l´étude sur les enjeux de l´ère numérique pour les institutions

Transcription

l´étude sur les enjeux de l´ère numérique pour les institutions
Commission européenne, Direction générale Société de l’information et
médias
Direction Générale A « L’audiovisuel, les médias et Internet »
Unité A1 – « L’audiovisuel et la politique des médias » - BU33 3/35
Rapport final d’étude
Partie A – Texte pour le « résumé exécutif »
Date : 11 novembre 2011
« Les enjeux de l’ère numérique pour les institutions
patrimoniales cinématographiques »
SMART 2010/0001
Contrat No: 30-CE-0387312/00-27
Agenda numérique des institutions patrimoniales
cinématographiques
Principal commissionaire:
Sous-traitants:
Avertissement: Les opinions exprimées dans cette étude sont attribuables aux auteurs et ne reflètent
aucunement les positions de la Commission européenne.
ISBN 978‐92‐79‐22810‐0 DOI: 10.2759/8073 KK‐31‐12‐461‐FR‐N Peacefulfish
Derfflingerstrasse 18
10785 Berlin Germany
Tel: + 49 (0)30 488 2885 66
fax: +49 (0)30 6908 8363
Peaceful Fish Productions (UK) Ltd.
Registered Company No. 3748234
VAT:GB 811 6144 63
Thierry Baujard, CEO
www.peacefulfish.com
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Union européenne, [2011]
La reproduction est autorisée si la source est reconnue, sauf mention contraire. Si la
permission est obtenue avant la reproduction ou l’utilisation de l’information textuelle et
multimédia (son, images, logiciel, et autres), elle annule la règle mentionnée en premier et
doit clairement indiquer les restrictions d’usage. Quant à la reproduction de matériel littéraire
ou artistique inclus dans les documents en question, et provenant de tiers (dessins, photos,
bandes sonores ou visuelles), la permission doit être demandée à l’ayant droit.
2 A GENDA N UMERIQUE
L ES
DES I NSTITUTIONS PATRIMONIALES
CINEMATOGRAPHIQUES
ENJEUX DE L ’ E RE NUMERIQUE POUR LES
INSTITUTIONS PATRIMONIALES
CINEMATOGRAHIQUES
E t ud e d es t i n é e à l a C o mm i s s i o n e u rop éen n e , D i r e c ti o n g é n érale Société de
l ’ In fo rm at i o n e t méd i a s
RESUME EXECUTIF
Avertissement: Les opinions exprimées dans cette étude sont attribuables aux auteurs et ne reflètent
aucunement les positions de la Commission européenne.
Etude réalisée par:
Principal commissionaire:
Sous-traitants:
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Rédacteur en chef
Nicola Mazzanti
peacefulfish
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Résumé exécutif
“La numérisation et l’accès numérique sont les outils indispensables à la valorisation du
patrimoine culturel et scientifique, propices à la création de nouveaux contenus et à
l’émergence de nouveaux services en ligne. Ils contribuent à la démocratisation de l’accès
et au développement de la société de l’information et de l’économie scientifique” 1
“L’enregistrement de créations sur un support numérique a pour effet négatif de diminuer
potentiellement leur durée de vie. L’information numérique est éphémère : elle est
facilement effaçable, recopiée ou corrompue” 2
1
Le Conseil de l’Union européenne au lancement du prototype Europeana, Bruxelles, le 20 novembre 2008
“International Study on the Impact of Copyright Law on Digital Preservation”, rapport conjoint établi par le Library of Congress
National Digital Information Infrastructure and Preservation Program (USA) le Joint Information Systems Committee (GB), le Open
Access to Knowlegde Law Project (AU), la SURF Foundation (PB), juillet 2008
2
5 Partie 1
L’analyse
Les objectifs de l’étude
Cette étude a pour but d’analyser les enjeux et les possibilités, et de proposer des
actions concrètes, en vue d’assurer aux Institutions Patrimoniales
Cinématographiques (IPC) de l’Union européenne le maintien de leur rôle de
préservation du cinéma d’hier et de demain mais aussi d’augmenter les outils
qui rendent la consultation de leurs inestimables collections possible.
L’objectif s’inscrit dans une perspective d’avenir et de défi, car le processus
numérique que le cinéma européen connaît actuellement (qu’il s’agisse de la
production, de l’exposition, en passant par la distribution et l’accès aux
services et modèles innovants) est en perpétuelle mutation.
Suivant la demande de la Commission, l’étude doit fournir les informations
essentielles nécessaires à la compréhension ainsi qu’une analyse et une
évaluation de la situation, en vue de dégager des propositions concrètes à
partir desquelles la Commission, les Etats membres et les IPC pourront établir
des directives et stratégies. Plus précisément, le résultat de l’étude inclut les
points suivants :
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une analyse profonde des enjeux auxquels sont confrontés les IPC des
Etats membres
un aperçu des changements d’ordre légal, organisationnel et/ou
technique à introduire afin d’assurer la continuité du rôle des archives
cinématographiques dans l’ère numérique
une proposition de recommandations pratiques et d’agenda aux Etats
membres ainsi qu’aux IPC sur la préparation à l’ère numérique
une liste de propositions de stratégies d’action au niveau européen
L’étude repose sur l’accès et la préservation du cinéma européen. Son objectif est
d’inclure
tous
types
d’œuvres produites
pour
la
distribution
cinématographique, tels que longs métrages, documentaires, actualités, courts
métrages de fiction et de non-fiction, spots publicitaires, bandes-annonces et
bien d’autres encore.
Il faut entendre par « conservation » la conservation d’œuvres du passé, entreposées
ou pas (encore) dans une IPC, ainsi que les œuvres en cours de production ou
celles en devenir, qui feront toutes un jour partie du patrimoine.
1 La surface géographique couverte par l’étude comprend tous les Etats membres et
reprend des centaines d’institutions régies par des approches culturelles,
politiques et législatives différentes, bien distinctes de par leur importance,
financement et objectif. L’étude s’efforce également, dans la mesure du
possible, d’inclure dans l’analyse les activités de conservation
cinématographique du secteur commercial, qui jouent un rôle non négligeable
dans la conservation et l’accessibilité au patrimoine cinématographique
européen.
Afin de mieux comprendre les enjeux, les opportunités et les réponses potentielles
aux nombreuses questions, l’étude examine aussi d’autres secteurs qui font
face à la même problématique que celle des IPC, comme les archives
audiovisuelles des diffuseurs ou les données des agences spatiales. Les
tendances et activités en application aux Etats-Unis ont également été
explorées et prises en considération.
Méthodologie
L’analyse des enjeux et des opportunités pour le secteur du patrimoine
cinématographique dans l’ère numérique est de toute évidence complexe, et ce
pour de nombreuses raisons.
La complexité et la densité des changements techniques auxquels toute la chaîne de
la production et de la distribution cinématographiques, y compris l’archivage
et la conservation, est confrontée, ont un impact sur les IPC et l’industrie dans
tous les secteurs d’activité. Le rassemblement, la conservation, la restauration,
la distribution et l’accessibilité au patrimoine cinématographique sont
extrêmement interdépendants et exigent un haut niveau de spécialisation.
La variété d’acteurs présents dans le secteur et les nombreuses institutions privées
ou publiques aux revenus, activités et objectifs différents renforce cette
complexité.
Les différences entre les systèmes légaux, les régulations et les structures sectorielles
entre les différents Etats membres rendent la tâche davantage délicate, à
l’instar de l’interaction entre les domaines du patrimoine cinématographique et
ceux de la production et de la distribution.
La seule manière de relever le défi d’une approche informative globale et cohérente,
d’une analyse de fond de la situation actuelle, de laquelle des propositions et
conclusions concrètes peuvent découler, consiste à inscrire tout le processus
dans une méthodologie fiable et dans une réelle compréhension des
problèmes.
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les résultats repris dans l’étude sont basés sur une méthodologie
conçue pour rassembler un maximum de données et de réactions d’un
maximum d’intervenants :
l’analyse d’une littérature appropriée, basée sur une « bibliographie
sélective » comprenant quelque 200 documents, y compris ceux issus
des projets européens les plus pertinents.
les réactions et le soutien d’un Conseil Consultatif.
la distribution d’environ 150 questionnaires détaillés adressés aux IPC,
institutions gouvernementales, aux experts et à l’industrie.
au total, l’étude a reçu 55 réponses au questionnaire, d’institutions
dans 17 états membres et d’associations paneuropéennes comme ACE,
qui représentent toutes les grandes IPC européennes.
des entretiens directs avec quelque 40 experts provenant de 32
institutions, dont des associations paneuropéennes du secteur, des
entretiens avec les IPC et avec des experts aux Etats-Unis ; au total,
30% des personnes interrogées provenaient de l’industrie du film, pour
la plupart des experts. Chaque entrevue a duré en moyenne 2 heures et
demie.
un brainstorm d’une demie-journée au cours duquel les résultats
préliminaires furent discutés par un groupe d’experts sélectionnés.
une consultation en ligne (disponible du 13 juillet au 30 septembre
2011) visant à rassembler les idées et les commentaires d’un maximum
d’intervenants (furent reçues 18 réponses d’institutions et de
personnes physiques dans 7 Etats membres ainsi que de 6 associations
paneuropéennes).
un atelier public fut également organisé le 20 septembre à Bruxelles,
afin d’analyser et de finaliser les résultats et recommandations. 99
personnes de 17 Etats membres et des Etats-Unis ont pris part à cet
atelier. Parmi les participants, on retrouve 30 IPC, 17 institutions
gouvernementales et 28 représentants de l’industrie du film.
En conclusion, par le biais d’enquêtes et d’entretiens, l’étude a récolté des
informations utiles de plus de 100 institutions, structures et personnes
physiques dans 17 Etats membres ainsi qu’aux Etats-Unis. Ces chiffres
incluent de nombreuses associations représentant un nombre important de
membres dans tous les Etats membres.
Les auteurs de l’étude remercient tous ceux qui se sont engagés, ont participé aux
entretiens, répondu au questionnaire et envoyé leurs commentaires et
contributions.
Un héritage digne de conservation
Douze mille longs métrages produits en 2010, près d’un milliard d’admissions (6.5
milliards d’euros en recettes au box-office seulement), un contenu clé à la
télévision, home cinéma et vidéo à la demande : le cinéma est à la fois un
3 composant fondamental de l’industrie des médias européens et un patrimoine
irremplaçable pour notre culture et notre histoire.
Les Institutions européennes de Patrimoine Cinématographique (IPC) possèdent et
conservent des collections qui couvrent les premières années du cinéma
jusqu’à la production actuelle et représentent la grande majorité de la mémoire
cinématographique européenne, c’est-à-dire, la mémoire d’une Europe fixée
sur la pellicule.
Ces collections constituent un précieux atout pour l’Europe, pour sa culture, son
histoire et son identité, ainsi que pour l’industrie du film.
La numérisation de ces collections, leur distribution numérique et une accessibilité
croissante doivent être considérées lors de l’adoption d’une stratégie pour un
futur numérique européen.
Bon nombre de facteurs concourent au besoin de préserver le cinéma d’hier et
d’aujourd’hui.
Le cinéma est indubitablement inscrit dans la culture de l’ensemble des Etats
membres parce qu’il est fortement soutenu par le financement public dans
toutes ses formes.
Bien que les considérations économiques et industrielles pèsent dans la balance, les
raisons culturelles justifient le soutien public au cinéma, comme une enquête
portant sur l’aide financière au cinéma en Europe le démontre 3 .
Les estimations de l’Observatoire européen de l’audiovisuel prévoient un montant
public annuel d’environ 1,6 milliards d’euros comme aide directe à l’industrie
du film. A cela s’ajoute 1 milliard supplémentaire, si ce n’est plus, d’incitations
fiscales. Dans la même lignée, une autre étude sur la structure financière du
cinéma européen indique que
« la source principale du financement du cinéma en Europe est attribuable à l’aide
publique. Le subventionnement remboursable ou pas des films est estimé à plus ou moins
42% en moyenne (Italie, Espagne) et monte jusqu’à 60% dans certains cas ». 4
Même s’il a été établi que les œuvres cinématographiques sont des produits
industriels et dès lors ne peuvent pas être l’objet d’une politique publique de
conservation et d’accès, tout porte à croire que cette conception s’oppose à la
tradition et au contexte européens. En effet, une telle approche est en totale
contradiction avec la plupart des systèmes législatifs des Etats membres, mais
aussi de la Commission, du Conseil et du Parlement européens.
3
Sur une échelle de -6 à +6 ( le 0 représentant une “balance neutre”, le -6 “essentiellement commercial” et le +6 “essentiellement culturel”, le
résultat moyen est de +3,4, avec seulement 2 pays sur les 27 Etats membres qui ont opté pour le “commercial” et 5 qui ont voté pour le 0.
“Think Tank sur le film européen et les directives sur le cinéma, Rapport de Copenhague”, 2007 http://www.filmthinktank.org/papers
4 “Identification et évaluation des flux économiques et financiers du cinéma en Europe et comparaison avec le modèle américain” Etude n°
DG EAC/34/01 http://ec.europa.eu/avpolicy/docs/library/studies/finalised/film_rating/sum_fr.pdf
4 La “Résolution du Conseil du 26 juin 2000 relative à la conservation et à la mise en
valeur du patrimoine cinématographique européen” 5 souligne que le
patrimoine cinématographique
pourra jouer un rôle décisif dans la consolidation de l'identité culturelle des pays européens
tant dans ses traits communs, que dans sa diversité. En effet, ces oeuvres permettront aux
citoyens, en particulier aux futures générations, d'avoir accès à l'une des formes
d'expression artistique les plus importantes des cent dernières années, ainsi qu'à un recueil
unique où sont enregistrés la vie, les usages, l'histoire et la géographie de l'Europe.
Cette même résolution insiste également sur la valeur économique du patrimoine
cinématographique de la manière suivante :
dans le contexte actuel de prolifération des chaînes distribuées, qui stimule la demande de
nouveaux contenus, cette forme de patrimoine culturel constitue aussi une base importante
pour la création de nouveaux produits culturels.
La reconnaissance selon laquelle le patrimoine cinématographique est une valeur
ajoutée culturelle pour l’Europe, participe au développement des médias et de
ce fait, doit être préservé, restauré et accessible, est confirmée dans de
nombreux documents ultérieurs.
A titre d’exemple, la “Résolution du Conseil du 24 novembre 2003 relative au dépôt
d’œuvres cinématographiques dans l’Union européenne » 6 renforce l’idée que
les œuvres cinématographiques européennes « représentent un patrimoine qui
doit être conservé et sauvegardé pour les générations à venir». Afin de les
préserver, il convient de les entretenir en « dépôt systématique dans des
archives nationales, régionales autres.»
De même, la « Recommandation de la Commission du 26 août 2006 sur la
numérisation et l’accessibilité en ligne du matériel culturel et la conservation
numérique » 7 invite les Etats membres à « élaborer des stratégies nationales
pour la conservation à long terme et l’accès au matériel numérique, dans le
respect absolu de la législation des droits d’auteur […] ». De plus, elle estime
qu’il est nécessaire « de prévoir des dispositions, dans leur législation, de façon
à permettre la reproduction en plusieurs exemplaires et la migration du
matériel culturel numérique par les institutions publiques à des fins de
conservation […]. »
En outre, l’importance culturelle et économique de la conservation et de l’accès au
patrimoine culturel européen est mentionnée dans « Un agenda numérique
pour l’Europe » 8 et dans « The New Renaissance – rapport du ‘Comité des
Sages’ ». 9
5
http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:C:2000:193:0001:0002:FR:PDF
http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:C:2003:295:0005:0006:FR:PDF
7 http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2006:236:0028:0030:FR:PDF
8 http://ec.europa.eu/information_society/digital-agenda/documents/digital-agenda-communication-fr.pdf
9 http://ec.europa.eu/information_society/activities/digital_libraries/doc/reflection_group/final-report-cdS3.pdf
6
5 Enfin, la « Recommandation du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre
2005 sur le patrimoine cinématographique et la compétitivité des activités
industrielles connexes » 10 et plus récemment, les « Conclusions du Conseil sur
le patrimoine cinématographique européen, en ce compris les défis de l’ère
numérique (novembre 2010) » 11 confirment à nouveau le besoin de conserver
et de rendre accessible le patrimoine cinématographique. Des considérations
et recommandations clés ont été émises, notamment sur les défis et les
opportunités liées au numérique, afin de définir de manière claire et succincte
les actions que les institutions européennes et les Etats membres sont amenés
à prendre.
Une ébauche de scénario
Le cinéma est désormais numérique.
La transition vers une projection numérique dans les salles de cinéma est en cours à
travers l’Europe. Les experts estiment que ce processus prendra fin au terme
de l’année 2012 sur tous les grands marchés européens.
Alors qu’il y a peu, seuls certains films étaient distribués sous format analogique et
numérique, presque toutes les productions sont désormais disponibles dans les
deux versions, certaines étant même exclusivement distribuées sous format
digital. La distribution cinématographique est en fin de course et disparaîtra
sous peu.
L’effet de ces changements sur l’entièreté de l’industrie cinématographique est
considérable. Les secteurs de la production cinématographique et de la
postproduction montrent déjà des signes de restructuration qui ne cesseront
de s’intensifier par la suite.
L’impact du passage de la toute la chaîne au numérique va mener à la disparition
progressive du secteur de la technologie analogique. La production de matériel
analogique et de pellicules est amenée à tomber en désuétude, voire à devenir
une rareté coûteuse. « Les îlots analogiques » existeront toujours, comme ils
existent dans d’autres domaines, et les IPC continueront à utiliser les
projecteurs de films ; cependant, le cinéma, en tant que système, passera
définitivement au numérique dans les années à venir.
De même, les compétences, les spécialisations et les métiers liés à l’industrie
traditionnelle du film seront bientôt en voie d’extinction.
Ces deux dynamique s ont déjà fait leur chemin et il est désormais impossible
d’interrompre l eur cours. Les facteurs sont trop nombreux pour pouvoir
10
11
http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:32005H0865:FR:NOT
http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:C:2010:324:0001:0004:FR:PDF
6 prédire une échéance exacte, mais on peut miser sur les 5 à 7 prochaines
années.
Les IPC ainsi que l’industrie cinématographique s’efforcent de s’adapter à la
transition et sont généralement insuffisamment préparées pour faire face aux
éventuels problèmes.
Les acteurs concernés auront besoin de temps pour s’accommoder au nouvel
environnement. Des actions doivent donc être mises en place dans les plus
brefs délais.
Si les initiatives concrètes et efficaces tardent à venir, les effets des deux dynamiques
mentionnées ci-dessus se feront sentir dans les 5 à 7 prochaines années, à
savoir :
>
>
la perte d’une quantité importante d’oeuvres produites en version
numérique, car les IPC et l’industrie cinématographique ne sont pas
équipées pour assurer leur conservation.
la perte de toutes les œuvres sur pellicule produites jusqu’à présent,
qui n’ont pas été numérisées, puisque seul le contenu digital sera
accessible.
Ces deux conséquences auront un impact dramatique sur la culture européenne, car
le cinéma d’hier sera quasiment inaccessible. Elles influenceront
considérablement l’industrie du film et les titres plus anciens ne bénéficieront
plus d’une exploitation commerciale.
Les œuvres qui n’ont pas été numérisées ni conservées sous format digital se
désintègreront et priveront les citoyens européens et le domaine public d’une
partie importante de leur passé commun et de leur histoire.
L’image animée, qu’elle soit télévisuelle, cinématographique ou de synthèse, est
basée sur un langage dont les codes sont fondamentaux pour les citoyens du
21 e siècle. La disparition de 120 ans de pellicule européenne créera un désert
culturel peuplé de générations incapables de saisir ce qu’ils regardent le plus :
l’image animée.
«Nous assistons au début de l’économie numérique, qui connaît actuellement une croissance sans
précédent. Le besoin en œuvres cinématographiques augmentera de manière exponentielle. Pour
satisfaire cette demande, l’industrie dépend des talents du secteur créatif, en particulier des
scénaristes et des réalisateurs.» 12
Cet extrait est issu d’un document de la Société des Auteurs Audiovisuels et illustre
parfaitement une autre question qu’il est utile de souligner. Les scénaristes,
réalisateurs, mais aussi les caméramans, les monteurs et les acteurs, sont ceux
qui créent véritablement l’industrie audiovisuelle européenne, dont la valeur
est estimée à plu s de 108 milliards d’euros.
12
De “Audiovisual Authors’ Rights and remuneration in Europe”, White Paper de SAA (Société des Auteurs Audiovisuels)
http://www.sacd.fr/fileadmin/actualites/2011/SAA_white_paper_english_version.pdf
7 Cela implique qu’une part importante de cette valeur est attribuable à ces
intervenants, qui, après avoir été formés dans le réseau européen de hautes
écoles et d’universités, développent leur créativité en accédant ainsi à la
richesse du passé cinématographique européen.
Il est très difficile de prédire le pourcentage exact des films récemment produits qui
sont en passe de disparaître du patrimoine dans les 10 prochaines années si
des actions ne sont pas prises. Le transfert a généralement lieu tous les 5 ans
et il est tout à fait envisageable de supposer que 20% des œuvres produites en
2011, à savoir 220 longs métrages et 280 courts, seront perdues d’ici 2016. La
même quantité de films produits en 2012 sera perdue en 2017, à laquelle
s’ajoute un nombre supplémentaire de films produits en 2011. Les pertes
cumulées en 2017 pourraient atteindre le chiffre de 330 longs métrages et 420
courts. Pareil scénario se répétera au cours des ans.
Pour pouvoir évaluer les conséquences économiques d’une telle perte, il est utile
d’ajouter que le marché de la vidéo à la demande devrait atteindre le seuil des
2 milliards d’euros en 2013. Le cinéma représente environ 60% de son
contenu : les « titres de catalogue », c’est-à-dire les œuvres réalisées dans les 5
dernières années, sont prédominantes dans la section cinéma. Le cinéma
occupe également une large part du temps d’antenne et génère davantage de
revenus que la vidéo à la demande. De toute évidence, l’impact négatif d’un
manque de directives relatives à la numérisation et à la conservation du cinéma
européen se fera sentir.
Le marché du home cinéma, c’est-à-dire, le DVD et le Blu-Ray, a engendré 9,5
milliards d’euros au terme de l’année 2009 et une part élevée revient aux
productions européennes, dont les films du patrimoine. Ce revenu risque de
diminuer considérablement si les œuvres ne sont pas numérisées, et d’autant
plus encore quand on le compare à celui des autres pays, qui continuent à
augmenter leur offre.
Une des déclarations les plus pertinentes et les plus claires à propos des
implications économiques du refus de numériser les films européens vient de
la “Déclaration commune en soutien au cinéma numérique”, signée en 2005
par les membres de l’EFAD, l’Agence des réalisateurs de films européens :
Il est absolument nécessaire que le catalogue le plus large possible de films européens
classiques et contemporains soit disponible soit au format numérique de haute définition
pour la vidéo à la demande, via Internet et par les services par câble de vidéo à domicile,
soit au format numérique de 2K à 4K, conforme aux DCI pour l’usage public. Les grandes
sociétés américaines de production et de distribution se convertissent de plus en plus à la
vidéo à la demande et le marché du cinéma numérique contient des médiathèques entières de
titres américains. Les films européens risquent donc de subir les conséquences et de ne plus
jamais parvenir à séduire de nouveaux publics si les producteurs, distributeurs et diffuseurs
européens sont incapables de répondre promptement au défi numérique. Des mesures
efficaces de soutien, visant à encourager la numérisation et la distribution digitale des films
8 sont essentielles quant au développement du cinéma numérique et des plates-formes de vidéo
à la demande, et ce au niveau national et européen. 13
Le texte a l’avantage de soumettre la question d’un point de vue stratégique. La
numérisation et la disponibilité d’un nombre incalculable de contenu
numérique de qualité, approprié à la distribution par le système de vidéo à la
demande et par les canaux de cinéma numérique, sont perçues comme des
« avantages compétitifs » indispensables. Sans elles, l’Europe risque de perdre
du terrain face aux compagnies américaines, qui sortent pour l’instant
gagnantes, grâce à une quantité impressionnante de matériel numérisé de haute
qualité prêt à l’utilisation.
Une stratégie efficace de numérisation du patrimoine cinématographique européen
ouvrira des opportunités sans précédent pour les citoyens de l’Europe et
l’industrie cinématographique.
Afin de conserver, de rendre l’accès aux collections possible et de préserver les
œuvres pour les générations futures, il est capital de sauvegarder un
composant vital de l’histoire, de la culture et de l’identité européennes.
De ce fait, les Etats membres, les institutions européennes et les IPC doivent agir
sans plus attendre et assurer le sauvetage du cinéma d’hier et d’aujourd’hui par
la numérisation et la conservation numérique.
L’analyse, les conclusions et recommandations présentées dans cette étude sont
uniquement avancées dans le but de dégager les meilleures stratégies visant à
atteindre les objectifs de numérisation et de conservation du cinéma classique
et contemporain européen, sur base de l’expertise des auteurs et du
foisonnement d’informations rassemblées à cet effet.
Les Collections
Aucune conservation n’est possible sans envisager l’acquisition.
Dans le secteur de la conservation numérique, le temps est une donnée essentielle et
les œuvres européennes doivent être déposées le plus rapidement possible
auprès des IPC, en vue de leur conservation.
Le dépôt d’un master numérique ne nécessite pratiquement aucun frais pour le
dépositaire et est une solution avantageuse pour la conservation de l’œuvre.
L’Union européenne doit soulever l’importance d’établir des mécanismes structurés
et obligatoires e n ce qui concerne le dépôt d’œuvres européennes. Le dépôt
13
http://www.ukfilmcouncil.org.uk/media/pdf/6/r/Common_declaration_on_Digital_Cinema.pdf
9 légal de toutes les œuvres européennes est préférable. Le dépôt d’œuvres
financées par l’aide publique est également envisageable, mais son effet est
bien plus limité.
Par l’intermédiaire de la Commission Technique de la FIAF, la Fédération
Internationale des Archives du Film, les IPC ont émis un premier jet de
recommandations relatives aux formats viables au dépôt (légal, contractuel et
volontaire) du matériel numérique. C’est un pas dans la bonne direction, mais
d’autres doivent suivre. Les recommandations mettent en lumière la menace
du cryptage qui pèse sur la conservation et sur la nécessité de conserver le
matériel non crypté.
Les IPC doivent être prêtes à prendre toutes les précautions nécessaires et les
solutions techniques afin d’assurer la sauvegarde et la sécurité des dépôts
numériques.
Les IPC ne sont pas suffisamment équipées pour pouvoir conserver correctement le
matériel cinématographique sous format digital. Les Etats membres et l’Union
européenne doivent agir rapidement en vue d’équiper les Etats membres des
ressources utiles au rassemblement des œuvres cinématographiques
européennes et à leur conservation future. Ceci implique des ressources
financières et humaines, ainsi qu’un apport organisationnel quant à l’échange
des connaissances et des pratiques ainsi qu’à l’acquisition des aptitudes
exigées.
Le stockage et la conservation de longue durée
Dans de bonnes conditions, les films sur pellicule peuvent être conservés pour ainsi
dire à vie, de 500 à 2000 ans en fonction du type de support utilisé.
La conservation à long terme des éléments de films analogiques n’est de ce fait en
aucun cas problématique ; elle doit être maintenue et doit pouvoir compter sur
le soutien dont elle a besoin. Relativement peu coûteuse par rapport à la
conservation numérique et d’une espérance de vie plus longue, la conservation
d’œuvres analogiques existantes garantit le sauvetage de pièces uniques et évite
une numérisation ultérieure d’une partie des collections.
A l’heure actuelle, les films sont tous produits en format numérique et doivent par
conséquent être conservés sous format numérique. Toute autre alternative est
de courte durée et peu pratique.
Une conservation réussie exige une approche systématique, indépendamment du
support physique du matériel d’archives qui doit être traité. Les directives et
10 systèmes de gestion et de conservation des collections physiques sont bien
établis.
La préservation numérique à long terme est un procédé, un système, mais n’est pas
un moyen de stockage. Les IPC doivent être légalement autorisées à exécuter
toutes les étapes, comme la production de plusieurs copies, le transfert ou la
transmission vers une synchronisation distante (mirroring), la migration du
format, etc. Dans certains pays, la législation actuelle est restrictive. Chaque
Etat membre doit pouvoir analyser la législation mise en place et l’adapter aux
besoins.
Les IPC doivent impérativement commencer à planifier des dépôts numériques
basés sur le modèle de référence OAIS. 14 Ils doivent être des « dépôts
fiables », mis au point pour sécuriser le matériel. De nombreux modèles et
expériences ont été testés sur le sujet, dans d’autres domaines de
l’informatique, et devraient servir d’autant d’exemples pour les futurs dépôts
numériques européens.
Dans la phase de transition actuelle, les standards du cinéma numérique sont
satisfaisants pour la préservation numérique à long terme (du moins s’ils ne
sont pas encryptés), mais il faut davantage de recherche sur la nécessité
d’établir une standardisation des archives en accord avec la préservation
numérique à long terme du matériel cinématographique.
La législation doit être modifiée en fonction des besoins, de telle sorte que les
principes dépositaires soient clairement définis. L’application concrète, la
terminologie par exemple, revient aux IPC qui doivent s’adapter à une
technologie en permanente évolution.
En raison de ses faiblesses reconnues (portée limitée, petite part du marché, capacité
restreinte à l’investissement), il est peu probable que l’industrie du cinéma
européen puisse entreprendre seule la numérisation de son catalogue et la
conservation de ses nouvelles productions.
Actuellement, nombreuses IPC ne disposent pas du budget nécessaire ni de
l’expertise pour réaliser une numérisation de grande envergure ou pour
planifier une préservation numérique à long terme. Cependant, d’autres IPC
possèdent cette expertise qui doit être partagée.
La Commission doit encourager, soutenir et développer l’idée de créer un « comité
de gestion » ou « groupe de réflexion » paneuropéen d’experts issus des IPC,
mais également ouvert à d’autres spécialistes, avec, pour objectifs :
>
>
le soutien aux IPC dans la conception des plans et des appels d’offres
relatifs à la préservation numérique à long terme et la numérisation
le suivi de la planification pour obtenir un certain degré
d’interopérabilité
14
Modèle de référence pour un Système ouvert d'archivage d'information (OAIS, ISO 1471:2003)
11 >
>
la recommandation d’actions, comme la recherche par exemple
le suivi de l’évolution du paysage européen, en termes de préservation
numérique à long terme
L’analyse des coûts
La quantité de matériel cinématographique à numériser en Europe est estimée en
temps à 1 million d’heures de travail, au pire des cas.
Le coût approximatif évalué pour des projets de numérisation s’échelonne entre 500
et 2000 euros par heure, c est-à-dire, entre 500 millions et 2 milliards d’euros
pour numériser l’entièreté du patrimoine cinématographique européen.
1 milliard d’euros, le point médian de la fourchette mentionnée ci-dessus,
correspond approximativement à 38% de l’aide annuelle investie par les Etats
membres dans l’industrie du cinéma.
En se basant sur une projection de 1100 longs métrages et 1400 courts produits
chaque année, on peut estimer la quantité de données entre 5,8 et 30 petabytes
(PB) par an. L’étude considère 5,8 PB comme point de référence.
Les frais de dépôt d’un master digital dans une IPC sont quasi-inexistants.
Selon l’estimation financière de l’étude, les nouvelles productions numériques
peuvent être conservées correctement, à un coût tout à fait raisonnable : 1,5
millions d’euros par an dans un système d’archives de 20PB.
Même en multipliant ce chiffre par un facteur de 4 pour compenser une perte
éventuelle d’économie d’échelle, les frais resteraient à 0,2% seulement de la
part que les Etats membres investissent dans le financement de l’industrie du
film.
Si tout le patrimoine cinématographique européen est numérisé, les estimations
montent jusqu’à 1.050 PB. La conservation d’une telle quantité de données
coûte entre 147 millions et 263 millions d’euros, en fonction des solutions
mises en place.
Ces coûts et investissements doivent être ajoutés aux budgets actuels des IPC : le
maintien des œuvres digitales ne remplace en aucun cas l’entretien des
collections sur pellicule.
Un manque d’action entraînerait les conséquences suivantes:
une perte des films dernièrement produits, en raison du manque de
préservation sérieuse à long terme.
l’indisponibilité des films non numérisés.
12 le risque de perdre les nouvelles productions (220 longs métrages en 2016, 330
en 2017, et ainsi de suite).
le financement public à investir dans ces œuvres est estimé entre 580 et 780
millions d’euros par an.
ces deux facteurs précités auront un impact négatif sur la compétitivité
européenne dans de nombreux secteurs, tels que la vidéo à la demande,
la distribution à domicile et le marché télévisuel.
L’impact culturel de la disparition complète du patrimoine cinématographique
européen suscite également inquiétude, car la formation supérieure dans le
secteur des médias se fera de plus en plus rare.
La restauration numérique
D’après une majorité d’acteurs, la restauration numérique peut être considérée
comme un « sujet mature », bénéficiant de peu de solutions logicielles
spécialisées susceptibles de corriger les défauts de l’image et du son. La
recherche et le développement ont bénéficié de peu d’investissement ces
dernières années, en comparaison avec la décennie précédente.
Les coûts diminuent rapidement en termes de hardware et de software, mais sont
actuellement toujours très élevés car le travail exige une main-d’œuvre et ne
peut être automatisé. Les experts restent sceptiques quant à une éventuelle
automatisation du software et au remplacement immédiat du travail manuel
par la machine.
Certains archivistes et fournisseurs de services ont indiqué que les scanneurs doivent
être adaptés aux spécificités des films d’archives, bien souvent détériorés et
fragilisés. Certains ont aussi exprimé leur inquiétude sur l’avenir plus
qu’incertain du scanneur : lorsque le cinéma deviendra complètement
numérique, on ne parlera plus de « fixer l’image sur la pellicule » et le scanneur
sera voué à la disparition. On constate déjà aujourd’hui une surcapacité du
scanneur en Europe, du moins dans le secteur des nouvelles productions.
L’accès au patrimoine cinématographique et
Europeana
Bien que la plupart des IPC soient impliquées dans des activités de numérisation,
l’ampleur et la portée de ces activités sont différentes d’une IPC à l’autre.
13 D’après les résultats d’enquête, la majorité des IPC fournissent une grande partie de
leurs services d’accès numérique à deux catégories d’utilisateurs : les
chercheurs et les universitaires d’un côté, et les diffuseurs de l’autre. Le grand
public a essentiellement accès à ce type d’information dans les salles de
cinéma et sur support DVD.
Les exemples de l’accès en ligne sont si limités en portée et en nombre, et si récents
qu’ils ne sont guère significatifs. Cependant, la diversité des modèles et des
projets indique que l’accès digital aux collections des IPC peut offrir un
éventail de possibilités à des fins culturelles et éducatives.
Afin de rendre l’accessibilité aux collections des IPC possible, des actions doivent
être prises dans le but de débloquer les fonds nécessaires pour le processus de
numérisation et pour la recherche, d’encourager et de développer de nouveaux
modèles conçus pour simplifier l’obtention des droits. Le processus est en
effet coûteux et long quand il s’agit de projets de numérisation de grande
envergure qui s’appliquent aux œuvres plus anciennes et moins commerciales.
Chaque IPC du secteur public défend l’idée de l’accessibilité de ses collections, du
moins en partie, à des fins éducatives et culturelles.
De plus, les IPC considèrent Europeana comme une chance unique de rendre leurs
collections accessibles, mais aussi de les contextualiser en les confrontant à
d’autres types de documents ou de collections.
Suite à des projets comme European Film Gateway, 15 les questions techniques ne
semblent pas poser de problèmes aux IPC qui souhaitent fournir du matériel à
Europeana.
Une analyse des demandes d’accès ainsi que les ventes d’archives sur DVD et sur
d’autres supports mixtes indiquent que, lorsqu’on lui propose, le public
s’intéresse autant au long métrage de fiction qu’aux « autres formats », tels que
le documentaire, les actualités, l’animation, la publicité et les films amateurs.
En d’autres termes, même les périodes de l’histoire du cinéma jugées
« mineures » peuvent susciter la curiosité du grand public. Une tendance
similaire se profile du côté « professionnel », chez les chercheurs,
universitaires et diffuseurs, dont l’intérêt dépasse le concept traditionnel de
« contenu du film ».
Même au stade d’ébauche, les IPC ont besoin d’une aide financière appropriée de la
part des Etats membres.
Les Etats membres doivent s’engager à maintenir leur soutien aux IPC, car la
préservation numérique à long terme exige un financement continu et régulier.
15
http://www.europeanfilmgateway.eu/
14 Les objectifs de numérisation doivent prendre en considération tous les procédés
nécessaires à la numérisation, et les Etats membres doivent assister les IPC
dans cette activité, notamment pour l’obtention des droits.
L’accès doit être planifié et fourni par l’intermédiaire de tous les canaux digitaux qui
répondent à différents besoins et publics. L’accès à des plates-formes
ouvertes, comme en témoigne Europeana, est un facteur indispensable, mais
pas le seul.
Sans ces ressources et sans la numérisation et l’accessibilité (notamment Europeana),
c’est impossible.
Le cinéma numérique et le patrimoine
cinématographique
Les spécifications de la Digital Cinema Initiative (DCI) furent établies selon les
exigences de distribution et de projection sur grand écran de longs métrages
commerciaux. Par conséquent, les besoins des films d’archives et de ceux
produits pour la télévision ne furent pas repris dans la version originale.
Récemment, certains points ont été ajoutés (comme la vitesse de projection),
et clarifient les aspects les plus importants.
La plupart des IPC s’équipent d’un système de projection numérique ou ont
l’intention de le faire, principalement parce qu’elles programment des films
récents, mais aussi des restaurations digitales.
Les IPC peuvent également bénéficier d’une réduction des dépenses par le passage
au numérique et profiter de l’opportunité pour redistribuer le matériel
d’archives à moindre frais. Depuis le lancement du débat sur le cinéma
numérique, les IPC ont toujours été considérées comme fournisseurs de
contenu numérique. Cet objectif doit être d’autant plus renforcé en raison des
faibles coûts que la distribution numérique représente pour les IPC.
Formation et éducation
Les IPC devront faire appel à un personnel compétent, formé et spécialisé dans la
préservation des archives analogiques et numériques.
Le niveau de la formation universitaire dans ce domaine n’est pas suffisamment bon
en Europe. Les Etats-Unis ont un avantage évident.
Les Etats membres doivent encourager la création de diplômes universitaires de
spécialisation, en collaboration avec les IPC. La Commission doit stimuler et
promouvoir cet effort.
15 La formation du personnel en fonction est également primordiale et devrait déjà être
mise en pratique. Par manque de compétences égales, des efforts doivent être
fournis en vue de renforcer le savoir, comme par exemple, par le biais de
programmes européens, de l’élaboration d’outils pédagogiques communs et de
la création d’une équipe d’experts. Le Groupe Consultatif, mentionné plus
haut, pourrait par ailleurs y participer.
16 Partie II
Les propositions
Les principes généraux
1.
Toutes les parties concernées doivent agir rapidement, car les changements
d’ordre technique et structurel que connaît le secteur du cinéma sont profonds
et déjà bien présents. Ces changements bouleversent tout le cycle de vie des
œuvres cinématographiques, mais aussi les activités traditionnelles des IPC
européennes et par conséquent, mettent en péril la conservation du cinéma de
demain ainsi que l’accessibilité du patrimoine cinématographique européen.
2.
Les principes qui doivent justifier ces actions sont clairement définis dans de
nombreux documents de l’Union relatifs au patrimoine cinématographique et à
sa conservation. Parmi ceux-ci, on retrouve la « Résolution du Conseil du 26
juin 2000 relative à la conservation et la mise en valeur du patrimoine
cinématographique européen » et la «Recommandation du Parlement européen
et du Conseil du 16 novembre 2005 sur le patrimoine cinématographique et la
compétitivité des activités industrielles connexes. »
3.
Les principes fondamentaux décrits dans ces documents officiels constituent
une base suffisante pour entreprendre les actions nécessaires. Les
recommandations et les résolutions énoncées dans ces mêmes documents
doivent également être appliquées dans les plus brefs délais, avec force et
décision.
4.
Toutes les parties concernées, les institutions européennes, les Etats membres,
les IPC et l’industrie du cinéma doivent reconnaître l’urgence de la situation et
s’attaquer aux priorités suivantes, à savoir :
>
>
s’engager de manière constructive pour résoudre les problèmes liés à la
conservation et à l’accessibilité future du cinéma européen et national
créer de bonnes conditions pour établir des stratégies claires et
précises au niveau national, avec l’intervention des IPC et des
principaux acteurs.
17 >
>
>
>
>
5.
identifier l’ampleur des changements dans le secteur et se préparer à
prendre des mesures exceptionnelles en vue d’assurer la préservation
du cinéma européen d’hier et de demain.
les Etats membres doivent s’engager à fournir une aide substantielle et
continue aux IPC dans la préservation et l’accès par le biais d’une
numérisation à grande échelle du contenu cinématographique, afin
d’éviter qu’il ne devienne inaccessible dans le monde digital.
la numérisation et la préservation numérique exigent une révision
complète des pratiques traditionnelles d’archivage, telles que le
visionnage, le contrôle de qualité et la vérification, qui ont besoin
d’être redéfinies en fonction des besoins du numérique. Les IPC
doivent également être soutenues de manière appropriée dans
l’acquisition de matériel adapté.
avec, entre autres, le support des programmes européens pertinents,
les Etats membres doivent encourager la formation continue du
personnel des IPC pour qu’il puisse acquérir les compétences
nécessaires.
les Etats membres doivent promouvoir une éducation et une
formation structurées et institutionnalisées destinées au personnel des
IPC et d’autres institutions de patrimoine. D’après le Deuxième
Rapport de Recommandation, l’Union européenne est à la traîne quant
au niveau de formation supérieure pour l’archivage de l’image animée.
Les enjeux développés dans cette étude ne sont pas figés et évoluent très vite. Il
est dès lors indispensable qu’une analyse de la situation et des progrès dans les
différents Etats membres et IPC soit réalisée régulièrement, tous les deux ou
trois ans par exemple.
Les réponses apportées aux enjeux et les meilleures initiatives produites par l’avancement
du numérique doivent découler d’une collaboration étroite et efficace intereuropéenne.
6.
Les IPC, avec l’aide des Etats membres et de la Commission, doivent
immédiatement établir un réseau probant pour faire face aux problèmes
évoqués dans cette étude, pour partager les expériences et compétences, et pour
établir des actions communes.
La collection
Les IPC ne sont pas équipées pour gérer l’intégration de nouvelles œuvres qui ont
été entièrement numérisées à la production : elles ne disposent pas d’une
18 expertise interne, ni de l’équipement ou du personnel qualifié capable
d’effectuer les tâches.
Ces insuffisances se traduisent par une menace sérieuse pour la conservation du
cinéma européen.
La conservation des productions numériques actuelles ne remplace pas la
conservation des collections sur pellicule, mais la complète. Les IPC doivent
acquérir de nouveaux outils, un équipement adapté et un personnel qualifié, ce
qui implique une augmentation du budget pour faciliter la transition aux IPC.
L’étude ne peut évidemment pas évaluer l’ampleur exacte de l’augmentation
budgétaire pour chaque institution, mais elle risque d’être élevée.
7.
Les Etats membres doivent assister les IPC en augmentant de manière
importante les ressources budgétaires destinées à l’acquisition du matériel
adéquat, du personnel et des compétences.
8.
Les IPC doivent agir le plus rapidement possible et définir des agendas détaillés
de leurs besoins réels à court et moyen terme (à compter de la prochaine année
fiscale jusqu’aux trois années qui suivent).
9.
La plupart des IPC ne disposent même pas de l’expertise pour établir de tels
pronostics. La Commission doit donc intervenir par la conception
d’instruments élaborés pour faciliter cette phase, par la promotion de la
circulation des compétences ou des meilleures pratiques ou lignes de conduite à
adopter.
D’après les calculs de l’étude, les coûts pour établir en Europe un dépôt contractuel
ou légal d’œuvres numérisées à la production ne sont pas excessifs. Les frais
pour l’industrie sont même quasi-inexistants et ceux pour les IPC et les Etats
membres sont raisonnables, par rapport aux niveaux d’aide publique à
l’industrie du film par exemple.
L’étude confirme aussi le besoin indispensable de renforcer les mécanismes d’un
dépôt obligatoire, ou à défaut, d’un dépôt contractuel qui assure du moins la
conservation des films subventionnés par l’aide publique.
10. La Commission doit réitérer et accentuer la nécessité d’introduire et de
renforcer les mécanismes d’une collection structurelle d’oeuvres
cinématographiques, produites et distribuées sur pellicule ou sur support
numérique.
19 11. Les Etats membres doivent s’inspirer des suggestions des IPC pour modifier les
lois et régulations existantes relatives aux mécanismes actuellement en place
dans la législation, afin de s’assurer que:
>
>
toutes les œuvres à déposer le sont réellement.
le processus se déroule dans les formats adéquats et au moment de la
distribution.
Actuellement, les formats requis ont été élaborés par la Commission
Technique de la Fédération Internationale des Archives du Film : le DCDM
ou le DCP non encrypté.
12. La législation doit assurer une certaine flexibilité, de telle sorte que les IPC
responsables d’un dépôt peuvent définir les formats appropriés sans devoir
altérer la loi.
13. La loi et les régulations doivent également clairement établir les principales
lignes conductrices: ce qui est en dépôt doit être préparé à la conservation à
long terme et doit être déposé dès la fin de sa réalisation, c’est-à-dire au
moment de la première distribution.
14. Ces deux actions doivent être prises dès que possible, idéalement dans les 12
mois à partir de la publication de la présente étude.
15. Les IPC doivent commencer immédiatement la planification des outils les plus
performants pour concevoir et instaurer les dépôts numériques susceptibles de
conserver à long terme les œuvres cinématographiques numériques à la
production et/ou à la distribution. Ces dépôts doivent répondre aux paramètres
du système ISO “OAIS – Un Modèle de Référence pour un Système Ouvert
d’Archivage de l’Information. »
16. Ces dépôts doivent également être conçus pour assurer un maximum de niveaux
sécuritaires et pour contrôler le risque de piratage, lors de l’entretien du
matériel encrypté.
17. Les dépôts doivent être mis en place au plus tard en décembre 2012.
Durant la période de transition, les IPC doivent établir certaines stratégies
préservant et sauvegardant le matériel numérique dans un “dépôt temporaire”,
qui ne répondrait pas forcément aux paramètres du modèle OAIS.
18. Les Etats membres doivent pourvoir aux aides financières nécessaires lors de la
phase de conceptualisation.
19. L’ACE (Association des Cinémathèques Européennes) et les IPC européennes,
soutenues par les Etats membres et éventuellement par la Commission, doivent
collaborer étroitement et mettre leurs expertise et compétences en commun,
afin de définir les caractéristiques et spécifications nécessaires à la
conceptualisation des dépôts.
20 20. Par conséquent, l’ACE doit créer et coordonner un groupe d’experts issus des
IPC et d’ailleurs, pour encourager cette initiative. Ce groupe d’experts doit par
la suite devenir permanent et prendre sous sa responsabilité une étude continue
des enjeux techniques et organisationnels ; il sera par ailleurs amené à produire
des recherches, des analyses, des recommandations sur des problématiques
telles que les techniques de conservation, les technologies, les procédures et les
métadonnées. Un sous-groupe pourrait être en charge des questions liées à la
numérisation.
21. A plus long terme, le statut de ce comité ou groupe consultatif devra être
précisé et devra assurer un réel contrôle de la coopération et de la coordination
des initiatives européennes, du moins dans un rôle de consultation.
22. Ce même Groupe Consultatif devra prendre en charge le débat sur
l’opportunité d’introduire un standard européen de conservation à long terme
quant au dépôt et à la soumission du contenu cinématographique numérique.
23. Ce nouveau standard doit être ouvert, entièrement décrit et conçu pour
différents types de matériel, voire même pour du contenu vidéo et télévisuel.
Des recherches supplémentaires doivent être envisagées pour affiner ces
paramètres. De par l’impact paneuropéen, toute recherche doit impérativement
être réalisée dans le cadre d’activités européennes de recherche et de
développement.
24. Il est évident que les collections sur pellicule seront à l’avenir entreposées dans
un but de préservation à long terme, mais le matériel analogique n’en sera pas
moins utilisé. Les Etats membres doivent garantir aux IPC un équipement
adapté aux besoins de la conservation à long terme du matériel analogique,
conforme aux conditions de préservation émises par un comité expert de
recherche. Actuellement, les IPC européennes ne bénéficient pas toutes des
ressources nécessaires, ni d’un équipement approprié, qui répond aux
conditions strictes de conservation. La Commission doit demander aux Etats
membres d’apporter le soutien nécessaire aux IPC.
25. La Commission doit exiger des Etats membres qu’ils mettent en place une
législation souple, permettant aux IPC d’entreprendre toutes les mesures
techniques nécessaires à la conservation à long terme du contenu
cinématographique.
26. Des exceptions doivent être introduites dans la législation actuelle du droit
d’auteur, afin d’élargir la marge de manœuvres et de réduire les interprétations
erronées. Par exemple, le simple concept de « copie de préservation », même s’il est au
départ tout à fait louable, doit être testé sur tous les procédés possibles, comme le transfert
d’un média ou d’un format vers un autre ou la transmission vers d’autres sites éloignés à des
fins de conservation.
21 27. La Commission et les Etats membres doivent songer à encourager efficacement
le dépôt volontaire d’œuvres non nationales ou de toute autre œuvre qui n’a pas
été financée (les Etats membres considèrent en effet que le dépôt est
uniquement obligatoire lorsque les films ont bénéficié d’une aide publique). A
partir de 2012-2013, seules les productions nationales seront entreposées dans
les IPC, ce qui risque d’affaiblir la culture cinématographique des Etats
membres, largement influencée par des productions non européennes.
28. Il est de ce fait impératif que les Etats membres mettent en place des mesures
économiques ou autres, afin d’encourager les dépôts volontaires. La meilleure
solution reste cependant la création d’un dépôt fiable à la conservation de
longue durée, tel qu’il a été décrit plus haut.
La conservation
Il suffit de s’inspirer des autres domaines pour être convaincu de l’importance de la
préservation numérique à long terme: elle est tout à fait envisageable, car elle
est utilisée chaque jour et partout, et ce, pour de larges quantités de données,
notamment d’informations hautement confidentielles. Le transfert numérique
exige des fonds ainsi qu’une capacité à planifier et à concevoir une stratégie.
Les IPC sont à présent incapables d’exécuter de telles tâches parce que la
technologie qu’elles utilisent est depuis trop longtemps figée et parce qu’elles
manquent foncièrement de main-d’œuvre et de fonds.
Les solutions existent dans des secteurs proches des IPC, tels que la diffusion et les
données spatiales ou relatives à la santé par exemple.
29. Des systèmes efficaces et performants ne peuvent être improvisés. La
conception nécessite du temps et de l’énergie pour qu’ils puissent être à 100%
opérationnels. La création ainsi que la gestion de métadonnées valables et de
niveaux élevés d’interopérabilité sont les éléments clés du succès.
30. Le travail est de longue haleine et ne se limite pas à une action ponctuelle.
31. Les recommandations suivantes font partie du plan que les IPC doivent adopter
et de la recherche que l’Union doit encourager et soutenir:
>
>
>
>
assurer un financement adapté et continu pour la préservation des
archives numériques
les œuvres numérisées à la production doivent être conservées comme
telles.
continuer à s’inspirer des pratiques plus probantes testées dans les
secteurs connexes de l’industrie.
le maintien d’un minimum d’interopérabilité au niveau européen pour
l’accès au catalogue et au contenu.
22 >
>
>
>
>
>
>
la standardisation et l’ouverture des formats de données utilisés pour
le matériel d’archives.
le cryptage du contenu augmente le risque d’une perte de données. Le
stockage non crypté doit être préféré au stockage crypté et la sécurité
des informations doit être assurée par d’autres moyens.
le contenu ne doit pas être conservé dans un format crypté.
le contenu d’archives peut être stocké par la compression sans perte.
la simplicité et la fiabilité des structures de codage sans perte doivent
être prioritaires par rapport à l’efficacité d’une compression absolue.
les formats digitaux doivent être favorisés pour les œuvres produites
avec une filière numérique, afin de les préserver dans leur intégralité.
le maintien de la structure nationale actuelle des IPC va continuer à
permettre l’accès des Etats membres au patrimoine cinématographique
photochimique.
Les systèmes de Préservation Numérique à Long Terme sont actuellement
encombrants et coûteux et ne sont pas suffisamment adaptés aux besoins du
contenu cinématographique (fichiers volumineux ou de taille moyenne en
grand nombre, contraintes en termes de vitesse de lecture et de gravure, bande
passante, Qualité de Service si le temps réel est exigé, possibilité de travailler
sur différents formats, tant à l’import qu’à l’export, etc.)
32. La définition d’un système de gestion de collection, dont le moteur serait un
logiciel libre accessible à toutes les institutions, représenterait un sérieux
avantage en termes d’économie d’échelle pour le secteur des IPC et des archives
audiovisuelles. La recherche et le développement sont indispensables pour la
création d’un modèle économique réaliste sur base duquel une application à la
fois abordable et durable peut être conçue. C’est une priorité pour la recherche
qui, de par sa complexité et son ampleur, doit être prise en charge par les
institutions européennes.
33. A l’instar du modèle du CEN appliqué à la terminologie cinématographique, les
IPC doivent travailler sur la définition des modèles de métadonnées pour la
préservation à long terme d’images et de bandes sonores numériques et
numérisées. Des systèmes de métadonnées techniques, administratives et de
conservation n’existent pas. En outre, il faudrait les adapter à l’Europe, entre
autres au multilinguisme.
34. L’hypothèse de grands entrepôts transnationaux qui fonctionneraient au niveau
européen, éventuellement sous la coupe d’Europeana, vaut la peine d’être
soulevée, voire même d’être testée. Elle pourrait favoriser la création d’un seul
dépôt volontaire pour les œuvres non européennes, ce qui permettrait d’éviter
l’entreposage de ces titres dans 27 institutions. Ceci dit, l’expérience dans les
IPC et dans d’autres secteurs est à présent trop limité. De plus, les
préoccupations de sécurité et la fragmentation du marché du film européen
rendent improbable la mise en pratique d’une telle solution à l’heure actuelle.
Cette perspective s’inscrit dans un avenir à moyen terme. Idéalement, un projet
23 de recherche adapté devrait être introduit, au niveau national, voire idéalement
au niveau européen
La restauration
35. La recherche dans le domaine de la restauration numérique doit être
encouragée, au niveau européen et au niveau des Etats membres. Une analyse
approfondie des technologies du scanning spécifiquement adaptées aux films
d’archives serait particulièrement la bienvenue.
L’accès et Europeana
36. La Commission doit réitérer et renforcer la recommandation selon laquelle les
Etats membres définissent et mettent en place les grands programmes de
numérisation, inspirés, du moins en portée si ce n’est en application, du projet
néerlandais “Images for the future”.
37. Les Etats membres doivent également reconnaître l’importance de procéder à
une numérisation à court terme, au risque de perdre la technologie et l’expertise
indispensables à la numérisation d’un grand nombre de collections de films sur
pellicule.
38. Comme le soulève l’étude, les possibilités de réaliser des projets de
numérisation de grande envergure se referment déjà et ne dureront pas plus de
7 à 10 ans.
39. Ces projets doivent être de grande ampleur , doivent pouvoir couvrir
éventuellement toute la production nationale, et accorder une attention égale
aux œuvres de fiction et de non-fiction, dont la valeur commerciale est
indiscutable.
40. Des collaborations stables et étroites avec les intervenants concernés sont
indispensables. Ces collaborations verront vraisemblablement le jour lorsque
l’aide publique financera la numérisation ; la plupart des ayants droit ne sont
pas prêts, techniquement et financièrement, à entreprendre des projets de
numérisation de si grande envergure.
41. Dès que les projets de numérisation à grande échelle seront mis en place, le
problème de matériel ne se posera plus pour Europeana. Il est clair que l’accès
limité au matériel dans Europeana s’explique principalement par un manque de
financement. Outre les projets mis en place par les Pays-Bas et certaines
24 initiatives isolées réalisées en Norvège, en Finlande ou en France, les autres
Etats membres n’ont pas encore investi dans de nouvelles ressources de
numérisation du patrimoine cinématographique.
42. Le manque de financement adéquat est inhérent à la question des droits. Les
IPC ont foncièrement besoin d’un personnel capable de réaliser une recherche
approfondie liée aux questions légales. Grâce à un investissement, les IPC ou
les Etats membres pourraient établir des modèles d’activité et entamer des
négociations avec les ayants droit. Des projets tels que « Images of the Future »
ont démontré leur pertinence, à condition que le secteur public investisse les
ressources nécessaires et s’engage à long terme.
Formation et éducation
Une part importante du personnel en fonction des IPC nécessite inévitablement une
remise à niveau, afin d’acquérir de nouvelles compétences et qualifications.
Les IPC doivent s’engager à développer ce type d’activité le plus rapidement
possible, à organiser des sessions de formation et à identifier les besoins du
personnel qui exprime le souhait de se recycler.
43. Les frais impliqués pour ce type de formation pourraient être considérablement
abaissés si la formation est conçue à un niveau transnational, selon des zones
linguistiques, ou au niveau européen. Le matériel de formation pourrait être
produit et utilisé efficacement par toutes les institutions. Une telle organisation
favoriserait l’échange entre les IPC et contribuerait à la diffusion des
connaissances des pratiques et modèles les plus efficaces.
44. De préférence, la formation et l’éducation institutionnalisées et structurelles
devraient être organisées à travers l’Union européenne, les universités et les
institutions de niveau universitaire.
La conférence sur l’enseignement et sur la formation en techniques d’archivage,
organisée lors de la Présidence espagnole, et le « Second Implementation
Report » indiquent qu’il y a peu d’offres dans le secteur en Europe. Certes, la
conservation numérique du contenu cinématographique reste un domaine
spécialisé nécessitant un nombre annuel restreint de stagiaires en Europe.
Cependant, la plupart des matières à aborder au cours d’une telle formation
sont également utiles dans d’autres orientations, qui exigent une main-d’œuvre
beaucoup plus importante, comme le secteur de l’audiovisuel et l’industrie des
médias.
Il est donc prioritaire de considérer la Conservation Numérique et éventuellement la
Numérisation des archives, qu’elles soient analogiques, bibliographiques ou
muséales, comme matières d’enseignement supérieur en Europe.
25 45. Les IPC doivent collaborer étroitement et s’inspirer de ces initiatives. Elles
doivent mettre en œuvre des stratégies qui favorisent les démarches, notamment
d’embauche, comme donner la préférence au recrutement d’un personnel
qualifié, plutôt qu’à la pratique actuelle de la formation en interne. L’efficacité de
la formation en interne est proportionnelle aux aptitudes et compétences présentes dans
l’institution. En d’autres termes, la plupart des IPC sont insuffisamment équipées pour
organiser une formation dans les nouveaux domaines de préservation numérique et de
numérisation, des matières qu’elles maîtrisent à peine. Ces efforts constituent d’autant plus
un défi pour les institutions de plus petite taille et relativement récentes car elles ne disposent
pas de ressources internes ni de personnel hautement qualifié.
46. En outre, les programmes d’enseignement et les cours doivent impérativement
aborder les pratiques et technologies d’archivage analogique. Les collections sur
pellicule continueront d’exister dans les grandes institutions comme les musées,
les bibliothèques, les archives et les IPC. Les nouvelles générations seront de
moins en moins exposées aux technologies analogiques. Combien d’employés
dans une structure de 15 à 25 personnes maîtrisent réellement les supports
analogiques, tels que les disques, films, bandes sonores ou cassettes vidéo ?
La recherche et la standardisation
La conservation à long terme du cinéma et des œuvres audiovisuelles vont sans
aucun doute tirer parti de la recherche réalisée dans d’autres domaines des
technologies de l’information, entre autres dans les nouveaux supports de
stockage de données ou dans l’informatique en nuage.
Cependant, la recherche doit analyser les besoins spécifiques du cinéma (et parfois
ces besoins s’appliquent aussi à d’autres contenus audiovisuels). Ces exigences
ont déjà été mentionnées dans la présente étude et dans le résumé exécutif. En
bref, la liste ci-dessous reprend les points principaux.
47. Les éléments nécessitant une recherche approfondie sont les suivants:
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la possibilité de définir une norme européenne pour le dépôt et la
soumission du contenu cinématographique numérique aux IPC à des
fins de conservation durable. Cette norme pourrait être appliquée à
d’autres supports d’images comme la vidéo et la télévision.
la conception de logiciels libres de gestion de collection, créés pour
préserver à long terme le matériel visuel et utilisés notamment par les
IPC et les archives audiovisuelles en Europe.
l’interopérabilité entre les dépôts et les systèmes de métadonnées qui
sont actuellement d’usage en Europe ou qui le seront à l’avenir.
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>
le matériel encrypté n’étant pas efficacement conservé, les questions de
sécurité
concernant
les
dépôts
numériques
au
contenu
cinématographique et visuel doivent être approfondies.
la recherche dans le domaine de la Restauration Numérique doit être
valorisée au niveau européen et national. Les technologies de scanning
adaptées aux films d’archives méritent une attention particulière.
l’évaluation et l’acquittement des droits d’auteur sont à la fois
nécessaires et coûteux. Les efforts de recherche et de développement
nécessitent davantage de financement pour la conception de nouveaux
modèles, le flux opérationnel et les outils utiles pour effectuer ces
tâches. Les résultats du projet ARROW sont encourageants;
cependant, ils ne s’appliquent qu’au domaine beaucoup plus simple de
la publication papier.
27 Epilogue
“La numérisation apporte un souffle nouveau aux oeuvres du passé et les transforme
non seulement en une source d’intérêt pour les utilisateurs individuels mais aussi en
matériau précieux pour construire l’économie numérique de demain." 16
Ce passage tiré du “Comité des Sages” met en lumière les enjeux de la numérisation
du patrimoine culturel européen, dans le double rôle, à la fois majeur et
stratégique, d’investissement dans le capital humain européen par le biais de la
culture et de l’éducation, et de facteur clé dans l’économie numérique.
Le cinéma est au cœur de l’environnement médiatique actuel. Il est le principal choix
des citoyens européens, dans les salles, à la télévision ou à la location. Il
constitue un investissement considérable et représente un domaine de l’
industrie européenne non négligeable. Il témoigne de l’histoire culturelle de
l’Europe, grâce à 120 ans d’images.
Avec
le passage des cinémas européens au numérique, le patrimoine
cinématographique européen se trouve actuellement au confluent de la
mémoire et de l’oubli :
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suite à la numérisation de tous les canaux d’accès au patrimoine
cinématographique européen, les collections européennes sont
amenées à devenir numériques ou le cinéma est voué à disparaître. La
culture européenne risque de perdre 120 ans d’histoire et l’industrie ne
pourra plus bénéficier d’une exploitation commerciale des catalogues
du passé.
tous les films sont produits numériquement et par conséquent, les IPC
doivent obtenir les moyens et outils pour assurer leur préservation au
risque de tomber dans l’oubli. La conservation numérique à long terme
est en outre plus complexe et coûteuse que la conservation des films
sur pellicule.
Une série d’actions urgentes doit être envisagée au plus vite:
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>
le report de la décision d’établir des stratégies de conservation durable
des œuvres audiovisuelles représente chaque année une perte
potentielle de 1200 films.
les projets de numérisation de grande envergure des collections
cinématographiques européennes risquent de devenir impossibles à
réaliser dans les prochains 7 à 10 ans. Le rideau est doucement en train
de se refermer.
Le numérique offre des possibilités sans précédent pour le futur culturel et
économique de l’Europe, mais pose aussi certaines questions.
16
“La Nouvelle Renaissance – Rapport du ‘Comité des Sages’” p. 4
28 En tant qu’auteurs de cette étude, nous espérons que l’Europe pourra agir
promptement afin de confronter les enjeux et saisir les opportunités.
29