Discours de présentation par Naïm Kattan

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Discours de présentation par Naïm Kattan
André Vanasse
Naïm Kattan
André Vanasse est un homme multiple. Ecrivain, professeur, éditeur, directeur de
revue. Toutes ses activités sont, certes, consacrées à la littérature. Ecrivain, il est
romancier, essayiste, critique. Ses romans se présentent sous le même signe de la
diversité. Ceux destinés aux adultes comprennent La sage des Lagacé, une histoire
de famille où l’humour est manifeste. Dans Avenue de Lorimier, c’est la sensualité
qui prime. Dans son dernier roman La flûte de Rafi, la recherche historique prend
le dessus. André Vanasse a passé plusieurs années et effectué des déplacements
pour remonter à l’origine de sa famille, une quête dont la rigueur laisse également
la place à l’imagination du romancier. Il retrace des Juifs parmi ses ancêtres. Il en
retrouve les traces, en dessine les destins. Pour lui, la présence des Juifs est tout
aussi forte que méconnue dans l’histoire du Québec et, à commencer, dans celle de
la Nouvelle France. Certes, la monarchie des Bourbons en interdisait l’entrée aux
Juifs. Or, nombreux furent les Juifs qui se convertissaient de gré ou de force au
christianisme. L’action de ce roman ambitieux se déroule au dix-septième siècle.
Cela donne à l’écrivain la liberté d’explorer les dimensions et les différences de
l’Europe de cette époque. C’est, au fond, sa manière d’en mettre en lumière les
difficultés et les carences comme celle, notamment, de la porte fermée aux Juifs.
Période historique dont l’aboutissement est la naissance de la Nouvelle France.
Vanasse suit les modifications des noms juifs dont ceux de sa lointaine famille,
selon les changements de langues et d’environnements. Composite et englobant, ce
roman illustre éloquemment la personnalité de Vanasse. Ses romans pour enfants
démontrent une aussi grande maîtrise de la forme. Signalons Des millions pour une
chanson fut traduit en espagnol et en catalan et Rêve de gloire dont l’édition
italienne était accompagnée d’une cassette destinée à l’apprentissage du français du
niveau secondaire.
Pour le créateur qu’il est, la langue, le français, n’est pas un simple véhicule de
communication. De toute évidence elle est au cœur de son œuvre. Ainsi dans ses
ouvrages consacrés à Emile Nelligan et à Gabrielle Roy, il ne s’arrête pas à
l’anecdote mais tente d’atteindre le fondement.
A partir des années soixante Vanasse fait preuve dans ses dizaines d’essais de
critique, d’articles, de comptes-rendus, de communications, d’interventions dans
des colloques, de son ardent soucis de faire état des desseins de chacun des poètes,
des romanciers et des essayistes dont il présente les écrits. Pour lui la manière,
autrement dit le style d’un écrivain est une tentative de mettre clairement en
évidence un trait de caractère, d’évoquer le sentiment d’un personnage ou
d’exprimer une opinion. La rhétorique est vaine quand elle remplace l’expression
d’un fond et quand elle se substitue à la signification. Son mémoire de maîtrise
s’intitule La dialectique du temps et de l’espace dans le roman paysan canadien
français. L’espace géographique qui imprègne tant d’écrivains d’ici ne les coupe
pas de l’espace et du temps universels. Vanasse n’a pas cherché à les enfermer dans
un îlot et d’en être lui-même prisonnier. Il ne s’est pas point coupé de la source
française. Sa thèse de doctorat porte le titre : L’illusion et le mensonge dans A la
recherche du temps perdu de Marcel Proust.
La continuité du parcours est frappante entre l’étudiant et le professeur dans les
appétits littéraires et les débordements d’énergie. Après avoir enseigné au collège
Sainte Marie, Vanasse fut l’un des fondateurs de l’Université du Québec à
Montréal. Il y exerça pendant une trentaine d’années la fonction de professeur des
littératures québécoise et française et fut l’un des meilleurs guides de futurs
écrivains et enseignants. Dans son cour de création littéraire, il a suivi les débuts
d’écrivains tels que Louis Hamelin et Christiqn Mistral en respectant leurs
démarches et leur voix.
André Vanasse ne s’arrête jamais en chemin. Ainsi l’écrivain et le professeur
décide d’offrir aux lecteurs les fruits de la quête et des mises en forme des écrivains
qu’il analyse. Le livre lui apparaît comme l’aboutissement essentiel de l’éclosion
d’un roman, d’un recueil de poèmes ou de nouvelles. Il s’implique dans l’édition. Il
dirige une collection aux Editions Hurtubise et il est l’un des fondateurs de la
maison XYZ.
Le critique poursuit inlassablement sa voie. Il prend la direction de la revue Voix
et Images, publiée par l’Université du Québec à Montréal et se joint ensuite au
comité de rédaction avant de prendre la direction de la revue Les lettres
québécoises, lui apportant un nouvel élan. Comme enseignant, il déborde les
frontières de notre pays et communique son savoir et son enthousiasme en France
et en Italie. Son déploiement d’énergie dans le domaine littéraire le conduit à
participer à de nombreuses associations comme administrateur, organisateur ou
porte-voix.
Heureusement que les grands mérites d’André Vanasse furent reconnus. Il reçut
plusieurs bourses, fut finaliste dans divers prix et récipiendaire du certificat de
mérite de l’Association des études canadiennes et de la Community Award de la
Quebec Writers Federation et en 2005 de la Médaille de mérite de notre Académie.
André Vanasse possède heureusement une immense énergie qui lui permet d’aller
constamment de l’avant d’un projet à un autre dans le domaine privilégié de sa
passion : la littérature.
Vos activités et toute votre vie, cher André Vanasse, font de vous un membre
naturel de notre Académie. Vous savez aller jusqu’au bout de vos intentions et
mettre en pratique vos buts. Je vous souhaite la bienvenue comme membre de la
famille. Vous êtes chez vous parmi nous et nous sommes tous heureux de vous
accueillir au sein de la maison.