Bienvenue sur mon Blog de nouvelles... Bonjour depuis Port au Prince

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Bienvenue sur mon Blog de nouvelles... Bonjour depuis Port au Prince
Bienvenue sur mon Blog de nouvelles...
N'hésitez pas à me donner vous aussi de vos nouvelles. Je serai très
heureuse de savoir ce que vous vivez, ce que vous faites, où vous êtes
et où vous en êtes... A bientôt! Marie-Odile
Institut de Formation Humaine Intégrale de Montréal
Bonjour depuis Port au Prince
http://nouvellesdemarieodile.blogspot.com/
9 juin 2010
Je suis sur le point de partir en Haïti (départ le 9 juin au matin et retour le 30 au soir) pour
une mission de restauration des forces vitales humaines des personnes qui ont été
traumatisées par le séisme du 12 janvier dernier. Libérer la vie et l'espérance en les aidant
à voir dans les gestes qu'elles ont posé au moment du séisme et depuis tout ce qu'elles ont
mis d'elles-même, l'amour vécu au coeur même du drame, les perceptions, les décisions
et les ressources d'imagination et d'énergie déployées en faveur de la vie alors même que
la mort frappait durement...
Nous aurons trois sessions: la première et la dernière à Port au Prince (ou banlieues) et
celle du milieu près des Cayes (Sud-ouest). Le public sera constitué surtout de
religieux/ses et prêtres pour les deux premières et de laïcs de différents camps pour la
troisième, avec la visée de les préparer à aider ensuite les personnes des camps à
surmonter leur traumatisme et à trouver le courage de reconstruire (et d'abord de vivre
dans les conditions actuelles!). Nous sommes 5 à quitter Montréal pour nous rendre à
Port au Prince : Jeanne, pilote de la caravane (congolaise), Anne-Marie (Québecoise) qui
sera traductrice avec le créole, Lourdès (péruvienne), Jean-Paul (Burkinabé) et moimême (Française). Nous allons retrouver à Port au Prince Enrique (Colombien) et Diane
(Québécoise) qui est l'organisatrice de la mission sur place. Nous formerons le noyau
stable pour les trois semaines tandis que plusieurs haïtiennes se joindront à nous pour la
deuxième et troisième sessions qui regrouperont chacune une soixantaine de personnes.
Je ne sais si je pourrais donner des nouvelles au cours du séjour. Le temps fera sûrement
défaut mais c’est surtout l’accès Internet qui n’est pas assuré.
Je reviendrai sur ce blog dès que possible.
A bientôt !
Marie-Odile
Nous sommes arrivés hier en début d'après midi à Port au
Prince : l’atterrissage a eu lieu en douceur à 14h45. Nous avons été surpris par la
beauté du paysage, les montagnes qui entourent la ville. L’aéroport a été réorganisé à
cause des dégâts occasionnés par le séisme. La sortie a été longue : nous avons attendu
longtemps nos bagages, puis, pour progresser en dehors de l’aéroport, nous étions freinés
par une foule dense qui cherchait à gagner un peu d’argent en poussant puis récupérant
les chariots à bagages, des enfants qui quêtaient, etc. Nous avons été acheminé au
séminaire St Charles, dans une banlieue, Ségur, là où nous résiderons pendant notre
première session. La traversée de Port au Prince a été un parcours allongé par les
embouteillages (« blocus » en créole) et le détournement que les forces des NU nous ont
imposé. Nous avons pu contempler le paysage de cette ville dont nous n’avons su
discerner toujours ce qui appartenait aux conséquences du séisme et ce qui résulte de la
grande pauvreté.
Nous avons évidemment vu des maisons détruites en même temps que beaucoup de
bâtiments reconstruits ou en cours de remise en état. Nous avons vu des tentes
nombreuses et longé un camp.
Là où nous sommes, le CAFOJ, un centre d'accueil créé par les évêques, les séminaristes
de trois séminaires sont regroupés et les chambres servent de dispensaire pour les blessés
du séisme. Nous sommes logées dans un dortoir sauf les deux hommes qui bénéficient de
chambres particulières !
Nous commençons la session demain avec des sœurs, Filles de la
Sagesse, dont certaines sont restées sous les décombres pendant
plusieurs jours. Déjà d'autres appels nous sont parvenus de la part de personnes
rencontrées ici: deux personnes amputées à cause du séisme, un séminariste et un jeune
homme, deux couples de l'Emmanuel qui ont entendu parler de nos sessions qui auraient
voulu participer. La capacité d'hébergement est atteinte: ils devront attendre une
prochaine caravane. Les besoins sont immenses et le type d'aide que nous venons
apporter est capitale. Le bouche à oreille depuis la caravane d'avril a fonctionné
rapidement.
Ce matin, nous avons pris le temps de célébrer une eucharistie sobre et priante. Le
célébrant, Enrique, prêtre colombien de notre caravane, nous a invité à dire comment les
textes de ce jour nous inspirait pour notre mission.
Ensuite Jeanne (la pilote de notre caravane) nous a rassemblés pour constituer notre
équipe. Elle nous a lu la lettre d’envoi que Marie-Marcelle Desmarais, la Directrice
de l'Institut, nous a adressé dans laquelle elle évoque la visite de Marie à sa cousine
Elisabeth et le lavement des pieds. C'est bien dans cet esprit de service de nos frères
et sœurs, nos cousines et cousines Haïtiens que nous sommes ici !
Jeanne nous a aussi partagé les racines du terme de « caravane » que nous employons à la
suite de Marie-Marcelle, avec la dimension de mouvement, de dynamisme créateur, de
découverte et de communion : des personnes en marche avec une vision commune !
Nous avons pris le temps de partager ce qui nous habite, ce qu'il y avait dans notre "oui"
lorsque nous avons accepté de participer à cette mission. C'était riche et profond, puisant
aux racines de nos vocations et du don de nos vies. Nous avons poursuivi en nommant ce
qui nous anime : « Envoyés ensemble pour libérer la vie et l’espérance ». Ensuite nous
avons exprimé ce que nous voulons pour les personnes et quelle transformation nous
souhaitons permettre : « Mettre les personnes debout pour servir et s’engager ». Nous
avons senti que nous sommes habités par un souffle commun, une grande confiance
mutuelle nous anime. Ce soir nous avons repris un temps pour lire une lettre de MarieMarcelle qui nous a permis de repréciser notre piste de transformation, ce que nous
voulons opérer comme changement chez les personnes des différentes sessions que nous
allons animer : « Restaurer les forces vitales humaines des Haïtien-nes broyé(e)s par le
séisme du 12 janvier ».
Cet après-midi, nous sommes partis en voiture à Port au Prince pour nous rendre sur les
lieux de fracture du séisme. Cela nous a permis de nous faire une représentation de
l’ampleur des destructions et de mieux réaliser ce que les personnes ont pu vivre. Si dans
certains secteurs les dégâts ont été camouflés derrière des murs rebâtis à la hâte, d’autres
quartiers ne sont encore qu’empilements de gravats et de murs effondrés. Le centre ville
autour de la cathédrale a été particulièrement affecté : celle-ci est totalement détruite. Les
maisons sont effondrées, les décombres restent sur place. En contraste, ce qui nous a
frappé, c’est la vitalité des habitants qui sont actifs et qui occupent les espaces dévastés
avec toutes sortes de petits commerces. Les moindres recoins sont occupés par des tentes.
Nous avons vu beaucoup d’enfants en uniforme d’école… Les ruines et l’espérance
cohabitent !
Nous avons fait une halte chez les filles de Marie Reine Immaculée dont la supérieure
générale, Marie-Françoise Gibbs, a fait l’Institut il y a plusieurs années et qui collabore
étroitement au projet IFHIM-Haïti. Les sœurs ont perdu deux des leurs ainsi que trois
filles qui résidaient chez elles. Leur maison générale, leur noviciat, leur centre d’accueil
ne sont plus qu’un tas de gravats. Elles « campent » sur leur terrasse… Un exemple parmi
tant d’autres de trajectoires de vie fortement modifiées depuis le 12 janvier… Leur
adaptabilité nous a édifiés.
Nous sommes revenus vers notre logement avec tout ce que nous avons vu et vécu,
graves et déterminés à aider les personnes qui ont vécu le traumatisme du séisme à voir
leurs forces à l’œuvre au cœur du drame, leur amour présent pour sauver la vie… et pour
reconstruire leur pays.
Je ne sais pas si j'aurai la possibilité d'écrire aussi longuement avant longtemps,
mais je tâcherai de donner des nouvelles régulières!
Vendredi 11 juin
Nous avons commencé la session avec les Filles de la Sagesse ce matin. Un véhicule
est venu nous prendre à notre lieu de résidence à 8h passé et nous avons commencé
par la messe du Sacré Cœur avec les sœurs, messe célébrée par Jean-Paul, Père
Missionnaire d’Afrique originaire du Burkina Faso, membre de notre caravane.
Nous avons commencé la session en nous présentant, puis Jeanne a invité les sœurs à
partager une perle précieuse puisée dans leur expérience de vie. Avant d’entrer dans
l’expérience traumatique chacune est invitée à voir en elle-même sa propre richesse, sa
solidité que le séisme n’a pu détruire. Nous avons commencé en grand groupe et
poursuivi en petites équipes, ce qui permet la prise de parole par toutes. Plusieurs se sont
exprimées avec liberté, partageant des expériences de vie récentes ou plus anciennes, que
leurs consœurs ignoraient. Nous avons récolté suffisamment de perles pour faire un
collier splendide ! Pourtant, les sœurs ne sont pas habituées à parler d’elles… Dans mon
petit groupe, certaines ont exprimé clairement cela, les plus âgées résistaient au nom de
l’humilité. Plus la journée avançait, plus les sœurs ont partagé des expériences de leur
vie. Le lien avec la vie de leur fondatrice (Mère Marie-Louise) et leur fondateur (le P.
Grignon de Montfort) les a acheminées vers la joie de découvrir qu’elles vivaient leur
charisme sans le savoir, de manière concrète. Dans mon équipe, une sœur a soigné une
des leurs atteinte de la maladie d’Alzheimer. Alors que cette sœur n’arrivait pas à dormir,
elle s’est faite proche d’elle, lui a parlé, lui a raconté des histoires, leur a caressé le dos,
l’a aidée à trouver une position confortable… Elle a trouvé dans la vie de sa fondatrice un
moment où celle-ci a posé des gestes semblables, guidée par le même amour, vis-à-vis
d’un vieillard de l’hôpital de Poitiers où elle a servi pendant 10 ans. La sœur a vu aussi
qu’elle s’était comportée comme Marie… Demain, nous poursuivrons dans le même
sens. Nous pourrons peu à peu avancer vers leur expérience traumatique, car elles ont
commencé à voir et verront davantage leur solidité intérieure, et la continuité dans le don
d’elles-mêmes qui les a habitées pendant que la terre tremblait et que leur maison s’est
effondrée sur elle pour les garder prisonnières. Déjà aujourd’hui, l’une d’elle partageait
son admiration pour sa compagne qui demandé aux secours de sortir des décombres une
autre sœur avant elle…
Ces sœurs de notre première session qui sont les sœurs âgées de la Congrégation des
Filles de la Sagesse qui en raison de leur âge ne pourront pas se déplacer pour aller à
Béraud (Sud Ouest du pays) pour notre deuxième session. En fin de journée, elles
semblaient rajeunies, et les visages étaient rayonnants ! Et nous aussi, nous sommes
rentrés heureux-ses de leur joie.
En rentrant, les deux hommes de notre caravane ont commencé d’actualiser les forces des
deux jeunes hommes (28 et 29 ans) qui ont été amputés suite au séisme. L’objectif est de
les aider à voir que leur amour, leur sens de la vie n’a pas été amputé par le séisme. Ils
ont vu aujourd’hui des expériences de leur vie antérieure sur lesquels pourra se
poursuivre leur restauration : la force mise pour apprendre un nouveau métier pour l’un et
le sens du service des autres pour le second. La restauration s’appuiera comme toujours
sur ce qui est solide dans leur vie.
Voici mon écho de ce jour. La mission est belle et riche.
A bientôt peut-être… tant que nous pouvons nous relier à Internet !
Samedi 12 juin
Nous sommes en Haïti depuis maintenant trois jours. La chaleur ne faiblit pas : autour
de 35°C dans la journée ; les nuits sont heureusement un peu plus fraiches et permettent à
nos corps de se détendre. Hier soir j’ai été malgré tout courir et marcher dans le campus
du CAFOJ qui nous héberge. J’ai croisé et échangé avec les nombreux séminaristes qui y
résident : ils sont 145 qui vivent sous des tentes puisque les séminaires d’où ils viennent
ont été détruits. L’un d’eux m’a dit que depuis le 12 janvier, à chaque fois qu’ils
entendaient un bruit inhabituel, ils se mettaient à courir en tous sens… Il trouvait dur de
vivre sous la tente avec cette chaleur… Je lui ai demandé où et dans quelles conditions
Celui qu’il avait choisi de suivre avait vécu… Il dormait sous tente ou sans tente dans les
nuits chaudes de Palestine. Je lui ai aussi posé la question du sens que pouvait prendre
pour le futur pasteur qu’il était de partager les conditions de vie qui étaient celles de
plusieurs de ses paroissiens… Cela lui a ouvert un horizon. Cette nuit à 4h du matin nous
avons été réveillées par une sœur qui partage notre dortoir. Elle avait cru entendre un
bruit devant nos fenêtres et était littéralement paniquée. Je me suis levée, ai ouvert la
porte de notre chambre pour lui faire constater qu’il n’y avait rien d’anormal et l’ai
invitée à se recoucher calmement.
Le deuxième jour de la session a tenu ses promesses. Les sœurs partagent de plus en plus
facilement. Le lien qu’elles ont fait hier entre leur charisme et leur vie les a aidées à voir
aujourd’hui que les séismes font partie de leur charisme : dans leur congrégation, elles
ont pu nommer les « séismes » de toutes sortes qu’ont traversés leur fondatrice et leur
fondateur et toute leur communauté depuis ses débuts et aussi depuis son installation en
Haïti… Des secousses fortes, des ébranlements ravageurs, des événements destructeurs
inattendus (décès, Révolution et guerres, division internes, incendies et cyclones,
persécutions, etc.) qui les ont amenées à créer et innover, à opérer des changements
radicaux dans ce qu’ils/elles avaient d’abord entrevu, imaginé, initié et fondé.
Tout ce travail nous a permis de nous approcher des séismes de leur vie. Ce matin, en
petit groupe, j’ai relu une sœur de 91 ans qui a vécu un cyclone en 1954. La maison dans
laquelle elle vivait avec 3 autres sœurs a été secouée par un vent fort. Le toit s’est soulevé
plusieurs fois jusqu’à s’envoler. Elles se sont réfugiées dans une salle du rez-de-chaussée.
La sœur a perçu que le loquet de la porte se soulevait lorsque les rafales de vent
devenaient fortes… Si la porte s’ouvrait le cyclone allait entrer à l’intérieur et dévaster
toute la maison. Elle est restée à maintenir fortement le loquet en place, assise sur une
petite chaise, la moitié de la nuit jusqu’à ce que le cyclone s’écarte.
J’ai dû batailler fort pour qu’elle voie que ce n’est pas seulement la Providence qui l’avait
sauvée, que Dieu s’était servi de ses perceptions, de sa décision, de sa persévérance et de
ses muscles pour tenir le loquet et empêcher au vent d’entrer. Elle a pris conscience, pour
la première fois de sa vie, qu’elle avait sauvé sa vie et celle de ses sœurs ! Et elle a vu que
c’était bien elle, la même personne qui, dans l’expérience qu’elle nous avait partagé hier,
avait pendant une année entière apporté du lait au sanatorium à une jeune femme
tuberculeuse qui y avait été admise à la suite de ses démarches : la détermination et la
persévérance sont en elle… et Dieu passe à travers son engagement!
Cette sœur de 91 ans avait de la difficulté à parler d’elle et à dire devant d’autres ce
qu’elle avait fait. Elle y voyait un manque d’humilité. Je lui ai demandé si elle savait
combien il y avait eu de témoins présents à l’Annonciation… et elle a vu que si Marie
n’avait pas rapporté cet événement et n’en avait pas parlé, son Fiat, n’aurait pas été
connu… Toute proportion gardée, elle était fidèle à son charisme en acceptant de voir et
de partager sa persévérance à tenir ferme le loquet de la porte pendant plusieurs heures,
disant "oui" à la vie pour elle et ses soeurs...
L’après-midi, toujours dans le petit groupe, j’ai travaillé avec une sœur, responsable de la
communauté des soeurs âgées, qui a vécu ces dernières années le décès de plusieurs de
ses compagnes, et en particulier celui des 6 sœurs qui sont restées sous les décombres le
12 janvier dernier et dont les noms sont déposés en gerbe dans un petit vase sur l’autel de
leur chapelle. Il y a un an, cette sœur a prodigué des soins « comme une maman pour son
enfant » et a accompagné une compagne qui ignorait qu’elle allait mourir. Elle l’a aidée à
prendre conscience avec délicatesse et douceur qu’elle ne pourrait peut-être plus prendre
l’avion pour aller voir ses parents et l’a préparée à « prendre l’avion du Bon Dieu »…
Cette expérience l'a aidée ensuite à aller voir comment elle avait été une mère pour une
de ses compagnes qui avait pris « l’avion du Bon Dieu » le jour du séisme : cette
compagne qui s’inquiétait peu avant son décès du coût trop élevé d’un cercueil… n’en a
pas eu besoin : elle est restée sous les décombres. Le jour même du séisme, 3 heures
avant son départ, cette sœur malade, atteinte de la maladie d’Alzheimer avait fait sous
elle. La sœur que je relisais a tout essuyé avec une grande délicatesse en faisant tout pour
éviter de l’humilier ou de la blesser. Cette compagne est partie en emportant avec elle les
soins offerts avec tant de douceur, l’attention et l’amour donné. J’ai invité la sœur à lui
parler puisque dans la foi elle croit qu’elle est auprès de Dieu : elle lui a dit « Merci,
merci de m’avoir appris à aimer dans la gratuité, le dépassement… Aide-moi à continuer
à le faire pour d’autres !" Nous avons vécu un moment très intense avec les autres sœurs
qui étaient là. Et je crois bien que ce moment a été restaurateur pour elles aussi.
Ce qui m’a particulièrement touchée en ce jour c’est l’importance dans le dialogue
restaurateur de prendre très au sérieux la foi et le charisme des personnes tout en leur
faisant prendre conscience de leur participation active et engagée : le 100% de Dieu et le
100% de chacun et chacune de nous sont aussi importants !
Dimanche 13 juin 2010
Notre session à Ségur (banlieue de Port au Prince) avec les sœurs âgées des filles de
la Sagesse s’achève aujourd’hui. Les sœurs ont pris conscience de l’importance des
petites choses du quotidien et qu’à travers des gestes apparemment anodins, la vie
circule, l’amour prend corps, le charisme devient vivant et présent. Leur charisme,
l’héritage de leurs fondateur/trice et des sœurs qui les ont précédées dans leur histoire,
tout cela est une ressource, une boussole pour aujourd’hui.
Ce qui me frappe au soir ce de jour qui clôture la journée, c’est la profondeur humaine et
spirituelle des fruits récoltés à la suite de la démarche que nous avons proposée.
L’itinéraire que nous avons proposé comportait les étapes expérimentées par MarieMarcelle Desmarais avec la caravane d’Avril. Jeanne et notre caravane l’avons suivi avec
souplesse en nous adaptant à l’âge des sessionnistes qui a donné une couleur particulière
à cette session qui ne durait que trois jours et en suivant les personnes et ce qu’elles
apportaient. Le fait que toutes les sœurs appartiennent à la même congrégation a été un
élément important, permettant de faire des liens innombrables avec leur charisme.
Personnellement, j’ai vu, avec une force nouvelle en ces jours, grâce à cette articulation
entre restauration et charisme, que la formation humaine intégrale et son versant de la
restauration des forces dans l’expérience traumatique est un chemin de vie en même
temps qu’un chemin qui nourrit la foi, l’affine et la purifie (pour des personnes croyantes,
comme le sont ces haïtiennes avec qui nous étions). Impossible de tout rapporter à Dieu
lorsque les sœurs partagent tout ce qu’elles ont fait et mis en œuvre pour sauver leur vie,
pour sauver des vies, pour redonner courage et force à leur entourage. Impossible aussi de
ne rapporter qu’aux seules ressources humaines ou au simple hasard des signes forts : une
sœur de 73 ans, Directrice d’un grand établissement qui s’est effondré, rentrait chez elle
en communauté. En passant, elle voit les élèves qui attendaient qu’on vienne les chercher
dispersés sous les galeries. Elle les invite à se grouper au milieu de la cour et rentre dans
sa chambre pour se préparer pour la prière. Quelques minutes après, les murs se mettent à
bouger, les parois s’effondrent, les galeries s’affaissent… les enfants sont épargnés ! Sa
demande aux élèves n’était pourtant pas habituelle, pourtant elle ne soupçonnait pas que
le séisme allait arriver…
Comment ne pas voir l’inspiration de Dieu ? Sa part à elle, que je l’ai aidée à voir dans la
relecture, c’est son autorité d’éducatrice respectée qui fait que les élèves lui ont obéi et ne
sont pas retournés sous les galeries après son passage : ils lui doivent la vie ! Pour une
autre sœur, dans la maison des sœurs âgées, la Providence a pris un autre visage : alors
que le plafond s’écroulait, elle a été épargnée par un abri qui s’est constitué de lui-même :
son lit s’est renversé lui servant de dossier tandis que sa table a glissé jusqu’au lit pour
protéger ses jambes. La sœur n’attribue pas au seul hasard la constitution de ce refuge qui
l’a protégée. Sa part à elle c’est qu’en priant à voix forte, elle s’est faite entendre des
secours et qu’ensuite, elle a déployé toute son énergie, en dépit de son vieil âge et de ses
multiples perclusions, pour aider l’homme qui l’a sortie, la hissant à travers la fenêtre
brisée et la faisant descendre par une échelle sur ses épaules…
A la messe, je rendais grâce d’avoir été témoin du miracle de la multiplication des perles
! Que de beauté chez ces femmes âgées, de trésor d’amour, de délicatesse, de
persévérance, de fidélité à leur vocation, de foi, de créativité, de maternité vécue… J’ai
été témoin, mais aussi, grâce à ma formation j’ai été artisan, à la manière des apôtres lors
de la multiplication des pains !
Une sœur me partageait hier soir et d’autres l’ont confirmé, que l’unité de notre équipe
internationale la frappait beaucoup et l’émerveillait. Et c’est vrai qu’étant de 6
nationalités, nous marchons ensemble dans cette caravane pilotée avec sûreté et
compétence par Jeanne