Le MES se rapproche de la supervision
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Le MES se rapproche de la supervision
Solutions GEST I O N D E P R O D U C T I O N Le MES se rapproche de la supervision Les logiciels de MES (Manufacturing Execution System) se sont progressivement fait une place dans le monde de l’informatique industrielle. Mais leur champ d’action, à mi-chemin entre les réseaux industriels (supervision et automatismes) et les réseaux de gestion d’entreprise (logiciels ERP), n’est pas toujours bien défini. On peut donc se poser la question de leur positionnement dans l’usine. La généralisation des outils MES va certainement faire évoluer les limites existantes entre les logiciels déjà présents. On s’attend à ce que des rapprochements aient lieu, notamment entre les systèmes MES et la supervision. L es systèmes MES (Manufacturing Execution System) sont apparus au début des années 90. On les appelle parfois logiciels de “suivi des fabrications” ou de “suivi d’atelier”. Le MES est né des travaux du MESA, organisation à l’origine du principe des “11 fonctions” du MES. Ce n’était alors qu’un simple concept. Au fil des ans, le MES s’est doté de normes et de standards, à l’image du standard ISA- 95, et les logiciels se sont enrichis en fonctionnalités. Mais les différences d’approches entre les éditeurs et la grande variété dans les différentes offres peuvent entraîner une certaine confusion, notamment quant au positionnement de ces systèmes MES. Il est en L’essentiel effet toujours délicat d’implanter un nou Les systèmes MES suivent veau logiciel au sein l’évolution d’une production d’une architecture déjà et fournissent des indicateurs complexe. de performance. Les systèmes de super Ils font le lien entre les vision se positionnent systèmes ERP et les logiciels immédiatement aude supervision, ce qui dessus des réseaux implique le chevauchement d’automatismes. Les de certaines fonctions. progiciels de gestion La frontière entre MES et intégrée ou ERP supervision est fragile. (Enterprise Resource Certains éditeurs évoluent Planning), quant à eux, déjà vers des offres prennent en charge la intégrant MES et supervision au sein d’un système unique. gestion globale de l’entreprise. Mais au 28 niveau de la production, c’est l’exécution qui importe. Le responsable de production peut prélever manuellement des informations dans les systèmes de supervision et de gestion d’entreprise, mais il lui faut un outil pour établir des indicateurs de performance et trouver des pistes d’amélioration. C’est à lui que s’adresse le MES. Les systèmes MES autorisent une maîtrise opérationnelle fine de la production avec l’objectif de l’améliorer.Toutefois, ils doivent se faire une place parmi les solutions déjà en place. Le MES a donc souvent été utilisé pour combler les lacunes des logiciels déjà installés. A tel point que d’aucuns voient dans le MES une simple prolongation de l’ERP. D’autres considéreront que leur système de supervision offre suffisamment de fonctionnalités propres au MES. Dans ces conditions, comment les systèmes MES peuvent-ils s’imposer et rendre tous les services pour lesquels ils ont été conçus ? MES et ERP sont naturellement complémentaires La complémentarité entre les logiciels ERP et MES est reconnue. Elle se justifie d’abord par le fait qu’ERP et MES n’opèrent pas sur la même échelle de temps. En effet, un ERP s’intéresse rarement aux périodes inférieures à la demi-journée, tandis que le MES opère sur des temps de l’ordre de la dizaine de minutes voire de la minute. Mais cet argument est à double tranchant. Il peut laisser penser que la raison d’être du MES est l’in- capacité de l’ERP à travailler à une échelle de temps plus faible. Au contraire, avec les technologies actuelles (notamment l’apparition de bases de données de plus en plus performantes), un ERP peut parfaitement travailler à un rythme de l’ordre de la minute. La raison essentielle de la complémentarité tient davantage au fait qu’un ERP n’est pas adapté pour gérer l’exécution de la fabrication. Bien sûr, on peut imaginer produire sans autre soutien que l’ordre de fabrication édité par l’ERP. Il est possible de saisir l’ensemble des données relatives à chaque ordre de fabrication directement au travers d’un formulaire géré par l’ERP : les quantités produites, les matières consommées (avec leur origine), les résultats des contrôles, les temps d’exécution, les pertes et rebuts, etc. Mais ces opérations sont longues, coûteuses et peu fiables. Les industriels en sont conscients. S’ils optent pour le “tout ERP” pour le suivi de production, des développements spécifiques seront réalisés par l’intégrateur du système ERP. Le logiciel sera personnalisé afin de capter les informations aux différentes étapes de fabrication, de les synchroniser, et de retransmettre les informations consolidées à l’ERP. Cela revient globalement à développer un MES spécifique. Et ce n’est certainement pas une bonne opération en ce qui concerne les performances, les possibilités offertes, l’évolutivité ou même le budget de l’opération. Aujourd’hui, grâce notamment aux travaux de sensibilisation d’organisations comme le MESA, l’ISA ou encore le Club MES, la complémentarité entre ERP et MES est largement reconnue. Et plus particulièrement par les industriels qui disposent d’un ERP depuis longtemps et en maîtrisent mieux le périmètre fonctionnel. Les champs d’action respectifs des logiciels sont correctement identifiés. D’ailleurs, des standards de plus en plus présents, qu’ils soient propriétaires (comme SAP XI) ou ouverts (comme l’ISA- 95 part 5 et B2MML) facilitent les échanges entre ces logiciels. MESURES 808 - OCTOBRE 2008 - www.mesures.com MES et supervision tous deux en contact avec le terrain Dans sa partie “descendante”, c’est-à-dire dans sa liaison avec l’atelier, un système MES gère de multiples données (en entrée comme en sortie). Bien entendu, beaucoup de ces informations sont saisies manuellement, voire semi-automatiquement. Si l’occurrence d’un arrêt machine et la durée correspondante sont acquises directement au travers des automates, la cause sera le plus souvent renseignée par un collaborateur. Responsables de production, opérateurs et exploitants jouent donc un rôle primordial dans l’alimentation en données d’un système MES. Cela implique qu’un soin tout particulier soit apporté aux Interfaces Homme-Machine (IHM) utilisées pour la saisie, afin qu’elles soient parfaitement adaptées et si possible personnalisables. Or, dans de nombreux ateliers, elles sont utilisées uniquement pour le système de supervision qui est connecté aux automates. Où se situe donc la frontière entre MES et supervision ? Pour y répondre, revenons aux débuts de la su- pervision. Les premières générations de progiciels, développées par des sociétés telles qu’Intellution, Wonderware, Logique Industrie ou Arc Informatique, visaient à remplacer les synoptiques muraux, faits de grandes plaques métalliques percées de voyants lumineux. A cette époque, la supervision n’offrait que des outils de visualisation du procédé. L’utilisation d’un PC pour piloter une installation n’était pas à l’ordre du jour. Ce n’est que lorsque le PC a acquis ses lettres de noblesse dans l’industrie que la supervision s’est enrichie de nouvelles fonctionnalités, d’abord avec la gestion des alarmes et l’édition de journaux, puis les recettes de fabrication. La supervision ferait-elle du MES sans le savoir ? Cet enrichissement de fonctions a créé une certaine émulation. Bientôt, presque tous les éditeurs de logiciels de supervision ont présenté des outils de programmation intégrés permettant d’écrire des scripts pour réaliser des fonctions de plus haut niveau. Les besoins concernaient souvent des opérations sur les bases de données (pour tracer une Source ISA Solutions Entre un système de gestion d’entreprise (pour lequel les informations sont actualisées environ une fois par jour) et les différents réseaux d’automatismes qui ont un taux de rafraîchissement inférieur à la seconde, les logiciels de MES assurent un suivi de la production à une échelle intermédiaire, le plus souvent de l’ordre de la minute. information, par exemple). Dans ce contexte, on pourrait penser que les systèmes de supervision peuvent très bien remplir un certain nombre des fonctions décrites pour le MES. C’est pourquoi, lorsque les besoins de MES sont initialement modestes, il est tentant d’enrichir les fonctionnalités du superviseur. D’autant plus tentant que bon nombre de progiciels de MES ont quelque peu négligé l’exécution au profit des outils d’analyse et de reporting. ➜ CODRA MESURES 808 - OCTOBRE 2008 - www.mesures.com 29 Solutions Le concept de Manufacturing 2.0 Source Ordinal La tendance est à la convergence entre les systèmes informatiques de l’entreprise. Le MES n’y échappe pas. Les industries sont progressivement en train de se défaire de l’approche “individuelle” de chaque application. Selon Matt Bauer, président de l’organisation internationale MESA, « aujourd’hui, les industriels qui font converger leurs applications sont ceux qui demain seront les plus flexibles et les plus agiles. Car l’information est devenue le nerf de la guerre, l’aspect le plus important de l’industrie. C’est de cette réflexion que le concept de Manufacturing 2.0 est né ». La circulation et la mise à disposition des informations sont vitales dans un contexte d’entreprise étendue. On ne prend plus les décisions de manière isolée, site de production par site de production, mais de manière globale. Il faut donc pouvoir récupérer des informations provenant de systèmes différents, et notamment de systèmes MES différents. Ce sont des systèmes qui a priori ne sont utilisés que par les opérateurs et les responsables de production, mais les données qu’ils manipulent sont également indispensables aux décideurs pour l’établissement des tableaux de bord. Or la plupart des logiciels de MES sont des applications “métier”, ils font très souvent l’objet de développements spécifiques et sont difficilement compatibles entre eux. Toutes les informations existent, mais il est difficile d’y accéder. Le concept de Manufacturing 2.0 vise donc une convergence entre les différents logiciels issus des mondes de l’industrie et de l’entreprise. La principale différence de fonctionnement entre les logiciels de MES et de supervision provient du type de données traitées. Aujourd’hui un système de supervision exploite des variables, alors qu’un système MES a besoin de données concaténées sous forme d’objets. C’est sur ce point que le besoin de l’émergence d’un standard se fait ressentir. aux intégrateurs la charge de mettre en œuvre tous les objets nécessaires uniquement à l’aide d’un environnement de programmation généraliste n’est pas forcément un cadeau ! C’est aux éditeurs de logiciels qu’il appartient de fournir des objets de base qui soient les plus proches possibles des notions utilisées pour décrire le procédé. Ils sont d’ailleurs très nombreux à proposer aujourd’hui ce type de solutions. ➜ MES et supervision : un dialogue Manifestement, il est difficile de distinguer une frontière aussi nette entre le MES et la supervision qu’entre le MES et l’ERP. Les suites MES et de supervision exploitent des données de base similaires, mais elles travaillent de manière isolée. Une approche prônée par certains éditeurs consiste à confier l’acquisition des données à la supervision (par saisie ou par les automates) puis de définir un protocole de dialogue entre la supervision et le MES. Après tout, ces fonctions existent déjà dans tous les superviseurs. Et des standards de communication comme OPC autorisent la réalisation de ce type de connecteurs. Pourtant, la mise en œuvre d’architectures de ce type est loin d’être fréquente. Deux explications à cela. La première est budgétaire : cela impose d’installer autant de postes de supervision que de postes de saisie MES. L’autre raison est structurelle. Un progiciel MES manipule des objets “structurés”. Il peut s’agir de lots, de matières premières, de produits, d’équipements, etc. Les logiciels de supervision manipulent quant à eux des éléments de très bas niveau. Ce sont des variables ou des “tags”, qui nécessitent un travail d’intégration important pour être consolidés en objets susceptibles d’être échangés avec un logiciel de MES. Dans certains cas, ces échanges sont même impossibles. Finalement, il est préférable pour l’intégrateur de continuer à réaliser des interfaces spécifiques directement dans le MES. Elles se positionneront en parallèle avec les acquisitions de la supervi- 30 Source Ordinal en manque d’objets Si le MES est censé réaliser l’interface entre la supervision et l’ERP, on s’aperçoit que certaines fonctions comme la gestion des personnes, des équipements et des ordres de fabrication sont le plus souvent communes aux deux. sion, quitte à se retrouver avec des fonctionnalités redondantes (historisation des données, par exemple). Supervision et MES ne parlent donc pas le même langage. Cependant, ces deux systèmes s’adressent aux mêmes opérateurs. Bien entendu un logiciel MES s’adresse à d’autres utilisateurs (dans les services de qualité ou de gestion, par exemple). L’idéal serait que ces données soient regroupées suivant un même modèle. Comme la supervision ne propose pas de standard en la matière, ce sont les modèles du MES tels que l’ISA- 95 qui devraient normalement s’imposer. Aujourd’hui, les outils de supervision les plus modernes autorisent une organisation des équipements suivant la hiérarchie ISA- 95. Elle met en place un système pyramidal faisant la distinction entre entreprise, site, aire géographique, atelier, ligne de production, machine, équipement, etc. Cet avènement d’une supervision structurée ne sera d’ailleurs pas une surprise : on parle de “programmation objet” à propos de la supervision depuis près de quinze ans. Mais confier L’avenir : une solution hautement intégrée MES + supervision Les solutions de MES ont désormais leur place au cœur du système d’information industriel. Ces fonctions sont complémentaires à celles des systèmes ERP en charge de la gestion de l’entreprise. Du côté du contrôle commande et de la supervision, en revanche, la limite est plus floue. Nous l’avons vu, certaines des fonctions clefs du MES comme la collecte et l’acquisition de données sont souvent redondantes avec la supervision. Mais seul le MES dispose de la structuration nécessaire pour donner les bases du dialogue à la fois avec les équipements et avec les opérateurs. Les outils de supervision devront assurément adopter tôt ou tard cette structuration. Le concept de solution intégrée MES + supervision se justifie donc pleinement. Les premiers exemples de ces logiciels hybrides arrivent sur le marché. Ils emploient un seul modèle de données et concentrent les fonctions, tout en conservant les possibilités de personnalisation d’IHM et de communication avec les automates. Les architectures d’entreprises se trouvent fortement simplifiées, et les coûts d’installation sont également réduits. Frédéric Parisot Philippe Allot, Ordinal Technologies MESURES 808 - OCTOBRE 2008 - www.mesures.com