petits jeux ont doucement amené les élèves vers les duos (par 2, il ne doit y avoir que trois appuis au sol, puis deux). Le tout en musique. BILAN : Les niveaux sont hétérogènes. Certains élèves ont un vécu gymnique fédéral (Kenza et Mohamed) et d’autres sont en grande difficulté (Marine et Mickaël). Pour les autres, globalement, le renversement n’est pas maîtrisé pour les garçons tandis qu’il l’est pour quasiment toutes les filles. Je constate beaucoup de lacunes au niveau du gainage, ce qui implique de mauvais placements. 18 Mais je n’ai eu aucun refus catégorique de faire, plutôt des phrases du genre « Je n’y arrive pas ». Surtout les garçons à l’atelier ATR. Les fiches ont été remplies pour la première séance. J’ai retrouvé des attitudes de « je vais lui faire mal » au moment d’aborder les premiers duos. Pour les séances suivantes, je vais tenter de mettre en évidence deux pôles : l’activité de l’enseignant et l’activité des élèves, avant de proposer un bilan. # Séance 1 L’objectif de cette séance était d’arrêter la formation des groupes affinitaires et d’effectuer un premier passage devant les autres en se centrant sur le montage et le démontage des duos. Le groupe était composé de 17 élèves (1 absent et 2 inaptes) Activité de l’enseignant La séance a débuté par l’annonce et le report au tableau du déroulement de la leçon. J’ai proposé aux élèves de former eux-mêmes leur groupe de travail avant d’aborder l’échauffement, pour ne pas qu’ils se refroidissent. Puis la séance s’est poursuivie par l’échauffement par groupe nouvellement constitué, en musique (rapide pour la mise en train, plus lente pour la mobilisation articulaire). Je leur ai ensuite présenté les deux premières fiches du code UNSS 2001 pour les duos, à savoir les difficultés A et B, dans la continuité de la séance précédente. Je leur ai laissé un temps de tâtonnement (15 minutes) pour qu’ils essaient au sein de leur groupe, en changeant les rôles porteur/voltigeur. Il y avait un groupe de trois donc un joker. Puis après un regroupement, je leur ai demandé d’accentuer leur travail sur l’originalité du montage et du démontage, à savoir quelque chose d’acrobatique (terminer en roulade avant par exemple) ou chorégraphique (un porter par exemple). Puis ils ont eu un nouveau moment de recherche pour trouver, toujours par deux (ou trois) issus du même groupe, une position de départ, un montage original, un duo valide (tenu 2 secondes) et un démontage original, dans l’optique de présenter le travail devant les autres. Ils sont enfin passés en deux vagues de 4 couples. Si l’un des couples terminait avant les autres, il devait attendre que tous soient immobiles et que la musique s’arrête. Lorsque l’une passait, l’autre observait. La consigne pour le public était de se centrer sur le critère montage/démontage et retenir ceux qui leur ont plu, en expliquant pourquoi. Musique de passage : « Happy people » de Kenny Garrett. Une fois les deux vagues passées, je leur ai proposé un bilan de ce qu’ils venaient de voir et leur ressenti, ce qu’ils avaient apprécié. J’ai demandé aux couples « retenus » de repasser seuls face au public pour que tout le monde puisse voir. Activité des élèves Les discussions ne sont pas allées bon train, contrairement à ce que je pensais. Les groupes se sont formés relativement facilement, à l’exception d’un. Il y avait déjà deux groupes de six et un groupe de quatre, et il restait d’un côté Kaël et Marine, de l’autre Joris et Mickaël. D’eux-mêmes, ils ne se sont pas réunis, il a fallu que j’aborde le sujet. 19 L’échauffement s’est poursuivi dans la bonne humeur, sans heurt notable. Ils étaient amusés par la musique que j’avais choisie (BO des Bronzés font du ski). Ce qui leur a permis de ne pas traîner des pieds pour cette première phase parfois difficile. La première situation d’exploration de duo a de nouveau posé problème à certains qui avaient peur de faire mal. Malgré les consignes de sécurité que je martelais, il restait quelques craintes. D’autre part, j’ai pu observer des attitudes de fuite (Aymeric, Kaël) ou de dérision (Julien). Lorsqu’ils ont appris qu’ils allaient se produire devant les autres, j’ai eu droit à des « Hein ! y’a pas moyen, je ne passe pas ! ». Mais au final, tous se sont mis au travail et les prestations étaient surprenantes. La discussion qui a suivi les prestations publiques a eu du mal à démarrer. Personne n’a voulu de lui-même prendre la parole. Mais petit à petit, les élèves se sont désinhibés. BILAN : J’aurais du ne pas montrer les cotations mais les faire trouver par les élèves : je leur dessinais plusieurs duos que chaque groupe devait essayer. Puis ils venaient écrire au tableau s’ils l’avaient trouvé facile ou un peu difficile. De cette manière, ils auraient davantage intégré le pourquoi de la cotation. # Séance 2 L’objectif de cette séance était d’entrer dans une thématique en réfléchissant à un fil conducteur et/ou une musique. Il fallait aussi commencer à s’approprier les critères de l’évaluation pour le baccalauréat et le fonctionnement du dossier. Et puis fixer le début de la chorégraphie jusqu’au premier élément. Le groupe était composé de 17 élèves (3 absents) Activité de l’enseignant J’ai débuté la séance en leur distribuant les dossiers que j’avais préparés pour chacun des groupes5. Ensemble, on a découvert le pourquoi de la chose, les informations contenues et à quoi ces feuilles allaient servir (par exemple, à inscrire le thème et la musique retenus). J’ai détaillé avec eux les exigences pour le baccalauréat et nous avons observé les pyramides situées en fin de dossier. Puis les élèves ont débuté l’échauffement, que je dirigeais en essayant de leur donner des « trucs » pour qu’ils mobilisent toutes leurs articulations (commencer par une extrémité et proposer deux exercices par articulation). Ensuite, ils se sont retrouvés par groupe (lorsque ceux-ci étaient au complet) pour essayer certaines pyramides proposées dans le dossier. Rappel des consignes de sécurité. J’ai affiché les duos de difficulté C qu’ils pouvaient aussi commencer à expérimenter. Je passais dans les groupes pour vérifier la sécurité, apporter quelques précisions de gainage et/ou de placement et lancer une discussion interne sur le thème ou la musique qu’ils retiendraient. Puis ils ont eu un moment de recherche pour répondre à la consigne suivante : présenter une position de départ, un déplacement pour arriver au premier élément (quel qu’il soit), démontage de cet élément et position finale. 5 Ces dossiers étaient arbitrairement numérotés de 1 à 4, sachant que les groupes 1 et 2 comprenaient 4 membres et les groupes 3 et 4 comprenaient 6 membres. 20 Puis de nouveau passage devant les autres, soit par couple pour présenter un duo, soit en groupe complet pour présenter la pyramide. Activité des élèves La discussion initiale n’a pas semblé intéresser tout le monde. Le dossier était plus un bout de papier qu’un outil. Mais dès l’instant que j’ai abordé les pyramides, et qu’ils ont pu en observer quelques-unes, l’attention est revenue. Ce qui explique le regain d’activité au moment d’expérimenter les pyramides, du moins pour les groupes qui étaient au complet (2 sur 4). Les élèves ne se sont pas intéressés aux duos C. Lorsque j’allais les voir, ils avaient déjà oublié qu’ils leur fallait discuter d’un thème ou d’une musique, tellement je les sentais pris dans le jeu de la pyramide. Mais au moment de passer devant les autres, ils ont tous préféré rester aux duos qu’ils avaient travaillés la semaine dernière. Ils ont donc pu affiner leur montage et démontage. Concernant les thèmes : Groupe 1 (Kenza) = disco Groupe 2 (Kaël) = androgynie Groupe 3 (Hélène) = liberté Groupe 4 (Joseph) = Egypte BILAN : Le temps passé à introduire les critères d’évaluation était sans doute trop long. J’ai constaté un réel engouement pour les pyramides (peut-être aurais-je du les introduire plus tôt ?). La fiche de duo C ne les a pas intéressée. J’aurais du amener un nouveau critère à observer (comme l’occupation de l’espace) plutôt que le montage/démontage. # Séance 3 Cette séance était très particulière puisque la classe de T10 était partie toute la journée dans un parc d’attraction parisien (accueillis par une souris avec des grandes oreilles). J’avais donc décidé de travailler les liaisons acrobatique et chorégraphique puisqu’elles sont individuelles. Le groupe était composé de 12 élèves (8 absents) Activité de l’enseignant Puisque tous les groupes étaient touchés par les absences des T10, j’ai abordé avec les élèves les liaisons acrobatique et chorégraphique. Je leur ai présenté les fiches UNSS officielles de cotation des difficultés, et on a fait le point sur cette liaison acrobatique : enchaîner deux éléments tirés de ces fiches. L’élément le plus difficile sera retenu pour servir de cotation (B+C=C) Puis l’échauffement habituel, avant de se lancer dans ces éléments. J’essayais de voir avec les élèves ce qu’ils maîtrisaient ou non, ce qu’ils allaient choisir. J’apportais des corrections de gainage, de placement. Il s’agissait davantage d’une séance de gymnastique que d’acrosport. Un regroupement m’a permis de refaire un point sur les exigences pour le baccalauréat et sur le fonctionnement des dossiers : les fiches individuelles pouvaient être remplies et une partie de la fiche collective (si le thème et la musique étaient arrêtés). Pour terminer, j’ai mis en place une séance de sophrologie. 21 Activité des élèves Une grosse démotivation est immédiatement apparue dès le début de la séance. « On ne peut rien faire, il nous manque des personnes ». « Pourquoi on travaillerait pendant que les autres s’amusent ? ». Ces réactions m’ont surprise de la part d’élèves de terminale. Mais finalement, ils ont tous expérimenté des éléments gymniques. La notion de liaison (donc d’enchaînement) n’était pas maîtrisée par tous. J’ai retrouvé les problèmes de gainage et de placement des premières séances. Mais dans l’ensemble, chacun était conscient de ses possibles. Le retour au calme par la sophrologie s’est avérée réussie. Certes, au départ, il a fallu essuyer les habituels petits ricanements. Mais ils se sont vite dissipés. L’aisance avec laquelle ils ont baissé leur niveau de vigilance m’a inquiétée sur un point : comment pouvaient-ils être autant fatigués la semaine de la rentrée des vacances ? BILAN : Je ne suis pas sûre d’avoir été pertinente dans le choix de l’orientation de la séance. Mais en même temps, qu’y avait-il d’autre à faire ? La sophrologie semble leur avoir fait du bien, ils étaient sereins à midi. # Séance 4 L’objectif de cette séance était d’appréhender la notion d’espace. Prendre conscience des dimensions de la scène pour l’exploiter au mieux dans la construction chorégraphique. Celle-ci devait comprendre désormais l’introduction et les deux premiers éléments. Le groupe était composé de 15 élèves (4 absents et 1 inapte) Activité de l’enseignant J’ai commencé en reprenant l’exigence de la liaison acrobatique que les élèves avaient travaillé la semaine dernière. J’ai demandé aux absents de se renseigner auprès des présents s’ils avaient des questions relative à cet élément. Puis ils se sont échauffés et ont repris leur recherche par groupe. Je leur ai annoncé qu’ils devaient présenter leur introduction et 2 éléments en fin de séance. Au choix. Je les ai réunis pour leur expliquer la deuxième partie de la séance : chaque groupe disposerait d’un praticable entier (celui sur lequel ils seront évalués) durant 5 minutes, en alternant les groupes grâce à leur numéro (cf séance 2). Malgré la présence d’une horloge, j’ai du intervenir pour les changements de groupe. Chaque groupe a pu bénéficier de 2 passages sur praticable entier, car le groupe 3 comptait 2 absents (sur 4), donc n’a pas voulu prendre le praticable. Puis nous avons repris notre routine de représentation en fin de séance. Les spectateurs devaient prêter attention à l’occupation de l’espace et à l’exploitation du thème choisi dans la gestuelle. Une discussion a suivi, mettant en évidence l’importance de l’orientation des éléments par rapport aux spectateurs et la difficulté de transmettre un thème par une gestuelle corporelle. 22 Activité des élèves Les élèves absents la semaine dernière ont pour la plupart trouvé les réponses aux questions relatives aux liaisons acrobatiques auprès de leurs camarades. Le groupe 2 comptait 2 absents : Mickaël et Joris. Marine et Kaël ont donc travaillé leur liaison acrobatique, mais il y a eu un gros clash : une dispute entre les deux jeunes filles lié à l’écart de niveau qui les séparaient. Il a fallu calmer les esprits. Mais cette séance arrivait à la fin d’une semaine de bac blanc, et tous les élèves semblaient très à cran. La discussion suivant les prestations finales a fait émerger des points de repères quant à l’occupation de l’espace. Mais il leur était très difficile d’émettre leur point de vue sur un autre groupe sans que celui-ci réagisse mal. Tension post bac blanc ? BILAN : Au vu du stress apparent de mes élèves, une petite séquence de sophrologie aurait sans doute été bénéfique. Mais puisque la séance de la semaine dernière n’a pas pu servir le groupe, je me suis dit qu’il valait mieux les laisser travailler pour que leur chorégraphie avance. # Séance 5 L’objectif de cette séance était de poursuivre le travail sur la notion d’espace, et d’introduire des parties chorégraphiques. Le groupe était composé de 17 élèves (3 absents) Activité de l’enseignant Petit rappel sur le fonctionnement du dossier : les fiches individuelles ainsi que la fiche collective doivent être remplies au fur et à mesure, avec les cotations inhérentes aux éléments. Puis je suis passée dans chacun des groupes pour aborder l’aspect chorégraphique et trouver avec eux des déplacements en rapport avec leur thème, et toute gestuelle susceptible de combler un temps mort. Les rotations sur praticable ont repris malgré les absents, mais le groupe 2 n’a encore pas pu en bénéficier (encore 2 absents !). Puis de nouveau une prestation devant public avec introduction et 2 ou 3 éléments, suivant l’avancement de l’enchaînement. La discussion qui a suivi a mis en lumière les progrès de l’occupation de l’espace scénique et l’intérêt de touches chorégraphiques pour la qualité de la prestation. Activité des élèves L’échauffement n’est maintenant quasiment plus dirigé. Il faut juste batailler pour qu’ils le débutent. L’aspect chorégraphique a essuyé de nombreux refus de la part de certains garçons du groupe 4, qui ont rétorqué « Madame, je n‘ai pas amené de tutu rose ». Mais le passage devant les autres aura eu raisons de leurs réticences, et ils ont admis l’utilité pour enrichir la chorégraphie. Mais ce seront les filles qui « s’y colleront ». Les éléments sont de plus en plus maîtrisés et le travail peut se détacher de l’aspect technique pour aller vers la qualité de montage et de démontage et l’occupation de l’espace. 23 BILAN : Le groupe 2 est paralysé, je ne sais pas quoi faire. Les autres continuent d’avancer, même avec des revirements (le groupe 3 a changé son thème : de l’Egypte à Men in Black). Quant aux groupes 1 et 3, ils sont sur des rails. Je n’ai rien à faire, si ce n’est corriger parfois l’orientation par rapport aux spectateurs. # Séance 6 L’objectif de cette séance était de mettre en évidence la nécessité de prendre en compte les notions de rythme et d’effet (deux derniers critères exigés). Il s’agissait aussi de se regarder pour la première fois juste après sa prestation (caméscope). Le groupe était composé de 17 élèves (2 absents et 1 inapte). Activité de l’enseignant Rappel des exigences pour le baccalauréat, qui stipule 2 critères précis : rythme et effet. J’ai exposé le déroulement de la séance : temps de travail en groupe, puis passage filmé immédiatement visionné sur l’écran de télévision. C’est moi qui manipulais le matériel. Je visionnais avec chaque groupe et pointais les petites imperfections s’ils ne le faisaient pas d’eux-mêmes. Je n’ai pas eu le temps de refaire passer chaque groupe après le visionnage Activité des élèves Première réaction à l’annonce qu’ils allaient être filmés « y’a pas moyen ! ». Mais devant ma détermination, et puisqu’ils n’avaient pas le choix, ils se sont résignés. Je savais que le caméscope ajoutait encore à la difficulté de passer devant les autres, car cette fois-ci, il fallait SE regarder. Mais le travail de recherche s’est poursuivi, comme s’ils avaient oublié ce qui les attendaient. Au moment de passer, refus catégorique du groupe 2 (1 absent seulement cette semaine, mais ils avaient accumulé tant de retard qu’ils préféraient continuer de travailler). Les trois autres groupes se sont prêtés au jeu, malgré l’absence du Julien (groupe 3). Le visionnage a catalysé les prises de parole et les critiques constructives : « on n’est pas ensemble » « pas mal la pyramide !» « faut qu’on réfléchisse aux costumes » « ça se voit quand tu remontes ton pantalon ». Il a fallu que je précise ce qu’on entendait par rythme, car ce n’était pas évident pour eux. En revanche, la notion d’effet est apparue d’elle-même. Dès lors, ils sont repartis pour travailler et améliorer leurs points faibles. Mais ils n’ont pas pu repasser. BILAN : Mauvaise gestion du temps qui ne m’a pas permis de faire repasser les élèves après qu’ils se soient vus et qu’ils aient apporté des modifications. Les spectateurs auraient très certainement vu les changements et apprécié l’impact sur la qualité de la chorégraphie. Toujours ce problème avec le groupe 2… 24 # Séance 7 L’objectif de cette séance était de poursuivre le travail sur vidéo pour apprécier tous les critères collectifs (espace,montage/démontage, rythme, effet) et les imperfections individuelles (fautes techniques) en vue du rôle du juge qu’ils auront à tenir. Le groupe était composé de 17 élèves (2 absents et 1 inapte). Activité de l’enseignant Après avoir laissé un temps de travail pour achever la production en reprenant les corrections apportées la semaine dernière, j’ai de nouveau filmé les groupes un à un avant de leur présenter leur prestation sur l’écran de la télévision. Remarque : cet écran mesure 36 cm. Très pratique à transporter, mais très difficile pour les élèves de se regarder sur une aussi petite surface… Il y a eu 2 visionnages : l’un pour apprécier l’aspect collectif, l’autre pour mettre en évidences quelques fautes techniques individuelles. Les rotations se poursuivaient tandis qu’un groupe visionnait. Ce qui laissait un temps de travail grandeur nature à chaque groupe avant d’être filmé. A la fin de la séance, ils ont eu l’occasion, s’ils le souhaitaient, de repasser devant tout le monde. Je n’ai pas eu le temps d’aborder la question des costumes. Activité des élèves La pression semble monter à l’approche de l’échéance. Les élèves me posent beaucoup plus de questions et ne cessent de demander mon avis. Les rotations sur praticable s’enchaînent. Le premier visionnage (aspect collectif) ne leur pose pas de problèmes, et fait émerger encore quelques modifications à apporter. En revanche, lorsqu’il s’agit de s’auto observer, c’est plus compliqué. Une pagaille s’installe : « vous pouvez revenir en arrière et me dire si ma roue est correcte ? ». Ils se sont recentrés sur euxmêmes alors qu’ils étaient dans une perspective de groupe. Le groupe de Kaël a une fois de plus refusé d’être filmé. Ils ont tout juste fixé leur thème (de l’androgynie on passe aux pirates). Les éléments ne sont pas tous choisis (il leur manque leur pyramide). BILAN : Pour l’observation individuelle, j’aurais du faire observer chaque élève par un autre membre du groupe. Ceci m’aurait permis d’entrer plus franchement dans le rôle de juge. Je ne sais plus quoi faire avec le groupe de Kaël. J’aurais souhaité les aider, mais je devais manipuler le matériel audiovisuel (on vient de l’acquérir et une décision de l’équipe EPS a précisé que les élèves ne devaient pas manier le caméscope). Une impasse… # Séance 8 L’objectif principal de cette séance est la manipulation des fiches de juge. En parallèle, la chorégraphie doit être affinée. Le groupe était composé de 20 élèves (un petit miracle !). 25 Activité de l’enseignant Après leur avoir laissé un temps de travail assez conséquent, j’ai fait le point sur le fonctionnement des fiches de juge. On a décidé d’un code commun : pour les petites fautes / pour les moyennes + pour les grosses Puis j’ai proposé une évaluation blanche avec les juges en place. Le groupe 1 fonctionnait avec le groupe 2, le 3 avec le 4. Je n’ai pas eu le temps de faire un bilan sur les fiches de juge. Activité des élèves La partie de travail en groupe s’et très bien déroulée. Le groupe de Kaël a mis les bouchées doubles pour combler son retard, mais a accepté de passer devant les autres. En revanche, le rôle de juge les a complètement déstabilisés. Ils m’ont tous dit « je n’ai pas eu le temps de tout voir » « est-ce qu’il faut remplir la case espace ? » « je n’ai rien compris ». Et à la lecture des fiches de juge, je le suis rendue compte que je ne leur avais pas bien expliqué ce qu’ils avaient à faire, ils n’avaient pas compris le fonctionnement. Aucun n’a calculé le total des fautes techniques pour le retrancher des 4 points dont chaque élève dispose. Certaines fiches étaient totalement vierges. En plus, ceci s’est déroulé en fin d’heure, ils étaient tous pressés de partir (ils un cours juste après) et m’ont rendu des fiches incomplètes sans avoir de retour de ma part. BILAN : Je me rends compte qu’ils ne maîtrisent pas du tout leur rôle de juge. Ils ne savent pas comment fonctionne les fiches. Je n’ai pas été suffisamment claire et j’ai introduit trop tard cet outil dont ils auront à se servir la semaine prochaine. # Séance 9 Cette séance était l’évaluation. L’objectif était que tout se passe bien et qu’ils puissent passer deux fois. Activité de l’enseignant J’ai tout d’abord commencé en reprécisant les points essentiels de la fiche de juge, au vu de mes inquiétudes par rapport à la semaine dernière. Leur attention était totale, je n’ai pas eu besoin de beaucoup de temps. Je leur ai ensuite montré la fiche qui précisait le déroulement de la séance, avec les horaires précis à respecter (cf. annexes) Puis je les ai laissés se préparer, s’échauffer. La séance s’est poursuivie sans heurt, jusqu’à la blessure d’Adeline Activité des élèves Ils étaient très concentrés, soucieux de bien faire. Mais lors de leur accès au praticable, le groupe 3 a été malheureux : Adeline s’est blessée au moment de porter une de ses camarades. Elle a tout de suite été envoyée à l’infirmerie. Son groupe n’a pu passer et devra subir une épreuve de rattrapage. Tout comme le groupe 4 qui n’a pu exercer son rôle de juge. 26 BILAN : Une blessure malheureuse mais visiblement sans gravité. Une excellente prestation pour le groupe 1, une bonne prestation pour le groupe 4, une prestation très moyenne pour le groupe 2. 4 Evaluation des actions 41 Analyses des réussites et des échecs $ Rappel des hypothèses formulées Concernant la dynamique de groupe, j’avais émis l’hypothèse que les groupes affinitaires permettaient un meilleur investissement des élèves. D’autre part, une organisation au sein de ce groupe se mettrait en place par l’attribution de rôles. L’aspect affinitaire permettrait de dépasser les conflits pour aller dans le sens de l’objectif commun fixé. J’avais ensuite pensé que la mise en projet de chaque groupe serait une clé. Dès lors que des conditions seraient mises en place (observation, suivi, mesure des progrès réalisés, de la distance qui sépare encore de l’objectif), alors le groupe pourrait fonctionner seul puisqu’il pourrait mettre en évidence ses points forts et ses points faibles, et travailler en conséquence. Enfin, l’appropriation des critères m’est apparu comme indispensable à un fonctionnement en autonomie. Il faut savoir « à quelle sauce on va être mangés », pourquoi on obtiendra telle note plutôt qu’une autre. Pour analyser ces hypothèses qui ont guidé ce cycle d’acrosport, je vais conserver le triple découpage groupe / appropriation des critères / projet et suivi. • Le travail en groupe L’activité acrosport est par essence collective, puisqu’il s’agit de « concevoir, construire, réaliser collectivement et juger un spectacle gymnique (…) par groupe de 4 ou 6» comme le dit le BO n°25 du 20 juin 2002. L’épreuve étant collective, j’ai préféré laisser se constituer les groupes plutôt que de les imposer. Donc les élèves ont travaillé par affinité. Avec la relativité qu’il faut immédiatement apporter : certes, certains groupes se sont formés d’eux-mêmes (3 sur 4 : celui de Kenza, d’Hélène et de Joseph) mais le groupe de Kaël est en fait une somme de deux sous-groupes (Marine/Kaël, Mickaël/Joris) qui n’avaient pas forcément envie de travailler ensemble, mais puisqu’il fallait être 4 et que tous les autres élèves avaient déjà une formation… Ce que je peux tout de même constater, c’est que le fait d’être issus de trois classes (T8, T9 et T10) n’a pas été un frein à la constitution des groupes. Tous sont le fruit de l’association d’élèves venant de sections différentes. Mais la mixité n’est pas encore aisée ni souhaitée : Groupe 1 : Kenza Céline (T10), Sophie Fanny (T8) Groupe 2 : Kaël Marine (T9), Mickaël Joris (T10) Groupe 3 : Hélène Lucie (T8), Aurélie Lydia Adeline (T9), Amélie (T10) Groupe 4 : Joseph Hayatte (T10), Julien Aymeric Anthony Siham (T9) 27 Si l’on reprend les groupes de Kenza et d’Hélène, je peux affirmer que ce travail en groupe leur aura énormément apporté. Le fait de se retrouver avec des amies les a incitées à s’investir, à avancer certes dans la perspective du baccalauréat, mais pas uniquement. Elles semblent s’être épanouies. Ces deux groupes ont été les premiers à définir leur thème et à choisir leur musique. Le groupe d’Hélène y avait même déjà pensé avant le début du cycle et m’en avait fait part le jour de l’épreuve de demi-fond (cycle précédent). On ne retrouve aucune trace de conflit dans le projet rendu ce qui signifie que soit il n‘y en a pas eu, soit ils ont été si bien dépassés qu’ils n’ont pas été retenus comme freinateurs. L’indicateur que j’avais retenu, à savoir le document écrit à propos du projet (voir en annexes) rend bien compte de leur capacité à travailler ensemble, à s’organiser et à fonctionner « seules » : les documents rendus sont soignés, ils expriment clairement la démarche mise en place. Le pronom personnel « nous » est toujours employé, on perçoit les choix finaux comme aboutissements de discussions, bref l’adhésion de toutes. Ceci est aussi confirmé par les réponses au questionnaire informel (voir annexes). Le groupe de Joseph s’était lui aussi formé très vite, et regroupait 4 garçons (Joseph Aymeric, Anthony et Julien) et 2 filles (Hayatte et Siham) qui avaient envie de travailler ensemble. Mais ce groupe n’a pas su (pu ?) fonctionner ensemble. Il y a eu beaucoup de conflits (le terme « tension » est mentionné dans leur projet, cf annexes). Sans doute cela venait-il du fait qu’il y avait plusieurs élèves au tempérament assez affirmé et non enclin aux concessions. Ils ont eu beaucoup de mal à se mettre d’accord, ne serait-ce que sur un thème ou un fil directeur pour leur chorégraphie. Pour eux, malgré une composition choisie des membres du groupe, le fait de travailler en affinité ne les a pas aidés. J’évoquais précédemment les tempéraments affirmés. Sans doute y a-t-il eu dans ce groupe une sorte concurrence entre leader. A moins que le problème ne se situe dans ce qu’il y avait à gagner. Comme l’expliquait SANNA (cf 2 2), si les élèves n’ont rien trouvé à gagner, alors ils ne se sont pas engagés dans le groupe. Terminons avec le groupe Kaël. Formé par résignation, il semblait pourtant bien parti. En effet, dès le début du travail, les membres avaient vu leur particularité (2 filles et 2 garçons) et avaient commencé à réfléchir au moyen de l’exploiter. L’idée de l’androgynie était alors apparue. Mais les efforts se sont vite essoufflés et les difficultés se sont multipliées en raison d’un très fort taux d’absentéisme. Sur les 9 séances de travail en groupe, ils ne se sont trouvés au complet que deux fois : les deux dernières séances (dont l’évaluation). Cet obstacle est mentionné dans leur projet ainsi que dans les questionnaires informels. Etre libre de choisir les personnes avec qui travailler et produire quelque chose collectivement a induit des comportements différents : # Pour certains élèves, ce choix a été l’occasion de s’intégrer dans une microstructure où chacun des membres trouve sa place, et où l’unanimité doit régner. Les discussions sont nombreuses mais l’avis de tous est entendu. Il aura fallu certainement faire des concessions mais elles auront toujours été au service du groupe pour lui être bénéfique. A aucun moment je n’ai été sollicitée pour trancher. 28 C’est ainsi que j’ai vu l’attitude d’Hélène et de Lucie (que je qualifiais de « contrariées » précédemment) s’est totalement transformée. Il s’agissait, pour ces élèves, de vivre ensemble pour faire quelque chose. Sans prétention aucun, je pense que ce mode de pratique les aura formés à leur vie active future dans le respect et l’écoute de l’autre. # Pour d’autres élèves, ce fonctionnement affinitaire aura été freinateur voire déstabilisant. Les conflits ont été trop nombreux ou trop intenses. Certains venaient me voir en me disant « je n’aurais pas du me mettre avec eux, il n’y a pas moyen de parler ». La dynamique de groupe n’a pas pu se mettre en place et apporter ses valeurs fondatrices (respect et écoute). La dimension individuelle est restée supérieure au collectif. • L’appropriation des critères L’analyse de cette hypothèse repose essentiellement sur les résultats des questionnaires informels distribués aux élèves. Ces derniers les ont rempli anonymement lors de la première séance de volley-ball (cycle 3), soit une semaine après l’évaluation bac acrosport. Les questions posées ont été pour moi l’occasion d’interroger les élèves sur leur prestation, sur leur vécu de cycle, de faire un état des lieux de leurs connaissances et de ce qu’ils auront retenu de l’APSA acrosport. La première étape, qui pour moi est essentielle car elle répond à la seconde finalité de l’EPS « (l'acquisition, par la pratique, des compétences et connaissances relatives aux APSA ») consiste donc à évaluer le degré de connaissances sémantiques de mes élèves. Quelle terminologie nouvelle et spécifique à l’acrosport a été acquise au cours de ce cycle ? 80% d’entre eux ont mentionné les éléments exigés pour le baccalauréat : pyramide duo duo miroir liaison acrobatique liaison chorégraphique 35% ont parlé des différents rôles à tenir : porteur voltigeur joker 25% ont abordé les critères d’évaluation : montage / démontage effet rythme espace Ces quelques chiffres sont sans doute le reflet de l’importance que mes élèves accordent à leur examen. Puisque leur production chorégraphique devait répondre à des critères définis, ce sont ces derniers qui ont guidé leur création et qui les ont marqués. Mais j’y reviendrai plus tard. En revanche, le peu de réponses relatives aux rôles que l’on peut jouer en acrosport ne veut pas dire qu’ils ne maîtrisent pas cette lexicologie (je suis sûre que si je leur avais posé la question à l’oral, ils auraient mentionné ces trois termes) mais qu’elle n’est pas représentative de l’acrosport à leurs yeux. 29 Mais force est de constater qu’à aucun moment ne sont mentionnés des termes relatifs à la création (aspect chorégraphique) ni à la prestation publique (aspect spectaculaire) ni au jugement (aspect critique). Comme si l’acrosport ne demeurait qu’une pratique, sans dimension artistique. Serait-ce le reflet de leur représentation de l’activité ? La terminologie spécifique de l’acrosport est en partie maîtrisée. Abordons maintenant l’appropriation des critères sécuritaires. Le dépouillement des réponses au questionnaire informel révèle que 85% de mes élèves connaissent les phases d’un échauffement d’acrosport : course, étirements et mobilisation articulaire en accentuant les points sensibles (dos, nuque et poignets), puis retour dynamique. Remarque : on pourrait rétorquer que l’écrire ne signifie pas l’appliquer. Or, le jour de l’évaluation, j’ai pu observer un échauffement complet chez tous les élèves. Bien évidemment, certains élèves avaient besoin d’observer les autres pour reproduire ce qu’ils voyaient mais d’autres choisissaient librement leurs exercices en fonction de leur besoin et de leurs points faibles éventuels. Lorsqu’on leur demande les règles fondamentales pour pratiquer l’acrosport, 80% répondent l’échauffement et 60% abordent les positions sécuritaires pour ne pas mettre en danger le porteur (poids de corps sur la ceinture scapulaire et sur les os du bassin, jamais au milieu du dos). Ce sont les deux réponses les plus répandues. Les critères sécuritaires semblent donc appropriés. Quant aux exigences institutionnelles, elles sont inégalement maîtrisées. Si 90% des élèves connaissent la répartition des points (3 points de projet, 3 points de juge et 14 points de prestation), seulement 35% est capable de préciser les catégories de fautes : petite –0.2 points moyenne –0.4 points grosse –0.6 points et ce qu’elles sanctionnent : Amplitude Gainage, placement Déséquilibre, chute Sortie de praticable La même proportion connaît les critères à observer : Rythme Effet Montage/démontage Espace Seulement 10% des élèves a été capable de préciser que les 14 points de prestation comportaient une partie collective et une partie individuelle. Mais aucun n’a su donner les 8 points d’exécution (4 individuel et 4 collectif) et les 6 points de difficulté (comprenant la pyramide, les duos et duos miroirs sur le plan collectif, les liaisons acrobatique et chorégraphique au niveau individuel). 30 En revanche, tous connaissent la durée exigée (entre 1’30’’ et 2’). On peut aussi noter que certains élèves (6 sur 20), qui n’avaient pas forcément de qualités gymniques affirmées, ont intégré un tour complet sur un pied dans leur liaison acrobatique, afin de pouvoir coter celle-ci en difficulté D et partir sur le maximum de points. Mais 6 autres élèves n’ont pas réalisé leur liaison acrobatique et perdent donc 1 point sur leur note finale. Il était précisé dans les exigences écrites dans les dossiers que chaque élève devait tenir le rôle de porteur et de voltigeur au cours de la prestation. Tous s’y sont astreints. Mais d’un commun accord avec les élèves, j’ai autorisé Julien à n’être que porteur et Lydia à n’être que voltigeur, pour des raisons de sécurité : en effet, l’élève de leur groupe le plus proche de chacun d’eux au niveau gabarit avait plus de 10 kg d’écart. Les exigences institutionnelles globales semblent acquises, mais le détail fait lourdement défaut. Bien qu’ils aient « su à quelle sauce ils allaient être mangés », les élèves n’ont pas tous approfondi leurs connaissances relatives aux exigences institutionnelles. Je pensais qu’avoir le détail sur support écrit dans leur dossier (cf annexe) et le marteler à l’oral aurait suffi. Mais apparemment non. Ces exigences avaient-elles un sens pour mes élèves ? Ai-je suffisamment varié les supports pour qu’ils se les approprient ? Je pense toujours que si l’on souhaite que ses élèves soient autonomes, il faut qu’ils s’approprient les critères inhérents à l’APSA. Mais si l’autonomie a pour cause l’appropriation, l’appropriation n’a pas forcément pour conséquence l’autonomie. • Le projet et le suivi Pour pouvoir être autonome lorsqu’on travaille en groupe, il faut être uni par une envie commune d’atteindre un objectif précis défini par l’ensemble des protagonistes. Il faut aussi être capable d’estimer la distance qui sépare encore du but à atteindre, et comment y parvenir. Il est aussi important de constater les progrès réalisés. Pour cela, la mise en place du dossier de groupe (cf annexes) dès la 2ème séance s’est révélé très utile. Comment affirmer cela ? Tout d’abord, les premières pages rappelaient les exigences ainsi que l’évaluation pour le baccalauréat. Chaque groupe a ainsi pu décider de la chronologie dans laquelle il allait travailler (certains ont commencé par la pyramide, d’autres par les duos miroirs ou les duos) puisque lors de leur passage en fin de séance, je n’imposais pas précisément l’élément que je souhaitais voir (cf 3 2). Le fait de remplir au fur et à mesure ce dossier a permis aux élèves de constater l’avancée de leurs travaux. A chaque séance, petit à petit, leur composition prenait forme. Ce procédé leur a aussi enseigné qu’une production finale est le fruit d’étapes intermédiaires inhérentes à chaque groupe. Il existe plusieurs moyens pour 31 parvenir à un même but. Par exemple, le groupe de Joseph est parti de la musique, le groupe d’Hélène s’est d’abord concentré sur le thème. D’autre part, j’avais joint quelques clichés de pyramides en fin de dossier pour éventuellement donner quelques idées. Je constate que le groupe de Kenza et celui d’Hélène sont allés au-delà de ces pistes en créant elles-mêmes leur pyramide. En revanche, le groupe de Kaël et celui de Joseph ont juste pioché dans les propositions. Ce qui, en soit, n’est pas une erreur mais témoigne peut-être davantage du besoin qu’avaient ces deux groupes d’être guidés, cadrés. L’autre procédé que j’ai utilisé et qui a été efficace dans le constat des progrès et de ce qui restait encore à faire était la prise de vue et le visionnage immédiatement après. Une fois dépassée la curiosité et/ou le malaise de se voir à l’écran, cette méthode a permis de mettre en évidence les acquis des groupes (pyramide originale, déplacements variés…) tout en pointant les petits défauts (erreurs d’orientation par rapport au public, problème de synchronisation, petits gestes parasites, occupation restreinte de l’espace scénique…). J’étais présente lors des visionnages (pour la gestion et la manipulation du matériel) mais je n’avais pas besoin d’intervenir : les constats et les régulations émergeaient des membres du groupe eux-mêmes, et en général, ils repartaient tout de suite après pour corriger ce qui n’allait pas. Ce qui a donc donné un regain d’activité. Il ne faut pas se leurrer, l’objectif prioritaire de mes élèves était d’obtenir une note correcte au baccalauréat. Néanmoins, certains ont cherché à joindre l’utile à l’agréable en créant une chorégraphie qu’ils jugent eux-mêmes « riche, (…) originale, (…) qui [leur] plaisait ». La marge de liberté que je leur ai laissée en ne leur imposant pas un ordre de travail n’a pas posé de problème au groupe de Kenza ni à celui d’Hélène, mais semble avoir dérouté celui de Joseph. Sans doute ces élèves avaient-ils davantage besoin d’être guidés dans l’acquisition des conditions de réalisation d’un projet collectif. 42 Réajustements possibles Dans la perspective d’améliorer le travail entrepris, je pense que je différencierais davantage cette marge de liberté dont je parlais. Au cours de ce cycle, j’ai souhaité adopter la même attitude avec chacun des groupes pour rester le plus impartiale et le plus neutre possible. Je ne voulais pas favoriser un groupe plus qu’un autre. Or, je me rends compte que le groupe de Joseph avait besoin d’être davantage guidé, ce qui n’aurait pas été au détriment des autres groupes. Quant à l’absentéisme suraigu au sein du groupe de Kaël, je pense que je n’ai pas su y faire face. En même temps, de quels moyens disposais-je pour aller contre ce phénomène ? Je ne cesse de me poser la question, d’autant plus que comme je l’avais malheureusement deviné, leur prestation le jour de l’évaluation était très en dessous des autres, pour ne pas dire catastrophique : pas de synchronisation, une chorégraphie de 1’03’’, des éléments techniques en décalage avec le niveau des élèves (donc de nombreuses fautes techniques déduites), un projet bâclé… Je ne peux m’empêcher de culpabiliser quant à cette prestation puisqu’elle compte pour 1/3 de leur note pour le baccalauréat. Mais je ne parviens pas à trouver la manière dont il aurait fallu que j’agisse. 32 Si je pouvais reprendre ce cycle, j’insisterais davantage sur le rôle de juge, que je pense avoir introduit trop tard dans le déroulement des séances. Il aurait fallu discuter avec les élèves, pourquoi pas à partir d’un matériau neutre comme la prestation d’une autre classe, de la nature et de la gravité de telle ou telle faute. Car il leur a été difficile de définir si un déséquilibre est moyen ou gros, et de sanctionner en conséquence. Mais le temps est compté et les conditions ne sont pas toujours faciles (les élèves sont évalués sur un praticable, or nous n’avons que deux fois cette surface au total pour les 4 groupes d’acrosport). Enfin, je me demande s’il ne fallait pas que j’intervienne sur la formation des groupes, et ce principalement concernant celui de Kaël et de Joseph. Je ne suis pas intervenue lors des désaccords, je voulais vraiment les laisser gérer cela. Bien sûr, si cela avait dégénéré, je me serais interposée. Mais je me suis résignée (malgré ma totale désaffection pour tout ce qui touche aux conflits) et j’ai laissé faire. Peut-être à tort… 43 Perspectives de travail Conduire les élèves vers davantage d’autonomie me semble aujourd’hui une nécessité. Non seulement elle est une exigence institutionnelle, mais il s’agit vraiment d’œuvrer concrètement pour la formation de l’adulte de demain. Cette réflexion m’a amenée à repenser ma manière de faire. Un des paramètres sur lesquels il est facile de travailler quand on poursuit un objectif d’acquisition d’autonomie est l’évaluation, paramètre que je n’ai pas pu manier avec mon groupe de terminales. C’est ce que je vais tenter de faire avec une autre classe, toujours en acrosport. Puisqu’il s’agit d’une classe de 1ère, je n’aurai pas la contrainte de l’évaluation officielle nationale. Je pourrai donc proposer une évaluation « participative », c'est-àdire amener les élèves à réfléchir avec moi pour définir les critères d’évaluation. Je pense donc présenter une grille avec des critères définis ensemble, et où chacun des critères serait sanctionné par une fourchette de notes. Tout groupe d’acrosport aura donc à réfléchir à ses points forts pour déterminer quelle valeur il attribue à tel critère, le tout devant aboutir à la somme de 20 bien évidemment. Ainsi, je pense amener ces élèves à une plus forte mobilisation par une responsabilisation. Pour qu’ils soient lucides, responsables et autonomes… Je pense sincèrement que toute APSA peut être propice à l’augmentation du degré d’autonomie dès l’instant qu’on y réfléchit et surtout qu’on veille à ce que les mises en œuvre répondent aux attentes de tous les élèves. Il devient même urgent de se pencher sur cette question, que je trouve générale, transversal et universelle. Si j’échoue dans la mise en place de variables sur une tâche, je pense que cela aura moins d’incidence que si je materne des élèves de seize ans. Car ce n’est pas leur rendre service. 33 5 Conclusion A travers ce mémoire, je me suis vraiment remise en question. Le choix de ce sujet me plaisait mais dans le même temps, il me semblait très paradoxal. A quoi servais-je si mes élèves étaient capables de faire seuls ? Comment évaluer le degré d’autonomie acquis ? Etait-ce grâce à moi ? Il m’a fallu beaucoup de temps, et sans doute m’en faudra-t-il encore, pour prendre un peu de distance sur une séance et apprécier qu’elle fonctionne toute seule. Mais quelle satisfaction le jour de l’épreuve du baccalauréat pour mes terminales ! Apprécier le travail de chacun et la qualité des chorégraphies présentées (aux dires de l’enseignante qui évaluait à mes côtés) apparaît comme un aboutissement. Si je n’ai pas totalement réussi dans ma mission d’accès à davantage d’autonomie, je n’ai pas totalement échoué. Je crois vraiment en la dynamique de groupe, les bénéfices que chaque élève peut en tirer. Je reste persuadé que la notion de projet en terme d’objectif(s) à atteindre est une clé des plus efficaces. Il faut en outre réunir plusieurs conditions : $ Expliciter les critères de réussite et de réalisation Il s’agit de les formuler de manière claire, en utilisant divers supports, et tout en veillant à ce que ces « conditions pour faire » soient comprises et assimilées par les élèves. $ Concevoir avec les élèves les critères d’évaluation Tenir compte de leur représentation de l’activité, leur proposer diverses solutions dès lors qu’elles sont justes et qu’ils les considèrent de cette façon. Amener les élèves à donner leur avis $ Leur permettre de se situer par rapport à ces exigences Proposer une fiche de suivi, individuelle ou collective suivant l’APSA, les former à la fonction de juge, leur donner l’occasion de se voir sur un écran pour corriger mais aussi apprécier ce qui a déjà été réalisé. L’acquisition d’autonomie présente un autre avantage non négligeable : il permet certainement de motiver des élèves plus passifs, voire inactifs. Les impliquer pleinement dans ce qu’ils font est sûrement un procédé efficace. Ou au contraire, avec des élèves difficiles car très actifs, leur proposer les conditions de la mise en place de la réalisation d’un projet qu’ils auront eux-mêmes défini. Mais je dois admettre qu’au fil de discussions avec mes élèves, certains m’ont clairement fait comprendre qu’ils ne se sentaient pas du tout prêts à faire seuls, qu’ils n’avaient absolument pas envie d’être autonomes. Ils préféraient répondre à des exigences précises sans avoir aucun pouvoir décisionnel sur celles-ci. Ils appréciaient le fait d’exécuter ce qu’on leur disait de faire. Ce qui me paraît plutôt inquiétant… Reste à savoir ce que je serai capable de faire pour rester dans cette optique d’acquisition d’autonomie avec des élèves de collège. Bien sûr, je pense que c’est tout à fait réalisable. Mais cela nécessite assurément d’autres mises en place. 34 6 Bibliographie ALLAL 1979 AMES 1994 BEUNARD, Que pensent les lycéens de l’EPS ?, 1999 DEWEY, Mon credo pédagogique, 1987 DHELEMMES Contenus en EPS pour les lycées, 2000 HEBRARD Alain L’éducation physique et sportive, réflexions et perspectives, 1986 MACCARIO, Théorie et pratique de l’évaluation dans la pédagogie des APS, 1984 MEARD et BERTONE, Le professeur d’EPS et les attitudes d’élèves in Dossier EPS N°38) NUNZIATI Georgette 1990 OUILLET, 1980 PROST Antoine, L’Eloge des pédagogues, 1985 ROGERS, 1988 SANNA, 1992 VIAU, La motivation en contexte scolaire, 1997 WALLON Henri, Autonomie et citoyen, 1947 35