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stratégies
28 février 2015
Des brèches technos dans la barrière des langues
Julien Brault
[email protected]
Journaliste
Intelligence artificielle — Nous vivons
désormais dans un village global. Il lui manque
toutefois un ingrédient essentiel pour pouvoir,
comme Babel a tenté de le faire, ériger une tour
jusqu’au ciel : une langue commune. Le mythe
de la tour de Babel, dont la construction a été
interrompue par la création de langues distinctes par Dieu, demeure ainsi brûlant d’actualité. Toutefois, grâce à la technologie, la barrière
des langues est de moins en moins rigide.
Les géants des TI offrent des solutions.
Dévoilée en décembre dernier, la version bêta
de Skype Translator, basée sur la technologie
de Microsoft Research, permet aux unilingues
anglophones et hispanophones de converser
de vive voix entre eux. Sans surprise, cette
technologie a aussi un impact sur les entreprises. Et même si elle n’est pas parfaite, la
traduction automatique permet désormais à
quiconque de traduire une page Web d’un seul
clic grâce à Google Traduction.
Il y a aussi l’entreprise montréalaise NLP
Technologies qui fait partie de la nouvelle
génération de fournisseurs secouant l’industrie
de la traduction. « Ce qu’on offre, c’est une
combinaison d’intelligence artificielle et humaine, explique Atefeh Farzindar, qui a fondé
l’entreprise en 2005 après avoir décroché son
doctorat en informatique à l’Université de
37
La taille du marché des services et des
technologies linguistiques aurait atteint
37 milliards de dollars américains en 2014.
Source : CSA Research
Montréal. C’est de la traduction automatique
avec une révision manuelle. »
NLP Technologies, qui emploie quelque
16 traducteurs et réviseurs, a mis au point un
logiciel capable de traduire automatiquement
des jugements de l’anglais au français en 2007.
« Au début, dans le cadre de notre projet avec
la Cour fédérale, on produisait les traductions
de manière automatique, relate Atefeh Farzindar. Une fois que la traduction officielle arrivait, elle remplaçait notre traduction. Compte
tenu des délais pour obtenir une traduction
réalisée par des humains, cela permettait aux
juristes de prendre connaissance des jugements sans attendre. »
En combinant sa technologie avec son équipe
de traducteurs aguerris, la société montréalaise, qui vient d’ouvrir un second bureau à Los
Angeles, effectue aujourd’hui un grand volume
de traductions de qualité, à une vitesse difficile
à égaler par ses concurrents traditionnels.
Malgré tout, NLP continue d’offrir de la traduction purement logicielle, notamment par
l’intermédiaire de TRANSLI Social Media
Analytics and Monitoring, un outil de traduction en temps réel de tweets.
Traductions au rabais
À quelques centaines de kilomètres au nord du
nouveau bureau de NLP Technologies, à San
Francisco, la start-up Unbabel combine elle
aussi l’informatique à l’humain pour générer un
grand volume de traductions. À la différence de
NLP Technologies, qui se limite à servir des
clients importants dans des niches spécialisées,
Unbabel vise à effectuer des traductions pour
le monde entier, tout en faisant baisser les prix
et les délais de livraison.
« La mondialisation, on est en plein dedans,
mais les barrières linguistiques sont toujours là,
explique Vasco Pedro, pdg d’Unbabel. Les documents juridiques doivent être traduits, mais
aussi les courriels, les publications sur médias
sociaux, bref, toute une gamme de contenus qui
n’ont pas assez de valeur pour être traduits en
employant les méthodes traditionnelles. »
Détenteur d’un doctorat en technologies
linguistiques de Carnegie Mellon, l’entrepreneur d’origine portugaise a vite constaté les
limites de la traduction automatique. Ainsi,
Unbabel retient les services d’environ 16 000
traducteurs, pour la plupart sans expérience,
qui gagnent entre 8 et 18 $ de l’heure pour réviser des traductions automatiques à partir de
leur téléphone.
Unbabel permet ainsi à quiconque de faire
traduire un texte, peu importe sa longueur, pour
aussi peu que 3 cents par mot. Grâce à de tels
tarifs, Vasco Pedro espère convaincre les PME
de commencer à offrir un service à la clientèle
multilingue. Entre autres initiatives, Unbabel
offre maintenant un module pour l’application
de service à la clientèle Zendesk, de manière à
permettre à ses utilisateurs de servir leurs clients
dans plusieurs langues. « Un courriel de 80 mots
mettra environ 10 minutes à être traduit sur
Unbabel », fait valoir Vasco Pedro.
Une barrière à la croissance
et à l’innovation
La barrière des langues agit comme un frein
économique majeur. C’est du moins la conclusion à laquelle est parvenu le chercheur britannique James Foreman-Peck, de la Cardiff Business School. Selon le professeur d’économie, le
manque de connaissances linguistiques des
exportateurs anglais coûterait au Royaume-Uni
quelque 92 milliards de dollars par année.
Pour l’Ontarien Anthony Lee, pdg du service
en ligne de traduction d’articles scientifiques
MyKnowtions.com, la barrière des langues ne
fait pas que freiner la circulation des produits
et des services. En empêchant les articles scientifiques de circuler d’un groupe linguistique à
l’autre, elle freine aussi la circulation des idées,
et, de ce fait, retarde littéralement le progrès
technologique. « Les investissements en R-D
annuels en Asie dépassent ceux de l’Ouest
« La mondialisation,
on est en plein
dedans, mais
les barrières
linguistiques
sont toujours là.
Les documents
juridiques doivent
être traduits, mais
aussi les courriels,
les publications sur
médias sociaux, bref,
toute une gamme de
contenus qui n’ont
pas assez de valeur
pour être traduits
en employant
les méthodes
traditionnelles. »
– Vasco Pedro, pdg d’Unbabel
depuis 2009, et les publications asiatiques sont
loin d’être toutes traduites, fait valoir Anthony
Lee. Et c’est sans parler des brevets. »
Créée en 2013, la plateforme MyKnowtions.
com ne recourt pas à la traduction automatique,
mais permet aux humains qui effectuent le
travail de collaborer en ligne plus efficacement.
Sur MyKnowtions.com, chaque mandat est
ainsi attribué à six chercheurs, qui sont la plupart
du temps des étudiants bilingues au doctorat.
« Présentement, et au moins pour les 10 prochaines années, je pense que les humains vont
être au centre des processus de traduction,
soutient Anthony Lee. Le rôle du logiciel, selon
moi, sera avant tout de permettre aux traducteurs de faire leur travail plus rapidement. »

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