Poupée de cire, poupée de songe

Le Soir Samedi 17 et dimanche 18 décembre 2016
LACULTURE 41
Poupée de cire, poupée de songe
SCÈNES
« Maison de poupée » d’Ibsen au Théâtre National
jettie à un mari qui la réprimande comme une enfant. Pourtant, c’est bien Nora qui a sauvé
sa vie, contractant un emprunt
secret pour permettre à Torvald
d’être soigné en Italie. Ce sont
d’ailleurs ces révélations, mises
au jour par le chantage d’un associé véreux, qui ouvrent les
yeux de Nora sur le grand mensonge de sa vie conjugale, et la
décident à prendre son envol
pour goûter sa part de liberté.
Un drame bourgeois
qui dénonce
conformisme et attrait
de la réussite sociale.
On y navigue entre
humour et cynisme,
moquerie et cruauté,
dérision et romantisme.
CRITIQUE
n se doutait bien qu’à
côtoyer le théâtre nordique d’Henrik Ibsen,
on n’allait pas vraiment se réchauffer devant un bon feu de
bois douillet. Le dramaturge
norvégien a plutôt l’habitude
d’arpenter les gerçures psychologiques de drames bourgeois aux
allures de fjords gelés. Logique
dès lors qu’Une maison de poupée nous transporte dans un intérieur d’une élégante froideur,
là où Nora va se débattre avec le
bonheur illusoire d’un mariage
conformiste, étouffée par une vie
faite de soumission sexuelle, économique et sociale. Epouse de
Torvald, récemment promu directeur de banque, elle passe ses
journées au foyer, à veiller au
bien-être de la maisonnée, assu-
O
Les scènes se déploient
dans une semi-clarté,
à l’image de personnages
se cachant la vérité
La mise en scène de Thibaut
Wenger ne manque pas d’idées
pour accentuer le caractère factice de cette famille angoissée
par l’argent et la réussite sociale.
La voix des comédiens est diffusée par des micros, flottant
étrangement dans le vide. Les
scènes se déploient dans une semi-clarté, à l’image de personnages se cachant la vérité, même
si de fureteurs projecteurs débusquent les âmes en fuite et
qu’à la toute fin, une pleine lumière vient enfin nimber une
Nora nouvellement émancipée.
Jean-François Wolff et Berdine Nusselder (Nora). © HUBERT AMIEL.
Mais surtout, le jeu des acteurs
s’assume artificiel, à contretemps. On comprend la métaphore d’un mariage qui sonne
faux mais le parti pris a pour effet de priver les personnages
d’épaisseur, de vie tout simplement. Tous restent des personnages de théâtre et non des personnes. C’est pile poil dans la
ligne de l’intrigue mais aussi
d’un ennui certain.
Habituée aux incarnations de
femmes-enfants, Berdine Nusselder trouve ici un rôle à sa mesure, alouette piaillant désespérément contre les barreaux de sa
cage dorée. Matthieu Besnard
n’a pas vraiment la carrure effrayante du mari autoritaire
mais plutôt la sournoise supériorité de l’arriviste, sorte d’Emmanuel Macron de l’empire conjugal. Emilie Maréchal, Fabien
Magry et Jean-François Wolff
étoffent subtilement un entourage tout aussi désarticulé par
les faux-semblants. Cruelle, cynique, cette Maison de Poupée
gagnerait maintenant à être un
peu plus habitée. ■
CATHERINE MAKEREEL
Jusqu’au 23/12 au Théâtre National,
Bruxelles.
★★★★★
GRAND PRIX
‘An intelligent, moving and exceptionally
powerful drama’
The Guardian
SUPPORT ACT : LISA
★★★★★
‘A ne pas manquer’
O’NEILL
Le Monde
Greg Kinnear
Jennifer Ehle
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LITTLE MEN
A film by Ira Sachs
30 janvier 2017
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