Le PC limite la hausse des prix des cigarettes
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Le PC limite la hausse des prix des cigarettes
Solutions Reportage Vu chez Decouflé AUTOMATIS M E S Le PC limite la hausse des prix des cigarettes ! Basé dans la région parisienne, Decouflé fait partie de la demi-douzaine de constructeurs mondiaux spécialisés dans les machines de fabrication de cigarettes. Pour concevoir la nouvelle machine “bas coût” demandée par le marché, la société a remis en cause ses choix techniques : un PC industriel pilotant un réseau d’entrées/ sorties sur EtherCat (un Ethernet industriel) a été préféré à l’habituelle solution basée sur des automates programmables. Decouflé voulait aussi compter sur un service de qualité. Ces raisons l’ont conduite à retenir Beckhoff. A force de limiter les zones autorisées aux fumeurs, à force d’augmenter les taxes sur les cigarettes, les ventes de tabac diminuent. Confrontés à ce problème, les fabricants de cigarettes sortent régulièrement des nouvelles idées pour séduire les consommateurs, mais ils cherchent surtout à diminuer les coûts de fabrication grâce à des machines de production toujours plus performantes. La pression, du coup, est reportée sur les fabricants de ces machines. Ces machines, qui atteignent des capacités de production supérieures à 15 000 cigarettes par minute pour les plus performantes d’entre elles, sont l’affaire de spécialistes, souvent de longue date. L’un d’eux est une société française, Decouflé, basée à Chilly-Mazarin, au sud-est de Paris, dans la proche banlieue. La société appartient au groupe allemand Hauni (3 600 personnes, 615 M€ de chiffre d’affaires) qui possède 20 sites industriels dans le monde, tous spécialisés dans les machines de fabrication de cigarettes. Ajoutons que Hauni appartient lui-même au groupe allemand Körber (8 500 personnes, 1,5 milliard MESURES 785 - MAI 2006 - www.mesures.com d’euros de chiffre d’affaires) qui a, en plus de la division Hauni, une division “papiers et tissus pour l’hygiène”, une division “machines-outils” et une division spécialisée dans les machines d’emballage de produits pharmaceutiques. Avec ses 170 personnes, Decouflé représente une toute petite entité dans ce vaste conglomérat. Ce qui ne l’empêche pas de jouir d’une large autonomie. « Il y a bien entendu une stratégie globale au niveau des machines, chaque société du groupe a ses spécialités. Mais chacune est maître de ses choix techniques, notamment des matériels et des logiciels mis en œuvre dans les machines », explique Christophe Boisgard, responsable du service électricité/automatismes. Les industriels du tabac, à l’instar de beaucoup d’industriels de l’agroalimentaire, font confiance au savoir-faire des équipementiers. Il faut dire que ceux-ci, qui sont à peine une demi-douzaine sur l’ensemble de la planète, sont ultra-spécialisés et ont souvent plusieurs décennies d’expérience. Du coup, les “cigarettiers” ont en général peu d’exigences sur les options techniques mises en œuvre dans les machi- Decouflé fait depuis longtemps des machines de fabrication de cigarettes, capables de travailler à des cadences très élevées. La 6S a été conçue pour attaquer un nouveau marché, celui des machines bas prix. Pour y parvenir, la société a renoncé aux solutions basées sur des automates, au profit d’une solution PC. En médaillon, un sous-sensemble de la machine, qui montre la complexité de la mécanique. nes. « Les “cigarettiers” ont vis-à-vis de nous l’attitude d’un exploitant face à un équipementier : ils nous disent le type de cigarette (son format, ses caractéristiques) qu’ils veulent fabriquer et à quelle cadence ils veulent que tourne la machine ; 6 000, 8 000, 10 000, voire 16 000 cigarettes/ minute. D’autres partent sur un budget et nous leur disons alors les performances qu’ils peuvent espérer », poursuit M. Boisgard. Decouflé a un catalogue de machines de base, toutes relativement complexes, avec des prix qui s’échelonnent entre 650 000 euros et 1,3 million d’euros. Mais il est rarissime que la société livre une machine sans adaptations particulières. Tout L’essentiel d’abord, il lui faut s’adapter au contexte Pour sa nouvelle machine 6S local du site de destide fabrication de cigarettes, nation. D’un continent Decouflé devait relever un à l’autre, voire d’un défi majeur : le prix ! pays à l’autre, les carac- Elle a de ce fait cherché s’il téristiques de l’alimenn’existait pas une alternative tation électrique (tenéconomique aux solutions sion et fréquence) sont habituelles basées sur des différentes. Même automates chose pour les régle- La solution à base de PC mentations en matière proposée par Beckhoff a de sécurité machine emporté son adhésion (CE en Europe, UL aux La qualité du service a Etats-Unis, CSA au également beaucoup Canada, etc.). Les norcompté dans ce choix mes sanitaires sont Au final, cette solution a également différentes. permis de réaliser une Il faut rappeler ici, que économie de près de 20 % l’industrie du tabac fait 37 Reportage Vu chez Découflé Solutions chaque machine, il y a un seul et unique automate qui gère les fonctions de l’ensemble de la machine. « Comme cela, nous n’avons qu’un seul programme à gérer. Avec les contrôleurs d’automatismes distribués, il faudrait autant de programmes qu’il y a de contrôleurs, plus des programmes de coordination. Ce serait inutilement compliqué, d’autant que nous n’avons pas des machines très étendues », argumente M. Boisgard. Chaque nouvelle conception de machine est un défi à relever. Même si la nouvelle machine doit présenter des performances inférieures à ce que la société fait habituellement. Decouflé a tout récemment été confronté à ce genre de gageure : il s’agissait de fabriquer une machine “bas prix”, d’une capacité de Ensuite, chacun veut telle ou telle variante 6 000 cigarettes par minute. Bref, très loin ou option, au niveau des automatismes, de des 16 000 cigarettes à la minute obtenues l’affichage, etc. avec la machine la plus puissante réalisée « Une des forces de Decouflé est d’être capable de jusque-là. D’emblée, il a fallu renoncer à la nous adapter aux demandes spécifiques, et ce dans motorisation de l’ensemble des axes. « Au des délais très courts. Comme les machines ont sou- niveau prix, la solution avec variateur de vitesse et/ vent une base commune, nous anticipons la fabri- ou servomoteur est plus onéreuse que la solution cation de certains éléments de la machine. Du coup, “mécanique” avec entraînements des axes par cournous arrivons à livrer certaines machines moins de roies et engrenages, argumente M. Boisgard. Le trois mois après avoir reçu la commande », expli- niveau de bruit n’est pas ici un problème, compte que M. Boisgard. Un sacré gain de temps tenu de la cadence de fonctionnement plus basse et quand on sait qu’il faut normalement 8 à donc de la vitesse de rotation relativement lente des 9 mois pour fabriquer une machine stan- entraînements ». dard. Bien évidemment, les délais de fabrication et livraison dépendent du niveau de Une économie grâce au PC développements spécifiques à faire. Pour cette machine “bas coût”, Decouflé a recherché s’il n’existait pas une approche Toujours plus d’électronique dans plus économique que l’habituel contrôleles entraînements commande par automates programmables La technologie évolue, les machines en bé- mis en œuvre sur les machines développées néficient. Hier, les machines étaient large- jusqu’ici, et qui donne pleinement satisfacment basées sur une conception mécanique, tion. La société surveille ce qui sort sur le avec un gros axe motorisé qui entraînait les marché et s’était intéressée à la solution déautres via des courroies, pignons et engre- veloppée par Beckhoff, basée sur un contrônages. Aujourd’hui, elles comportent des leur sur PC avec des entrées/sorties déporautomatismes électroniques, avec des axes tées. « Nous savions que la solution était bien pilotés par servomoteurs et, au niveau inter- placée en prix. De plus, elle nous permettait égaleface homme-machine, des écrans tactiles. ment de gagner sur l’encombrement », indique Sur les machines plus haut de gamme, qui M. Boisgard. Pour autant, Decouflé n’a pas fait tournent à des cadences très élevées (supé- un tour exhaustif de l’offre. « Nous étions presrieures à 10 000 cigarettes par minute), cha- sés par le temps. Nous devions livrer la machine six que axe est motorisé. Ceci permet d’attein- mois à peine après avoir reçu la commande. Ce délai dre la performance désirée. Mais il y a une était suffisant pour faire l’étude mais il n’était pas autre raison, indique M. Boisgard : « C’est le question de passer un mois ou plus à faire le tour de bruit… Du fait de la diminution du nombre de toutes les solutions proposées sur le marché, et encore courroies, pignons et engrenages, il y a une réduction mois de faire des évaluations », poursuit du bruit. C’est un paramètre important car certai- M. Boisgard. Ce qui ne veut pas dire que le nes normes exigent de descendre à 90-100 dB dans choix de Beckhoff s’est fait à la légère ! Il y a les ateliers, et dans un proche avenir il faudra des- deux ans, lorsque Decouflé s’était renseigné cendre autour de 80 dB. Chaque décibel est difficile “à toutes fins utiles” sur l’offre de la société à gagner ! ». autrichienne, il avait apprécié l’intérêt qu’elle Il n’y a pas d’automatismes distribués. Chez lui avait porté (avec notamment une présenDecouflé, ceci est érigé comme une règle : sur tation personnalisée) et avait gardé un souCette vue partielle de l’armoire électrique principale montre le cœur du système de contrôle-commande de la machine : il s’agit en l’occurrence d’un PC Beckhoff qui pilote des entrées/sorties locales (à droite), ainsi que des entrées/sorties raccordées sur le réseau EtherCAT (on voit le coupleur et le câble, à gauche du PC. partie des industries agroalimentaires et qu’elle a donc des réglementations sévères à respecter : par exemple, aux Etats-Unis, elle doit se conformer aux exigences de la FDA (il y a notamment des restrictions sur le choix des matériaux utilisés). Le respect des normes locales impose quelques adaptations au niveau des machines, mais ce n’est rien à côté de celles imposées par les cigarettiers. Chacun a des exigences particulières, les cigarettes à fabriquer ne sont pas identiques d’un client à l’autre. Le système de contrôle-commande de la machine comporte des variateurs de vitesse Lenze pilotés par les entrées/sorties du PC. Ces variateurs pilotent des gros moteurs, qui en entraînent d’autres mécaniquement. La machine comporte d’autres moteurs, notamment des moteurs à courant continu et des moteurs pas à pas, qui sont entraînés en direct par des modules de contrôle montés sur les blocs d’entrées/sorties. 38 MESURES 785 - MAI 2006 - www.mesures.com Solutions venir très positif de cette rencontre. Cette première impression a été confirmée lorsqu’elle l’a contactée pour lui indiquer qu’elle envisageait de retenir sa solution pour la nouvelle machine “bas coût”. La proposition de prix demandée est arrivée dès le lendemain… Cette réactivité a été un critère déterminant lors du choix, surtout qu’il s’agissait de mettre en œuvre une technologie nouvelle. Decouflé a une équipe d’ingénierie réduite (5 personnes pour le service électricité/ automatismes) et ses volumes de commandes, même s’ils sont réguliers, ne sont pas très conséquents. Mais très appréciables tout de même pour un petit constructeur. Sans parler de l’intérêt d’avoir un nom prestigieux comme Decouflé parmi ses références clients. « Les petits constructeurs d’automatismes travaillent un peu dans le même contexte que le nôtre, souvent dans l’urgence, avec des équipes réduites, et nous avons donc quelques affinités naturelles. Ils savent l’importance que nous attachons à la qualité du service, ils se révèlent très réactifs et disponibles. Par exemple, j’ai soumis hier soir un problème technique difficile à un ingénieur de Beckhoff, j’ai eu une proposition de solution dès ce matin », se réjouit M. Boisgard. La remarque sur Beckhoff vaut aussi pour Lenze, partenaire pour les variateurs de vitesse. Un réseau EtherCat au cœur de la machine L’architecture de la machine est construite autour d’une unité centrale CX1020 qui pilote un réseau EtherCAT (une des contributions à la standardisation d’Ethernet industriels) sur lequel sont raccordés des modules d’entrées/sorties. L’unité centrale et quelques entrées/sorties (en particulier celles qui pilotent les variateurs de vitesse) se trouvent dans l’armoire électrique centrale. Les autres entrées/sorties sont déportées dans des coffrets et armoires proches des différentes parties de la machine. Le bus EtherCat permet de faire des acquisitions rapides, de l’ordre de 50 µs. Au niveau de certaines parties de la machine, il n’est pas nécessaire de faire des acquisitions aussi rapides. Certaines entrées/sorties sont de ce fait raccordées sur un K-Bus (le bus “propriétaire” de Beckhoff), connecté sur EtherCat via un coupleur. Pourquoi ne pas avoir fait plus simple et généralisé l’utilisation d’EtherCat ? Il y a deux raisons. La première, c’est que EtherCat est relativement récent et tous les modules d’entrées/sorties présents au catalogue Beckhoff ne sont pas encore connectables sur ce réseau (au moment de la commande, c’était par exemple MESURES 785 - MAI 2006 - www.mesures.com Reportage Vu chez Découflé les versions, il suffira de changer certains éléments pour permettre de travailler à des vitesses plus élevées. Les modifications d’une version à l’autre porteront surtout sur la partie mécanique et ce qui va autour : plus la cadence est élevée, plus il faut prévoir des systèmes de refroidissement pour limiter les échauffements des organes mécaniques. Une assistance sur site très développée Certaines fonctions sont assurées par des électroniques embarquées, comme ici l’électronique du pesage du tabac. le cas du module de pilotage de moteurs pas à pas). La deuxième raison, c’est le prix : un module K-Bus est moins onéreux qu’un module EtherCat. L’application comporte 16 modules de 32 entrées/sorties Tout-Ou-Rien et 12 modules de 2 entrées analogiques, plus des modules spécialisés pour piloter les moteurs pas à pas et les moteurs à courant continu faible puissance alimentés en 24 V (les moteurs de puissance sont pilotés via les entrées/sorties et des variateurs de vitesse de Lenze). L’interface est un modèle Lauer, connectée à l’unité centrale par une interface Profibus. Au final, par rapport à une solution automate programmable à performances équivalentes, cette approche a permis de réaliser globalement une économie de 17 % sur la partie électrique/automatismes. L’interface homme-machine, notamment l’imagerie, a été améliorée par rapport à ce qui se faisait jusqu’ici. Si Decouflé n’a pas voulu prendre de risques au niveau de la partie automatismes et a opté pour une solution homogène (les entrées/sorties sont de la même marque que l’unité centrale), elle n’a pas hésité à panacher les marques pour la partie électrique, afin d’optimiser le prix. Dans l’armoire électrique, on trouve des contacteurs Schneider, des disjoncteurs électroniques Mürr, des alimentations Phoenix Contact, des relais Crouzet. Entre autres. La machine de base porte la référence 6S et elle présente une cadence de 6 000 cigarettes/minute. Cette machine va être déclinée en trois versions qui se différencient par la cadence. La conception de la partie électrique sera globalement la même pour toutes Le prix inclut l’installation et la mise en route de la machine chez le cigarettier. Une fois la production lancée, l’équipe de Decouflé reste sur place pendant un certain temps afin de s’assurer que la machine produit les cigarettes avec la qualité requise et à la cadence prévue par le contrat. Pour ce qui est de la maintenance, Decouflé forme les équipes présentes sur le site. Plusieurs cas se présentent. Dans certains cas, si le client est déjà équipé de machines Decouflé, les techniciens de maintenance sont impliqués et peuvent acquérir le complément de connaissances indispensable. Si le client a peu de machines de cette marque, il demande une période d’assistance beaucoup plus longue, qui peut aller jusqu’à 6 mois. Cette assistance est mise à profit pour former les équipes de maintenance présentes sur le site. Decouflé a aussi un service d’assistance téléphonique (le service “HLD”, pour Hot Line Decouflé), qui permet de régler 90 % des problèmes, ce qui limite le nombre de nos déplacements sur le site. La société pratique également la télémaintenance, c’est-à-dire que depuis son site de Chilly-Mazarin, elle peut intervenir à distance sur les programmes automates installés sur les machines. Cette fonctionnalité est systématiquement présente sur les machines haut de gamme. Elle est proposée en option sur les machines d’entrée de gamme et les machines de milieu de gamme. Sur la machine équipée en Beckhoff, cette option n’est pas proposée pour l’instant. D’abord parce que la société n’a pas encore de retour d’expérience, et ensuite parce que la télémaintenance n’est pas une priorité sur une machine “bas prix” (dans la mesure où l’accent est mis sur le prix et que l’installation des moyens de télémaintenance impliquerait un surcoût). Pour la télémaintenance, les machines sont équipées de deux modems : l’un donne accès, via le logiciel PCAnywhere au programme de l’interface homme-machine, l’autre aux programmes de l’automate et des variateurs. Jean-François Peyrucat 39