Nausicaä de la vallée du vent
Transcription
Nausicaä de la vallée du vent
Nausicaä de la vallée du vent Réalisation et scénario : Hayao Miyazaki, d’après son manga Photographie : Hideshi Kyonen Direction de l’animation : Kazuo Komatsubara Musique : Joe Hisaishi Production : Toru Hara, Isao Takahata, Yasuyoshi Tokuma, Michitaka Kondo Interprétation vocale : Sumi Shimamoto (Nausicaä), Giorou Naya (Yupa), Youji Matsuda (Asbel), Yoshiko Sakakibara (Kushana), Rihoko Yoshida (Teto) Japon – 1984 – Film d’animation en couleur – 116 mn Synopsis Dévastée par les guerres incessantes et toujours plus meurtrières de l’humanité, la Terre a changé d’écosystème. Le monde futur ne laisse que peu de place aux humains, entre des hordes d’insectes gigantesques et une forêt dont l’air même est devenu un poison pour l’homme. Réfugiés sur le bord de la mer, les habitants de la Vallée du Vent sont relativement épargnés et mènent une existence précaire mais assez paisible. Ce, jusqu’au jour où un vaisseau d’une nation lointaine s’écrase dans la vallée, porteur de l’embryon d’une des créatures monstrueuses qui ont jadis détruit le monde. Nausicaä, fille du chef de la vallée, se doit de réagir alors que la guerre menace de tous côtés. Pistes de réflexion 1 - Un récit foisonnant Premier film réalisé par Hayao Miyazaki pour le cinéma, Nausicaä le situe comme un réalisateur à la technique très sûre, dès ses débuts. Ce récit d’aventure ne connaît pas un seul temps mort. La scène d’exposition propulse immédiatement le public au centre d’une intrigue complexe, qui s’appuie particulièrement sur ses personnages. Outre Nausicaä, le premier d’entre eux, tous les autres protagonistes acquièrent une épaisseur voulue par un réalisateur qui offre à chacun son importance dans un récit pourtant foisonnant. Loin de perdre son spectateur dans les circonvolutions d’un récit chaotique, Nausicaä emporte l’adhésion grâce à une galerie de portraits qui favorise l’identification. 2- De la bande dessinée au film d’animation Nausicaä est l’adaptation par son auteur de son propre manga. Nausicaä est donc l’occasion rare de voir comment une œuvre peut être déclinée de la bande dessinée vers le film d’animation. C’est en toute liberté que Miyazaki a réalisé son premier film, et avec un tel succès que cela lui donnera la possibilité de fonder le studio Ghibli, producteur de tous ses films depuis. S’il est indéniable que la lecture de l’œuvre dessinée s’impose à tout amateur du film, il ne faut pas cependant déconsidérer le film, qui en exprime l’essence grâce à un remarquable travail de réécriture, et possède sa grâce propre. 3 – Le langage des corps Un soin tout particulier a été porté au langage des corps. La majorité des personnages masculins acquiert grâce à ce luxe narratif et visuel − nous sommes en 1984 − un potentiel expressif réel, alors que leur uniformité physique pourrait laisser craindre le contraire. Et si Asbel, la princesse Kushana, ou son lieutenant Kurotawa bénéficient eux aussi d’un regain de profondeur dû à l’importance donnée à leurs corps, Nausicaä elle-même est magnifiée. Occupant la plupart du temps l’écran à part entière, la tension comme le bonheur qu’elle ressent sont extrêmement communicatifs. On ne peut que s’émerveiller de la façon dont le personnage est presque entièrement défini par sa première apparition à l’écran. 4 – La Nature La Nature, autre grande thématique chère à Miyazaki, tient ici une position prédominante. Loin d’une image d’Épinal de force paisible qui subit les pires outrages, elle est ici en position de force, d’agression même, envers une humanité qui plus que jamais à désappris à vivre avec elle. La Nature de Mon voisin Totoro, qui se propose doucement de réparer les horreurs de la bombe atomique grâce aux plantes et aux animaux dans une séquence onirique et subtilement émouvante, est ici bien loin. C’est plus celle de Princesse Mononoke, avec ses animaux géants, doués de sens et vengeurs, qu’évoque la Mer de la Décomposition de Nausicaä. 5 – Les appareils volants Si le sens du récit et la maestria technique de Miyazaki sont bien présents dans Nausicaä, le film contient aussi toutes les thématiques chères au réalisateur. La marque de fabrique de l’artiste, les appareils volants, sont présents. Les appareils volants sont une partie intégrante de l’œuvre du réalisateur même dans les films où leur position est plus mineure. Nausicaä se range dans la première catégorie : l’aile Maeve sur laquelle se déplace Nausicaä est comme les divers appareils − avion, balai ou ... château ! − dans les autres films, l’expression ultime de la liberté pour leurs possesseurs. Fierté de sa communauté, Nausicaä l’est avant tout pour sa maîtrise du vent et du vol. Une pléthore de navires volants, et un bestiaire d’insectes géants presque biomécaniques complètent la ménagerie de ce film avant tout aérien. 6 – Le rôle des enfants Les films de Miyazaki donnent toujours le premier rôle aux enfants, ou du moins aux jeunes adultes. Kiki, Fio dans Porco Rosso, les héros du Château dans le ciel, le splendide personnage de Satsuki dans Totoro, Ashitaka dans Mononoke partagent avec Nausicaä le fardeau d’avoir eu à grandir trop vite, forcés par les circonstances. Cependant, tandis que nombre de ces personnages gardent une part enfantine et rêveuse, Ashitaka et Nausicaä se distinguent. Ils sont tous deux contraints par la conscience de leurs responsabilités d’assumer un rôle central dans un conflit qui dépasse les adultes. (Fiche réalisée à partir de la critique de Vincent Avenel, Critikat.com)