ABA Mars 2015
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ACTUALITES BIBLIOGRAPHIQUES EN ALLERGOLOGIE * Mars 2015 * Claude MOLINA* et Jacques GAYRAUD** 1. 2. 3. 4. 5. Prévention de l’allergie à l’arachide par une consommation précoce chez l’enfant Asthme et Broncho-constriction d’effort chez l’athlète Eczéma et Environnement Phénotypage de l’Asthme de l’enfant et des Sifflements Respiratoires Anaphylaxie Professionnelle I - Prévention de l’Allergie à l’Arachide par consommation précoce chez l’enfant : G.Du Toit et al NEJM 2015 26 Feb 372 803-813 et R.S.Gruchalla and H.A Sampson 875-877Editorial. Thème : Allergie alimentaire - Arachide Mots clé : Arachide – Consommation précoce L’allergie à l’arachide a doublé de fréquence dans les pays occidentaux au cours des 10 dernières années. Elle a même quadruplé aux USA et atteint maintenant les pays africains et asiatiques. Elle est la cause principale de l’anaphylaxie par allergie alimentaire. Il était recommandé jusqu’alors d’éviter la consommation d’arachide en particulier chez les sujets atopiques à risque, au moins jusqu’à l’âge de 3 ans. Mais déjà les auteurs Londoniens avaient constaté que la prévalence de l’allergie à l’arachide était 10 fois plus élevée chez les enfants anglais d’origine juive, privés d’arachide dans leur 1ère année que chez les enfants israéliens qui en consommaient avant l’âge d’1 an. Ces mêmes chercheurs ont donc émis l’hypothèse que la consommation précoce pourrait prévenir l’apparition de l’allergie à l’arachide et l’ont donc testée dans une étude prospective randomisée avec un protocole précis : 530 enfants entre 4 et 11 mois, atopiques (atteints d’eczéma sévère ou d’allergie à l’œuf) ont été enrôlés entre 2006 et 2009 et séparés en 2 cohortes distinctes, l’une, consommant, l’autre évitant l’arachide et différenciées aussi sur la base du prick-test cutané à l’arachide avec un groupe à test positif de 1 à 4 mm de diamètre, l’autre avec test négatif. Les sujets ont été suivis, jusqu’à l’âge de 5 ans (60 mois). Les résultats ont été les suivants : - Au terme de la 5ème année, la prévalence de l’allergie à l’arachide, confirmée par un test de provocation orale était de 13,7% dans le groupe « éviction » contre 1,9% dans le groupe « consommateur » (P≤ 0.001) soit une réduction de 86%. - De plus parmi les 98 enfants qui avaient initialement des tests positifs, la prévalence était de 35,3% d’allergie à l’arachide dans le groupe éviction contre 10,6% dans le groupe consommateur (P≤ 0.004). C’est dans ce groupe que l’on constate les IgG4 les plus élevées ainsi qu’un pourcentage plus important de sujets avec un taux élevé d’IgE spécifiques. Les auteurs concluent donc que la consommation précoce d’arachide chez l’enfant à haut risque prévient le développement de l’allergie à cet aliment et module ainsi la réponse immune. Restent plusieurs problèmes à résoudre avant de modifier les grandes lignes des recommandations en matière d’allergie à l’arachide. Faut-il prescrire avant le 11ème mois la consommation d’arachide ou de produits dérivés chez l’enfant à risque ? Par ailleurs quelle est la quantité souhaitable si entre 4 et 8 mois le prick-test à l’arachide est négatif ? On évoque la dose de 2g de protéine (soit 8 cacahuètes) 3 fois par semaine pendant 2 voire 3 ans en surveillant la sensibilisation et la tolérance. A vrai dire des études complémentaires sont nécessaires pour préciser la marche à suivre dans cette allergie à l’arachide, d’autant que les conclusions pourront aussi concerner les cas d’allergie à de nombreux autres aliments (lait, œufs entre autres). II - Asthme et broncho-constriction d’effort chez l’athlète L.P Boulet et P.M.O’Byrne : NEJM 372 7 12 Fev 2014 641-648 Thème : Asthme Mots clé : Asthme – Hyper réactivité bronchique – Bronchospasme d’effort - Athlète Dans une excellente revue générale, les auteurs essaient de distinguer le bronchospasme d’effort qui peut survenir chez l’athlète non-asthmatique de celui qui vient souvent s’associer (ou le révéler) à un asthme préexistant avec son hyperréactivité caractéristique, plus fréquent encore chez les skieurs et les nageurs de haute compétition. Les mécanismes invoqués sont multiples : hyperventilation chez les athlètes d’élite (jusqu’à 200l/minute) avec intensité des échanges osmotiques, de température et humidité avec l’air ambiant, pénétration accrue d’allergènes et de polluants (chloramines dans les piscines), déshydratation des voies aériennes d’où inflammation cellulaire épithéliale. Le diagnostic d’asthme ou de bronchospasme d’effort ne peut se baser sur la seule symptomatologie. Ce que l’on doit rechercher chez tous ces athlètes dont le débit expiratoire est souvent au dessus de la normale (120% de la valeur prédite) c’est la variabilité de l’obstruction bronchique (mesurée par le peak-flow après inhalation de β2 mimétiques ou après test à la métacholine). L’hyperpnée volontaire eucapnique est recommandée pour certains, mais ne peut se faire qu’en laboratoire. A vrai dire plusieurs tests sont souvent nécessaires. Le traitement du bronchospasme d’effort et de l’asthme chez l’athlète est de maintenir une bonne fonction respiratoire en vue d’une performance optimale, et d’éviter les facteurs de risque extérieurs (le masque facial peut être utile chez les skieurs pour éviter le refroidissement des voies aériennes). Les corticoïdes inhalés restent le socle de la thérapeutique, (comme chez les non-athlètes) ils sont sousutilisés alors que les β2 mimétiques le sont trop. Il faut surtout employer les produits à action immédiate (type Albuterol, Formoterol), ceux à action retardée (type Salmeterol ) uniquement en association avec les corticoïdes inhalés. Il est certain que les athlètes doivent tenir compte du règlement anti-dopage pour les compétitions. Ainsi, les corticoïdes per os sont interdits. Les β2 mimétiques sont autorisés en fonction des règlements dits d’exemption thérapeutique accordée sur prescription médicale C’est une autre approche qu’ont envisagée les auteurs belges S.F Seys et al Allergy Vol 70 2015 2 187194 à savoir la recherche d’une signature moléculaire de l’atteinte épithéliale au cours du bronchospasme d’effort chez le non asthmatique : 26 nageurs d’élite, (de 14 à 25 ans : 16H, 10F, 5 sont atopiques) 13 athlètes de salle (basket-ball et volley) et 15 témoins, ont été soumis à un exercice intense de 90 minutes : - 7 nageurs, 1 athlète en salle et 1 témoin ont présenté un bronchospasme d’effort confirmé par hyperpnée volontaire eucapnique. - L’étude biochimique de l’expectoration avant et après 24h a révélé la fréquence des altérations épithéliales des voies aériennes, surtout chez les skieurs par exposition au froid et chez les nageurs par suite de l’exposition au chlore. - Chez ces derniers, avant même l’effort, la présence de neutrophiles, de protéine CC 16 (cellules Clara16) critère de l’altération épithéliale, et d’acide urique, était plus marquée que chez les témoins. - Après 90 minutes de natation, les taux dans l’expectoration d’IL 1β, d’IL6, de TNF mRNA étaient élevés chez les nageurs d’élite tandis que les témoins présentaient une augmentation des neutrophiles et d’IL6 mRNA. Ainsi la sécrétion de cytokines et l’inflammation neutrophile des voies aériennes semblent être des critères valables du bronchospasme d’effort chez l’athlète de haute compétition III - Eczéma et Environnement T.Tsakok et al / The Lancet 26 Feb 2015 385 special issue 599 Thème : Allergie cutanée - Eczéma Mots clé : Eczéma – Environnement – Etude ISAAC2 – Niveau socio économique – Humidité - Moisissures C’est un bilan provisoire tiré de l’étude Internationale ISAAC Phase 2. Il concerne 46051 enfants de 8 à 12 ans venant de 20 pays différents, le but étant de préciser les rapports entre eczéma de l’enfant et les caractéristiques du logement en particulier l’humidité et les moisissures (dont on connaît aussi l’association fréquente avec l’asthme. Il s’agit d’une étude croisée comportant des données démographiques et un questionnaire parental sur les symptômes et l’humidité intérieure. Les enfants ont été examinés et ont subi un prick test classique. Dans un groupe stratifié, des échantillons de poussière ont permis la mesure de l’exposition aux acariens. Le sexe, l’éducation maternelle, les antécédents familiaux d’allergie et d’asthme, la présence domestique d’un animal de compagnie, le tabagisme parental, le rang familial et le partage éventuel du lit de couchage, le mode de cuisson, tous ces éléments ont été enregistrés comme possibles facteurs de confusion ou de modificateurs d’une analyse statistique de régression logistique. - Il en ressort que l’exposition à domicile à l’humidité et aux moisissures a été significativement associée à un eczéma des plis de flexion, l’année précédant l’examen, avec une plus forte association dans les pays économiquement faibles que dans les pays riches. - L’humidité et les moisissures chez l’enfant âgé d’1 an en moyenne ont été significativement associées à la présence d’eczéma selon les affirmations parentales, mais non lors de l’examen objectif. - Les risques estimés d’ eczéma ont été identiques que les prick-tests cutanés soient positifs ou négatifs et n’ont pas été sensiblement altérés par les facteurs modificateurs sauf en ce qui concerne l’allergie parentale qui est un élément à prendre en compte. Au total, il existe une association entre les conditions domiciliaires d’humidité et de moisissures et l’ eczéma de l’enfant, ce qui n’en prouve pas forcément la causalité, mais qui, comme pour l’asthme et la bonne santé respiratoire pourrait sûrement bénéficier à titre préventif et dans tous les pays, d’une amélioration des conditions de logement. Il faut en rapprocher la statistique américaine de J. Silverberg (Ped.All.Immun. 2015 26 54-61) qui sur 4049 enfants de 8 à 19 ans provenant d’une cohorte nationale, a constaté, entre 2005 et 2006 statistiques à l’appui, que les enfants et adolescents, atteints d’eczéma atopique surtout des plis de flexion, étaient significativement atteints de malnutrition, (due à un régime faible en viande et laitages) avec une densité osseuse et un Index de Masse Corporelle inférieurs à la normale et particulièrement appartenant à des familles hispaniques à faibles revenus. Ainsi, en même temps que les risques de pollution intérieure les facteurs socio-économiques jouent un rôle non négligeable dans la survenue d’eczéma chez l’enfant et l’adolescent. IV - Phénotypage de l’asthme de l’enfant et des sifflements respiratoires J.Just et al Ped.All.Immun 21 Fev 2015.accepted articles Thème : Asthme – Allergie respiratoire Mots clé : Phénotypes d’Asthme – Sifflements respiratoires – Episode viral – Sifflement atopique multifactoriel – Sifflement non atopique sévère Les analyses multivariées récentes sur des cohortes françaises et européennes et le phénotypage de l’asthme et des sifflements respiratoires (Wheezing) chez l’enfant d’âge préscolaire, permettent aux auteurs de distinguer 3 phénotypes de sifflements différents : 1) L’Episode viral bénin (EVB) 2) Le Sifflement atopique multifactoriel (SAM) 3) Le Sifflement non –atopique sévère (plus rare) (SNAS) - - - L’EVB et son bon pronostic sont confirmés dans les cohortes françaises (« TROUSSEAU » sur 551 enfants de moins de 18 mois et « PARIS » chez 3500 nouveaux-nés. Les rémissions sont fréquentes et à 5 ans 69% des enfants sont asymptomatiques. Le SAM se caractérise par une prédominance chez les garçons, l’association ultérieure à eczéma, rhinite et asthme, une positivité des IgE et un pronostic défavorable puisque dans une cohorte britannique, ces enfants, à l’âge de à 11 ans ont une perte de fonction respiratoire notable. Le SNAS chez les enfants d’âge préscolaire est plus rare, à prédominance féminine, il est de sévérité intermédiaire. Dans la cohorte TROUSSEAU la moitié des enfants suivis à 5ans gardent un sifflement « asthmatiforme » mal contrôlé malgré de fortes doses de corticoïdes inhalés. Il n’y a pas d’antécédents personnels atopiques mais l’on retrouve des parents asthmatiques chez une forte proportion de sujets. A noter chez ces enfants d’âge préscolaire la stabilité de ces phénotypes. A l’âge scolaire on en retrouve les mêmes caractéristiques et leur pronostic dépend aussi de la chronologie (précoce ou tardive) de l’expression allergique. Chez l’enfant plus âgé, scolarisé les phénotypes de l’asthme sont classiques : • L’un avec inflammation à éosinophiles, une fonction respiratoire sensiblement normale, et un eczéma atopique associé (c’est le cas de 125 sujets de l’enquête TROUSSEAU avec un asthme modéré et une mono sensibilisation soit à la poussière soit au pollen). • L’autre à inflammation neutrophile (chez 388 familles françaises de l’enquête génétique et environnement dans l’asthme) avec une fonction respiratoire perturbée, une certaine obésité (IMC élevé) et un facteur atopique peu évident. L’ensemble de ces constatations amène les auteurs à suggérer la recherche de marqueurs biologiques non-invasifs pour mieux définir ces phénotypes et prévoir les risques d’asthme sévère ultérieur en vue d’un traitement personnalisé dès les premiers symptômes. V - Anaphylaxie Professionnelle (A.Siracusa et al Allergy 2015 70 141-152) Thème : Allergie professionnelle Mots clé : Piqûres d’hyménoptères - Latex C’est une mise au point européo-canadienne sur un thème médical et médico-légal qui ne se résume pas seulement à 2 grandes catégories : les piqûres d’abeille et guêpes chez les apiculteurs et les travailleurs forestiers et le latex chez les professionnels de santé. Mais les médicaments, les aliments, les produits chimiques, ont aussi leur place dans l’étiologie de tels accidents, quoique plus souvent anecdotiques. Ce document a pour but de fournir la preuve de l’origine professionnelle et des suggestions pour les mesures de prévention surtout. Nous n’insisterons pas sur la symptomatologie plus ou moins aiguë avec atteinte cutanée, respiratoire, voire hypotension, collapsus, ni sur la nécessité du traitement d’urgence par adrénaline. Le type d’allergène, la voie et la fréquence d’exposition sont variables, le plus souvent par piqûres (accidentelles ou non) contact cutané, rarement par voie orale. Rappelons que la fréquence d’exposition chez les apiculteurs induit plutôt une tolérance (plus de 200 piqûres) alors que l’allergie et l’anaphylaxie se manifestent chez les sujets qui ne sont pas piqués fréquemment (moins de 25 par an). Le diagnostic après l’accident doit être confirmé, par les conditions d’apparition, l’examen clinique, éventuellement par le taux de tryptase sérique, pour éliminer une attaque de panique, une crise d’asthme ou un simple malaise. Après rétablissement du patient (adrénaline) il faut entreprendre un bilan allergologique : et en milieu industriel une enquête des conditions de travail et de l’hygiène s’impose. Les risques d’une réaction mortelle justifient l’éviction de l’exposition à des agents sensibilisants, en particulier chez des sujets présentant des affections chroniques (asthme, atteinte cardio-vasculaire). Les mesures de protection, d’éducation sanitaire, de changement de poste sont du domaine de la médecine du travail. Quelques cas particuliers sont mentionnés concernant les médicaments (psyllium, antibiotiques tels que β lactames chez les infirmières) les animaux, outre abeilles et guêpes, les tiques (Ixodides), les animaux de laboratoire, les serpents, tous cas observés épisodiquement. Quant au latex (gants, masques) il a bénéficié suite aux premiers accidents, de mesures de prévention particulièrement efficaces et donc devenu plus rarement en cause. Les produits chimiques (chlorexidine, cobalt, insecticides, colorants, agents chimiques divers) n’agissant pas toujours par un mécanisme IgE, sont rarement responsables mais ils doivent être répertoriés, comme d’ailleurs les nouveaux cas). Ce n’est que dans le cas des apiculteurs qu’une immunothérapie au venin (abeille ou guêpe) pourra être envisagée. * Vous pouvez adresser vos questions et commentaires à Pr. Claude Molina ou [email protected] Dr. Jacques Gayraud [email protected] *