Félix Vallotton, le feu sous la glace

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Félix Vallotton, le feu sous la glace
Félix Vallotton, le feu sous la glace
Il nait le 28 décembre 1865, fils d’Armand Adrien Vallotton, droguiste puis fabricant de chocolat, et d’Emma Roseng Après l’école
préparatoire, scolarité au Collège classique cantonal de Lausanne.
I.
La conquête de la renommée A l’âge de 17 ans, il arrive à Paris et s’inscrit aux cours de l’académie Julian où ses pro- fesseurs
jules Lefèvre et Gustave boulanger remarquent rapidement son talent. il passe le concours d’entrée à l’école des beaux-arts l’année suivante et
est reçu 4e sur 70 participants. Se lie d’amitié avec le peintre Charles Maurin et le graveur Félix Jasinski.
Son Autoportrait à l’âge de vingt ans obtient une mention honorable au Salon des Champs-Élysées de 1886. Il peint des portraits, dont
Félix Jasinski tenant son chapeau (1887). Vallotton exprime des orientations esthétiques nourries de références à l’art des peintres
graveurs allemands de la Renaissance. La gamme chromatique réduite à des harmonies de brun, de vert et de noir, la lumière frontale
détachant le personnage du fond, les poses et les expressions figées évoquent certains portraits de Holbein, Dürer ou Cranach, que Vallotton
a étudiés dans les musées ou à partir de reproductions.
Les bois gravés, illustrations Le XIXe siècle marque un renouveau de la gravure sur bois et les gravures d’artistes signées sont très
appréciées alors. Entre 1891 et 1901, il a exécuté un peu plus de cent vingt gravures sur bois et quelque cinquante lithographies ; par la suite,
il s’est pour ainsi dire entièrement consacré à sa véritable vocation, la peinture, pour revenir néanmoins une dernière fois à la xylographie
avec la série C’est la Guerre ! Une mise en image des horreurs de la Première Guerre mondiale. Le renouveau que Vallotton insuffle à cette
technique ancestrale lui vaut rapidement une notoriété internationale. Octave Uzanne, un journaliste, lui rend hommage en lui consacrant un
article intitulé «La renaissance de la gravure sur bois, un néo-xylographe: Monsieur Félix Vallotton.» 1891 marque sa participation au Salon des
Indépendants (11 tableaux). Son propre compte rendu paru dans la Gazette de Lausanne fait l’éloge du Douanier Rousseau. Il s’adonne à la
xylographie (Autoportrait et Paul Verlaine) En 1892, un article monographique d’Octave Uzanne, illustré de plusieurs de ses xylographies,
le révèle comme graveur sur bois. (Octave Uzanne 1892 Xylographie). Présente des bois gravés au Salon des Indépendants, ainsi qu’au 1er
Salon de la Rose+Croix (ses sujets et son esthétisme ne sont pourtant pas conformes à leurs règles ésotériques). Il y est remarqué par les
Nabis.
Tension et effervescence caractérisent ses gravures, car sous l’humour se dissimule une véritable critique sociale. Fasciné par les foules, il les
représente sous la forme d’ensembles bigarrés d'où ressortent quelques individus typés (La manifestation, l’assassinat, la Charge, 1893
Xylographie). La dénonciation des abus sociaux et de l’oppression du pouvoir apparaît également dans plusieurs gravures des années 18931894. L’impression de confinement et de suffocation qui s’en dégage préfigure l’ambiance pesante des dix planches de la célèbre série
Intimités, gravée deux ans plus tard. L’image de la femme et l’hypocrisie des mœurs, des thèmes récurrents dans la peinture de Vallotton,
jouent aussi un rôle fondamental dans son œuvre gravé. Dans les Baigneuses petites et grandes. En 2 ans, il produit plus de 50 bois dénonçant
la violence, les abus sociaux et le pouvoir. Il s’engage politiquement en collaborant avec le Courrier français.
1894, il contribue à La Revue blanche, dont il sera l’illustrateur attitré et prolifique de 1895 à 1902. Les trois baigneuses, font la couverture
(1894 xylographie). Il crée de nombreux masques. Chez Tristan Bernard, fait la connaissance de sa future épouse Gabrielle RodriguesHenriques, née Bernheim, une jeune veuve, mère de trois enfants. Il participe également à la revue Rire, dont il fait plusieurs couvertures. Le
Bain est sa première œuvre à paraître dans The Chap book (Chicago).
1895 il est nommé directeur artistique de La Revue franco-américaine. Le Bain au soir d’été est acquis par l’écrivain Lucien Muhlfeld. Il fait la
connaissance de Félix Fénéon, le successeur de ce dernier au poste de Secrétaire de rédaction de La Revue blanche. Et il rencontre l’écrivain et
critique d’art allemand Julius Meier-Graefe qui répand sa notoriété en Allemagne. Samuel Bing lui confie les couvertures de l’Art Nouveau
(Carte publicitaire pour L’Art Nouveau 1896 - Affiche pour L’Art Nouveau 1896). Il exprime son style virtuose, lié à l’art nouveau
dans la Paresse (1896 Xylographie), un de ses chefs-d’œuvre ;
L'affichage moderne, dessin paru dans Badauderies parisiennes. Les rassemblements. Physiologies de la rue , 1896. Dans ce recueil,
l’image va être illustrée par le texte.(un exemplaire unique est déposé à la BnF) mais pour Vallotton, édition de luxe ou tirage populaire
n’importe pas, la qualité est toujours prégnante.
Le cri de Paris en collaboration avec Alexandre Natanson, qui crée une émanation de la Revue blanche
Les Instruments de musique, 1896–1897, six xylographies
II.
Le peintre nabi En 1893, il rallie le groupe des Nabis, qui le surnomment le « Nabi étranger » et se lie d’étroite amitié avec
Vuillard, par qui il fait la connaissance de Thadée Natanson, co-fondateur de La Revue blanche. Au Salon des Indépendants, expose La Valse
et Le Bain au soir d’été, qui provoque la risée. « il croit avoir des aptitudes pour le métier de peintre » 2crit-il à Vollard.
Portrait de Thadée Natanson, 1897, Genève, Petit Palais, musée d’art moderne
Sérusier, Le Talisman, 1888, musée d’Orsay C’est la leçon dictée par Gauguin, mais Vallotton ne fait pas partie des premiers nabis, il ne
bénéficie pas de cette expérience.
Les quatre amis: Roussel, Vuillard, Coolus, Vallotton, photographie, juillet 1897 Si la ressemblance physique entre modèles et
portraits est frappante, démontrant l’excellence technique du peintre, les protagonistes du groupe figurent comme des mannequins figés dans
un rôle et leur conversation demeure inaudible. Avec les gravures sur bois, on note la prépondérance de la grande forme circonscrite au
détriment du détail et l’arabesque comme interprétation décorative du réel. (Coolus n’a jamais été un nabi)
1898 En xylographie, achève sa suite Intimités (1897–1898, dix xylographies) et exécute le portrait de Misia à sa coiffeuse (1898
musée d’Orsay). Le modèle, Misia Godebska (1872-1950) était alors l'épouse de l'éditeur parisien Thadée Natanson, fondateur, avec ses
frères Alfred et Alexandre, de La Revue blanche en 1891 à laquelle Bonnard, Vuillard et Vallotton fréquemment collaborent. Avec son mari,
Misia joue un rôle important dans le milieu artistique parisien au tournant du siècle, en tant que muse et protectrice de peintres ainsi que
d'écrivains et de compositeurs. Fasciné par la personnalité chatoyante et énergique de Misia, Vallotton exécute plusieurs portraits d'elle, dont
celui-ci, certainement exécuté pendant son séjour, durant l'été 1898, dans la maison de campagne du couple à Villeneuve-sur-Yonne.
Représentée dans un décor intime, face à sa coiffeuse, la figure imposante de Misia domine la composition, les courbes de son corps et de sa
robe contrastant avec les lignes strictes coupant le plan du tableau. L'éclairage, provenant d'une source invisible, crée un jeu d'ombre et de
lumière fortement contrasté, contribuant aussi à souligner l'originalité abrupte du cadrage et celle des couleurs mates. Dans une composition
où tout est médité jusqu'à la gravure encadrée de Vallotton qui se trouve sur le mur, Misia à sa coiffeuse est non seulement l'un des portraits
intimistes les plus accomplis du peintre, mais aussi, par son modèle, un témoignage de cette époque.
Le Bain au soir d’été, 1892-93, Zurich, Kunsthaus, dépôt de la Fondation Gottfried Keller l’espace est simplifié, le volume aplati, les
couleurs posées sans modulation, les plans étagés. La lumière est rendue pas des traits dorés.
La Valse, 1893, Le Havre, musée Malraux ce sont des patineurs, qui semblent flotter, sans visage, sans pied sur un fond illuminé de
poudroiement. Qu’il faut rapprocher du nabi très japonard (Bonnard, Le Peignoir, 1892. Paris, musée d’Orsay)
Clair de lune, 1894? musée d’Orsay il développe le symbolisme des couleurs. Dans La Valse, il rend visible la musique et dans Le Clair de
lune, il plonge le spectateur dans l’imaginaire et la méditation.
Femme nue assise dans un intérieur rouge, 1897, Musée de Grenoble Le rejet de l’espace illusionniste par écrasement quasi systématique
de la perspective est un élément clé parmi ceux que la peinture de Vallotton a hérités de ses bois gravés. De tous les artifices antiillusionnistes mis en œuvre, le plus fréquent est cependant le recours à un angle de vision mobile. En général plongeant sur le premier plan, il
se redresse à une hauteur variable selon les sujets, avec pour conséquence un basculement de l’espace perspectif, qui se déroule de bas en
haut au lieu d’être dirigé vers une profondeur fictive engendrée par un point de fuite unique. D’où un rehaussement de l’horizon jusqu’à
condamner le ciel à la portion congrue, voire à la disparition. L’étrangeté des paysages de Vallotton ne provient toutefois pas uniquement de
la mobilité du point de vue, un emprunt des Nabis aux Primitifs et aux maîtres japonais de l’estampe.
Vuillard, Les Couturières, vers 1890, huile sur toile. CP dont le principe se retrouve sur la photo Vuillard, Suzanne Avril, Misia
Natanson et Edouard Vuillard regardant des photographies rue Saint-Florentin, 1899, CP C’est la muse de ce groupe. L’Egérie !
Le Ballon, 1899, musée d’Orsay / Vue prise d’une fenêtre du Relais à Villeneuve-sur-Yonne, 1899, photographie de Vallotton. CP
Points de vue audacieux, cadrages évocateurs d’éléments hors champ ou encore effets de lumière inédits apparaissent désormais dans ses
œuvres. Il travaille aussi la photo.
Misia dans le parc du Relais à Villeneuve-sur-Yonne, photographie Alfred Athis Natanson, 1899 Archives Vaillant-Couturier
Scène de rue à Paris, vers 1897, New York, Robert Lehman Collection Incident de la vie quotidienne ! Il exprime le mouvement continu
de l’agitation mais dans un espace sans volume. Il dresse une sorte de typologie de la Parisienne.
Edwin Porter (1870-1941) dans un court métrage intitulé «What happened on twenty-third street New York city»
Il croque les personnes, souvent sans visage, mais captant leur milieu par le décor.
La Blanchisseuse, 1895, huile sur carton, collection particulière & La Dame au caniche, vers 1895, huile sur carton. CP
Il est aussi capable de rendre des scènes plus complexes. Il observe, interprète, synthétise et stylise, tout en réalisant de nombreux croquis.
Jardin public dans le soir, 1895, Tokyo, Mitsubishi Ichigokan Museum & Le Luxembourg, 1895, H/T. CP
Vuillard, Fillette jouant, L’Interrogatoire, Les Nourrices, La Conversation, L’Ombrelle rouge, peinture à la colle sur toile Orsay
Le Bon Marché, 1898, CP Un autre aspect de la vie moderne, celui de la consommation de masse, a été rendu par Vallotton d’une manière
originale et sensible dans des images pleines d’humour. Il expose son triptyque Le Bon Marché à l’exposition des Nabis chez Vollard, les
Intimités dans les bureaux de La Revue blanche.
Refoulement et mensonge À partir de 1897 et jusqu’au début des années 1920, Vallotton s’adonne avec plus ou moins de constance à la
représentation de saynètes de mœurs : tableaux tragi-comiques avec personnages représentés dans des intérieurs bourgeois. Les protagonistes
sont cadrés de face, dans des décors simplifiés – voire stéréotypés –, comme dans les vaudevilles contemporains. Pour composer ses
intérieurs, il déplace les meubles dans son atelier ; ainsi, le même fauteuil rouge apparaît dans plusieurs de ses compositions exécutées au
tournant du siècle. Il ne tranche pas sur le statut matrimonial de ses personnages – mari et femme, amant et maîtresse – mais il égrène une
typologie des situations amoureuses, agrémentée d’une bonne dose d’ironie. Les couleurs intenses du décor, les gestes et les attitudes
démonstratives des personnages renforcent l’idée d’une fiction à huis clos conçue comme une séquence de cinéma muet. Témoin de la force
des pulsions et de la médiocrité des sentiments, son attention est attirée vers les accessoires et les bibelots qui entourent le couple, comme
autant de sentinelles témoins des événements et annonciateurs de leur suite inéluctable.
La Chambre rouge, 1898, Lausanne, Musée cantonal des Beaux-Arts montre au centre de la composition le reflet non inversé dans la
glace, placée au-dessus de la cheminée séparant le salon de la chambre à coucher, qu’il faut mettre en relation avec Vuillard, Le grand
intérieur aux six personnages, (1897, Kunsthaus Zurich) inspiré du drame de l’adultère dans le foyer de sa sœur. La présence du tableau,
que Vallotton vient de recevoir, constitue comme une mise en abyme de la représentation de la perversité de l’amour et comme une suite
inéluctable au plaisir des amants. À travers le labyrinthe secret des sentiments et des pulsions, du refoulement et du mensonge, il dénonce la
névrose sociale du mariage et de l’argent. Le rejet de l’espace illusionniste par écrasement quasi systématique de la perspective est un élément
clé de sa peinture, hérités de ses bois gravés. La composition en bandeaux superposés vise le même but de représentation en plan.
Cinq heures, 1898, CP Distanciation, ironie, trahison, séparation… tous est insinué !
Le Dîner, effet de lampe, 1899, musée d’Orsay représente sa nouvelle famille et les enfants de sa femme… distance terrible distance,
voire menace plane dans cet univers serré.
Les cinq peintres, 1902-1903, Kunstmuseum Winterthur La période nabi prend fin et l’influence ici est hollandaise.
III.
Vallotton XXe Vallotton inaugure sa pratique de la photographie en été 1899 à Étretat, alors qu’il vient d’acquérir un appareil
Kodak. Rien ne distingue ses images prises à des fins privées des clichés qu’il destine à des tableaux. Ses photographies d’intérieur comme de
plein air – celles d’estivants ou de son univers familial – lui permettent de peindre d’une part La Chambre rouge, Étretat, d’autre part une suite
de scènes de plage, parmi lesquelles Le Bain à Étretat et Sur la plage. La photographie participe cependant intimement au processus créatif dans
la mesure où il en exploite le langage spécifique jusqu’à s’assujettir à un mode de vision particulier, source de formes picturales nouvelles.
L’une des particularités de l’instantané est sa capacité à saisir un sujet en mouvement tout en figeant l’élan en une forme immobile
«Les corps humains comme les visages ont des expressions individuelles qui accusent, par des angles, par des plis, par des creux, la joie, la douleur, l’ennui, les soucis,
les appétits, la déchéance physiologique qu’imprime le travail, les amertumes corrosives de la volupté.» Félix Vallotton, 1910.
Femme au bain se coiffant vers 1897 CP sur le plan formel il appartient encore aux nabis, mais le renouvellement apparait déjà dans le
traitement des corps.
Femmes à leur toilette 1897, Musée d’Orsay La plupart de ses nus sont sans visage – donc sans identité.
Le Bain à Etretat 1899 CP Vallotton déteste la peinture qui cherche à imiter l’apparence des choses ou le souvenir de la vie. Son art n’est
pas un enregistrement mécanique de la réalité, comme l’affirmèrent des critiques qui comparèrent à tort sa peinture à des photographies.
Le Bain à Etretat 1899 CP Certes il photographie, mais il interprète. Il en recompose une vision intériorisée qui les transfigure au point
d’occulter l’endroit précis d’où il a tracé le croquis à l’origine de la toile. Stylistiquement ces métamorphoses se fondent sur des principes qui
remontent à ses gravures sur bois des années 1890, lorsqu’il est passé de la représentation réaliste à une écriture décorative combinant lignes
et aplats déployés dans un espace affranchi des règles de la perspective classique. On ne peut exclure que le revirement imprimé à son art dès
l’automne 1891 ait été lié à la parution, au mois de mars, du fameux article d’Albert Aurier « Le symbolisme en peinture », appelant à un art «
idéiste » et décoratif, d’où seraient bannis « la vérité concrète, l’illusionnisme, le trompe-l’œil».
Les Cinq peintres 1902-1903 Winterthur, Kunstmuseum 1903 Les nabis se dispersent. Première exposition personnelle à la galerie
Bernheim-Jeune (75 tableaux), aux côtés de Vuillard (10 tableaux). Il photographie mais anticipe aussi par le dessin.
Pêcheurs à la ligne 1901 CP on ignore tout de la conception de ce tableau. En revanche, la vigoureuse diagonale et le lointain embrumé
maque son retour à la spatialité.
Ruisseau à Arques-la-Bataille 1903 CP il emprunte aux nabis encore quelques motifs décoratifs, mais dans un volume donné, fort.
Intérieur avec femme en rouge de dos 1903 Zurich, Kunsthaus & Salon chez Monsieur Bernheim, 1904 CP ses intérieurs sont de
véritables scènes de théâtre.
1904 Il modèle plusieurs statuettes de femmes nues et peint ses premiers nus de grand format. Les arabesques décoratives proches de
l’esthétique Art Nouveau, tout comme le synthétisme de ses images en noir et blanc, influenceront de manière décisive sa peinture. C’est
l’atmosphère, plus encore que le style et la technique, qui confère à l’art graphique de Vallotton son originalité.
Femme retenant sa chemise bronze 1904 & Femme nue retenant sa chemise 1904 CP
Baigneuse de face 1907 CP Sa peinture a l’apparence d’un réalisme quasi photographie quand il peint les modèles sous les yeux, mais ces
simili portraits sont anonyme. En revanche, quand il intègre la femme dans un fond neutre (mer et ciel), cela frise le surnaturel. La figure de
nu conserve le modelé du dessin, et se dissocie du contexte. La lumière n’a aucune incidence !
Il invite le spectateur à une lecture au second degré. Il raconte une histoire dont le dénouement est libre
Femme lisant 1906 CP & Baigneuse ciel orageux, 1916 CP & Femmes nues dans un intérieur vers 1897 CP
Le Repos des modèles 1905 Winterthur, Kunstmuseum Au salon d’Automne il affirme la nouvelle voie de sa peinture (l’anémone présente
sur cette toile est symbole de renouveau)
En 1900, Vallotton obtient la nationalité française. Il fait de nombreux voyages (Allemagne, Hollande, Suède, Italie) et devient membre
fondateur du Salon d’automne et expose au premier en 1903. Lorsque la guerre est déclarée, il cherche à s’engager comme volontaire, mais il
est refusé en raison de son âge.
Suzanne et les vieillards vers 1902 CP la guerre des sexes soutient les allégories dans ses tableaux
La chaste Suzanne 1922 Lausanne, Musée cantonal des beaux-arts
Mythologies modernes
Vallotton avait envie de décorer des murs entiers, mais les commandes ne vinrent pas. Il se console en peignant ce qu’il nomme «ses grandes
machines ». Son objectif, depuis qu’il occupe un atelier spacieux à Honfleur, est de créer une grande toile par an. Il reprend alors le thème du
nu féminin et aborde les sujets mythologiques et allégoriques. Les œuvres imposantes et monumentales livrent les sentiments personnels et
forts de l’artiste. Il n’hésite pas même à bouleverser la tradition et à détourner les sujets bibliques et mythologiques pour s’exprimer
librement. Vallotton affirme sa prise de conscience agacée par rapport au changement de statut de la femme au début du XXe siècle. La
femme libérée affronte l’homme dans ses certitudes de pouvoir. L’image qu’elle veut donner d’elle-même change. Désormais, elle s’habille
avec des vêtements confortables, son allure élégante devient souple. C’est une révolution qui se décèle dans la peinture. Son corps devient
musclé sous le pinceau de Vallotton
L’enlèvement d’Europe, 1908 Kunstmuseum Bern avec une Europe plutôt entreprenante
Persée tuant le dragon 1910 Genève, Musée d’art et d’histoire même si ses personnages sont représentés dans une nudité héroïque, les
corps ne sont pas idéalisés mais réalistes. Andromède n’a rien d’une princesse antique avec son chignon haut et ses formes replètes. Persée,
bien que musclé, a le visage marqué d’un travailleur, d’un paysan ou d’un ouvrier contemporain. Aucun des accessoires habituels (chaîne,
rocher, pétase) ne sont repris, et le serpent marin est remplacé par un crocodile, que la lance en bois de Persée semble chatouiller. D’autre
part, Andromède accroupie, à la posture peu élégante et pourtant dérivée du modèle antique de l’Aphrodite accroupie, tourne la tête vers
Persée avec un air de reproche. La démonstration de force de cet homme venu la sauver ne la séduit pas du tout. A première vue Vallotton
semble tourner la mythologie en dérision. Son interprétation de la légende met en évidence les changements de rapports de force entre les
hommes et les femmes au début du XXe siècle. La femme émancipée s’impose.
Laveuses à Etretat 1899 CP
La mare 1909 Bâle, Kunstmuseum
Coucher de soleil, mer haute gris-bleu 1911 CP
La Mer 1893 Xylographie
C’est la Guerre ! Au moment où la guerre éclate en 1914, Vallotton a 49 ans. il souhaite prendre part au combat et s’engager mais il essuie
un refus. Une mission artistique des armées donne toutefois l’occasion à Félix Vallotton de se rendre sur le front afin de peindre des
paysages de guerre destinés à «l’Exposition des Peintres aux armées». Il part en champagne le 05 juin 1917. Il écrit avec la précision du
reportage le quotidien des conflits dans son journal et fait des croquis à partir de ce qu’il voit. Très marqué par cette expérience, il commence
à peindre à peine rentré dans son atelier d’Honfleur et réalise dix tableaux sur cette guerre impitoyable et violente, qu’il achève pour le 18
juillet. Villages désertés, champs de ruines, alignements de croix du cimetière de chalon, troncs d’arbres calcinés forment le souvenir en
images de ce contact direct avec la guerre pendant dix-huit jours.
Eglise de Souain en silhouette 1917 Washington, National Gallery of Art
Verdun 1917 Paris, Musée de l’armée & Verdun, esquisse 1917 Paris, Musée d’Orsay Les droites qui se croisent pour exprimer les
forces, les rayons de couleurs vives et les écrans de fumées deviennent un pur spectacle.
Il séjourne pour la 1ère fois à la villa Beaulieu près d’Honfleur en 1903. Huit ans plus tard, il y revient. Désormais, il y passera tous ses étés.
Vue cavalière de la Cagne 1921 Lausanne, musée cantonal des Beaux-Arts
Scène de rue à Paris vers 1897, New York, the Metropolitan Museum of Art
En 1924, à Cagnes, il achète un terrain avec une bergerie en ruine dont il dessine les plans de réhabilitation en vue d’en faire sa résidence
d’hiver. Il livre alors des motifs inédits aux couleurs vives et contrastées, mais dans la continuité de ses principes de compositions
Capucines et prunes 1923 CP & La poudreuse 1921 CP & Le tournesol 1924 CP - La Dordogne à Beynac 1925 CP
A la fin de la Grande Guerre, il entreprend différents voyages dans les régions de France jusqu’en 1924, tout en continuant à peindre alors
qu’il est atteint d’un cancer.
La Femme au chevalet 1925 CP Cette dernière œuvre de Vallotton, présentée comme un portrait intimiste d’un modèle devant une toile,
est en fait un autoportrait en femme. Il s’est glisser sous ce travestissement pour passer en revue l’ensemble de son œuvre !
En 1925, Félix Vallotton est hospitalisé à Paris pour y être opéré. Il meurt des suites de l’intervention à l’âge de 60 ans
Félix Vallotton est un artiste unique qui, bien que proche des nabis, garde sa vie durant un style à la fois très personnel et résolument
moderne. Reconnaissables entre toutes, ses toiles se distinguent par des couleurs raffinées et un dessin précis découpant la forme qu’il met
également au service de la gravure. Il n’a jamais en fait dévié de ses principes !

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