"Zelda et Scott" tiédissent le La Bruyère

Transcription

"Zelda et Scott" tiédissent le La Bruyère
« Zelda et Scott » tiédissent
le La Bruyère
Jean-Paul
Bordes,
Sara
Giraudeau, Julien Boisselier
C’est dans cette ambiance New Yorkaise des années 20
(fantasmée !) que débute « Zelda et Scott », une pièce écrite
par Renaud Meyer sur des bases biographiques, qui nous propose
de vivre l’amour tourmenté, vécu par les époux Fitzgerald. [1.
Pour rappel, Scott Fitzgerald est notamment l’auteur du roman
Gatsby le magnifique, qui bien qu’adapté aujourd’hui par
Hollywood, n’a pas été un grand succès en son temps.]
Cette histoire de couple pourrait être un parfait drame. Mais
la richesse de la pièce présentée au théâtre La Bruyère ne
réside malheureusement pas dans sa construction : elle est
basique, suit l’ordre très chronologique et ne ménage pas
beaucoup de « coups de théâtres », tout n’est que progression.
Tant bien même que si l’on ignore l’histoire de Zelda et
Scott, la fin est assez prévisible. Le texte est forcément
dans cette lignée, bien qu’on puisse être surpris de temps à
autres : quelques phrases surgissent, mais restent des « bons
mots » épars…
Néanmoins, on a un léger plaisir à partager cette vie, celle
si classique du poète et de sa muse, puisque la légende veut
que ce soit Zelda qui ait inspiré à Scott son premier succès,
L’envers du Paradis. Ensemble, ils profitent de cette gloire à
plein régime au rythme des cuites, des drogues et des
mondanités. Ils jouent à se faire peur comme des enfants dans
ce monde d’adulte qui brille de mille feux. Zelda est simple,
fait la naïve, exagère son personnage de provinciale et Scott
en est fou.
Ernest Hemingway vient faire ici le pendant raisonnable à la
spirale autodestructrice du couple. Découvert par Fitzgerald,
l’auteur en devenir n’est pas l’homme sombre qui se décrit en
filigrane dans Pour qui sonne le glas. Dans Zelda et Scott, il
est celui qui a la tête sur les épaules, celui qui tient la
corde en haut du puits et que Fitzgerald refuse d’attraper.
Jean-Paul Bordes campe son personnage peut-être de façon un
peu trop monolithique, face aux nuances dans la détresse
incarnée de Julien Boisselier. Dommage.
Enfin, le spectacle est accompagné par un live band très
conventionnel qui occupe bien son rôle de soutient. Quoi de
plus évident pour accompagner l’aventure de l’écrivain qui
représente l’ère du jazz ? Mais cela ne suffit pas à
l’histoire pour nous faire sentir (physiquement !), l’Amérique
de ces années. Zelda et Scott sont trop propre dans la
première partie ! Heureusement, la seconde sent un peu plus le
tabac et le whisky. La violence, la déchirure y sont bien
visible.
La déchéance, la désolation, la mort, sont là. Trop
tardivement, trop brutalement sans doute. C’est donc un
spectacle tiède que nous sert ici Renaud Meyer. Une tiédeur
qui étonne tant l’histoire qu’elle illustre fut sulfureuse.
« Les Liaisons Dangereuses », texte et mise en scène de
Renaud Meyer, au Théâtre La Bruyère, 5 rue La Bruyère, 75009
Paris. Durée : 1h40 (avec entracte). Plus d’informations et
réservations sur www.theatrelabruyere.com