INFECTIONS RESPIRATOIRES BASSES
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INFECTIONS RESPIRATOIRES BASSES
DOSSIER 109 Virus de la grippe SOMMAIRE 109 Pneumopathies aiguës communautaires 111 Bronchites aiguës Exacerbations de BPCO 112 Bronchiolite du nourrisson Dyspnées de l’enfant 113 Personne âgée Grippe, cause d’IRA à tout âge Par Johanna Claustre1-3, Christophe Pison1, 3, 4 1. Université GrenobleAlpes. 2. Réanimation médicale, pôle urgences et médecine aiguë, CHU, 38043 Grenoble Cedex 9. 3. Clinique universitaire de pneumologie, pôle thorax et vaisseaux, CHU, 38043 Grenoble Cedex 9. 4. Laboratoire de bioénergétique fondamentale et appliquée, Inserm U1055, 38400 Saint-Martin d’Hères. [email protected] INFECTIONS RESPIRATOIRES BASSES 500 000 pneumonies aiguës par an en France. L es infections respiratoires basses forment un groupe hétérogène constitué des bronchites aiguës, des exacerbations de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) d’origine infectieuse et des pneumopathies aiguës communautaires (PAC). Elles sont dues à des pathogènes qui diffèrent suivant les âges de la vie. Gravité et pronostic de ces affections sont très divers selon l’agent causal et le terrain sur lequel elles surviennent. Elles sont une source de morbidité et de mortalité importantes. Ainsi, les antibiotiques dans les indications « respiratoires » génèrent un coût de santé publique majeur, puisqu’on estime qu’ils représentent 75 % de la prescription globale de ces médicaments, alors que la plupart de ces pathologies sont d’origine virale. Le médecin généraliste, qui assure la prise en charge de 96 à 98 % des infections respiratoires, a pour mission d’évaluer chaque situation clinique, d’identifier celles qui relèvent d’une antibiothérapie et d’orienter les patients les plus sévères ou les plus fragiles vers une hospitalisation. PNEUMOPATHIES AIGUËS COMMUNAUTAIRES Avec environ 500 000 cas par an en France, les PAC sont la première cause d’insuffisance respiratoire aiguë d’origine infectieuse. La mortalité liée à ces infections est de 15 %.1 Le tabagisme actif multiplie environ par 2 leur risque de survenue.2 La prise en charge doit donc être bien codifiée, l’objectif étant pour le médecin généraliste d’initier rapidement une antibiothérapie adaptée à l’écologie bactérienne et d’hospitaliser les patients qui en ont besoin. Le germe le plus souvent en cause est Streptococcus pneumoniæ (30-50 % des cas) typiquement responsable de pneumopathies franches lobaires aiguës (fig. 1 et 2). Les seconds pourvoyeurs de PAC sont les germes atypiques : Mycoplasma pneumoniæ, Chlamydia pneumoniæ (fig. 3) et Legionella pneumophila. Cette écologie est un peu modifiée s’il s’agit d’une surinfection bactérienne d’une grippe, où les responsables sont Streptococcus LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE l TOME 30 l N° 955 l FÉVRIER 2016 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN MEDECINE GENERALE !109!_MG955_DOS-claustre.indd 109 04/02/2016 16:20 110 DOSSIER Infections respiratoires basses A Fig. 1 – Pneumopathie à pneumocoque : opacité franche aiguë du lobe supérieur droit avec bronchogramme aérique. B Fig. 2 – Opacité systématisée au lobe inférieur droit. A : face ; B : profil. pneumoniae, Staphylococcus aureus, Haemophilus influenzæ et les streptocoques du groupe A. Aucun signe clinique, radiologique ou biologique n’a de valeur discriminante suffisante pour identifier le micro-organisme. Certains éléments orientent néanmoins la suspicion (encadré 1). En l’absence de signe de gravité, il n’y a pas lieu de rechercher systématiquement le germe.3 L’antibiothérapie doit être précoce en raison de la gravité potentielle des pneumopathies à pneumocoque. Le traitement de 1re intention repose sur une mono-antibiothérapie par amoxicilline (1 g x 3/j pendant 7 à 14 jours) ciblant le pneumocoque, en l’absence de suspicion d’infection à bactéries 1. Éléments d’orientation diagnostique En faveur du pneumocoque – agent le plus fréquent chez le sujet ≥ 40 ans et/ou avec comorbidité(s) ; – début brutal ; fièvre élevée dès le premier jour ; – malaise général ; point douloureux thoracique ; – opacité alvéolaire systématisée ; – hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles. En faveur des bactéries « atypiques » – contexte épidémique (notamment pour Mycoplasma pneumoniæ) ; – début progressif en 2 à 3 jours. En faveur d’une légionellose – contexte épidémique ou « situation à risque » (voyage, thermes, exposition à de l’eau en aérosol contaminée…) ; – comorbidité(s) fréquente(s) ; – tableau évocateur (1/3 des cas) avec pneumonie d’allure sévère, début progressif, sans signe ORL, pouls dissocié, atteinte souvent bilatérale ; – signes extrathoraciques : digestifs (douleurs abdominales, vomissements, diarrhée), neurologiques (troubles de la conscience, céphalées, myalgies) ; – échec des bêtalactamines actives sur le pneumocoque. atypiques. En cas d’échec à 48 heures, on doit lui substituer un macrolide (roxythromycine 150 mg x 2/j pendant 7 à 14 jours) ou la pristinamycine (1 g, 3 x/j, 7 à 14 jours) afin de couvrir les germes intracellulaires. Les fluoroquinolones antipneumococciques sont de plus en plus abandonnées du fait de la pression de sélection et des résistances qu’elles engendrent. En cas de surinfection d’une grippe, c’est l’association amoxicilline-acide clavulanique qui est recommandée. Les facteurs de risque de complication sont de 2 types : en rapport avec le terrain et liés à la sévérité de la PAC (encadré 2).3 De nombreux scores pronostiques identifiant les patients les plus fragiles font décider d’une hospitalisation (score de Fine, CURB-65, CRB-65…). Parmi toutes ces aides à la décision, le CRB-65 est le plus simple à retenir et à utiliser (tableau 1). Toutefois, aucun de ces outils n’est assez pertinent pour remplacer le sens clinique et ne peut donc être interprété seul. En dehors d’un contexte réanimatoire, le choix de l’antibiothérapie pour les PAC avec critères de gravité fait appel aux mêmes classes thérapeutiques. Ainsi, en cas de comorbidités ou chez le sujet âgé (hors institution) sans signe de gravité, l’association amoxicilline-acide clavulanique est recommandée en premier choix, selon l’Afssaps, la Société de pathologie infectieuse de langue française (Spilf) et la Société de pneumologie de langue française (SPLF).4 Enfin, chez le patient tabagique actif, la découverte d’une PAC doit être l’occasion de dépister une BPCO et un cancer bronchopulmonaire, surtout si une opacité radiologique persiste malgré le traitement antibiotique. Il est également licite de rechercher une immunodépression liée au VIH. En effet, la fréquence des PAC est très élevée dans la population séropositive, même en l’absence d’immunodépression sévère (CD4 > 500/mm3). LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE l TOME 30 l N° 955 l FÉVRIER 2016 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN MEDECINE GENERALE !109!_MG955_DOS-claustre.indd 110 04/02/2016 16:20 DOSSIER 111 2. Facteurs de risque de complications des PAC Liés au terrain – Âge > 65 ans – BPCO, asthme – Insuffisance cardiaque, diabète – Hospitalisation dans les dernières années – Prise de corticoïdes au long cours, immunodépression – Traitement antibiotique dans le mois précédent – Pathologie maligne évolutive – Insuffisance rénale ou hépatique chronique – Atteinte des fonctions supérieures – Conditions socioéconomiques défavorables, isolement Liés à la gravité de la PAC – Sensation de malaise – Absence de signe d’atteinte ORL – Confusion, troubles de vigilance – Pouls >100 batt/min – Température > 38 °C – Fréquence respiratoire > 30/min – Pression artérielle < 90/60 mmHg – Échec d’une antibiothérapie préalable – Pneumonie d’inhalation Fig. 3 – Pneumopathie aiguë à Mycoplasma pneumoniæ. Les germes les plus fréquemment retrouvés sont alors Streptococcus pneumoniæ et Haemophilus influenzæ.5 BRONCHITES AIGUËS Elles sont extrêmement fréquentes (10 millions de cas/an en France), mais rarement à l’origine d’insuffisance respiratoire aiguë chez l’enfant ou l’adulte sain. Liées à une inflammation des bronches proximales, elles s’accompagnent d’une hypersécrétion de mucus. La toux en général marquée (sèche initialement, volontiers nocturne, quinteuse douloureuse, devenant productive au bout de quelques jours) contraste avec la pauvreté de l’examen clinique (quelques ronchi à l’auscultation). Aucun traitement n’est recommandé en dehors d’une bonne hydratation, notamment chez les patients fragilisés (les antitussifs peuvent aggraver l’encombrement et induire une somnolence). Elles ne requièrent le plus souvent pas d’antibiothérapie puisqu’elles sont en grande majorité d’origine virale.1 En cas de comorbidités sévères, telles que l’insuffisance cardiaque chronique, le diabète insulinodépendant, ou un antécédent d’AVC avec séquelles, le risque de complications (surinfections, décompensation cardiaque, deshydratation…) est sérieux. Ces patients doivent donc être étroitement surveillés, pour ne pas retarder la mise en route d’une antibiothérapie en cas de surinfection bactérienne.3 survenant en particulier lors des fortes épidémies grippales.6 Les germes les plus fréquemment en cause sont Streptococcus pneumoniæ, Hæmophilus influenzæ et Moraxella catharralis. Principaux virus : rhinovirus et métapneumovirus. Mais toutes les exacerbations de BPCO ne sont pas d’origine infectieuse, et l’antibiothérapie ne doit donc pas être systématique. Elle est fondée sur des critères d’infection (majoration de la dyspnée, de la purulence – verdâtre franche – et du volume des crachats) et sur la sévérité de la maladie, estimée en situation stable par la mesure du VEMS et/ou par la sévérité de la dyspnée. Les indications de l’antibiothérapie ainsi que les molécules et posologies recommandées sont résumées dans les tableaux 2 et 3.4 Les fluoroquinolones et la télythromycine ne doivent plus être utilisées en 1re intention. Un échec thérapeutique impose d’éliminer une atteinte parenchymateuse par la radiographie de thorax et de rechercher une infection à Pseudomonas æruginosa en cas de BPCO évoluée. Outre l’antibiothérapie, d’autres mesures sont conseillées : arrêt du tabac, bronchodilatateur par voie inhalée, courte corticothérapie per os TABLEAU 1 SCORE CRB-65 Critères Conduite à tenir C Confusion 0 critère Traitement ambulatoire possible 1 critère Évaluation à l’hôpital R Fréquence respiratoire ≥ 30/min EXACERBATIONS DE BPCO B Chaque année, elles sont responsables de 69 000 à 112 000 hospitalisations, occasionnant une morbidité et des coûts importants. Les exacerbations d’origine infectieuse ont un caractère saisonnier : leur prédominance hivernale est nette. Il en est de même pour les décès secondaires à la BPCO, Pression artérielle systolique < 90 mmHg ou pression artérielle diastolique ≤ 60 mmHg 65 Âge* ≥ 65 ans « C » pour confusion, « R » pour respiratoire, « B » pour blood pressure et « 65 » pour 65 ans * Plus que l’âge civil, l’âge physiologique, notamment chez les patients sans comorbidité, est à prendre en compte. LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE l TOME 30 l N° 955 l FÉVRIER 2016 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN MEDECINE GENERALE !109!_MG955_DOS-claustre.indd 111 04/02/2016 16:20 112 DOSSIER Infections respiratoires basses si bronchospasme, kinésithérapie respiratoire, contre-indication des antitussifs. La prévention des exacerbations d’origine infectieuse repose sur la vaccination antigrippale annuelle et antipneumococcique. Actuellement, le schéma vaccinal recommandé pour les patients TABLEAU 2 PRESCRIPTION D’ANTIBIOTIQUES DANS LES EXACERBATIONS DE BPCO Stade clinique de gravité Indications de la BPCO évalué en dehors à l’antibiothérapie de toute exacerbation En l’absence d’EFR Résultats EFR connus VEMS > 50 % Pas d’antibiotique Absence de dyspnée Choix de l’antibiothérapie Dyspnée d’effort VEMS < 50 % Antibiothérapie seulement si expectoration franchement purulente verdâtre Amoxicilline ou céfuroximeaxétil ou cefpodoxime-proxétil ou céfotiam-hexétil* ou macrolide ou pristinamycine ou télithromycine** Dyspnée au moindre effort ou dyspnée de repos VMS < 30 % Amoxicilline-acide clavulanique ou C3G injectable (céfotaxime ou ceftriaxone) ou FQAP (lévofloxacine)*** Antibiothérapie systématique + recherche des autres causes d’exacerbation de la dyspnée * L’émergence de souches sécrétrices de bêtalactamases dans la communauté devrait faire limiter leur utilisation. Remarque : compte tenu des études, aucune hiérarchisation des molécules dans chaque groupe. ** Utilisable si les autres antibiotiques proposés ne peuvent être prescrits (risque plus élevé d’effets indésirables graves). *** Pas si le patient en a déjà pris une dans les 3 derniers mois. Prudence chez le sujet âgé. TABLEAU 3 ANTIBIOTIQUES : MOLÉCULES ET POSOLOGIES Antibiotiques Pénicillines A . amoxicilline PO . amoxicilline-acide clavulanique PO 1 g x 3/j 1 g x 3/j Céphalosporine de 2e génération orale . céfuroxime-axétil PO 250 mg x 2/j Céphalosporines de 3e génération orales . cefpodoxime-proxétil PO . céfotiam-hexétil PO 200 mg x 2/j 400 mg x 2/j Céphalosporines de 3e génération injectables . ceftriaxone IV/IM/SC . céfotaxime IV 1 à 2 g/j - 5 jours 1 à 2 g x 3/j Synergistine . Pristinamycine PO 1 g x 3/j pendant les repas - 4 jours Kétolide . télithromycine PO 800 mg/j - 5 jours Macrolides . azithromycine PO Posologies* . érythromycine IV . clarithromycine PO (standard) . clarithromycine PO (libération prolongée) . josamycine PO . roxithromycine PO . spiramycine IV 500 mg le 1er jour, puis 250 mg les 4 jours suivants, 5 j 1 g x 3 à 4/j ; PO : 1 g x 3/j 500 mg x 2/j 1 g/j - 5 jours 1 g x 2/j 150 mg x 2/j 1,5 MUI x 3/j ; PO : 6 à 9 MUI/j en 2 ou 3 prises FQAP . lévofloxacine** PO . moxifloxacine*** PO 500 mg x 1/j 400 mg x 1/j 7 à 10 jours 5 à 10 jours * Durée : 7 à 14 jours (sauf si précisée) ; ** Pas de fluoroquinolone si le patient en a déjà pris une dans les 3 derniers mois ;*** Lorsque aucun autre antibiotique ne peut être utilisé. atteints de BPCO et plus largement pour tous les insuffisants respiratoires, consiste en une injection de vaccin conjugué 13-valent Prevenar suivi 8 semaines plus tard par le vaccin non conjugué 23-valent Pneumo 23 afin de protéger contre le maximum de sérotypes.7 BRONCHIOLITE DU NOURRISSON C’est la première cause de détresse respiratoire d’origine infectieuse à cet âge. Prédominant l’hiver, elle affecte 460 000 bébés par an, principalement entre 2 et 8 mois. Favorisée par la promiscuité, elle est le plus souvent due au virus respiratoire syncytial humain (VRS), de transmission interhumaine. Le diagnostic est clinique et ne requiert aucun examen biologique ni radiologique. Le tableau typique est celui d’une dyspnée expiratoire sifflante avec toux, parfois fébrile, généralement précédée d’une rhinopharyngite. L’auscultation trouve des râles sibilants et/ou crépitants bilatéraux ; la recherche d’une hépatomégalie est indispensable pour éliminer une insuffisance cardiaque. La prise en charge est uniquement symptomatique et repose notamment sur les désobstructions rhinopharyngées pluriquotidiennes, au sérum physiologique (pas de respiration buccale lors des 1ers mois de vie), l’hydratation et le fractionnement de l’alimentation (moitié des rations 2 fois plus souvent, les épaissir est inutile). Les corticoïdes (inhalés ou per os) et les bronchodilatateurs n’ont aucune indication dans une 1re bronchiolite typique. La kinésithérapie respiratoire est sans effet sur la durée d’hospitalisation, son indication en médecine ambulatoire est débattue. Les facteurs de risque de forme sévère sont : un âge inférieur à 12 semaines, un antécédent de prématurité, une pathologie cardiovasculaire, une immunodépression. Certains critères imposent une hospitalisation : nourrisson de moins de 6 semaines (moins de 3 mois d’âge corrigé pour les prématurés de moins de 32 SA) ; polypnées, apnées ; signes de lutte intense ; troubles de la conscience ; cyanose, saturation capillaire < 94 % ; troubles alimentaires ; difficultés psychosociales ou d’accès aux soins. DYSPNÉES DE L’ENFANT Les infections des voies aériennes supérieures, et en particulier l’épiglottite, peuvent aussi être responsables d’insuffisance respiratoire aiguë potentiellement létale et doivent être reconnues précocement. Cette infection, historiquement causée par Hæmophilus influenzæ de type b est devenue rarissime depuis la généralisation de la vaccination. Le tableau clinique débute souvent par des maux de gorge très fébriles. La dyspnée inspiratoire peut s’installer très rapidement après les premiers signes, le plus LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE l TOME 30 l N° 955 l FÉVRIER 2016 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN MEDECINE GENERALE !109!_MG955_DOS-claustre.indd 112 04/02/2016 16:20 DOSSIER souvent en moins de 12 heures, elle s’accompagne d’une grande anxiété et d’une impossibilité à déglutir ou à s’allonger. En cas de dyspnée intense, le risque d’arrêt respiratoire est majeur, et le jeune patient doit être adressé en urgence vers un centre compétent avant toute évaluation diagnostique.8 Cause plus fréquente, la laryngite sous-glottique est d’origine virale et survient habituellement entre 6 mois et 3 ans au décours d’une rhinopharyngite banale ; elle se caractérise par une dyspnée inspiratoire aiguë avec toux rauque. En l’absence de signes de gravité, la prise en charge est ambulatoire : corticothérapie per os (1 mg/kg de dexaméthasone ou 20 gouttes/kg/j de bétaméthasone) en 1 prise pendant 48 heures. Dans le cas contraire, des nébulisations d’adrénaline et de corticoïdes sont proposées en milieu hospitalier. Toute dyspnée laryngée avant l’âge de 6 mois doit faire éliminer un angiome sous-glottique ou une sténose laryngée par une endoscopie. Enfin, l’inhalation de corps étranger (dyspnée aux 2 temps) peut aussi provoquer une insuffisance respiratoire aiguë dans la population infantile. Elle est responsable de surinfections bronchiques ou pulmonaires récidivantes. Au moindre doute, une radiographie pulmonaire doit être réalisée. SUJET ÂGÉ : TRÈS EXPOSÉ Les causes d’insuffisance respiratoire aiguë (IRA) d’origine infectieuse sont multiples. Au-delà de 65 ans, la fréquence et la gravité des pneumopathies augmentent (encadré 3). Cliniquement, la fièvre (souvent moins élevée que chez l’adulte plus jeune, par exemple 38 °C) est parfois absente mais la tachypnée, elle, quasi constante. Cela s’accompagne parfois de douleur, toux, encombrement bronchique, qui orientent évidemment le diagnostic, mais au moins aussi souvent de signes extrathoraciques, tels que confusion mentale, troubles de l’équilibre avec ou sans chute, signes digestifs (anorexie, vomissements, douleurs abdominales), ou enfin décompensation d’une comorbidité, notamment cardiaque, pouvant égarer le diagnostic. À l’auscultation, les anomalies presque toujours unilatérales (râles crépitants), mais pas constantes, ont une bonne valeur prédictive positive. Selon l’Afssaps, la Spilf et la SPLF, un âge > 65 ans avec au moins un facteur de risque mais aussi une hypoxie aiguë (encadré 2) font adresser le patient à l’hôpital. L’écologie microbienne des infections communautaires est la même que dans la population générale et l’antibiothérapie recommandée est identique. En revanche, en présence de troubles de la déglutition, les pneumopathies dites d’inhalation sont extrêmement fréquentes. Les microorganismes en cause sont alors les bacilles gram négatifs et anaérobies de la sphère oro-pharyngée et l’amoxicilline-acide clavulanique est préconisée.3 113 3. Plus de pneumonies chez le sujet âgé ? – Modification de structure du parenchyme pulmonaire (moindre élasticité). – Diminution de force et augmentation de la charge de travail des muscles thoraciques. – Grande prévalence des troubles intermittents de déglutition d’origine neurologique. – Fréquence des RGO (de liquides non acides, donc non bactéricides) et des phénomènes d’inhalation. – Diminution du flux salivaire, mauvaise hygiène dentaire, modification de la flore oropharyngée et baisse de la clairance mucociliaire trachéale. – Altération des réponses immunitaires locales de l’épithélium bronchique et des parois alvéolaires. – Immunosénescence physiologique aggravée par la fréquente dénutrition protéino-énergétique et les comorbidités, notamment inflammatoires et infectieuses. – Pathologies bronchopulmonaires préexistantes (BPCO, emphysème, asthme, séquelles tuberculeuses). – Vie en institution favorisant les épidémies. – Utilisation (trop ?) fréquente d’antibiotiques avec colonisation par des bactéries résistantes. Le traitement symptomatique repose sur une bonne hydratation et sur la kinésithérapie respiratoire en cas d’encombrement. Pas d’antitussifs ni de mucolytiques. Chez certains patients, une toux sèche post-infectieuse invalidante, voire insomniante, peut perdurer plusieurs semaines. Une corticothérapie inhalée, voire générale en cure courte, permet souvent de faire régresser les symptômes. En cas d’hypoxie persistante, malgré la résolution de l’infection, il faut évoquer une décompensation cardiaque ou une pathologie thrombo-embolique. En l’absence d’explication, le patient âgé peut être orienté vers un pneumologue pour investigation et éventuelle oxygénothérapie. Enfin, une IRA fébrile peut être le mode de présentation de différentes pathologies extrapulmonaires, en particulier l’insuffisance ventriculaire gauche, décompensée par une infection quelle qu’elle soit. L’examen clinique ainsi que le dosage du BNP ou du NT-proBNP orientent vers l’un ou l’autre de ces diagnostics. GRIPPE, EN CAUSE À TOUT ÂGE La grippe due aux orthomyxovirus influenzæ est responsable d’épidémies annuelles hivernales, voire de pandémies. Elle peut être à l’origine de pneumopathies virales, de surinfections respiratoires bactériennes et parfois de myocardites. Chaque année en France et en dehors des grandes pandémies comme celle de 2015, on estime que la grippe touche 5 à 7 millions de personnes (soit 5 à 10 % des adultes et 20 à 30 % des enfants), et est LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE l TOME 30 l N° 955 l FÉVRIER 2016 TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN MEDECINE GENERALE !109!_MG955_DOS-claustre.indd 113 04/02/2016 16:20 114 DOSSIER Infections respiratoires basses L’essentiel Le pneumocoque est le premier agent causal des pneumopathies aiguës communautaires dans la population générale. L’antibiothérapie active contre ce pathogène doit être instaurée rapidement du fait du risque élevé de complications. Le CRB-65 est l’outil le plus simple pour identifier les patients à risque de complications mais il ne remplace pas le sens clinique. Une pneumonie est l’occasion de refaire le point sur le tabagisme, rechercher une BPCO sous-jacente, voire un cancer bronchopulmonaire et proposer un dépistage du VIH. La grippe est responsable d’une lourde morbi-mortalité chaque année, dans la population générale où l’absentéisme professionnel est à l’origine d’un coût économique majeur, et dans les populations à risque où les complications (hospitalisations, surinfections, décès…) sont les plus fréquentes. Le traitement antibiotique d’une pneumopathie surinfectant une grippe doit couvrir Staphylococcus aureus et repose sur l’association amoxicilline-acide clavulanique. Chez l’enfant, une dyspnée inspiratoire aiguë fébrile doit faire évoquer l’épiglottite ; le risque d’arrêt respiratoire est important et impose l’orientation du jeune patient vers un service adapté. J. Claustre déclare avoir été prise en charge lors de congrès par Actélion France, AstraZeneca France, Chiesi France, Gilead France, GSK France, Novartis France, Pfizer France. C. Pison déclare participer ou avoir participé à des interventions ponctuelles pour GSK France, Novartis France, Boehringer-Ingelheim France, AstraZeneca France, Actelion France, AGIR à dom, et avoir été pris en charge, lors de congrès, par ces mêmes entreprises. responsable d’au moins 1 500 décès.9 Elle engendre également des coûts économiques importants en termes d’hospitalisation mais aussi d’absentéisme professionnel, estimés à 100 millions d’euros par an. Lors d’une épidémie saisonnière, tous les âges peuvent être touchés, mais le risque de complications (pneumopathies grippales, hospitalisations, décès…) est particulièrement élevé dans certains groupes à risque : – très jeune enfant, avant 2 ans ; – patient atteint d’une maladie chronique respiratoire ou cardiaque. La grippe peut être à l’origine d’une exacerbation ou d’une décompensation, notamment chez les sujets atteints de BPCO ; – personne âgée de plus de 65 ans, d’autant plus en cas de comorbidités importantes ; – chez la femme enceinte, la grippe est également plus fréquente et plus sévère que dans la population générale, responsable de pneumopathies et d’hospitalisation. Le virus n’a pas de pouvoir Que dire à vos patients Le tabagisme actif augmente le risque de pneumopathie à pneumocoque, de légionellose et de tuberculose pulmonaire. L’enfant exposé au tabac a un risque accru d’infections respiratoires et d’otites récidivantes. La vaccination antigrippale est indispensable dans les populations à risque, notamment les sujets âgés, pour éviter ses complications : surinfections bactériennes, hospitalisations et décès. Ce vaccin est fortement recommandé chez la femme enceinte à tous les stades de la grossesse pour éviter les grippes graves chez la mère, ainsi que les fausses couches et les accouchements prématurés. tératogène mais peut être responsable de perte fœtale et d’accouchement prématuré.10 En cas de contage avéré dans l’entourage proche et de symptomatologie grippale, un traitement précoce par oséltamivir (prophylactique ou curatif selon les cas) est recommandé, quel que soit le terme. Un syndrome grippal chez une femme enceinte impose une évaluation médicale pour confirmer le diagnostic et écarter une autre infection maternelle nécessitant une prise en charge rapide : listériose, chorio-amniotite, pyélonéphrite, primo-infection virale par exemple. La prévention la plus efficace est la vaccination annuelle. Celle-ci est recommandée dans les groupes à risque : – patients âgés de 65 ans et plus ; – femme enceinte quel que soit le trimestre de la grossesse ; – dès l’âge de 6 mois chez les personnes ayant des affections cardiorespiratoires chroniques ; une néphropathie ou une hépatopathie chronique ; – en cas de déficit immunitaire ; – obésité morbide avec IMC > 40 kg/m2 ; – diabète ; – dans l’entourage des nourrissons < 6 mois ayant des facteurs de risque de grippe grave (prématurité, pathologie cardiorespiratoire) ; – sujets institutionnalisés et largement chez les soignants et les professionnels au contact de voyageurs (liste exhaustive des indications et schéma vaccinal dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire). ● RÉFÉRENCES 1. Société de pathologie infectieuse de langue française. XVe Conference de consensus en therapeutique antiinfectieuse. Prise en charge des infections des voies respiratoires basses de l’adulte immunocompétent. Med Mal Infect 2006;36:235-44. 2. 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