L`AFRIQUE, un vrai challenge? L`Afrique est

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L`AFRIQUE, un vrai challenge? L`Afrique est
Octobre-novembre 2011
Cycle de conférences PREPA
ESC3 MANAGER
L'AFRIQUE, un vrai challenge?
L'Afrique est-elle toujours « mal partie », selon la fameuse expression
du géographe René DUMONT, dans un ouvrage daté de 1960 ?
Mirage du développement au profit de quelques privilégiés ou potentats, ou bien signe d'une
croissance plus robuste qu'il n'y paraît?
Présenté par Claude BONNET
ancien élève de l'ENA
Inspecteur général de l'Equipement
professeur de Géostratégie et Economie
Introduction
Quelques évocations:
*le roman de Georges CONCHON, l'Etat sauvage (prix Goncourt 1964 dès sa sortie)
*un film remarquable sur l'Afrique coloniale d'avant guerre de Bertrand TAVERNIER en 1981,
avec Philippe Noiret et Jean-Pierre Marielle: image de la lâcheté, de la veulerie de certains agents
publics, un mépris des gens, un engrenage conduisant à l'assassinat même de compatriotes. Dans la
série, pas vu pas pris « Coup de torchon » (8 Césars en 1982)
*Jean ZIEGLER, homme politique suisse, écrivain et polémiste, Destruction massive, Géopolitique
de la faim (2011) ou encore Le pouvoir africain 1973 ou Main basse sur l'Afrique (1978)
Jean Ziegler est l'auteur de plusieurs livres sur la mondialisation et sur ce qu'il considère être des
crimes commis au nom de la finance mondiale et du capitalisme, condamnant en particulier le rôle
de la Suisse. C'est un opposant à la théorie libérale du ruissellement justifiant l'existence des
milliardaires par leur rôle dans la redistribution des richesses.
Il critique fortement l'action du FMI, qui conditionne ses aides financières à la privatisation des
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services publics, conduisant souvent, selon lui, à leur dégradation avec des conséquences tragiques
pour la santé et l'alimentation pour les pays les plus pauvres [commentaire: Et on peut voir que
cette critique récurrente s'applique singulièrement à l'Afrique. Il n'est pas certain que cette approche
technocratique et froide soit totalement applicable à des pays sans culture démocratique et sans
appareil d'Etat vraiment fiable. Les points de progrès attendus en termes de gouvernance ne peuvent
qu'être progressifs. C'est toute la difficulté de la tâche]. Il rejoint sur ce point Stiglitz qu'il qualifie
néanmoins de « déserteur qui s'attaque à son ancien patron ». Enfin, il accuse les États-Unis
(« l'empire américain contre la démocratie planétaire ») d'être le bras armé des multinationales. Il
insiste sur la spécificité de leur politique étrangère, et leur refus de nombreuses conventions
internationales (contre les mines antipersonnel, contre la sanction judiciaire des crimes de guerre Convention de Rome, 1998, contre le concept de droits économiques, sociaux et culturels Conférence de Vienne, 1993). [extraits de Wickipedia]
*Plusieurs ouvrages de Pierre PEAN, journaliste d'investigation opiniâtre et volontiers iconoclaste
sur les dessous affairistes de bien des liens entre la France et certains pays très amis comme le
Gabon dirigé pendant plus de 40 ans par Omar Bongo ou le Congo Brazza, sur les dérives ou
manipulations du pouvoir (son enquête sur les fondements du génocide au Rwanda) et les
compromissions afférentes qui pourraient influer sur le financement de certaines élections
présidentielles françaises.
Affaires africaines 1983; Noires fureurs, blancs menteurs: le génocide rwandais 1990-1994,
Carnages, les guerres secrètes des grandes puissances en Afrique (2010); « La république des
mallettes » 2011
* « L 'Afrique noire est-elle maudite? » chez Fayard par le malien Moussa Konaté commenté dans
Le Monde du 16 novembre 2010. Contestant le pacte entre l'individu et la société basé sur la
soumission à la famille auquel tout est subordonné, même l'amour, l'auteur en condamne les
conséquences: « derrière l'apparente convivialité, la soumission au groupe favorise le parasitisme, la
corruption, et la tyrannie, au détriment du travail. Le poids de la famille engendre une difficulté à
s'isoler qui freine la lecture et l'étude, favorise la médiocrité intellectuelle. L'obligation de verser ses
revenus, même maigres, dans le tonneau sans fin de la solidarité, entrave l'épargne, l'initiative et
donc le développement. Les frontières de castes perpétuent les privilèges. »
Un réquisitoire implacable de l'intérieur- contre les rapports entre les hommes et les femmes, contre
la polygamie, un lieu de confiscation de la parole et de la pensée de l'individu, « une torture
psychologique infligée non seulement à la femme mais à l'enfant », une attaque en règle contre
l'excision, « une ablation du désir, un viol de la personnalité », perpétuant la toute-puissance
masculine et le confinement de la femme dans un rôle de gardienne des traditions. Vrai réquisitoire
qui n'assène pas des slogans destinés à réconforter des Occidentaux en proie à la culpabilité postcoloniale mais procède d'analyses minutieuses. « Si les Africains sont ainsi enfermés dans un mode
de vie qui est une prison pour l'esprit, c'est qu'ils se sont défendus de l'agression de la colonisation
en se repliant sur des cultures traditionnelles magnifiées, tout en admirant le savoir des Blancs. D'où
un complexe d'infériorité et une amertume persistante. »
Pour sortir de cette schizophrénie, les Africains « doivent reconnaître leurs torts », à commencer par
le rôle de certains de leurs chefs dans le commerce des esclaves. Sans se renier, « ils doivent
réformer d'urgence leur modèle de société », en interdisant la polygamie et les mutilations sexuelles,
en instaurant l'école obligatoire... etc »
Le relais d'une religion modérée et apaisée -même l'islam justement- devient central.
On est loin du compte quand on observe en octobre 2011 la mesure de rétablissement de la
polygamie et la charia initiée par l'instance de transition en Libye, mesure surprenante qui n'est
pas de bon augure. Une mesure pour se concilier les fondamentalistes ou imposée par eux? On est
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loin du compte quand un nombre considérable d'enfants travaille dans les mines en Afrique de
l'Ouest (100 à 250000), au Botswana, Zambie ou Ghana mais souvent ailleurs (voir la situation de
la RDC avec le sort effrayant des centaines de milliers d'enfants déplacés et en errance, enlevés et
utilisés de force dans l'exploitation de mines illégales ou pour travaux domestiques. Quand il ne
s'agit pas en plus d'esclavage sexuel au profit de groupes armés localisés à proximité de camps de
fortune ).
Ce n'est pas gagné non plus sur l'élimination de ces pratiques honteuses de l'excision, y compris en
France contre des adolescentes voire de petites filles qui, pour certaines, constatent le fait bien plus
tard. Un cas encore récent sur le sol de France illustre une fermeté très bienvenue de la justice
(garde à vue des parents et mise sous contrôle judiciaire, protection des enfants mis en foyer) suite
à excisions pratiquées déjà sur 2 des 5 filles. (Libération du 28 octobre 2011).
Il est précisé à cette occasion que 53000 excisions ont été recensées actuellement pour fort peu de
poursuites (quelques dizaines) alors que les peines encourues pour les personnes en charge
d'autorité parentale sont sévères avec dix ans d'emprisonnement . Ces drames interviennent en
famille et en bas âge, et les refus sont difficiles, sauf à s'échapper du domicile familial pour les
adolescentes les plus téméraires. L'INED évalue à 3 filles sur 10 le nombre d'enfants susceptibles
de courir encore ce risque en France quant à la population de filles concernée.
*une interview de qualité (reprise dans le plan détaillé) d'un dirigeant africain formé à l'occidentale
et scientifique reconnu, devenu responsable d'une multinationale Microsoft pour l'Afrique, qui parle
sans retenue de l'avenir de son continent et des exigences pour la génération à venir « l'Afrique
souffre d'une absence totale de l'Etat » Les Echos du 8 juillet 2011
* « l'économie de l'Afrique » de Philippe HUGON, directeur de recherche à l'IRIS, Editions La
Découverte Les Echos du 25 février 2009, à propos d'une Afrique plus que jamais ambiguë. Le
début du 21è siècle semblait donner une lueur d'espoir à l'Afrique. La diversification des
partenariats, de nouveaux financements, la réduction de la dette et la hausse du prix des matières
premières avaient remis nombre de pays africains sur le chemin de la croissance. C'est un challenge
de parler d'une Afrique tant les situations sont différentes, d'un pays à l'autre. Derrière « l'afropessimisme », derrière « l'afro-centrisme » qui voit la main de l'extérieur dans tous les maux du
continent, il y a un ensemble de projections de la part d'individus qui jouent l'avenir, non sans
paradoxe. « Les africains ont un pied dans le néolithique et la tête dans l'internet ».
*décryptages -débats du Monde du 9 décembre 2010 sur la Guinée et la Côte d'Ivoire. Une
évocation de la victoire finale du candidat guinéen Alpha Condé avec son portrait, acquise dans des
conditions enfin de grande propreté électorale- non contestée par le principal opposant et l'angoisse
sur la situation ivoirienne à l'époque, entre deux compétiteurs qui se disputent le pouvoir, après une
élection controversée et confisquée, dans un pays coupé en deux et au bord de la guerre civile. Le
raapel de l'historique de ce pays longtemps béni par la croissance et les bonnes récoltes est fort
intéressant sur l'engrenage dramatique depuis 10 ans (article de Serge Michailof, professeur à
Sciences Po, auteur de « Notre maison brûle au Sud » Fayard): « Bienvenue à bord du Titanic et
de son commandant Laurent Gbagbo, Le dirigeant Alassane Ouattara est capable de
reconstruire la Côte d'Ivoire déchirée ». (voir développements en conclusion)
*des articles de presse économique ou politique au gré de lectures, avec des rappels chiffrés fort
instructifs quand on les met en perspective:
-« les actifs des fonds souverains pèsent désormais 4000 Mds$ en 2011 contre 3500 l'année
précédente ». Ils sont plus conquérants et prêts à prendre des risques. On les trouve évidemment en
Asie (Chine ou Singapour), au Moyen Orient ou Afrique derrière Abou Dhabi ou Qatar -sans
oublier Algérie ou Libye et encore en Norvège (fonds exemplaire en matière d'aide aux retraites des
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citoyens). Ils se lancent dans des classes d'actifs plus risqués, et jouent de la diversification qui
s'étend bien au-delà des hydrocarbures Le Monde du 11 mars 2011
- »L'Afrique, un marché à conquérir » dans le NewYorkTimes -en partenariat avec le Figaro- du
14 octobre 2011 ou encore « TOTAL part à la reconquête des investisseurs » Les Echos du 27
septembre 2011 en affichant une stratégie d'exploration plus audacieuse y compris en Afrique,
même si son poids boursier est peu satisfaisant et inférieur à ses concurrents. La plate forme
pétrolière offshore d'Amenam dans le delta du Niger devrait recevoir plus de 2 Mds$ par an dans
l'exploration. De même, le groupe entend mettre le cap sur l'Afrique de l'est car après l'Ouganda,
TOTAL espère trouver une belle pépite au Kenya et prévoit d'acquérir des permis supplémentaires
au Congo. Il est en tout cas le premier groupe étranger à relancer la production en Libye, avant
même le groupe italien ENI, en off shore évidemment, mais la tâche générale de remise à niveau est
prévue longue et minutieuse. Eldorado considérable que ce pays libyen car il compte les plus
grosses réserves pétrolières d'Afrique.
Ce marché africain à conquérir, c'est aussi un champ d'investigation pour le géant de la distribution
Wal Mart puisque le marché occidental est plutôt déprimé, alors que les perspectives en Afrique
sont prometteuses, au regard de ce taux de croissance. En rachetant pour une somme appréciable de
2,4 Mds$ la moitié de Massmart, le géant sud-afrixcain présent déjà dans 13 pays d'Afrique subsaharienne, le géant américain joue une carte forte en misant sur une plate forme de croissance ainsi
qu'un potentiel d'expansion à d'autres pays du continent. Le devenir d'une espérance de
consommation courante à la hausse, pour des millions d'acheteurs est bien en Afrique, alors
que les visées asiatiques sont davantage marquées par une forte concurrence- sinon l'essoufflement
et l'entrée en lice de structures locales concurrentes.
Très significatif aussi, sur des bassins miniers évidemment prometteurs -et malgré le contexte à
risque comme en Zambie ou Zimbabwe- l'implication du groupe indien Essar pour former un joint
venture pour l'exploitation de ressources naturelles en tentant de sortir de l'ornière le groupe
Zimbabawe Iron and Steel Company en fort mauvaise situation, là encore en raison d'une
gouvernance détestable de la part de proches du pouvoir.
*dossier du Monde du 21 octobre 2011 Nous sommes 7 milliards d'humains
Des chiffres étourdissants quand on compare au 1 Md en 1850, ou 1,6 Md en 1900 et déjà 6 Mds en
1999. Un gonflement de un milliard d'habitants en à peine une décennie. Les 9 Mds d'ici 2030 sont
assurés et dans ce panorama, l'Afrique donne son écot de manière nette (la moitié à venir de la
hausse globale). La fécondité extrême au Niger est affichée à 7 contre 2,5 pour le monde et 1,2 pour
la Corée du Sud (un pays qui semble condamné à terme, tout comme le Japon!). Des enjeux
considérables en découlent pour les 431 villes de plus d'un million d'hab, les 19 mégacités de plus
de 10 millions, le milliard d'habitants qui souffre de la faim, le milliard d'habitants qui vit dans des
bidonvilles, les 3 mois par an de surconsommation des ressources annuelles de la terre selon les
calculs de l'ONG californienne Global Footprint Network, ou encore les 214 millions de migrants
en 2010, les 227 millions d'hectares de terres agricoles loués ou vendus depuis 10 ans dans le
monde, un investissement soit spéculatif soit pour l'exploitation de biocarburants, mais rarement
pour une utilisation améliorée avec des retombées visibles pour la population locale (le tiers de
Madagascar visé par la Corée du Sud!).
Et le fin du fin, l'enjeu éducatif devient déterminant: 30 millions d'enfants de la zone subsaharienne
ne sont pas scolarisés (un chiffre double de l'Asie) et un besoin évalué à 11,6 Mds€ pour pouvoir
scolariser dans le primaire tous les enfants d'ici 2015, selon l'Objectif du Millénaire pour le
développement alors que ces pays en reçoivent 2. On sera loin du compte avec une baisse constatée
et sans doute prolongée des aides publiques bilatérales sur cet enjeu de la part des pays les plus
influents (USA ou Pays Bas).
Les déficits publics quasi généralisés dans les pays développés ajoutés à un poids acquis de la dette
ne sont pas des signes d'espoir pour voir s'amplifier cette aide à l'éducation de base, indispensable
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pour fournir des ferments de conscience civique. Or les deux tiers de ces enfants non scolarisés
vivent dans des zones de conflits (et l'Afrique est dramatiquement bien placée), ce qui n'arrange
rien. Selon l'UNESCO, une réduction de 10% seulement des budgets militaires de ces pays en
développement qui dépensent plus pour leur armée que pour l'enseignement primaire (parmi
lesquels Pakistan et Afghanistan évidemment mais aussi Angola, Tchad, Soudan et évidemment
RDC. Quand donc les armes se tairont dans ces immensités désertiques ou forestières?
Quelques données et chiffres clé comme propositions de cadrage
Ces données sont présentées de manière progressive, avec le souci de pénétrer par étapes sur le
théâtre africain, pour comprendre cet environnement complexe et attachant, à travers différents
items comme autant de clés d'entrée. Les éléments chiffrés, les références ou exemples apportés en
appui peuvent être exploités et insérés dans les sous points de la proposition de texte plus détaillé
qui suit. Le recours à l'actualité économique est évidemment utile et pertinent pour illustrer comme
pour étayer des argumentaires.
Les exemples à choisir méritent d'être peu nombreux mais fouillés. La valeur ajoutée d'une telle
investigation vaut aussi pour l'analyse de facteurs de caractère sociologique ou ethnique -mode de
vie, relations familiales, pratiques sociales- qui complétera des aspects plus économiques (exemple
du secteur bancaire africain en plein essor) ou encore géographiques (impact de la localisation des
villes, rôle incertain des frontières, conséquences des migrations internes liées aux conflits).
La donnée première de la démographie doit être évidemment affichée comme premier élément
d'appréciation des défis auxquels le continent est confronté. La bonne compréhension de l'impact
réel de concepts en pleine action entre dans la qualité de l'analyse et sa mise en perspective: rôle
premier de l'indice de fécondité qui est en Afrique le plus élevé au monde, le double de la moyenne
mondiale, elle-même déjà nettement supérieure au seuil de renouvellement des générations.
L'impact démographique est lent mais sûr, professent régulièrement les démographes. Les
politiques publiques en la matière sont lentes voire marginales dans les infléchissements souhaités.
L'accroissement de la population mondiale sur les 30 prochaines années est inéluctable!
Et encore l'impact des guerres et tueries sanguinaires ici et là, parfois démentes et gigantesques,
doit être relativisé car la victoire de la vie est toujours là sur une génération. Les deux exemples du
Cambodge sous les Khmers rouges et du Rwanda (élimination respectivement de 2 millions d'hab
soit le tiers en 4 ans et 800 000 en 3 mois) attestent de cette vitalité extraordinaire. Presque un
triplement de la population sur 30 ans au Cambodge (15 M contre environ 4) et un doublement en
moins de 20 ans au Rwanda, pays de la plus forte densité africaine. (voir plus loin quelques pistes
pour comprendre les tentations de l'occupation de la RDC voisine)
Potentiel démographique et niveau de développement social -et donc aussi économique
(éducation des filles, maturité, communication et compréhension de moyens de contraception
etc) est un couple essentiel à comprendre. Il explique la division des pays africains en deux
blocs, celui encore très minoritaire qui présente des populations ayant abaissé l'indice de
fécondité autour de 2,5 (pays d'Afrique du Nord-Maghreb ou Afrique du Sud, là où
l'indépendance des femmes est nettement plus visible) et ceux, les plus nombreux qui restent
actuellement dans la fourchette 4 à 5 et même au-delà. Ces pays vont encore connaître une
évolution démographique bien supérieure au taux de croissance économique, de sorte que
l'élévation du niveau de vie moyen ne sera guère possible et empêchera le jeu efficace
d'investissements publics « éducatifs » et promotionnels de la condition humaine. Il est à
craindre que le mouvement de recul de la fécondité soit plus long et plus doux, n'empêchant
pas une augmentation encore forte de la population globale sur une trentaine d'années. Des
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pays à 19 ou 20 M d'hab (Cameroun ou Angola) actuellement vont se porter vers 30, mais
d'autres d'ores et déjà plus imposants comme Nigeria ou RDC vont doubler carrément. Ce
qui explique des chiffres impressionnants de jeunes classes d'âge à nourrir et éduquer (le
dépassement du Nigeria à plus de 400 M est inéluctable et d'ici 2100, il devrait même dépasser
700. Perspective qui n'est pas réjouissante si les bienfaits de richesses naturelles et de soldes
extérieurs positifs ne viennent pas servir de levier aux pouvoirs publics pour mener cette
campagne de promotion de la dignité humaine et d’élévation du niveau culturel « des
masses ». Le gonflement de la population urbaine devrait y aider, sauf à transformer ces
mégapoles géantes en nid d'insécurité et d'explosions sociales...
*un PIB d'environ 900 Mds$ (soit 15 fois moins que les USA)
*l'âge médian est de 19 ans. D'ici 40 ans, il montera à 27 ans. Cette seule donnée éclaire les
perspectives démographiques étourdissantes du continent, sans possibilité d'une inflexion brutale de
ce chiffre global de population. Les projections des démographes peuvent être différentiées et jouer
de scenarios ouvrant les écarts. La population africaine est promise à un quasi doublement, et ce,
même si le taux de mortalité infantile reste sans comparaison avec les constats occidentaux -et
donc médiocre plus de 60 pour mille voir 90 pour mille contre 3,5 en France ou Suède- ou même si
l'espérance de vie est peu satisfaisante voire dramatique (36 à 40 ans dans les pays les plus pauvres,
rarement au-dessus de 60 ans, alors que par comparaison, l'Asie accroche des moyennes nettement
plus convaincantes (71 ans en Chine amplifiant l'impact de l'indice de fécondité devenu
particulièrement inquiétant car irréversible avec 1,77)
*l'Afrique n'est pas et ne sera pas touchée avant longtemps par un problème de seniors,
contrairement à l'Asie. Son problème est bien celui de la jeunesse (population inférieure à 15 voire
20 ans qui dépasse 40% et est de plus du double des pays occidentaux) avec une amplification pour
les années à venir, en raison de la fécondité constatée (vers 60%)
*un indice moyen de fécondité de 5 à 5,5 et une croissance moyenne de plus de +2,5%/an: quel
contraste avec une Russie qui perd 700 000 hab/an ou le Japon avec -400 000
*la moitié des 860 millions d'hab de la zone subsaharienne vit dans la pauvreté et pour certains
pays, c'est 80 ou 90%. Panorama guère glorieux
*pour autant un africain sur 2 dispose aujourd'hui d'un téléphone portable: enjeu clé pour des
recettes fiscales consistantes sur les appels entrants en Afrique, comme le demande le Sénégal à
France Telecom
*un zoom particulier sur ce « monstre » d'Afrique, le NIGERIA accueillant déjà 160 M hab et
promis à plus de 430 en 2050 et sans doute supérieur à 700 en 2100, soit à l'époque presque 2 fois
l'Europe occidentale. Quel impact pour ces chiffres finalement effrayants et pourtant vraisemblables
(au regard de l'actuelle fécondité constatée à 5,7 qui certes baissera avec le temps- comme partout
dans le monde- mais suffisamment lentement pour produire des effets positifs encore pendant une
bonne génération); quel destin à des mégalopoles anarchiques et boursouflées comme Lagos déjà à
plus de 8 M hab et projetée à 15 puis 20 M à coup sûr; quel avenir promettre à cette population
jeune et grouillante de moins de 20 ans, à plus de 50% actuellement ?
UN CONTINENT RICHE DE RESSOURCES ET A LA CROISSANCE ENVIABLE
*dix années de croissance soutenue entre 2000 et 2010 (+4,8% de PIB par an contre 3,2 pour le
monde) et un PIB par habitant en hausse de 2,7% contre 1,2 pour le monde. L'Afrique a donc les
moyens d'élever le niveau de vie de sa population, et d'investir durablement dans des
investissements publics, porteurs d'avenir. Le levier clé pour de telles initiatives réside dans une
volonté politique ferme et prolongée et non dans la tentation de soutirer un profit immédiat pour le
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pouvoir en place, de l'exploitation intensive des ressources dès lors qu'elles viennent d'être
découvertes, en songeant à gonfler un compte bancaire en Occident dans une place conciliante (le
Tchad ou la Mauritanie et maintenant l'Ouganda pour le pétrole).
A la clé une exigence de projection à long terme, sur une base de décisions structurantes, en misant
sur les retours à la création d'emplois vrais et consistants devient un corollaire évident à l'arrivée de
diplômés africains bien plus nombreux que naguère qui marquent leurs frustrations face à des
circuits économiques chaotiques et confisqués. Les diplômés de l'enseignement supérieur ne
peuvent se contenter de recevoir l'autorisation par exemple de revendre du pétrole à la sauvette,
comme en Algérie, en sus de leur petit boulot. Mesure dérisoire qui n'occulte en rien les problèmes
de fond de cette économie algérienne pourtant prometteuse dans ses fondamentaux mais qui a
besoin absolument de se diversifier et de s'afficher moins bureaucratique (taux de croissance
régulier et enviable et un PIB/hab de 7700$ soit au moins le double ou le triple de celui de la plupart
des pays subsahariens).
*l'Afrique est un eldorado fabuleux pour les matières premières et minerais, à commencer par le
cuivre ou le zinc dont certains stratégiques comme chrome (70% des réserves), cobalt, cassitérite ou
coltan (plus de la moitié des réserves mondiales en RDC pour ces deux derniers), sans oublier le
diamant, l'or ou l'uranium (le groupe français AREVA a besoin du Niger et de sa nouvelle mine
d'Arlit ouverte en 2009 pour assurer son approvisionnement actuel mais il continue de multiplier les
initiatives comme en Namibie ou Centrafrique ).
Une autre césure récemment apparue entre les riches et les restés pauvres se fait (malheureusement)
de plus en plus sur les hydrocarbures que certains pays découvrent comme une manne nouvelle
miraculeuse qui compense utilement une pauvreté minière (Tchad, Mauritanie, Soudan ou Côte
d'Ivoire), source de rentrées bienvenues, mais trop rapidement confisquées au profit des cercles du
pouvoir. L'épopée de l'ancien groupe ELF absorbé par TOTAL (exemple de Elf-Gabon) dans les
années 80 a été le théâtre de liens peu vertueux et de contreparties et autres commissions entre cette
firme bien implantée et les dirigeants. La transparence des contrats passés et des prélèvements
dérivés au profit de comptes privés a fortement laissé à désirer et l'implication de cette firme (cf. la
condamnation sévère de son ancien dirigeant sous la présidence Mitterrand) dans des circuits
occultes atteste d'une perversion évidente de ces rapports viciés avec le ou les détenteurs du
pouvoir. Exploitation au demeurant intensive et discrète, à l'abri des regards et des manifestations
populaires intempestives, lorsqu’il s'agit de puits off shore, fort bien ceinturés par des forces
militaires protectrices...comme c'est partout le cas dans le golfe de Guinée. Et ce golfe est devenu
un eldorado à lui tout seul. Eldorado dangereux et source de pollution, mais eldorado
Mais la persévérance paie pour de nouveaux pays producteurs. En Ouganda, soumis récemment à
quelques manifestations contre la cherté de la vie avec +28% en septembre 2011 (brutalement
réprimées par un président au pouvoir depuis 25 ans), le pays attend comme une manne ce pétrole et
ses premiers barils pour 2013 dans le nord-ouest aux confins du lac Albert. Certes les difficultés
subsistent avec l'étude d'un projet d'oléoduc vers la Libye singulièrement compromis avec les
mouvements d'insurrection intervenus depuis. « La signature des premiers contrats a entraîné déjà
des torrents de commissions douteuses et 3 ministres sont poursuivis pour corruption liée à ce
pétrole en devenir... Ce qui prouve que soit l'impunité n'est plus de règle, soit le président
Mouseveni, seul maître du jeu en Ouganda, règle des comptes ».(Le Monde du 21 octobre 2011)
Dans cette lettre d'Afrique, le correspondant de ce journal rend compte d'une vérité bien délicate à
appréhender, au regard des constats paradoxaux qui découlent des simples chiffres enregistrés et de
comportements cohérents. « Il est prouvé que pour se maintenir au pouvoir au-delà de certaines
limites, un président a parfois besoin de sacrifier ses proches sur l'autel de sa propre longévité. Mais
tout cela n'empêche pas l'Ouganda de s'imaginer en train de démarrer en trombe avec le carburant
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pétrolier d'ici quelques années. Pour imaginer à quoi le futur proche ressemblerait au bord du lac
Victoria, il n'est pas inintéressant de regarder du côté du Ghana, qui faisait figure de parent pauvre
de l'Afrique de l'Ouest dans les années 80. Ce pays devrait atteindre cette année une croissance de
16,3%, la plus élevée au monde selon la Standard Bank. Il y a quelques mois le Ghana produisait
ses premiers barils de brut. Un modèle? L'inflation y est en chute libre. On y dénombre peu de
manifestations et de violences policières... » Rendez vous dans les années prochaines pour mesurer
le vrai retour de ces recettes nouvelles sur la qualité des services publics et l'élévation concrète du
niveau de vie, d'éducation et d'emploi de ces populations.
Césure également entre la zone côtière privilégiée (hôtels de tourisme, restaurants chics, usines
activités de transport, belles autoroutes etc) et le fin fond du pays laissé quasiment à l'abandon.
Exemple frappant avec la Tunisie de Ben Ali qui oppose 2 « pays » tragiquement, mais recevant
régulièrement une perception plus que bienveillante des experts du FMI totalement abusés (après
deux jours de vérification statistique convivialo-touristique, sur des chiffres faussés par le régime)
face au développement harmonieux, presque exemplaire de cette nation en marche (cf le danger
relevé supra par P. Ziegler). Panorama en trompe l'oeil comme le dévoile le spectacle des
frustrations de cette population de l'intérieur totalement à l'écart des retombées plutôt
encourageantes par ailleurs, mais pour le plus grand profit de sociétés amies du pouvoir ou
possédées par lui! « Personne n'a encore fait le procès des années bénalistes. Ce déni de réalité
(entre les côtes et les terres) ne fait qu’aggraver la situation. Si l'on continue de laisser la majorité
des tunisiens dans une telle précarité (80% des 10,5 M hab), l'explosion sera atomique. Face à une
classe richissime, il est difficile de tolérer une population qui vit sous le seuil de pauvreté. A 400
dinars par mois (206 euros), il est difficile de s'en sortir sans la solidarité. Cela se traduit par la
migration vers Tunis de nombreux nécessiteux. Ce déséquilibre entre régions est le mal le plus
venimeux qui ronge le pays » selon Benoît Delmas, journaliste et écrivain dans Le Monde du 21
octobre 2011. « Une carte postale pour homme d'affaires naïf ».
On aurait à coeur de ne pas oublier l'Algérie voisine déjà évoquée, autrement plus peuplée (35 M
aujourd'hui contre 10 M au moment de l'indépendance) et restée « neutre » face à cette insurrection
tunisienne comme libyenne (elle a même accueilli la fille de Kadhafi et semble tolérer ses
imprécations pour activer la résistance de ses fidèles) dont les dirigeants algériens semblent ne pas
percevoir toute l'ampleur. Et pourtant les ingrédients sont fortement analogues, avec un secteur des
hydrocarbures prépondérant et des services publics déficients, dans un contexte de méfiance face au
pouvoir -et aux circuits de corruption difficilement contestables- et de désenchantement face à un
chômage massif de cette jeunesse diplômée. Le renvoi à l'image d'un président Chirac en visite
officielle et acclamé à Alger par des jeunes enthousiastes qui scandent « des visas, des visas » n'est
pas de très bon augure.
Il est significatif que l'Algérie ait débuté l'année 2010 par la décapitation judiciaire de l'entreprise
nationale d'hydrocarbures Sonatrach, suivie en mai par l'éviction du ministre de l'énergie et des
mines. La chute de l'état major de cette société capitale est intervenue à la suite d'une vaste
opération « mains propres » menée par les services de renseignements sur des malversations liées à
la passations de contrats. Le « chantier du siècle » pour plus de 10 Mds$ concernant une autoroute à
construire entre la frontière marocaine et la Tunisie devait être octroyé à des entreprises japonaises
et chinoises. Plus de 500 millions de commissions aurait été versés à des intermédiaires par les
entreprises chinoises. Le directeur de cabinet du ministre des Travaux publics, le secrétaire général
du ministère, plusieurs hauts fonctionnaires sont poursuivis et en prison.
Il n'est pas sain que l'Algérie doive importer la plus grosse part de ses biens de consommation et
que la « rente » d'hydrocarbures pèse pour 97% des exportations. Certes les caisses du pays sont
pleines avec 110 Mds$ de réserves de change depuis 2008 mais cette donne n'incite guère à sortir de
l'économie rentière. Les investissements étrangers arrivent au compte gouttes (moins de 1 Md en
8
2007, chiffre inchangé depuis) et l'obligation d'une participation majoritaire de l'Etat à 51% dans
l'ensemble des projets dans le pays est un frein évident aux initiatives. Le poids de la bureaucratie
fait le reste. « Nous pouvons acheter une autoroute clés en mains, analyse l'ancien gouverneur de la
banque centrale. Mais saurons nous construire les suivantes, ce qui suppose bureaux d'études et
services d'entretien? La réponse est non. Le développement, c'est apprendre à faire, pas acheter.
Il nous fait remobiliser les compétences et nos élites. C'est la seule richesse qui vaille ». Le Monde
du 21 juin 2008 et 10 novembre 2010.
Or « la rente pétrolière ne garantit plus la paix sociale. Dans le Golfe et en Algérie, la
contestation perdure malgré les milliards déversés pour calmer la révolte de la jeunesse. Une
déstabilisation de la région pourrait engendrer un choc pétrolier désastreux pour l'économie
mondiale » Le Monde de l'économie du 15 mars 2011 Tout est dit dans ce titre, renvoyant à un
descriptif d'une multitude d'initiatives bien peu probantes et bien tardives pour apaiser les critiques
frontales contre les régimes en place. Car c'est bien de cela qu'il s'agit. Création d'un fonds de 20
Mds$ par le Conseil de coopération du Golfe (6 pays riverains) pour aider les deux plus pauvres
(Bahrein et Oman); un plan de 36 Mds$ en Arabie saoudite décidé par le roi Abdallah destiné à
relever le salaire des fonctionnaires, à bâtir des logements etc; lancement d'un programme à
Bahreïn de 50 000 logements sur 5 ans pour un coût de plus de 5 Mds. Le sultan d'Oman a offert
300 euros à chaque chômeur de son pays et a augmenté le salaire minimum et les bourses des
étudiants; quant à l'émir du Koweit, il a distribué en février à deux reprises 1000 dollars à chaque
citoyen koweitien. De l'aumône momentanée comme depuis le boom pétrolier des années 70 qui
avait permis aux dirigeants en place de « dépolitiser la rente », de se constituer une clientèle solide
par le biais de l'urbanisation, qui suppose l'octroi de logements, d'emplois publics, d'accès aux
études. Or les forces de la contestation de 2011 viennent de la nouvelle génération, fille de
l'ancienne, et désireuse à son tour de profiter de l'opulence insolente observée dans certaines
couches de la population.
Alors qu'il faut rappeler, une fois encore, que le budget public se confond avec celui de la cassette
du dirigeant civil ou militaire, Guide suprême ou raïs, de l'émir ou du roi, ouvrant la porte à toutes
les confiscations mais aussi à toutes les mesures de subventions « protectrices ». On est au Moyen
Orient mais la pratique « souveraine » au Maghreb ou en Afrique est de même nature. « Seul un
Etat démocratique peut être le garant du bon usage de la rente pétrolière » souligne Luis
Martinez, directeur de recherche à Sc Po. Pour débattre et faire entendre sa voix, il faut d'abord
abattre le système. La contestation est d'abord politique avant d'être économique. Verdict évident
jusqu'en Egypte comme en Libye
Au final, ces mouvements d'insurrection au Maghreb en 2011 sont en réalité très différents les uns
des autres et chaque contexte historique imprime sa marque mais tous se rejoignent pour souligner
« que les régimes autocratiques sont étrangers à la nation, car le régime dont la chute est
demandée est désigné comme étranger à un pays qu'il n'a su que piller, à une nation qu'il a
foulée aux pieds. D'où cette exaltation de l'armée lorsqu'elle se rallie au peuple, d'où cette mer de
drapeaux sur le Caire le 11 février, d'où cette verve patriotique qui se déploie à la moindre
occasion ». L'intifada démocratique est un mouvement de libération nationale qui peut transcender
certaines vieilles tensions religieuses et retrouve un enthousiasme déjà en action au siècle dernier
(Le Monde du 11 mars 2011, JP Filiu professeur à Sc Po).
« En 1881, la France a imposé son protectionnisme à la Tunisie, et l'année suivante, la Grande
Bretagne écrasa la résistance de l'Egypte à son occupation, brisant l'élan réformateur des khédives
successifs. En 1919, l'emprisonnement et la déportation de la délégation (Wafd) que les
nationalistes entendaient dépêcher à la conférence de paix de Paris entraînèrent un soulèvement
populaire. Cette campagne de désobéissance civique, sa discipline collective, son extension
géographique et sociale évoquent par bien des aspects la révolution qui vient de faire chuter le
9
président Moubarak. L'insistance sur l'alliance entre musulmans et chrétiens contre l'occupant
britannique, avec l'association emblématique entre le croissant et croix, se retrouve dans la
solidarité militante de la place Tahrir. Et la révolution de 1919, malgré une répression sanglante,
contraignit le Royaume-Uni à reconnaître l'indépendance de l'Egypte, trois ans plus tard. »
« Raison d'Etat et raison du régime en place » qui avaient réussi à être assimilées l'une à l'autre, par
une sorte de mystification, « comme si ce qui était bon pour le régime et son dirigeant devait l'être
pour son pays ou son peuple. Les foucades du colonel Kadhafi ruineuses pour la Libye et son
développement lui ont permis ainsi de battre tous les records de longévité [ce dont les pays
occidentaux s'étaient largement accommodés] dans une région pourtant marquée par la stabilité des
pouvoirs installés. »
*l'évolution des cours de ces matières premières sur une dizaine d'années rehausse
singulièrement l'attractivité de tous ces métaux et minerais, à commencer par l'or, valeur refuge
exemplaire en temps de crise, passé en 18 mois de 600 à plus de 1800$ l'once (260 seulement en
2000) mais il s'y ajoute le diamant ou le platine (plus d'un triplement). Mais les envolées sont quasi
générales et fortes, amplifiant les visées d'exploitants peu scrupuleux, amis du pouvoir ou même
étrangers. On note au hasard le cuivre passé de 1178$ la tonne en 2003 à 8438 en 2008, tandis que
le zinc prenanit 184%, quasiment pareil pour le nickel et plus d'un doublement pour l'étain.
Certes l'uranium a connu des variations plus critiques mais le cours était passé de 7 à 70$ la livre
entre 2000 et 2008 en ayant atteint un pic à 140 . Il est certain que l'accident de Fukushima s'est
ajouté à la crise financière de 2009 en modérant la demande et a contribué à infléchir le cours de
l'uranium en fragilisant certains chantiers d'exploration, y compris en Afrique (déboires reconnus du
groupe AREVA, à travers sa filiale récemment acquise UraMin en Namibie ou Centrafrique). Les
années noires de 2009 et 2010 le font descendre à 40 pour remonter vers 70 pour à nouveau
s'infléchir vers 50. Investissement délicat et de long terme qu'est celui de l'uranium qui implique
aussi parfois de gros défis logistiques... (Challenges du 6 octobre 2011)
Les réserves connues en manganèse, cobalt ou coltan, niobium sont considérables (de 30 à 70%) et
deviennent d'autant plus sensibles quand il s'agit de « terres rares », au sens des fameux 17 minerais
précieux- peu connus sauf des spécialistes- dont l'industrie de haute technologie a le plus grand
besoin (aimants, batterie, semi-conducteurs, industrie spatiale et militaire, optique de précision,
moteur hybride, etc): la Chine -toujours elle!-, productrice car détentrice très majoritaire de ces
métaux ou minerais a là un pouvoir de pression ou de transaction fabuleux face à l'Europe
Un bon point pour le coton, produit essentiel destiné à l'exportation pour certains pays
exclusivement ruraux comme le Mali ou Burkina Faso (à la production reconnue de qualité), dont le
cours a fortement augmenté depuis 2009 après des années de léthargie.
*manne désespérante quand elle est utilisée pour entretenir des conflits sanglants sur des
années (revente de diamants dits sales ou « diamants du sang » par des chefs de guerre qui se
procurent des armes (Sierra Leone et Libéria avec un tyran sanguinaire comme Charles Taylor
envoyé enfin devant le Tribunal international non sans péripéties). L'histoire de l'Afrique de ces
dernières décennies est indissociable du trafic d'armes en tout genre pour le plus grand profit des
forces militaires, fréquemment au pouvoir ou en conquête ou reconquête du pouvoir. Coups d'Etat,
assassinats ont été le lot fréquent de pouvoirs qui ont promis le retour à des élections et à un pouvoir
civil sans daigner l'assumer. Dans des cas ubuesques comme en Guinée Bissau, l'assassinat du
président a répondu récemment en 2009 à l'assassinat du chef d'état major, dans un délire de conflits
entre factions et ethnies qui se déchirent les retombées du trafic de drogue -coordonné d'ailleurs par
chef d'état major de la marine- et mettent à bas les rares infrastructures existantes. Pays supposé
indépendant depuis 1974 qui s'est enfoncé dans un amas de ruines y compris dans les bâtiments
publics. Pour les amateurs de roman policier de la veine de SAS (Gérard de Villiers), l'ouvrage
romancé « Cruelle Guinée » -mais parfaitement crédible- portant sur ce pays en proie à des trafics
10
stratégiques entre Colombie et l’approvisionnement de l'Europe via le Mali et Niger renvoie à une
interrogation clé sur le rôle possible d'une organisation comme Al Qaida MI payée grassement pour
assurer la sécurité de ces chargements précieux jusqu'en Algérie. Plutôt que de subir les assauts
contre ses propres convois dans cette immensité désertique (et se faire voler des cargaisons
précieuses), autant les faire protéger contre rétribution qui renfloue les caisses de l'organisation
terroriste. Excellente aubaine entre organisations mafieuses. Et l'AQMI, quoique chassée de
l'Algérie et malgré la disparition du guide originel Ben Laden, n'est pas près de disparaître faute de
disponibilités, en jouant sur un théâtre d'opérations extraordinaire sur des milliers de km, en
rejoignant à l'est d'autres frères d'armes au Yémen.
Exploitation toujours douteuse et peu contrôlée de ces diamants issus du Zimbabwe mis au ban des
nations, dans des mines contrôlées par les militaires après en avoir chassé les populations locales et
où travaille un prolétariat honteusement exploité. Un potentat de 85 ans qui a désamorcé la grogne
des fonctionnaires en autorisant le paiement de leur traitement en US$ et non en dollars
zimbabwéens qui subissent une inflation de plus de 1000%, et qui annonce devoir guider son pays
jusqu'à l'âge de 100 ans. Etrange couple que celui qu'il établit avec son Premier ministre (quasiment
imposé par la communauté internationale), un ancien opposant syndicaliste vaincu par des élections
truquées -lui-même emprisonné et torturé- dont la stature bien plus honorable que celle du président
a permis l'obtention de quelques fonds de la Banque mondiale, mais jusqu'à quand? Une
immigration de misère vers l'Afrique du Sud de plusieurs millions de réfugiés, provoquant des
tensions croissantes avec leurs frères voisins.
Là encore, sur cet exemple précis d'un pays potentiellement riche de son sous sol, jadis un paradis
agricole, fortement mécanisé qu'exploitaient avec talent et de beaux rendements plus de 60 000
fermiers blancs, nourrissant convenablement une population salariée noire, la donnée
démographique compte. Que pèsent 12 M d'hab dans cette région du monde, où seul l'intérêt de
prédateur l'emporte, et dans des délais aussi brefs que possible, qu'il soit africain du sud, canadien
ou maintenant chinois. Le destin des hommes sur place ne semble pas interférer et la dose de bonne
conscience pour la « qualité » du pouvoir en place n'a pas droit de cité. On retrouve cette neutralité
polie, quelque peu condescendante de ces Chinois dans la Zambie voisine où l'exploitation forcenée
du cuivre (on devrait dire enlèvement), avec de l'encadrement chinois et des équipes souvent
chinoises, sans souci d'un processus de valorisation sur site du minerai, tourne à l'aigre. L'intérêt
bien compris du pays d'accueil n'est pas si évident avec un chômage endémique approchant 50%.
Panorama à compléter avec le géant RDC, en proie à l'un des conflits les plus sanglants, les plus
vastes et longs de toute l'histoire récente (voir ANNEXE), avec des forces de protection des
populations civiles émanant de l'ONU les plus nombreuses et les mieux dotées de toute l'histoire
(plus de 600M$/an en 2003- 2004 déjà), soucieuses de permettre un relèvement général de ce pays
meurtri (MONUC devenue ensuite MONUSCO en 2010 pour marquer l'objectif de stabilisationvoir Annexe) . Il reste que la surveillance de l'accord de cessez le feu de 1999 n'est guère facile dans
un pays où les déplacements sont longs et épuisants, les « ennemis » disséminés partout, les
populations civiles elles-mêmes terrorisées et mobiles. Les résolutions de l'ONU de 2002 puis 2003
puis 2005 confortent ce droit à agir en étendant l'embargo jusqu'aux armes sur tout le territoire.
Mais avec quelle efficacité ?
Les soldats de tout poil, de toute origine, congolais ou non, tutsi ou non, se servent de ce territoire
immensément riche pour le piller localement, sans contrainte, sans surveillance du pouvoir civil,
avec du travail forcé. Un ensemble de bandits de grand chemin, anciens militaires ou toujours
militaires qui exploitent ce climat d'insécurité et l'entretiennent. Seigneurs de guerre au travail de
pillage des richesses du sous sol et d'écoulement silencieux des cargaisons arrachées au sol.
*l'Afrique représente plus de 12% de la population mondiale (environ 1 Md) à comparer aux
11
170 millions dans les années 50 et à peine 1% du PIB mondial, avec des écarts considérables: le
niveau de 500 à 1000$ par hab est le cas le plus fréquent. Mais quelques belles « exceptions » avec
par exemple l'Algérie et ses 7700 $ par hab (ce qui implique d'évidentes et dramatiques disparités)
*les inégalités y sont les plus criantes; la population urbaine tend progressivement à peser
autant que la population rurale, surtout dans les grands pays. Des mégalopoles gigantesques
apparaissent comme Lagos au Nigeria (plus de 8 Mhab) ou Kinshasa, source d'insécurité,
d'insalubrité, de misère, de violences contre les personnes (rapts). Exemple de la capitale de
l'Angola, Luanda calibrée pour des infrastructures satisfaisant 500 000 personnes qui accueille
aujourd'hui 5 M de personnes soit presque le tiers de la population. L'évocation extrême de
Nouakchott, capitale de la Mauritanie, une bourgade de 6000 hab à l'ère de l'indépendance montée à
600 000 aujourd'hui, sans grand changement dans la voirie ou les structures urbaines
d'accompagnement illustre la démesure intervenue en si peu de temps. On imagine le désordre
urbain et le chaos dans une telle configuration
*les hydrocarbures apparaissent comme la chance extraordinaire pour certains pays bénis par
la nature et le sous sol (y compris off shore): l'enjeu porte dès lors sur les retombées réelles au profit
de la population. L'exemple extrême est le Gabon, richissime et fort peu peuplé avec son 1,5 M hab
et sa population résidente de plus de 4 M!! Mais on peut tout autant évoquer le riche Angola -dont
l'économie serait contrôlée selon certains experts par une douzaine de familles- qui n'approche que
20 M hab pourrait-on dire, et dont les ¾ de la population vivent dans un dénuement complet.
L'implication de la firme TOTAL se comprend dans cet Angola
Pour autant, on a vu avec le « printemps arabe » de 2011 que la manne pétrolière n'était plus le
rempart contre un certain ordre politique et social aux mains d'un dirigeant et de sa famille ou
proches. La famille Ben Ali en Tunisie avec les centaines d'entreprises investies ou possédées
atteignait 4% du PIB du pays. La fortune du dirigeant Kadhafi est estimée immense à dizaines de
Mds, répartie dans un grand nombre de places financières accueillantes et discrètes. Il est à peine
surprenant qu'un navire anonyme venant de Grande Bretagne, à destination de Tripoli, ait été
arraisonné par les forces de l'OTAN, qui contenait des centaines de millions$ en coupures, destinées
à alimenter les forces loyalistes restées fidèles au dictateur. Le repérage du circuit de cet argent
depuis quelques comptes bancaires du centre de l'Angleterre aura été digne du meilleur polar
mettant en scène les plus fins limiers de Scotland Yard.
*le besoin de protection sociale sera évident à satisfaire -ou à préserver- dans les années qui
viennent. On est loin du compte quand les dépenses de sécurité sociale font 12% du PIB dans les
pays développés (avec pour la France un déficit à combler supérieur à 20 Mds/an que le
gouvernement espère ramener à 15 Mds en 2012), 6% en Amérique latine et 1% en Afrique. Des
soins médicaux discontinus, des implantations trop rares, des personnels en nombre évidemment
insuffisant, des médicaments rares et chers, des pandémies trop fréquentes. Dans ce panorama
difficile voire odieux quand sont impliquées des victimes en bas âge, faute de soins suffisants ou
accordés à temps, il est temps de prendre conscience de la responsabilité du politique sur l'avenir de
sa jeunesse, mieux formée et mieux défendue sanitairement.
Les fort bons résultats de croissance (entre +5 à +7%) d'un nombre important de pays en
développement -bien plus important qu'on ne le croit y compris en Afrique- justifient une nouvelle
donne et un courage de long terme quand il s'agit d'une utilisation d'argent public et de dépenses
sociales de première ordre. La défense des Droits de l'Homme comme celle des Droits de l'enfant
impliquent cet engagement. Une nouvelle voie doit être trouvée par les pays émergents comme pour
ceux qui s'en rapprochent (des grands pays africains par le poids démographique autour de 80 M
-Egypte, Ethiopie, ou la plus riche sans doute RDC, même ceux plus modestes comme Kenya ou
12
Côte d'Ivoire) qui ne soit ni celle du modèle scandinave (trop cher et corrélé à un respect strict des
règles), ni celle du modèle français (associé à des tentations de laxisme, à des déficits et à une
complexité administrative bien singulière qui n'empêche nullement les fraudes), ni à celle des pays
anglo-saxons, qui ne manquent pas de critiques, quand on constate qu'il faut toute l'opiniâtreté d'un
président américain pour faire passer une législation de protection sociale minimale pour 32 M de
concitoyens non couverts! La protection des enfants soldats, des enfants tout court en RDC est un
pari particulièrement délicat pour les mener vers une vie civique digne de ce nom, sans mourir de
faim. Effarant de penser que pour causes de guerres et de pillages, ce pays riche était l'un des plus
pauvres au début de la décennie 2000 avec un PIB/hab honteusement ridicule (Chronique de J.M.
Vittori dans Le Monde du 9 novembre 2010 )
*20 pays de l'UA sur 53 ont à leur tête un militaire ou un dirigeant qui l'a été. Les coups d'Etat sont
plus que fréquents et entretiennent l'insécurité voire la terreur
*des horreurs absolues contre les populations civiles: guerres ethniques comme au Burundi ou
Rwanda en 1970 ou surtout 1994 (800 000 morts en 3 mois) ou en RDC (4 millions de morts
estimés environ en 10 ans) ou encore Kenya ou Nigeria. Surtout des millions de personnes
déplacées dans la région des Grands Lacs ou encore plus gravement, avec le calvaire du Darfour à
la frontière Tchad-Soudan et les milices du désert envoyées ou cautionnées par le pouvoir central de
Khartoum pour provoquer des scènes de désolation dans les camps de réfugiés issus des villages
ravagés de ce désert gigantesque, laissés à eux-mêmes y compris par des ONG impuissantes et
menacées. Un pouvoir soutenu clairement par les Chinois grands investisseurs dans le pétrole
soudanais, bloquant à l'ONU toute suite sérieuse à la procédure de comparution du général président
soudanais devant un Tribunal international. Et ce dernier ne manque pas de se faire acclamer par
son peuple avec un bras d'honneur devant la condamnation de toute la communauté internationale.
*le développement est encore très dépendant des IDE qui progressent mais lentement,
tributaires de la conjoncture internationale: de 1,4% du PIB dans les années 70 avec même une
baisse ensuite sur 20 ans et une reprise plus nette depuis 2000 (mais grave contraction en 2009)
*l'apport des migrants et de l'aide au développement est significatif : à hauteur de 0,5% en 1980
pour les transferts financiers des émigrés et 2,5% en 2009; de même pour l'aide au développement
à hauteur de 2,4% du PIB en 1980 contre 4,9% en 2009. Les institutions communautaires de type
UE s'en mêlent évidemment mais en tentant de se focaliser sur les pays les plus pauvres.
*l'indice de fécondité reste considérable autour de 5,7 y compris pour les grands pays comme
Nigeria, Éthiopie ou RDC. Seuls l'Afrique du Nord commence à connaître un reflux (autour de 2,3)
tout comme en Afrique du Sud. Les projections sont impressionnantes et quasi certaines d'ici 2050
(autour de 2 Mds d'habitants) et une population en âge de travailler qui gonfle inexorablement. Le
géant NIGERIA avec 155 M aujourd'hui est projeté raisonnablement à 430 M en 2050 et à plus de
700 vers 2100. Qui peut prédire les conflits possibles en termes de religion ou de territoire avec
cette envolée démographique quasi certaine ? Même le Cameroun voisin, avec ses 19 M
actuellement (contre 4 lors de l'Indépendance) peut se projeter à 32 ou 35 mais il ne pèsera pas
lourd face à son géant voisin de l'Afrique.
*la déforestation se poursuit de manière dramatique, surtout en Afrique centrale (3,7 millions
d'ha disparaissent chaque année depuis 20 ans). Un pays comme le Ghana -un nouveau pays
pétrolier, encore un!- a perdu 80% de sa forêt primaire. Des centaines d'espèces de bois précieux au
Gabon ou en RDC qui partent pour conquérir la clientèle asiatique, parfois dans des conditions
douteuses. Fortune considérable mais éphémère qui ne sera utilisée qu'une fois et qui ne bénéficiera
pas aux générations à venir. La manne du pétrole peut-elle tout compenser?.
Il reste que « l'empreinte écologique » de ce continent se place encore en dessous de 1 (sauf
13
l'Afrique du Sud à 1,5) mais que les ravages à craindre dans les prochaines décennies, par une
exploitation intensive des terres notamment, par un ensemble de perturbations écologiques et de
pression démographique, par l'afflux de réfugiés climatiques (annoncés à plus de 200 M d'ici 2050
dans le monde), à travers les mégalopoles gigantesques déjà existantes y compris en Afrique
(destruction des arbres alentour pour les feux domestiques, disparition de terres arables, ponctions
croissantes dans des puits de plus en plus profonds etc) risquent bien d'apporter leur pierre à
l'oeuvre de destruction pure et simple de la planète, dès lors que nous vivons collectivement déjà sur
un rythme d'un besoin de presque 2 planètes et que demain, ce sera 3 voire davantage. Les USA
consomment actuellement sur une base de 5 et la Chine montante vient de dépasser 1 et on la
projette à au moins 3. On oublierait d'ajouter l'Inde dont la densité, sur ce sub-continent en partie
désertique, est déjà considérable.
*le développement du téléphone portable -comme internet dans une moindre mesure encore- est
une libération extraordinaire en brousse pour les contacts et les échanges (comparaisons possibles
de cours de denrées avec la capitale etc). De même on ne mesurera jamais assez l'impact d'internet
et des réseaux sociaux informels et mobiles dans la « réussite « des révolutions récentes. Même le
pouvoir militaire le plus obtus ne peut grand chose face à cette profusion d'informations et d'images
qui inonde tout. On note en conséquence avec cohérence les initiatives d'opérateurs comme France
telecom pour élargir leur implantation en Afrique (au-delà du pré carré de l'ancienne AOF) en
misant sur la RDC et ses 70 millions d'habitants au potentiel considérable. « Orange prend pied au
Congo » selon les Echos du 21 octobre 2011. « Plus que jamais l’avenir de France Telecom passe
par la case Afrique. Le groupe vient de racheter le 4è opérateur du pays en RDC en atteignant
1 million de clients, tout en ajoutant l'achat d'une licence 3G et la modernisation du réseau. Des
sommes colossales pour le pays correspondant à 1% du PIB (17 millions$ et 185 millions
respectivement dépensées permettant un retour à l'Etat de 78 M) mais bien moindres pour
l'opérateur dont le chiffre d'affaires représente 6 fois la richesse créée par la RDC chaque année. Le
pays a bien besoin de cet argent frais car c'est l'un des plus pauvres de l'Afrique malgré des
richesses minières fabuleuses.
Ce levier de communication est un facteur de libération non négligeable et de décloisonnements
décisifs de villages et bourgades. L'immersion de toute la population dans les enjeux politiques,
dans les processus de plus en plus exigeants en termes de programme électoral, de place concédée à
l'opposition, de libérations des expressions populaires. Les cercles de contacts de type Facebook ont
précipité la chute de régimes -jugés pourtant solides- devenus introvertis et incapables de
comprendre les aspirations notamment de la jeunesse exclue des retombées de la croissance que
chacun pouvait observer.
*l'enjeu majeur de la « libération » du continent est bien celui, qui permettra l'émergence de
nouveaux responsables jeunes, éduqués à l'occidentale dans les universités ou écoles en Europe
ou Amérique du Nord, ayant l'expérience d'un management à l'occidentale et aux pratiques de
bonne gouvernance (en tout cas de meilleure que dans les pays du Sud), et susceptibles d'afficher
des règles de déontologie plus exigeantes en matière de défense du service public comme du bien
public, y compris face aux bailleurs financiers internationaux comme FMI ou Banque Mondiale.
Cet enjeu est bien resté d'abord de nature politique. C'est affaire de gouvernance de classes
politiques anciennes car découlant des premiers temps de la décolonisation -avec la caution des
anciennes colonies d'ailleurs fort soucieuses de préserver des liens affectueux et intéressés.
Ce souci de préservation de prébendes claniques renvoie à l'accusation de possibles retombées dans
le financement des campagnes électorales en France (le président gabonais Bongo en a été le
symbole fidèle depuis 1967 remplacé récemment par son fils, ancien ministre de la Défense ou
encore le maréchal Mobutu père de sa nation zaïroise ne comprenant pas qu'il doive fuir devant
l'avancée des troupes de son ...futur successeur Laurent-Désiré Kabila en 1997 pénétré d'idées
14
marxistes, avant de se réfugier au nord, dans son village natal pour y attendre la mort par maladie).
Les avatars encore récents liés à la personnalité controversée du franco-sénégalais Bourgi et ses
accusations pêle mêle dirigées contre la coterie autour du président sénégalais Wade (son fils
notamment présenté comme un héritier naturel déchaînant la colère populaire à Dakar) tout comme
sur les « zones grises » des relations entre certains dirigeants français et plusieurs cercles de pouvoir
africains montrent assez l'impact récurrent de telles pratiques.
Dans un interview édifiant et remarquable de sincérité (Les Echos du 8-9 juillet 2011), le malien
futur candidat à l'élection présidentielle de 2012, Cheick Modibo Diarra, ancien astrophysicien à la
Nasa, est passé en 2006 à la galaxie du monde des affaires en devenant président de Microsoft
Africa. Ses propos sont convaincus et sans appel en assénant un constat accablant pour la période
post années 90 et sur l'entrisme actuel de la Chine ou de l'Inde: « l'Afrique souffre d'une absence
totale de l'Etat »... La croissance doit être propre et transparente, avec un vrai contenu social.
Aujourd'hui 25% des ressources de l'Afrique sont détournées par la corruption. » Son
expérience régulière de terrien, en revenant dans son village au Mali à cultiver quelques arpents de
terre familiale, le convainc que l'agriculture est un grand défi positif pour l'avenir. « En Afrique on
ne parle que d'autosuffisance agricole et de sécurité alimentaire, mais on devrait avoir bien plus
d'ambition! Au Mali, par ex, on dispose de 2 millions d'ha de terres arables irriguées par deux
fleuves majeurs, le Niger et le Sénégal, mais on n'en même pas rendu 100 000 cultivables. On
dispose là, d'une « niche » qui permettrait d'exporter et de créer de la richesse très rapidement. »
Et de poursuivre sur le rôle d'Etat, omniprésent et envahissant des années 60 aux années 90, sans
place laissée pour quelque initiative privée ou même publique. Puis on est passé à l'état d'absence
totale d'Etat, de puissance publique. Il se confond en fait souvent avec ceux qui sont à sa tête. Pour
moi, l'Etat n'a pas à jouer de rôle économique. Il faut créer un cadre propice à la création de
richesses et des règles du jeu, puis arbitrer et être suffisamment à l'écoute pour l'adapter au
progrès ».
Quant à l'activisme actuel quasi hégémonique de la Chine -mais aussi de l'Inde, par ex sur la côte
Est au Mozambique, ce dirigeant privé est implacable: «un désastre » . (voir II. B)
C'est affaire d'éthique pour exiger de l'avenir que le niveau de vie continue de s'améliorer vraiment,
avec une meilleure prise en compte des méfaits de la malnutrition et des maladies infantiles. Il n'est
pas acceptable de constater un taux de mortalité infantile qui stagne à un haut niveau (supérieur à 80
voire 100 pour mille) et implique des souffrances individuelles permanentes pour des millions de
gens qui attendent le miracle. Il n'est pas acceptable qu'une femme sur 7 meure en couche ou à
l'allaitement dans cette nouvelle nation du Sud-Soudan manquant de tout, avec 75% de la
population tenue à l'écart de tout circuit de soins. L’enthousiasme pour cette indépendance
chèrement acquise après un référendum écrasant (90% de oui), après des années de guérilla, va
retomber devant l'immensité de la tâche de construction d'une nation, sur l'espérance de belles
retombées issues des ressources pétrolières. Mais c'est devoir compter avec le voisin frère du Nord,
cruel et impitoyable face à ses ennemis de l'intérieur en quelque sorte (cf. la terreur, les viols et
massacres qui se perpétuent dans les camps de réfugiés du Darfour). Un nord musulman,
partiellement fanatisé contre une population au Sud de 10 M chrétiens et animistes. Césure
inquiétante, analogue à celle constatée au Nigeria!
Des débordements effrayants de cruauté, à l'exemple de la Guinée Conakry -grande championne
d'une indépendance affichée avec fracas- depuis 1958 jusqu'à 2010 qui connut 3 dictateurs
sanguinaires de suite et s'est affichée comme une plate forme du trafic de drogue colombienne
pilotée par le pouvoir en place. Le dirigeant Sekou Touré, de sinistre mémoire a asservi son peuple
de la pire façon jusqu'à sa disparition providentielle en 1984 (une opération cardiaque au USA a eu
raison de lui), en emprisonnant et éliminant des milliers d'opposants déclarés ou supposés, en
faisant varier les sévices sur les différentes ethnies y compris la sienne, pour entretenir
15
soigneusement la terreur. Proche de l'idéologie marxiste à ses débuts, il a bien dû déchanter et
promouvoir une réelle libéralisation économique en se rapprochant d'ailleurs des USA (admirateur
de Kennedy).
*les leviers décisifs sont bien dans l'appareil éducatif et la santé impliquant des investissements
en dur mais aussi des maitres et des cahiers. On est très loin du compte pourtant, quand certaines
élites africaines, souvent formées correctement (médecins spécialistes ou hospitaliers au Cameroun)
jouent la carte de l'Occident, et d'abord pour des raisons salariales. La Chine riche en étudiants
expatriés, connaît ce possible engrenage mais quand elle rappelle avec insistance ses chercheurs,
elle sait se faire obéir rapidement.
*des raisons d'espérer?
« le pari du retour au pays peut être payant pour les jeunes diplômés africains ». Confrontés à
la discrimination sur le marché du travail, de plus en plus de jeunes diplômés originaires d'Afrique
trouvent auprès de firmes multinationales des opportunités d'emplois sur le continent noir (le
Monde du 22 avril 2008). l'impact du African Business Club ou du salon annuel Afric talents
organisé par le cabinet chasseur de têtes Afric-Search est porteur auprès des diplômés commerciaux.
Les spécialistes en finance et assurance sont peu n ombreux et les perspectives de carrière sont à
bien mesurer, par comparaison des possibilités hexagonales.
La crise de l'emploi des jeunes en Europe depuis 2008 n'arrange rien et beaucoup de diplômés
sincères et de qualité gagnent à se tourner vers des pistes professionnelles au service de leur pays, et
pas nécessairement par une approche humanitaire.
* « UE, déclaration commune après le 7è forum africain sur le développement du 10 au 15
octobre 2010 tenu à Addis Abeba en Ethiopie « Changement climatique, une position
africaine commune ». Réflexion collective y compris au sein des pays les moins avancés,
volonté de rester dans la voie du développement durable et de la réalisation des Objectifs du
Millénaire pour le développement émanant de l'ONU, toutes ces intentions sont encourageantes
mais doivent se concrétiser par une réflexion et des approches transversales dont l'impact
rejaillit sur tous les secteurs. Même si cette « empreinte écologique » est évidemment faible
pour l'Afrique (fort heureusement), des progrès sont possibles pour éviter les gaspillages et
pollutions diverses, quand ce n'est pas du simple massacre de la nature (coupes de bois,
dégradations des eco systèmes et des nappes, destructions de réserves d'animaux dans les Parcs
nationaux comme en RDC, braconnages permanents et massacres contre les grands singes ou les
rhinocéros , etc Le Monde diplomatique de novembre 2010
« Manoeuvres spéculatives dans un Katanga en reconstruction en RDC » Le monde
diplomatique de juillet 2008. L'envolée des cours des matières premières modifie la donne en
Afrique. En effet le continent pourrait en tirer de substantiels bénéfices, bien davantage que
permettent les contrats actuels, souvent inégalitaires et pénalisateurs même pour des pays géants
et à la fois faibles, à l'occasion de conclusions hâtives et soucieuses de profits personnels pour
les dirigeants de l'heure (exemple pour les contrats conclus entre 1997 et 2000 en RDC par le
nouveau président Kabila). Il convient de les renégocier et c'est ainsi que 13 pays ont décidé de
revoir des contrats nés des années 90, après les privatisations de beaucoup de secteurs
(conservation d'une participation minoritaire et recettes minoritaires). La surévaluation
systématique des charges des entreprises, la non publicité des clauses sur la distribution des
profits sont autant de leviers pour détournements et enrichissements personnels à travers pots de
vin et commissions diverses. Le groupe indien Mittal opérant au Libéria fixait au départ lui
même les prix du fer extrait mais dorénavant, devant la détermination de la Présidente, il suit les
cours mondiaux et son exonération d'impôts a été supprimée. La Zambie s'est efforcé
d'augmenter l'impôt sur les sociétés avec des retours satisfaisants (plus de 400 M en sus dès
16
•
2008) et l'Afrique du Sud a introduit des redevances sur les minerais. Quant aux recettes
effectives en RDC, elles atteignaient 27 M de dollars (seulement!) en contribution au budget en
2007 contre 200 attendues pour la Banque mondiale (à comparer aux 2 Mds pour la Zambie
voisine!).
Le travail est immense pour reprendre ces contrats sur des bases plus équitables, sachant que les
besoins sont tels que les pouvoirs publics sont soucieux de trouver des relais pour engager
rapidement des chantiers (routes, chemins de fer, viabilisation). Les contrats de « troc » à
l'image des propositions de la Chine -du cuivre ou de l'or contre des équipements clairement
identifiés- permettent moins de coulages et de bakchichs.
« L'Afrique et son or vert » (son capital carbone) de Lofti Bel Hadj (mars 2011). L'Afrique
détient le deuxième capital forestier du monde et ce poumon vert qui s'étend sur plus de 234
millions d'ha capture et séquestre le carbone de l'air. A partir de cet exemple, l'auteur cherche à
éclaircir et élargir le débat très complexe et très technique du marché du carbone forestier. Ce
dernier est, à ce jour le seul outil capable de rassembler les ressources financières nécessaires à la
sauvegarde des poumons verts de la planète. Il y a urgence à agir. La perte régulière d'environ 3,4
millions d'ha, soit presqu'autant qu'en Amérique du Sud est un défi effrayant car silencieux (perte de
la quasi totalité des forêts primaires au Ghana ou Madagascar). Quant à celle de la Côte d'Ivoire,
elle a été divisée par 10 en 50 ans. La rentabilité économique semble prendre le pas sur tout le reste.
Les politiques de tous ces pays doivent crier alerte et inscrire le développement dans une démarche
apaisée et organisée, soucieuse de préservation et d'exploitation modérée, avec des replantations.
L'exemple européen, et notamment français est de qualité avec une reforestation positive et
gagnante dans le long terme. Les accidents climatiques comme la tempête de 1999 font oeuvre utile
et aident à une régénérescence des massifs, comme seule sait le faire la nature...
I. Le continent après 50 ans de décolonisation: contrastes et divisions
A/ caractéristiques communes étonnantes car elles devraient diverger
-un contexte politique lourd d'un passé mal géré et soupçonneux sinon revanchard
*une décolonisation violente et souvent gérée brutalement (Sekou Touré en 1958)
*une connivence largement entretenue de part et d'autre, coordonnée par la présidence française
pendant de longues décennies (depuis le conseiller Jacques Foccart auprès du général de Gaulle),
aux fins de conserver une maîtrise de cette aire coloniale, sur le plan militaire comme économique
avec le parrainage de futurs présidents dont on attendait une longévité fructueuse (role des accords
de défense avec par ex le Gabon ou le Sénégal). Et d'ailleurs cet entrisme ne s'est jamais démenti
avec le président Mitterrand comme avec Jacques Chirac. Les personnalités d'ouverture soucieuses
de mettre une décélération à ces dérives propres à cette Françafrique, sinon un arrêt, ont été
rapidement renvoyées avec les départs brutaux de Jean-Pierre Cot, ministre de la Coopération après
1981 (et professeur de droit) ou récemment du ministre Jean-Marie Bockel, éphémère ministre en
charge de l'Afrique et ce, sur demande de présidents africains agacés et insistants. Des ministres
considérés comme trop humanistes et soucieux d'une transparence ou d'une rigueur juridique à
laquelle les dirigeants africains ne semblaient pas préparés à condescendre. Le dossier Afrique est à
l'Elysée et pas ailleurs.
*des rancoeurs évidentes qui s'apaisent difficilement (le rôle du colonisateur belge au Rwanda qui a
joué trop ouvertement pendant des décennies la carte de l'élite tutsie fortement minoritaire)
*une propension à une gouvernance clanique implacable qui s'appuie sur l'armée, force brutale
et/ou la surveillance de ses concitoyens, en empêchant l'émergence d'une catégories d'opposants de
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qualité, permettant un début de débat démocratique et de confrontation d'idées dans des enceintes
organisées. Des scores voisins de 95 ou 97% en Afrique n'ont aucun sens ni aucun crédit. Un score
pour le candidat vainqueur en Cote d'Ivoire (55% environ crédibles) ou en Guinée
*des tensions ethniques perceptibles voire explosives qui provoquent des désastres partout: le
fondement religieux y a toute sa part avec l'impact d'un islam tenté par le fanatisme qui fait
largement les affaires du pouvoir en place (Soudan, Nigeria, Egypte avec les Frères musulmans,
pendant longtemps ou Tchad dont le président a même été quasiment sauvé par l'armée française
venue en renfort). Cette opposition extrême, au besoin terroriste, est un bouc émissaire facile pour
-un processus électoral vite confisqué mais quelques ouvertures timides (Cote d'Ivoire après bien
des déboires ou en Guinée, enfin après 3 dictateurs successifs en 50 ans): l'année 2011 pourrait bien
être une heureuse surprise -à confirmer, dans ces derniers pays avec l'arrivée sans conteste de
profils d'hommes intelligents et cultivés, rompus à la vie occidentale et aux responsabilités solides
*l'immense « surprise » du printemps arabe qui fait fuir en quelques semaines (ou mois) des
présidents bien installés et brillamment réélus comme Ben Ali, Moubarak. Même le redoutable
Kadhafi a dû lâcher prise, à la tête d'un pays à base tribale totalement domestiqué, marqué par des
années de terreur, et ce, en dépit des sommes astronomiques en liquide utilisées pour payer des
milliers de mercenaires supposés amis (Tchad, Niger) et le recours à des boucliers humains
*la femme n'a évidemment pas encore la place qui doit lui revenir, et cette donnée est à replacer
dans la problématique d'un islam modéré comme de la place de la femme au sein du foyer familial
africain, comme adolescente puis comme future épouse et mère. Que l'excision pourtant condamnée
soit encore fréquemment pratiquée (Ouganda, Kenya, Mozambique) mais aussi dans certains pays
de l'ancienne AOF montre assez la permanence de traditions ethniques qui regardent la femme
comme relais de reproduction et non comme être humain douée de raison et d'indépendance d'esprit.
Des mariages forcés dès 9 ou 10 ans pour des raisons d'arrangement entre clans comme de
compensations financières bien comprises (quelques exemples illustres dans le Yémen voisin
débouchant sur quelques rares demandes de divorce courageuses -popularisées dans un ouvrage
édifiant) complètent un tableau peu reluisant. Le destin de ce « printemps arabe » se jouera aussi sur
la place dévolue à la femme dans une société tournée résolument vers une pratique démocratique
plus solide, à tout le moins faisant une bien meilleure place à la voix de l'opposition. L'invocation
de la charia comme socle des nouveaux régimes en cours de constitution laisse augurer de singuliers
défis à relever pour consolider des corps sociaux martyrisés et/ou désagrégés par des années de
dictature et d'oppression. Le fait que la Tunisie fasse éclore en quelques mois quelque 110 partis
candidats aux législatives (octobre 2011) montre assez le besoin de libération de la parole et
d'expression populaire plurielle.
-croissance objectivement encourageante du PIB voire remarquable mais inégale et fragile au
sein de ces pays africains (le taux de 6 ou 7% est le fait des gros pays contre 3% pour dees pays plus
nettement agricoles). Fort heureusement la crise financière de fin 2008 n'a pas eu l'effet négatif
constaté en Occident ou au Japon, le rythme de 4 à 5% ayant été préservé en 2009 et un retour
satisfaisant à +7% moyens en 2010 pour les Etats dits du Sud
*encore trop de produits primaires exportés
*un poids déterminant pour les hydrocarbures en Afrique centrale et autour du golfe de Guinée
*des conditions d'exploitation débridées et dangereuses pour l'environnement et la sécurité avec une
piraterie naissante comme en Somalie mais aussi golfe de Guinée (Nigeria, Congo Brazza, Angola)
-des inégalités saisissantes entre les pays producteurs de pétrole (de 1% de croissance moyenne
annuelle sur la période 1960-1994 contre +5% depuis 1995) et les autres moins bien lotis ou pas du
tout (Mauritanie, Mali, Togo ou Burkina). Il reste pour eux les denrées alimentaires de base mais
aussi le coton, martyrisé pendant longtemps dans un cours affaibli par les subventions massives
18
américaines. Un coton de qualité qui, fort heureusement, a vu sa valeur se relever depuis 2009.
L'enjeu démographique: une complexité réelle
-une explosion démographique peu anticipée et devenue l'enjeu majeur de demain (la fécondité
est partout à la baisse dans le monde, mais partie du niveau de 5,5 ou 6 en Afrique, elle mettra
plusieurs décennies encore à descendre vers un niveau plus « raisonnable » de 2,5 voire 2,3 comme
au Maroc ou Algérie; et entre temps, cette population africaine montera vers 2 Mds. Or la part des
classes jeunes est déterminante et inquiétante face à l'enjeu des millions d'emplois à créer, mais elle
est -ou devrait être- aussi source potentielle de poursuite de la croissance (40 à 48% de population
inférieure à 15 ans contre 18% actuellement en France)
-et ce, malgré l'impact de la famine affectant enfants et mères, fragilisant les accouchements et
la période d’allaitement. La faim a perduré et s'est même amplifiée comme phénomène encore
dramatique en mégalopole, au fond de la brousse comme suite à ces déplacements gigantesques de
populations1, des maladies liées à la chaleur (paludisme qui frappe 800 000 personnes chaque
année), à des déficiences en eau potable, gravissime problème en Afrique, dans des conurbations où
s'allongent les bidonvilles (typhoïde, choléra etc); mais aussi de ce problème lancinant du sida
infectant les pays surtout du sud (Botswana, Lesotho) et notoirement l'Afrique du sud. Pour autant,
un pays comme l'Ouganda, grâce à l'action exemplaire de l'épouse chrétienne du président, une
campagne singulièrement efficace a fait baisser notoirement le taux général de contamination.
-contexte maudit encore marqué par l'invasion périodique de sauterelles par essaim composé de
milliards d'individus (en réalité les fameux crickets pèlerins) qui, grâce à l permettant l'expression
de leur instinct grégaire, dévaste tout sur leur passage dans un bruit d'enfer
B/ Des points de repère évidents par rapport à la terre, qui n'incitent guère à l'optimisme
-déforestation continue
-sécheresse récurrente; les zones désertiques avancent; les eaux des lacs disparaissent
dramatiquement comme celles du lac Tchad, ayant perdu en 30 ans plus des ¾ de sa superficie
(dérivations et canalisations de la plupart des affluents par les pays riverains comme Nigeria,
Cameroun voire Niger, une démarche qu'on comprend pour des raisons immédiates de survie mais
qui est insensée face à l'avenir)
-production alimentaire moyenne par tête est en baisse depuis 40 ans; la famine est récurrente
provoquant des émeutes de la faim comme en 2008-2009 notamment au Caire
-le cours de certaines matières premières sensibles est trop erratique -ou artificiellement abaissépour constituer un atout (exemple pour le coton africain de grande qualité mais de peu de force
exportatrice face au coton américain largement subventionné ou chinois).
-Cas analogue pour les variations erratiques de l'uranium avec un pic vers 2006-2007 mais un
infléchissement net depuis, mettant en danger certaines prospections en Afrique. Les hésitations et
polémiques après le drame japonais de Fukushima ont ralenti évidemment la demande, suspendu
des investissements et contribué à faire chuter les cours. Contexte moins florissant de l'automne
2011 qui pourrait aboutir à l'interruption (provisoire?) des ¾ des centrales japonaises...
C/ Une gouvernance « régionale » trop hésitante sinon hypocrite
1 Ce phénomène de malnutrition extrême semble même ignoré ou récusé par des gouvernants manifestement aveugles
devant l'évidence, comme au Sénégal. Un chapitre entier du livre de M. Ziegler cité en référence porte sur ce
phénomène de désintégration des muscles de la bouche (suite à aphtes non traités) et de mort programmée faute de
nourriture, sans la vigilance de la mère et les 3 euros de médicaments utilisés à temps. Le drame vient de ce que
l'OMS ne souhaite pas élargir la liste des maladies à dépister et combattre. Elle en a déjà tellement !
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-l'OUA devenu UA (rôle insistant de Kadhafi pour cette enceinte, avec l'idée de coller aux
institutions européennes et bien évidemment pour une présidence qui lui reviendrait) où la posture
des uns et des autres est précautionneuse, méfiante ou arrogante, selon les cas, et marquée par de la
provocation voire de l'insulte. Cas d'un Kadhafi qui à la longue, finit par lasser ses collègues
-beaucoup de présidents très ou trop solidaires entre eux. Une posture effrayante face à des
dictateurs avérés, encore le bédouin du désert, provocateur et fantasque, Kadhafi déjà cité, qui
recevait ses pairs dans un grand hôtel de Tripoli pour leur remettre des valises de billets. Beaucoup
ont été preneurs. Ou encore l'évocation bien sinistre pourtant de grandes figures de la libération
comme en Rhodésie devenue le Zimbabwe, avec un président Mugabe qui depuis 1980 a anéanti
son pays pourtant le grenier de l'Afrique (il vit d'abord des subsides financiers issus de la diaspora
partie en Afrique du Sud). Il faudrait encore s'indigner face au problème du Soudan aujourd'hui
divisé, suite à partition du Sud, ouvrant la voie à de nouveaux affrontements sur fond de contrôle de
la manne pétrolière. Le dossier du Darfour, sur un territoire immense entre Tchad et Soudan est
aussi un calvaire sans fin pour une multitude de camps de fortune pour réfugiés affamés, confronté
en réalité à une indifférence effrayante de la communauté internationale, et à l'aveu d'impuissance
des ONG qui se retirent quasiment toutes. Terres maudites que ce désert à l'est du Tchad,
fréquemment investi par des insurgés
-la sincérité des élections est évidemment sujette à caution. Outre des fraudes avérées parfois
massives (les fraudes en Cote d'Ivoire en 2010 auront été équilibrées en réalité et le résultat final
objectivement recevable, autour de 55% pour le vainqueur), des modifications de constitution
viennent opportunément souligner que des présidents entendent se faire reconduire quasi
éternellement ou assurer leur succession qui parfois intervient dans les tensions (Gabon) ou la
violence comme en RDC après l'assassinat du président Kabila (présidences bien établies du
Cameroun, Angola, mais aussi Sénégal depuis 10 ans). A noter pour ce dernier pays, l'impossibilité
de cumuler plus de 2 mandats, contrainte dont le président Wade aurait voulu s'extraire. Un biais
logique mais source de tension violente a été un temps de glisser sans succès la candidature de son
fils, peu considéré et très lié aux milieux affairistes du pays.
-des médiations lancées- à l'initiative notamment de l'Afrique du Sud- qui sont faibles et
inefficaces et sont caractérisées par l'atermoiement (celles de Cote d'Ivoire ou en Libye n'ont jamais
vraiment pesé face à l'impact décisif sinon exclusif des armes et de l'intervention volontariste de
l'OTAN après une résolution opportune du Conseil de sécurité). Le dirigeant libyen annonçait des
« torrents de sang » et une lutte jusqu'à la mort et l'épouse du président sortant Gbagbo refusant
toute médiation pour préserver une présidence acquise par la volonté divine
-d'une manière générale, l'appareil d'Etat est faible sinon inexistant et la notion d'opposition
parlementaire ou autre est insupportable pour celui qui entend être le « chef » et le père de tous ses
concitoyens, en confondant allègrement cassette privée et argent public...comme les monarchies
pétrolières (exemple remarquable pour le maréchal Mobutu au Zaïre qui osait affirmer que le sous
sol du Zaïre est un vrai « scandale géologique »). L'arrivée au pouvoir du successeur de Mobutu en
RDC, après un long conflit victorieux de son armée de libération n'a pas amélioré cette situation,
tout préoccupé de distribuer des prébendes et des permis d'exploitation à des sociétés avides de
recours sur investissement (les Chinois au Katanga)
II. L'Afrique au coeur des conflits sur fondements d'intérêts économiques bien compris
A/ des conflits quasiment partout: la guerre civile et/ou ethnique peut reprendre ses droits
20
avec des horreurs évidentes face aux populations civiles éprouvées
-cas dramatique évidemment au Rwanda il y a quasiment 20 ans, càd le temps d'une génération
africaine. La folie meurtrière systématique face à des « cancrelats » de voisins tutsis -et de hutus
modérés en même temps- qu'il fallait éliminer en écoutant une propagande insensée qui appelant au
meurtre dit de voisinage dans tous les villages avec la caution sinon l'aide d'un certain clergé, une
haine inouïe face à une minorité jugée altière, niée et devenue insupportable, qui nous renvoie à nos
responsabilités, y compris devant l'histoire. Après tout nous eûmes en France la St Barthélémy et
ses 3000 morts en quelques heures, dont réchappa miraculeusement un futur Henri IV, la poursuite
des Protestants par les soldats de Louis XIV ou toutes les dragonnades de même nature au nom d'un
gallicanisme rayonnant et d'une révocation honteuse de l'Edit de Nantes, ou encore l'expédition de
Vendée en 1793 avec les colonnes infernales, où les généraux républicains se félicitaient d'envoyer
au Comité de Salut public des tonneaux de graisse faite avec des corps de suppliciés vendéens...
-rappel utile au Nigeria de la guerre du Biafra en 1970 sur fond de volonté de sécession dans un
pays fédéral aux structures molles. Les tensions persistantes sur la zone côtière viennent
actuellement d'ethnies se considérant comme mal servies par le pouvoir central (à juste titre) au titre
de la manne pétrolière. Le pouvoir central (longtemps militaire), jugé trop lointain de ce pays
fédéral est à la peine pour redistribuer véritablement cette recette pétrolière devenue miraculeuse
qui fait tant d'envieux et est l’objet de tant de trafics, de détournements pour usage local, aux
conséquences écologiques catastrophiques. Des firmes comme BP ou Shell se trouvent dans un
imbroglio plus que délicat entre insurgés et troupes sur place, entre chefs de village et prédateurs
individuels qui siphonnent les canalisations et répandent le fuel sur des centaines de km2,
interdisant progressivement toute pêche.
-un zoom particulier sur le drame absolu vécu en RDC depuis 10 ans: guerre intérieure, invasion de
troupes étrangères pour faire régner un semblant d'ordre (les Angolais), menées anarchiques de
troupes démobilisées et laissées à elles-mêmes dans les provinces gigantesques de l'est du pays
(Ituri, nord Kivu). Les tentations sont immenses pour certains pays des Grands Lacs comme le
Rwanda justement, face à cet eldorado extraordinaire pour ses richesses du sous sol (exploitation
illégale par d'anciens commandants de minerais comme la cassitérite ou coltan, exportations
illégales par le port de Mombasa (Kenya); rythme effrayant de travail dans les mines « chinoises »
au Katanga pas toujours avec un permis d'extraction etc). Volonté de se maintenir sur place, de
jouer la carte de l'aide politique au pouvoir en place, en réalité de l'occupation pour continuer -dans
les dires- de poursuivre les génocidaires hutus; le viol comme arme d'oppression et de terreur à
l'initiative de toutes ces troupes mal commandées et à la nationalité incertaine, une atteinte extrême
et volontaire vécue comme une infamie en Afrique pour celle -adolescente ou femme mariée- qui
devient une pestiférée pour sa famille
-le recours aux enfants soldats enlevés et violentés, contexte dramatique d'une génération à
réinsérer, des centaines de camps de rééducation pour réapprendre le jeu avec des camarades
d’ethnies différentes, l'insouciance, le travail en classe.
-les haines qui devront se refermer en Côte d'Ivoire à partir du printemps 2011, après 10 ans de
troubles graves et de menées guerrières sur fond de défense de l'ivoirité. La réconciliation ne sera
pas simple dans un pays qui a connu la récession après des années de croissance à + 6% ou 7%. Le
président déchu Laurent Gbagbo n'est d'ailleurs toujours pas jugé et son cas embarrasse
manifestement la classe politique ivoirienne, sous la houlette d'un nouveau président consacré, bon
juriste et profil intellectuel de qualité
-le drame du Soudan depuis 10 ans, pareillement qui voit se profiler un nouveau conflit territorial
avec le Sud-Soudan nouvellement créé, manquant de tout, sur fond de manne pétrolière là encore,
21
mais aussi religieux (nord musulman contre le sud chrétien et animiste)
B/ Des richesses extraordinaires qu'il faut exploiter mais aussi canaliser
-humaines d'abord par le lot de souffrances endurées; la place incontournable et souvent
remarquable de la femme; la chance des générations à venir. Un peuple évoluant vers la démocratie
le doit aux femmes qui entendent valoriser leurs droits; rôle exemplaire de la fameuse kényane
(récemment disparue) prix Nobel de la Paix, « amie des arbres », figure attachante d'une défense de
l'environnement ou de la directrice générale de la Banque mondiale, une nigériane haut en couleur,
ancienne ministre des Finances sur-active, ayant eu le courage de poursuivre certains collègues
indélicats et compromis, tentant une réforme de l'organisation des finances publiques qui lui a attiré
beaucoup d'ennemis.
-populations torturées et traumatisées au quotidien; un exode gigantesque de réfugiés sur la côte
ouest africaine, ou au centre du continent: comment maintenir l'attachement à la terre pour la
cultiver, comment préserver une sécurité minimale, dans une confiance minimale dans les forces
dites de l'ordre, dans un pouvoir central non corrompu qui sait se faire obéir.
-un zoom particulier sur l'enjeu de l'amélioration du cadre sanitaire et du rôle dévolu à l'OMS, une
agence de l'ONU de plus en plus privée qui traverse une vraie crise d'identité et s'interroge sur les
conditions de sa pérennité financière.(Le Monde du 19 mai 2011). Les contributions des Etats
membres ne représentent plus que 20% du budget de l'organisation de 4,5 Mds$ alors que 80% sont
issus de contributions volontaires. Les fondations privées du type de celle de Bill et Melinda Gates
prennent une place croissante (220 M$ pour la campagne 2010-2011, 2è contributeur après les USA
mais un impact gigantesque depuis 2000, avec une dotation de 37 Mds$ et des versements cumulés
de 25 Mds sur des programmes centrés sur le paludisme, tuberculose mais aussi sida et polio ), La
fragilité vient des objectifs ciblés voire spécifiques et clairement désignés qui ne sont pas
nécessairement prioritaires (et pouvant être interrompus). La volonté d'ouverture à des bailleurs
émergents, à des bailleurs privés ou sociétés philanthropiques n'est pas innocente dans la
diversification des campagnes engagées mais ne fait pas disparaître le risque de collusion avec des
industries et laboratoires pharmaceutiques intéressés. Il reste que les brevets et licences des
médicaments reste un sujet tabou, non remis en cause même par un Bill Gates, ce qui pénalise les
pays pauvres et implique une réelle cherté des produits.
Contexte évolutif mais controversé qui ne manque pas d'alarmer nombre d'ONG. Il est évident
qu'une bonne quarantaine de pays africains est directement impactée par cette présence des acteurs
sanitaires et sociaux qui multiplient les campagnes de vaccination et visent d'abord la population
enfantine et les mères. Encore faut-il atteindre ces populations dans un environnement fait de
guerres et d'insécurités, fort dangereuses y compris pour ces médecins de MSF et autres
organisations dévouées. Le contexte effrayant du Darfour en a fait fuir plus d'une.
-une réelle volonté de s'en sortir pour beaucoup; une tradition de solidarité remarquable qui fait
toujours ses preuves dans ces pays où le collectif entendu au sens de la famille large a une vraie
réalité et sauve certains pays de situations catastrophiques (expatriés volontaires ou non, retour au
pays pour certains comme au Maroc). Pour autant cette focalisation extrême sur le collectif est un
handicap majeur pour l'expression personnelle et l'épanouissement de chaque personnalité, pour la
réflexion intérieure, pour la lecture et l'apprentissage d'argumentaires plus originaux et volontiers
décalés par rapport à la pensée dominante, ou au dire dominant. (voir ouvrage de Moussa Konaté)
-le rôle des banques africaines ne doit sûrement pas être sous estimé demain.
Il est patent que le secteur bancaire africain est en ébullition. Croissance démographique et pré22
émergence économique créent une nouvelle donne pour les banques au sud du Sahara. La potentiel
de bancarisation est énorme et le petit épargnant, le nouveau client à conquérir. « La Grande
bataille des banques africaines » titre l'enquête des Echos du 8 décembre 2010
« Ce n'est plus un exotisme, c'est du sérieux » depuis que le chinois ICBC, première capitalisation
mondiale a pris 20% de Standard Bank of Soouth Africa, la première banque africaine. Les
retombées d'une belle croissance, l'accroissement des échanges, la bonne tenue des cours des
matières premières et des secteurs miniers, les Mds issus des envois de fonds des migrants doivent
permettre une envolée de cette activité bancaire, sans se cantonner à des circuits d'épargne encore
trop souvent non financière dans les milieux ruraux (le bétail comme valeur de référence pour un
bas de laine). Aujourd’hui on note une expansion de banques issues du Nigeria, qui ont enjambé les
frontières et décloisonné des petits marchés, jusqu'alors très compartimentés. L'Afrique de l'Est est
en pointe avec un Kenya qui est réputé être le pays le plus sophistiqué du monde en matière de
paiements par téléphonie cellulaire. La concurrence avec des banques occidentales n'est pas encore
au rendez vous- mais incitent à copier les règles prudentielles, à pousser au professionnalisme et à
la concentration. On observe que les banques panafricaines développent leur emprise, à l'image de
la BOA (bnak of Africa) née au Mali qui a élargi son audience dans 6 pays d'Afrique de l'Ouest, 5
pays de l'Afrique de l'Est et de l'océan indien, en RDC et en France. « Les banques libanaises,
tunisiennes et égyptiennes vont venir sur un marché au potentiel considérable ». Mais nos bonnes
« vieilles » banques comme BNP Paribas ou SG, après avoir délaissé un temps l'Afrique pour
l'Europe de l'Est songent à des plans stratégiques, en capitalisant sur leurs 102 et 230 agences
respectivement, en misant sur des produits d'agences low cost, avec une marque séparée et des
produits simples. La clientèle de PME est innombrable et ne demande qu'à s'investir dans des
initiatives modestes mais crédibles. Les besoins attendent toutes les bonnes volontés.
C/ Une logique de guerre de territoire et de contrôle de richesses du sous sol
-de multiples exemples (y compris celui emblématique de la RDC- cf ANNEXE) notamment au
Zimbabwe (ancienne Rhodésie), anciennement riche et aujourd'hui ruiné, suite à des expropriations
forcées par les nervis du pouvoir, parfaitement incompétents qui ont chassé les anciens propriétaires
fonciers blancs. Tout est en ruine, les zones d'extraction d'or et de diamant sont contrôlées par les
forces militaires qui asservissent des équipes de mineurs dans des conditions de travail peu
reluisantes. Le respect du processus de Kimberlé qui permet des attestations de sortie « propre » des
minerais et diamants issus de ce Zimbabwe inaccessible et incontrôlable est bien souvent sujet à
caution. La réélection controversée du président Mugabe se déroulait dans le prolongement d'une
action d'éclat de caractère quasi militaire par les Occidentaux, interceptant une livraison d'armes
provenant de Chine, sans doute pour permettre de mater encore plus sûrement une population dans
le dénuement le plus total.
-l'exemple très récent du Sud Soudan récemment créé et où tout est à construire: la guerre pour le
pétrole va-t-elle reprendre, entre un sud qui se retrouve riche des meilleurs gisements et le Nord qui
contrôle les oléoducs de livraison vers Port Soudan sur la Mer Rouge
-l'aubaine pétrolière n'est pas encore utilisée à bon escient: qu'offre en effet un riche Angola à sa
population tout comme le Gabon, riche en tout ou presque ou le Niger, fort riche en uranium. Ou
encore la Guinée très fournie en bauxite (contrat acquis avec la Chine de 9 Mds$ en 2009 pour une
exploitation de long terme). Le niveau de vie moyen ne s'est guère élevé sinon réduit en 50 ans et
les infrastructures dignes de ce nom ne sont toujours pas à niveau
-un prélèvement de véritable dîme arrachée aux transports souvent périlleux sur des espaces
désertiques considérables (présence redoutable de l'AQMI- Al Qaida Maghreb islamique, sur une
zone 2 ou 3 fois la France jusqu'au Yémen, se déplaçant vite et ayant montré son activisme avec
23
l'enlèvement médiatique de 7 salariés d'AREVA en septembre 2010 dont 4 toujours détenus après
400 jours); un immobilisme actuel fort inquiétant du président malien avant des élections
présidentielles en 2012; surtout ne pas provoquer de confrontation armée dans une zone peu ou pas
du tout maîtrisée- le nord Mali-. Quelle surveillance est par ailleurs possible dans cette région
d'Agadez au Niger, si éloignée de Niamey et de tout, alors que les installations techniques sont à
peine protégées, que les gendarmes sont loin et que les complicités internes sont toujours tentantes.
-tous ces espaces quasi désertiques -ou en forêt profonde- ne sont guère contrôlables par des forces
gouvernementales, eu égard à l'emplacement des capitales excentrées d'immenses pays (Nouakchott
en Mauritanie, Bamako au Mali, Niamey au Niger, N'Djamena au Tchad si éloignée de Khartoum
au Soudan, Luanda en Angola comme Kinshasa en RDC. C'est une caractéristique géographique
de portée fondamentale en Afrique (trop souvent sous estimée), d'autant plus avec des distances
gigantesques en terme de jours de transport. Le desserrement interne de ce continent associé à son
contrôle en termes de simple sécurité civile est un défi majeur pour les décennies qui viennent. La
perte du Rallye automobile en Afrique (Paris-Dakar légendaire) pour des raisons de sécurité est un
aveu d'impuissance à maîtriser le parcours des concurrents. Plutôt grave comme conclusion et
pertes de recettes singulières pour les pays de transit.
II. De sérieuses hypothèques à lever
A/ Corruption et manque de transparence
-l'enjeu d'une meilleure gouvernance est vital. Comptes publics transparents et enfin
sérieusement contrôlés, fortune personnelle des dirigeants surveillée, compte privés en Suisse ou
ailleurs bloqués, lutte contre les dérives de toute sorte. Mais le comportement des dirigeants euxmêmes doit être exemplaire. L'élection confirmée d'un président Ouattara en Côte d'Ivoire, après
une vraie guerre urbaine et des exactions multiples, peut être une vraie bonne nouvelle comme en
Guinée, après 50 ans de dictature effarante. Pour autant cette victoire d'un candidat éclairé et cultivé
ne semble pas provoquer l'adhésion générale, en témoigne encore à Conakry une tentative
d'assassinat à l'été 2011 suite au bombardement de son domicile personnel. La réaction s'en est
suivie d'un musellement de la presse pour ne pas éventer ce regrettable événement, non sans
provoquer une polémique en France. On attend du nouveau président de nouvelles élections
législatives dans une campagne électorale attendue pluraliste et exemplaire. Contexte pas facile
pour un peuple qui ne l'a jamais connu, comme cela le sera en Libye ou dans le nouveau SudSoudan récemment créé qui manque de tout.
-les anciennes puissances coloniales ne sont pas toujours innocentes dans les liens parfois troubles
et souterrains avec les pouvoirs établis, lors de contrats stratégiques en matière d'armement, énergie,
télécommunications toujours profitables. Deux ouvrages récents (« Armes de corruption massive »
de Jean Guisnel et « la république des mallettes » de Pierre Péan, déjà évoqué) dressent un bilan
très embarrassant sur ces « marchés souverains » qui ne se concluent pas sans un aval des autorités
politiques en place, et qui peuvent donner lieu à des commissions et rétrocommissions. Le dossier
médiatisé du contrat de Karachi (bateaux militaires livrés au Pakistan) vaut exemple pour bien
d'autres, plus discrets en Afrique. La Convention de l'OCDE en 1997 permettant de sanctionner
dans un Etat la corruption de fonctionnaires étrangers semble n'avoir eu qu'un effet de réprobation
symbolique et avoir suscité surtout une complexification des circuits d'argent sale. (Le Monde du 20
septembre 2011 « L'argent trouble de la politique » sous la plume de Pierre Lascoumes, Centre
d'études européennes de Sc Po, auteur de « Favoritisme et corruption à la française » et de « Une
démocratie corruptible ». Il souligne un constat inquiétant: « Des études ne cessent de confirmer la
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détérioration continue de l'image du monde politique. Les rapports ambigus à l'argent en sont un des
facteurs clés ». Pas très réjouissant quand nos grandes démocraties occidentales se veulent
justement des professeurs de vertu, et que -autre exemple- la City de Londres est étrangement
conciliante avec bien des comptes bancaires opulents de dirigeants africains fort proches de la
grande Angleterre (Kenya, Nigeria, voire Egypte sinon Libye)
-l'apprentissage de la chose publique et de l'intérêt général, données assez étrangères aux traditions
tribales du partage du pouvoir... pendant le temps du pouvoir que l'on sait provisoire. Il est patent de
voir un ministre kenyan de l'Agriculture tenter de vendre une partie d'un Parc national à son profit et
se heurter à l'émotion des riverains... Des ministres éminents au Cameroun sont poursuivis et
condamnés pour corruption. Est ce un leurre, sont-ce des boucs émissaires si on ne peut viser le
Président lui-même qui est constaté longtemps absent de son pays en préférant La Baule ou Genève,
et se contentant de 2 ou 3 Conseils des ministres par an, sans connaître tous ses ministres ? Certes,
on doit ces informations à un journal satirique français, en général bien renseigné et jamais
condamné, sur ce président à éclipses qui dirige de loin- mais avec poigne- un pays largement
désenchanté dont la jeunesse devenue quasiment majoritaire semble tentée de regarder au-delà des
frontières et ne croit plus en l'avenir.
-les exemples récents de « tyrans » déchus en Libye ou Tunisie (seront-ils enfin les derniers dans
ces pays??) montre assez l'existence de dérives invraisemblables dans cet accaparement de richesses
d'un autre âge et d'un mode de vie hallucinant. Des fortunes personnelles à milliards, une économie
en coupe réglée sur une logique familiale (une véritable « kleptocratie » indécente qui renvoie
pareillement à d'autres Saddam Hussein, en Irak mais aussi ailleurs, en Indonésie, Birmanie comme
Corée du Nord ou Turkménistan et tant d'autres). Il est symptomatique qu'un premier déblocage de
15 Mds$ sur des fonds bancaires « personnels » du dirigeant libyen décidé par les USA, ait été
décidé sur le vu de l'excellente impression faite par la personnalité (parfaitement intègre) du
président du CNT, ancien magistrat. Tous ces chiffres donnent le tournis et on sent pertinemment
que l'argent sale placé en paradis fiscal de nombre de dirigeants africains (et Londres est encore une
place peu regardante, tout comme Hong Kong) voisine avec celui des circuits de drogue ou de
trafics les plus divers.
Même la Suisse n'apparaît guère regardante sur la récolte de tels fonds issus de personnalités bien
habillées mais suspectes, proches trop longtemps d'un pouvoir autoritaire (porte-valises, prêtenoms, intermédiaires financiers, avocats d'affaires etc). Elle l'est curieusement bien davantage
quand ils sont à terre ou ont disparu. « Les banques suisses pratiquent la vertu à retardement »
Le Monde du 20 septembre 2011) Une banque est particulièrement à l'honneur sur ce registre
douteux, HSBC en Suisse, pour ses négligences ou ses compromissions à accepter des sommes
colossales dans ses coffres de la part d'individus évidemment affiliés ou affidés de régimes
corrompus, venus largement d'Afrique (Tunisie, Egypte, Nigeria ou Angola etc). Les banquiers ont
découvert opportunément dans leurs écritures -mais juste après la chute de ces dirigeants- des
sommes de 60 M pour la Tunisie, un compte personnel de 11 M pour le beau frère de Ben Ali -un
spécialiste des coups de force pour entrer dans le capital des entreprises tunisiennes, ou 410 M
d'avoirs égyptiens. On peut comprendre l'urgence d'une demande d'entraide judiciare à la suisse
pour une juste récupération de ces sommes sur une douzaine d'établissements et l'ardente
recommandation aux banques -à toutes les banques- de refuser l'argent des PEP notoires (personnes
venant de pays où la corruption est notoirement endémique). L'Autorité fédérale de surveillance des
marchés financiers (Finma) a en tout cas de singuliers progrès à faire pour dissuader ces dirigeants
corrompus ou leurs émissaires (exemple de Hussein K; Salem financier honorable du président
Moubarak et intermédiaire fort bien accueilli en Suisse pendant des décennies, arrêté en Espagne
puis jugé par contumace pour corruption et enrichissement illicite, comme le raïs et ses deux fils.
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Le lancement bien laborieux de procédures judiciaires en France pour biens mal acquis de certains
présidents africains -ou de leurs proches- apparaît comme un coup de gong salutaire mais en réalité
mal engagé, tant les détours, les écrans, les structures juridiques d'appui sont délicats à pister. La
récupération des châteaux acquis en France par l'ancien président devenu empereur Bokassa 1er en
Centrafrique illustre, dans un temps pas si lointain des années 70, les dérives du pouvoir d'un ancien
sergent-chef qui força le monde -et en tout cas la France à travers son ministre de la Coopération
impassible mais effaré- à assister à un sacre hallucinant dans son royaume. Sans doute largement
subventionné par les contribuables français. Les commentateurs se rappellent l'impact dévastateur,
lors de la campagne présidentielle de 1981, des « diamants » de Bokassa offerts au président
sortant, cadeau d'une grande époque d'amitié voire de parentèle, recherchés avec quelque inquiétude
et jamais vraiment retrouvés.
Epoque surréaliste pour un autre pays voisin, également sanguinaire, celui de l'Ouganda du
président fantasque Amin Dada qui se faisait fort de terrasser tous ses adversaires y compris ses
propres ministres, et de les manger.
B/ Une aide bienvenue des pays émergents- au premier rang desquels la Chine, l'Inde et
maintenant le Brésil- qui prennent toute leur place, mais non sans arrière pensée, mais cet
entrisme est contesté
-l'arrivée de la Chine qui fait ses emplettes partout où il y a des minerais et métaux à acheter (cuivre
en Zambie, bauxite en Guinée pour une exploitation long terme pour 7 Mds$, et bien sûr pétrole
dans le golfe de Guinée, au Soudan ou en Algérie ou dans le secteur du bâtiment). Sans parler de
location de terres à long terme à Madagascar et ailleurs, initiée par la Chine ou la Corée du Sud (le
tiers de Madagascar est visé en 2011, au grand émoi des populations locales). C'est ce pays qui
contribue à cautionner des régimes contestables et à conforter leur aura locale, au besoin
-non sans arrière pensée, cet activisme étant jugé arrogant et à retombées d'abord unilatérales (des
équipes chinoises jouant l'isolement, un matériau exporté directement et peu traité sur place, sans
relais pour la main d'oeuvre locale). Les autorités en reviennent de ce partenariat envahissant, que
ce soit en Algérie, en Zambie ou Zimbabwe, au Congo Brazza et RDC ou même en Libye où les
chinois ne semblent plus être à l'honneur et font profil très bas, après une évacuation et un renvoi de
plus de 6000 salariés. La victoire des insurgés au Maghreb peut faire ouvrir la porte des pays amis
comme la France avec de fructueux contrats en perspective et une implantation de TOTAL prenant
en Libye le pas sur l'italien ENI ou le groupe chinois CNOOC dont les salariés ont été molestés et
les installations sérieusement endommagées.
-Pour autant, il faut se satisfaire que le discours en vigueur aujourd'hui des autorités françaises soit
bien de jouer une carte de coopération de long terme, confiante et transparente au profit d'un pays
courageux qui n'a cessé de jouer la cohésion des trois régions soudées sous le même drapeau. « Nos
entreprises ne viennent pas pour vendre des produits et retourner ensuite en France, mais pour
travailler sur le long terme avec vous et offrir un avenir à vos jeunes » selon le ministre du
Commerce extérieur conduisant récemment une délégation de chefs d'entreprise français (Le Figaro
Economie du 13 octobre 2011)
« On est venu non pas signer des contrats mais ouvrir des discussions, filière par filière, pour
répondre aux besoins les plus urgents de la Libye ». Raison garder pourtant: la relativité de la géostratégie fait que la production pétrolière de la Libye est descendue à 0,4 mbj suite aux événements
contre 1,6 en régime de croisière. Pays producteur non négligeable qui assurait quasiment le tiers
des approvisionnements de l'Italie mais resté modeste par rapport à d'autres plus imposants (Arabie
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saoudite ou Russie à quasiment 9 mbj) ou montant en puissance (Nigeria ou Congo Brazza).
-le jugement critique du dirigeant malien de Microsoft Africa (interview déjà évoqué) est sans appel
sur ce point de l'entrisme des pays émergents sur le continent, au premier rang desquels la Chine,
qu'il qualifie de désastre. En aucun cas, pour lui, l'Afrique ne doit devenir un atelier délocalisé de
l'Asie et ce dirigeant souligne les dérives possibles au regard des oppositions existant entre les deux
continents, y compris en termes de mode de pensée et de niveau de formation.
« J'ai un problème avec le modèle chinois qui revient d'abord à faire du troc entre matières
premières et contrats d'équipements. Les chinois ne s'intéressent pas au développement su pays
hôte. A terme il faudrait connaître les retombées, les transferts de savoir, l'initiation des partenaires
locaux à l'entrepreneuriat. Notre niveau de sophistication en matière de formation n'est pas le
même, et on serait peut-être réduit à des processus industriels rudimentaires. Au lieu de prendre ce
que les chinois ou les Indiens délaissent, il vaut mieux se focaliser sur ce qu'on a, à savoir
transformer les matières premières sur place et les échanger déjà localement. Il y a là un gisement
de croissance. »
Illustration exemplaire avec ce Zimbabwe évoqué à plusieurs reprises, largement investi par la
Chine qui a fort peu de scrupules face à ce régime quasi dictaorial, singulièrement instable et
encombrant qui a multiplié les erreurs de gouvernance gestionnaire au service de ses affidés
incompétents à travers l'expropriation brutale des plantations des fermiers blancs, en provoquant
tout simplement la famine et le chômage généralisé dans les populations noires. Un modèle devenu
paria de la communauté internationale en 30 ans, dégringolé pour son IDH de la 52è place à la
151è, alors que l'espérance de vie s'est réduite depuis 1987 (accession à la présidence de Robert
Mugabé) de 59 à 37 ans. La Chine achète principalement du tabac et des minerais et est devenue
quasiment son premier soutien sans état d'âme. Les affaires sont les affaires mais cet exemple de
gouvernance partisane et « kleptocrate » est insupportable en ce début du 21è siècle (Questions
internationales n°41 janvier-février 2010 La Documentation française)
C/ Ce somptueux continent ne peut être laissé à la traîne de l'enrichissement mondial: l'enjeu
est pour lui la stabilisation d'une classe moyenne, la sortie de l'extrême pauvreté et l'éducation
-l'atonie actuelle de la croissance occidentale y compris aux USA, est un singulier revers ou
handicap face à des taux de croissance bien plus enviables en Afrique comme en Asie (souvent de
+5 à 7%) et doit être pesée en terme de contraste.
C'est une donnée qu'on méconnaît trop dans son impact de long terme (une croissance soutenue
depuis plus de 10 ans). Ce sont les fonds souverains de certains pays nantis par le sol qui peuvent
prendre la relève. Ils sont asiatiques ou moyen orientaux voire d'Afrique du Nord. Ils semblent
privilégier les actifs réels et solides, comme des investissements structurants et des équipements
visibles. L'Afrique devient un terrain de choix qui n'est pas contestable. Des projets de longue
haleine, initiés en liaison avec des pouvoirs politiques plus vertueux, deviennent urgents et
crédibles, tant les besoins sont immenses. Les pays dits du Sud sont en train de s'impliquer dans une
démarche afro-asiatique voire afro-africaine. « Et si le Sud lâchait le Nord », souligne l'en tête de
Enjeux Les Echos de mars 2011, un Sud emmené par les pays émergents parmi lesquels il faudra
bien compter au-delà de l'Afrique du Sud, des monstres comme Nigeria, RDC ou même une Egypte
apaisée .
-constat d'autant plus encourageant si la jeunesse, aussi exubérante et passionnée par le
chant, joue l'espoir et le progrès, dans des pays nouvellement considérés comme phare comme la
Guinée devenue plus démocratique. « Chanter malgré les guerres » pour la guinéenne Sia Tolno,
artiste et témoin d'une Afrique qui lutte et veut se reconstruire » Le Monde du 20 septembre 2011.
Destin exemplaire que celui de cette artiste de 35 ans, une kissi- peuple de la forêt et non une peule,
27
née aux confins du Liberia et Sierra Leone qui a été ballottée au gré des guerres civiles et de la
misère issue d'un pouvoir dictatorial. Son père enseignait le français mais elle chante en anglais
appris de son adolescence à Freetown. Enfant battue, elle se raccrochait à la vie en écrivant textes et
poésies. Elle joue l'espoir avec l'élection récente d'un Alpha Condé dans des conditions les moins
contestables. Malgré son sous sol qui regorge de richesses, la Guinée est dans un grand dénuement.
« Depuis 5 ans, on a manqué d'électricité, d'eau, de toutes les choses dont doit profiter l'être
humain. » dit elle avec un grand éclat de rire. « Car si vous allez dans les maquis à Conakry ou au
bord de la mer, vous verrez que la Guinée vit, qu'il y a des centaines de talents, des jeunes qui
travaillent leur voix, jouent de la kora, même si apparemment rien ne bouge pour le moment. »
Voilà une jeune femme caractérisant le renouveau de l'expression africaine par le chant (digne
héritière des orchestres régionaux de Sekou Touré qui se voulait le leader des indépendances
africaines) qui n'est pas seule à s'en prendre aux forces qui écrasent, au sexisme, aux abus sexuels,
aux mariages forcés. Sayon Bamba, une Mandingue aux airs de loubard et à la voix d'or, fait un
constat similaire. L'Afrique est éviscérée, et si peu respectée, y compris par les Africains... » Cette
amie, installée à Bruxelles y a rencontré le patron du festival francilien Africolor et du label Cobalt
qui la produit. Elle vient de lancer en Guinée une ardente campagne nationale contre l'excision.
-l'endettement actuel de ces mêmes pays développés est une source redoutable de fragilité
voire d'impuissance nouvelle face à ce basculement du monde vers l'Asie certes, mais aussi
vers cette Afrique séductrice: et si le Sud (qui est porteur avec la seule Chine de créances
publiques considérables sur les USA -au moins 2000 Mds$ en obligations américaines et un total de
5000 Mds comme trésor de guerre issu de ses excédents commerciaux) s'intéressait moins aux
obligations dites souveraines en euros et lâchait le Nord pour se focaliser sur ses propres projets?
On peut déduire que l'eldorado africain, avec ses besoins sur long terme, est un théâtre d'opérations
d'envergure qui peut mobiliser des milliards$ et permettre de substantiels retours, pour autant que
ces initiatives soient relayées par des professionnels un minimum formés, que des procédures
d'appel d'offres ne soient pas dévoyées avec des surfacturations en route, et et que des tableaux de
bord de suivi d'exécution des opérations soient scrupuleusement pointés. Ce type d'aide au
développement est de la même essence que les circuits de subvention issus de Bruxelles ou de gros
établissements publics français dans des domaines d'envergure (exemple en France pour l'Agence
nationale de rénovation urbaine qui peut contribuer pour plusieurs dizaines de millions€ à une seule
opération, comme celle de la rénovation urbaine de Pointe à Pitre en Guadeloupe). Des mécanismes
de contrôle de l'utilisation effective des fonds sont bien bordés dans un pays comme le nôtre, même
si les travaux sont à des milliers de km.
-l'aide publique au développement -fort chichement comptée d'ailleurs- doit préserver son utilité
évidente sur des investissements lourds et intelligents: le rôle pédagogique du FMI comme de la
Banque mondiale doit y veiller, en écoutant davantage la culture propre de ces pays, sans recourir à
des outils trop technocratiques, et en évitant les dérives issues de processus de libéralisation trop
cliniques. « les donateurs demandent aux pays aidés de s'adapter aux instrument qu'ils utilisent
plutôt que d'adapter les instruments aux réalités et aux contraintes des contextes locaux ». Mais la
suppression d'une partie de la dette des PMA (obtenue par exemple grâce à un Tony Blair) est
recevable en soi mais n'est pas un viatique indéfini. Et à tout le moins, on peut exiger de sérieuses
contreparties en termes de gouvernance vertueuse.
L'utilisation de ces fonds est source trop souvent de dérapages et d'évaporation sans vergogne, à
l'époque déjà de l'ancien directeur général de la BM, Paul Wolfowitz qui s'affichait pourtant comme
le chantre de la vertu (avant qu'il ne soit révoqué pour conflit d'intérêt en interne), un dirigeant
apparemment bien éloigné des pratiques locales rapidement embourbées. Il devait constater des
circuits de commissions occultes et des détournements manifestes, contraires aux procédures de la
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Banque mondiale (exemple en RDC en 2008, lors d'une visite qui a dû le laisser pantois, devant une
situation où la procédure de fonds dits en appui budgétaire qui sont sans contrôle connaissent toutes
les dérives imaginables (passation de marchés irrégulières, « primes de présence » de plus de 50
000$ sans doute pour quelques conseillers techniques, surcoûts qualifiés d'obligés, surfacturations,
« cadeaux de fin d'année », utilisation de fonds à usage privé. Certains contrats routiers de plus de
30 M$, avec délai d'exécution de 18 mois n'ont même pas été réalisés à moitié, quelque 3 ans et
demi après leur signature. La réfection de l'avenue de l'université à Kinshasa a coûté 1 million $ par
kilomètre et est redevenue impraticable. Aucune suite administrative connue ni judiciaire n'a été
engagée, aucun remboursement. Au demeurant, « les conclusions de l'enquête en cours présentées
au gouvernement n'ont pas vocation à être rendues publiques » déclarait le chargé de »
communication de la Banque mondiale. Exemple singulier de transparence exigée pour les autres!
-on ne peut oublier bientôt la présence de ces 2 Milliards d'individus aux portes de l'Europe
d'ici une génération (dont quasiment la moitié de jeunes), et des conséquences afférentes
(besoin de 50 millions d'emplois d'ici 40 ans dans les pays du pourtour de la Méditerranée) et
comprendre leur incitation à comparer les niveaux de vie et la qualité de la protection sociale. L'idée
d'un cénacle ou sommet régulier sur l'enjeu de la solidarité méditerranéenne (Union de la
Méditerranée ou pour la Méditerranée, quel que soit le nom ou la localisation du siège- ce fut
Barcelone qui fut choisie) est pertinente tant les intérêts sont convergents. Et la double présidence
originelle de la France et de l'Egypte était également pertinente.
Les flux migratoires mieux régulés sont à ce prix (les îles grecques sont devenues une vraie passoire
et des centaines d’Africains campent par ailleurs au bas des murailles des enclaves de Ceuta et
Melilla en face de l'Espagne. Quant au flot de 30 000 réfugiés de la peur et de la misère par an,
échoués sur l'île italienne paradisiaque de Lampedusa, il n'est pas une réponse adéquate au lancinant
problème d'emplois à créer. Vrais emplois à imaginer, à organiser, à fidéliser, et pas seulement dans
les secteurs déjà porteurs, mais à connecter aux enjeux du développement durable et à la protection
de cette mer intérieure, de sa qualité et de ses poissons.
Le point de focalisation sur le seul secteur puissant des hydrocarbures en Algérie est un prochain
défi saisissant pour le pouvoir algérien après l'ère du président Bouteflika. Une agriculture à faible
productivité sinon à la dérive sans aucun rapport avec les rendements de l'époque de
« l'occupation », un secteur bâtiment peu fiable et gangrené, un tourisme singulièrement hésitant
(rien à voir avec ses deux pays limitrophes tout comme avec l'Egypte dont la croissance enviable
s'est fortement appuyée sur le tourisme, d'où une annus horribilis en 2011, conséquence des
mouvements politiques intervenus). Or un touriste venant en Egypte avec une dépense de 15$ par
jour fait vivre un autochtone presqu'une année.
-mais ce continent continue d'offrir aussi la vision d'Etats voyous quasiment incontrôlables
-sans aucune structure publique digne de ce nom où seule la force brutale et inculte compte- qui
pointent les menaces les plus tangibles pour les investisseurs ou touristes (plateforme de drogue
colombienne pour la Guinée -en tout cas longtemps- et la Guinée Bissau, un Etat sans aucune
structure; ou ailleurs la côte somalienne livrée sur des milliers de km aux pirates de plus en plus
entreprenants (un millier de prisonniers seraient détenus dans l'arrière pays en attente de rançon),
enjeu d'une gravité telle que la Chine elle-même apporte son concours « militaire » pour surveiller
cette zone gigantesque aux côtés d'autres navires de guerre. Car c'est une guerre face à des
professionnels qui en font leur métier. Des stages de piraterie sont d'ailleurs organisés par des
professionnels qui enseignent cet art, toute une symbolique.
Car l'Afrique est la plate forme internationale des armes de tout calibre, qui émanent de tous
horizons et circulent sans contrainte y compris en interne (ex bloc soviétique, ex URSS, une
Somalie sans Etat livrée aux chefs de guerre ou en Irak, dans les pays d'Asie centrale, et
29
évidemment Yémen, Pakistan ou Afghanistan. « Il est plus facile et moins coûteux dans maints pays
africains, de se procurer une kalachnikov qu'une boîte d'antibiotiques non périmés et non
contrefaits ». La circulation de volumes d'armes gigantesques est aujourd'hui relayée, au Maghreb
comme au Sahara, par les énormes stocks en Libye, récupérés et pillés par les insurgés au cours de
plusieurs mois de 2011. La remise ou la neutralisation de toutes ces armes parfois sophistiquées (y
compris des missiles sol-air très inquiétants avec des stocks de munitions) est un vrai défi pour un
pouvoir de transition qui affiche une vocation civile. Reventes d'armes automatiques, de milliers de
boîtes de cartouches, de centaines d'engins ou bombes, de missiles même, pourraient faire l'affaire
de bien de circuits détournés, dont notamment Al Qaida.
-le rôle des ports est évidemment crucial comme relais des communications et des échanges les plus
visibles. Un groupe français comme ACCOR dans l’hôtellerie ou plus nettement encore BOLLORé
s'est investi fortement dans la gestion de la plupart de ces ports gigantesques africains, porte
d'entrée obligée des terres et plaque tournante d'une mondialisation qui ne s'arrête pas aux seules
zones côtières et s'appuie sur des millions de containers normalisés. Le contrôle des ports clé du
golfe de Guinée est une carte maîtresse pour la France et son influence -en termes objectivement
professionnels- mais on imagine avec le temps les accointances qu'il a fallu entretenir et rémunérer.
On comprend la grande inquiétude de certains lors de l'arrivée enfin victorieuse du président
Ouattara en Côte d'Ivoire, et l'obligation de composer avec le nouveau pouvoir, après des années de
bonne entente avec le président déchu. Les affaires continuent..
Bon point donné à ce nouveau président investi le 21 mai 2011, dans la désignation successive de
responsables en Côte d'Ivoire, dans les postes économiques comme en territorial, au nom d'une
volonté de décentralisation. Il semble que les compétences avérées l'emportent sur le reste et que les
hommes et les femmes désignées soient de grande qualité comme le ministre des finances depuis 6
ans, rallié au nouveau président, pièce maîtresse pour le rétablissement de la stabilité financière, le
président de la Commission électorale indépendante qui avait déclaré avec courage vainqueur le
président Ouattara, la ministre de la Salubrité urbaine (Port autonome d'Abidjan, Chambre
économique et sociale, procureur, préfets ou gouverneurs territoriaux de district). (Jeune Afrique n°
2651 du 30 octobre 2011). Le pays entame une vraie renaissance et refondation après une décennie
de crise sur une obligation de réussite de la réconciliation. La désignation de Guillaume Soro
comme Premier ministre et ministre de la Défense, personnage controversé et ancien opposant au
président, mais rallié essentiel lors de l'élection présidentielle, illustre une volonté de partage du
pouvoir et d'équilibre des forces dans le pays. La refonte des forces de sécurité et le désarmement
des ex-rebelles est une tâche clé à poursuivre en liaison avec le ministre de l'intérieur. Les élections
législatives de fin 2011 devraient consacrer une nouvelle page de l'histoire de ce pays anciennement
très proche de la France et le conforter dans un rôle de stabilisation de cette zone du Golfe de
Guinée. Les retours de grands dirigeants aux affaires (comme exemples, le président du Conseil
national des sages de la filière café-cacao -lui-même riche planteur de 2000 ha de cacao)- ou le
PDG d'un groupe influent d'investissement mais ancien partisan du président déchu (finance,
négoce, agroalimentaire, sécurité) montre la volonté de jouer une carte positive dans cette nouvelle
aventure. Le cours du cacao en croissance en cette fin 2011 est de bonne augure.
Conclusion
*un continent particulièrement ballotté et meurtri dans les décennies récentes, avec un processus de
décolonisation qui est venu très vite, trop vite, sans relais suffisant des structures administratives
animées par une fonction publique localement bien assise. Des constats parfois accablants de dérive
autoritaire et d'asservissement des populations, dans un climat de cruauté que l'on croyait révolu
(Guinée, Ethiopie du Negus rouge après l'assassinat du roi des rois » Hailé Sélassié, à compter de
1973 lui qui était roi d'Abyssinie descendant de la reine de Saba, le Zimbabwe du libérateur de la
30
Rhodésie du Sud à compter de 1980, le Tchad sanglant de Hissen Habré -toujours réfugié dans un
pays ami- ou encore le Soudan sous férule militaire d'un général-président poursuivi par la Cour
internationale de Justice mais qui n'en a que faire.
*un processus trop fréquent d'accaparement éhonté des richesses par une coterie autour du leader
président, encourageant une fausse stabilité politique et des tensions sociales récurrentes, d'autant
plus vives quand elles se doublent de haines ethniques non dissimulées (6è mandat au Cameroun ou
encore la longévité remarquable en Angola, et bien évidemment l'exemple du Gabon depuis 1967).
L'alternance politique doit être saluée à chaque fois qu'elle est pacifique mais les vieux démons
semblent réapparaître bien souvent. L'exemple du Sénégal (illustre par la force de personnalités
marquantes comme Leopold Senghor ou Abdou Diouf, grand défenseur de la Francophonie) avec
aujourd'hui un président issu de l'alternance, soucieux d'abord de transmettre ses pouvoirs à son fils
-contre la volonté populaire- est l'exemple de cette fragilité qui vaut pareillement pour les structures
de services publics largement défaillantes (pannes d'électricité fréquentes, cherté de prix agricoles,
corruption partout dénoncée, dégradation du cadre de vie et des habitations, difficulté à se loger
dignement etc) . Et pourtant l'actuel président Wade est un dirigeant intelligent et avisé, féru de
culture occidentale. « Un autre Sénégal est possible! » souligne Courrier international du 15
septembre 2011 en évoquant la popularité d'un groupe de rap Keur gui qui mobilise le mouvement
Yen a marre et rappelle le désarroi et la « fatigue » de la jeunesse laissée pour compte dans trop de
provinces défavorisées. Absence de démocratie, d'Etat de droit, de conditions de travail décentes sur
de vrais emplois face à des situations individuelles d'enrichissement arrogant, une corruption
obligée et le paiement permanent de passe droit, autant d'ingrédients pour un contexte explosif.
*une espérance à mieux capitaliser: la manne pétrolière, objet encore trop souvent de distributions
opportunes de subsides à la population pour la séduire ou la calmer (Afrique du Nord, monarchies
pétrolière du Golfe y compris Koweit ou Barhein et bien sûr Arabie Saoudite), ne semble plus
suffire à satisfaire les aspirations d'une jeunesse mieux éduquée -souvent imprégnée de formation à
l'occidentale- et consciente des inégalités et du « plafond de verre » pour mener une carrière sur le
seul fondement de ses mérites. La proximité des cercles de pouvoir, l'appartenance à une « famille »
proche du président ou d'un ministre, l'acceptation au besoin d'une entrée dans une secte jugée
facteur de solidarité et d'affinités renforcées (exemple donné au Cameroun, ce qui semble fortement
inquiéter l'Eglise catholique2, sont des adjuvants autrement plus efficaces que la réussite plus ou
moins improbable à un concours.
La vitesse d'explosion du « printemps arabe » au début 2011 dans 3 pays voisins mais
singulièrement différents (en réalité 6 ou 7 si on y ajoute le royaume du Maroc embarqué dans un
processus original sans perte d'influence du Commandeur des Croyants, ou encore le Yémen voire
le petit Barhein- sauvé par les chars de l'Arabie Saoudite- et la Syrie soumise à une répression
sanglante) est une alerte sérieuse pour d'autres dirigeants peu soucieux d'ouverture démocratique, et
d'acceptation d'un vrai rôle à l'opposition. On est certes ici déjà au Moyen Orient mais c'est si
contigu de l'Egypte, Soudan ou de la Somalie et les pratiques de conservation du pouvoir sont si
analogues... « Le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument » (Montesquieu)
L'enjeu est bien dans cette confrontation-combinaison avec un pouvoir central (qu'il soit royal,
militaire, présidentiel reconduit ou instauré à vie ou tout comme,), bien dans une nature
monarchique ou tribale (le chef père de ses enfants concitoyens tel que l'a symbolisé le président
Bongo ou encore le général président Moubarak digne héritier d'un Nasser en méritant le titre de
raïs), avec des pratiques démocratiques faisant toute la part au Parlement et à son droit à lever
l'impôt et à contrôler l'usage des fonds publics.
Cela vaut pareillement pour les mécanismes de contrôle des sommes versées par les institutions
2
31
internationales comme Banque mondiale ou FMI. La manière dont plus d'un versement a été
dévoyé, dilapidé, dénaturé, utilisé à des fins plus personnelles est toujours accablante, et de temps
en temps associée à une bonne foi étonnante.
La confusion entre argent public et fortune privée (pétrolière notamment) dévolue à la famille
régnante (exemple type pour les monarchies pétrolières du Golfe mais maintenant aussi en Afrique
noire) est une ambiguïté considérable devant le besoin de faire prévaloir la notion de budget public
transparent et susceptible d'être efficacement contrôlé.
Le recours à des organes de type Cour des comptes ou Cour de discipline budgétaire devient le
levier moderne pour attester d'une utilisation vertueuse de l'argent public, quel que soit son origine
(et tant mieux si les ressources de l'Etat émanent largement de la manne pétrolière), telle que
débattue et votée par les représentants du peuple.
La vertu exigée doit donc venir d'en haut.
En matière constitutionnelle, on pourrait aussi imaginer une présidence systématiquement limitée à
deux mandats (comme au Sénégal), comme aux USA, Russie ou France. Le débat démocratique
n'en prendrait que plus de relief, avec de nouveaux venus et de nouvelles voix sur la scène politique.
Le destin d'une Afrique davantage pacifiée viendra de ses cadres cultivés ayant atteint la
quarantaine, moins ou pas du tout impliqués dans les liens douteux de la Françafrique, pénétrés de
préoccupations environnementales, évidemment sensibles à l'exigence de redistribution des
retombées de la croissance. Le versement de pots de vin systématiques pour l'obtention de
certificats administratifs ou extraits de papiers d'identité n'est plus supportable pour la jeune
génération qui n'accepte plus cette révérence aux us et coutumes liés à un ordre ancien, à des
sphères de pouvoir népotiques qui n'en appellent pas au mérité mais à l'appartenace à une
« familmle », à un clan.
Il leur faut entrer pour certains dans l'arène politique, en devenant des élus modernes avec des
accents portés sur davantage de rigueur et d'écoute des besoins de la population. Le manque
d'instituteurs dans les pays en développement -soulignée par l'UNESCO- est une interrogation
sérieuse pour accompagner des millions d'adolescents sur la voie de la culture et de l'apprentissage
des vertus civiques -et non plus seulement claniques.
ANNEXE: UN DRAME AU COEUR DE L'AFRIQUE
Le conflit des Grands Lacs
en point de mire, les richesses de la RDC (ex Zaïre)
Synthèse de l'épouvante:
*10 ans de conflits depuis 1997 en RDC, une insécurité récurrente en réalité depuis 15 ans dans tout
l'est du pays, suite à «l' invasion » à compter de l'été 1994 de combattants hutus poursuivis pour
génocide depuis le Rwanda par les forces tutsis du FPR du président vainqueur Kagamé arrivé de
l'Ouganda voisin (et toujours au pouvoir). Plus de 100 000 personnes par jour franchissant la
frontière vers la ville congolaise de Goma dans un chaos indescriptible, femmes, enfants mais aussi
milices livrées à elles-mêmes et se noyant dans la foule, et autres forces militaires hutues, armées
mais désorganisées et sans chef, certaines d'une vengeance implacable venue de Kigali, qui s'affiche
32
en nouveau pouvoir fort heureux de cette « exportation » vers la RDC de forces hutues toujours
potentiellement menaçantes pour un régime à ossature fragile (rappel que les tutsis forment 10% de
la population)
*la RDC, un pays central et majeur; une fragilité politique dramatique avec la prise de pouvoir par
le président Joseph-Désiré Kabila père, renversant en 1997 l'ancien dirigeant Mobutu, sa
gouvernance inconstante et soupçonneuse, ses erreurs de management de ses alliés (il avait renvoyé
tous ses ministres tutsis) puis son assassinat en 2000 qui ouvre la voie à son successeur actuel, son
fils, qui reprend le flambeau dans la précipitation, mais sans formation, sans culture militaire,
découvrant l'immensité de la tâche, et d'abord la « libération » de son territoire immense
*jusqu'à 7 forces armées issues des pays riverains, les unes pour investir la région, les autres pour
venir en soutien au pouvoir central de Kinshasa (comme l'Angola ou Namibie); mais partout des
exactions des rebelles et des milices -hutues ou tutsi, congolaises Maï Maï- et la terreur au plus haut
niveau pour marquer son territoire, même circonscrit
*un drame effrayant contre les populations civiles dans la durée: 4 millions de morts sans doute
*une tragédie pour 5 à 6 millions de populations déplacées
*une impossibilité évidente de cultiver la terre et de stabiliser les circuits de production, ce qui
condamne pareillement l'approvisionnement des villes (on ose imaginer la cherté des prix ou le
« paiement » en nature des denrées de base pour des files de réfugiés civils en mal de camp protégé.
Protégé mais par qui ? Les enfants peuvent être kidnappés en permanence pour servir de petites
mains, enfants soldats ou esclaves sexuels, au gré des rencontres et des poursuites en pleine brousse
*une déscolarisation quasi générale
*des forces de l'ONU enfin bienvenues (la MONUC qui deviendra MONUSCO, pour souligner le
rôle de Mission de stabilisation du Congo RDC suite à la Résolution du CS n°1925), mais
finalement bien peu nombreuses avec 22 000 Casques bleus issus de 47 pays, totalement
désemparées et impuissantes qui risquent leur vie (les engins terrestres embourbés fréquemment;
des routes difficilement surveillées, un « ennemi » invisible et mobile qui fait le coup de main)
*une paix précaire; des « forces » d'occupation (Rwanda ou Ouganda) voyant dans cette incursion
en territoire voisin, également une aubaine pour se dégager de la contrainte de leur densité, comme
pour peser sur l'équilibre régional (posture évidente du président rwandais Kagamé, le général tutsi
vainqueur final en 1994). Après tout, les régions richissimes de l'Ituri et de Kivu ont toujours été
tentantes -et faiblement peuplées et jadis, des populations hutues du Rwanda y avaient émigré,
parfois par force pour y travailler (à l'initiative des Belges puis avec l'accord de Mobutu qui leur a
accordé la nationalité, pour aider à se concliler cette région difficile)
*une impuissance notoire de l'Etat congolais très lointain (localisation de Kinshasa) et des forces de
l'ordre largement corrompues mais aussi souvent non payées (la soldatesque congolaise est
pareillement responsable de multiples viols sur la population civile qui la craint pareillement)
*10% environ estimé de retour fiscal, chiffre effarant, ce qui illustre l'exploitation anarchique et
illégale des ressources qui est le fait général émanant de « commandants » locaux qui exploitent le
sous sol et asservissent les populations locales (enfants soldats réutilisés à ces fins d'exploitation et
de logistique; esclavage sexuel)
*on mesure le poids de la corruption ordinaire et des trafics en tout genre, là où seule la force
brutale- et notamment militaire, qu'elle soit loyaliste ou non, semble l'emporter par son efficacité
*des ressources stratégiques essentielles comme le coltan ou la cassitérite en plus du chrome ou du
cobalt, du niobium ou du platine et la grande difficulté à faire certifier les volumes produits comme
autorisés donc légaux. L'évacuation illégale de telles productions franchit les frontières vers l'Est
justement par le Kenya (port de Mombasa)
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en toile de fond
-un ensemble de tensions d'une grande complexité dans lesquelles le pouvoir « blanc » retrouve très
mal ses repères, tout comme les forces de l'ONU supposées être d'interposition et de pacification
(beaucoup de pakistanais): l'ancienne puissance colonisatrice belge n'a rien fait pour empêcher une
telle escalade, elle y a même contribué par son silence plus ou moins approbateur et personne en
réalité ne s'est vraiment offusqué que les cartes d'identité faisaient soigneusement mention de
l'origine ethnique au Rwanda. Base de travail démoniaque pour pister les futures victimes et dresser
des listes de voisins à éliminer à la machette principalement.
Et quant à aider à promouvoir une paix durable dans toutes les régions de cette opulente RDC, c'est
une singulière gageure qui est d'abord l'affaire des Africains, eux-mêmes développant des stratégies
différentiées et pas nécessairement convergentes. La réconciliation surprise entre RDC et Rwanda
contre un ennemi déclaré commun pour enfin le neutraliser et permettre son arrestation, le général
tutsi « insurgé » Laurent Nkunda -un aventurier plutôt illuminé-, ulcéré de s'être vu confirmer le
refus de sa nationalité congolaise, s'indignant de l'insuffisante protection des populations tutsies
minoritaires est un élément supplémentaire de ce puzzle complexe qui s'est ajouté aux désordres de
cette région. Il a multiplié les coups d'éclat et les tueries dans l'Est du pays pendant de longs mois
jusqu'à la fin 2008 -soit plus de 4 ans après la fin supposée des combats-, sans cacher sa volonté de
marcher sur Kinshasa et de faire tomber le régime de Kabila.
-le prolongement d'un processus de décolonisation au Congo belge depuis 1960 s'est déroulé dans
un climat particulièrement violent et revanchard, avec des tentations marxistes évidentes et des
expropriations brutales -alimentant ce climat de violence- et des exécutions sanglantes d'exploitants
blancs, femmes et enfants. La haine du colon blanc à cette époque renvoie à un passé pas si lointain
où cette terre immense du Congo était la propriété personnelle du roi des Belges Léopold II jusqu'en
1908, date de sa mort puis affectée comme colonie à l'Etat belge. Les expérimentations de toutes
sortes dans les années 1890-1900 contre les populations noires sur un territoire réservé,
l'exploitation éhontée au travail, les sévices et vexations initiées par le roi lui-même Léopold II, les
décès enregistrés [obligeant à l'envoi d'une commission parlementaire sur place qui est revenue
accablée] ont terni durablement la réputation de cette nation belge devant l'opinion internationale et
ne manquent pas de provoquer encore une sérieuse gêne.
-l'enracinement du pouvoir du « libérateur » Mobutu et sa longévité pendant 30 ans se sont
développés en rupture avec l'Etat belge, et expliquent notamment la « zaïrisation » de tous les noms
de toutes les villes (Léopoldville était devenu un nom honni) et l'expropriation brutale des sociétés
et terres, puis le processus d'expropriation forcée de certains actifs détenus par des Blancs.
-des enjeux de territoires évidemment -et de nationalité- qui découlent de l'occupation de
populations importées qui y travaillaient et vivaient de cette terre. Les frontières politiques d'après
1960 sont fragiles et même incertaines, aspect déterminant par rapport à l'implantataion historique
beaucoup plus lâche et mobile. Des flux massifs de migrations au Nord est de RDC ont eu lieu et ne
pouvaient que perdurer avec des contours flous entre RDC, Ouganda et Rwanda, ne serait ce que
pour desserrer une surdensité explosive et jouir de ressources minières opulentes. Les alliances
ethniques et mieux encore tribales entre familles se jouent des frontières (exemple historique des
deux villes en vis à vis, Brazzaville et Léopoldville, devenue Kinshasa dont les populations
fréquemment parentes sont très soudées de part et d'autre).
Le cas de la région immense de l'Ituri plus au nord, qui a compté au moins 500 000 personnes
déplacées déjà entre 1999 et 2004 illustre le rôle fort duplice de l'Ouganda voisin qui s'est approprié
un large contrôle de ces terres minières, par groupes armés rivaux interposés dont elle attiste à son
profit les antagonismes, notamment d'origine foncière entre les deux ethnies Hema et lendu
(majoritaire). Le contrôle de la terre, voilà l'ingrédient essentiel des oppositions de nature vitale
34
entre ethnies historiquement mobiles et volontiers déplacées qui s'estiment légitimes là où elles se
trouvent. La terre agricole comme la terre minière.
-des conflits ethniques ancestraux particulièrement sanglants, mais qui ont connu un paroxysme en
1994 dans tout le Rwanda, offrant le spectacle hallucinant d'un massacre de masse parfaitement
programmé qui s'est déroulé pendant 3 mois y compris dans les écoles et les églises. Aujourd'hui les
conflits sont éclatés et sporadiques mais les escarmouches n'ont pas cessé et se sont exportés: tutsis
au Rwanda contre Hutus génocidaires pourchassés au Congo voisin, tutsis congolais contre Hutus
réfugiés, forces rebelles diverses et erratiques hostiles à tout pouvoir central depuis l'ère du régime
Mobutu. Après tout, le successeur vainqueur de Mobutu, le président Kabila (le père de l'actuel)
était un militaire, farouche opposant de Kinshasa à partir de ses bases locales réfugiées en brousse.
Et la formation du « Rassemblement congolais pour la démocratie » en 1998 -qui d'ailleurs se
divisera- n'était que la réaction de forces déçues par le nouveau régime qu'ils avaient aidé à
l'emporter et de contestations de soldats bayamulenge contre le pouvoir de Kinshasa (congolais
tutsis d'origine rwandaise). La régionalisation d'un conflit de 1998-2003 à partir du Kivu dans une
véritable guerre sans cohérence ni conduite disciplinée va consolider l'occupation durable de vastes
territoires pratiquement « affermés » économiquement, avec le soutien de l'Ouganda et Rwanda.
C'est que les forces antagonistes en présence ne sont pas ridicules si elles savent exploiter la
mobilité sur le terrain. Un chiffre de 120 000 forces à désarmer, démobiliser ou intégrer dans les lrd
FARDC (forces armées congolaises) sur cette région gigantesque du Kivu, comme conséquence
logique de l'Acte d'engagement de Kinshasa de 2004, signé par 6 groupes rebelles sur 7 en
marquant leur volonté de déposer les armes. Pour autant d'autres ennemis aussi invisibles affichent
leur présence de guerilla et s'opposent à la « reconquête » par les forces gouvernementales des villes
clé du secteur comme Bukavu, avec les 8 à 10 000 interhamwe hutu et ex-forces armées rwandaises
volontiers extrêmistes (les génocidaires). Sans oublier les 5000 hommes à neutraliser du général
Nkunda, déjà évoqué qui se sont habitués à l'ivresse des coups de force meurtriers.
-une grande difficulté à gérer la réconciliation nationale au Rwanda en raison du nombre de
prévenus, plus de 200 000 (multitude de procès locaux entre villageois- les accusés voisins revenus
dans leur commune pour solliciter le pardon et s'engager dans une cohabitation difficile). Le rôle
encore controversé en 1994 de l'opposant en exil, général des forces tutsis bien décidées depuis
l'Ouganda à prendre le pouvoir à Kigali...pour arrêter les massacres de ses frères d’ethnie ne peut
être passé sous silence (aujourd'hui président). Quelle est donc la main fatale, annonciatrice des
massacres journaliers de la part de hutus extrémistes et bien embrigadés, qui a armé le missile
abattant l'avion des deux présidents réunis qui revenaient en avril 1994 d'une Conférence
internationale actant le partage du pouvoir au Rwanda. Dossier d'investigation bâclé, disparition de
pièces, certains enquêteurs magistrats français n'ont pas manqué de diriger leurs regards vers
certaines forces tutsies -il fallait des spécialistes- placées en pourtour de l'aéroport.
-le pouvoir actuel à Kigali émane de la minorité tutsi victorieuse par les armes, mais les tensions au
sein de la population couvent toujours. Les dérives autoritaires du président après 15 ans d'exercice,
certes massivement élu et réélu mais largement isolé sur la scène internationale, comme la poursuite
de ses opposants compliquent le processus d'harmonie sociale et de solidarité.
ET POURTANT, LA VIE REPREND LE DESSUS ET PASSE AUSSI PAR L'IMPLICATION
REMARQUABLE DES FEMMES
-avec 10,5 M d'habitants, le Rwanda enregistre aujourd'hui la plus forte densité d'Afrique et révèle
au monde entier une évolution « féministe » extraordinaire voulue par le Président (même si ce
dernier est fortement critiqué pour certaines dérives autoritaires déjà évoquées)
-sa croissance du PIB est de 6% et les femmes sont désormais fortement représentées dans la vie
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politique et économique- cas vraiment remarquable- dès lors qu'elles composaient 60% de la
population après le drame de 1994, avec un meilleur équilibre aujourd'hui abaissé à 52%. Elles
représentent 55% de la population active, occupent 48% des sièges du Parlement, un tiers des
ministres sur des postes importants comme Commerce, Agriculture, Infrastructures ou Affaires
étrangères). Courrier international du 7 juillet 2011 « Les femmes ont enfin l'occasion dans ce
pays de changer de statut. Et elles ne laissent pas passer cette chance. »
-Les organisations étrangères venues au chevet de ce pays largement ruiné (toutes les exploitations
agricoles délaissées ou en jachère suite aux massacres et à la reprise juridique des terres) ont
fortement aidé à faire évoluer les mentalités. Une réforme capitale de 1999 a permis aux femmes
d'hériter de propriétés, et la terre a été progressivement managée par les femmes, avec une
implication et une habileté remarquables. Le rôle des réfugiées en Ouganda ou aux USA, et
rentrées au pays a été déterminant comme cette Mme Ndungutse qui a créé la plus grande entreprise
d'exportations non agricoles du pays. Les paniers tressés vendus le sont dans tous les magasins
Macy's avec le bénéfice d'un accord commercial permettant l'exportation aux USA sans payer de
frais de douane. Ailleurs c'est le recours à des coopératives de café mises en place avec l'aide
d'ONG depuis 10 ans et l'apport de l'USAID (agence des USA pour le développement international)
qui offre des formations justement aux femmes et professionnalise le travail en se concentrant sur la
qualité. Telle nouvelle cultivatrice se félicite de rendements qui s'accroissent, telle autre entourée de
neveux et nièces orphelins, elle-même miraculée après avoir vu découper à la machette toute sa
famille, est surtout satisfaite que l'aînée de ses nièces atteigne le baccalauréat en s'engageant dans
des études de comptabilité.
Destins nouveaux qui illustrent une volonté de s'en sortir. « Le génocide a tout changé » souligne
le titre. Un modèle digne d'être imité mais après quelles épreuves! ?
-la fécondité en RDC n'est pas moindre (environ 6) avec une population estimée à 70 M habitants
qui évoluera au moins vers 100-120 M d'ici 2050. L'impact des massacres intervenus cette dernière
décennie va inexorablement se gommer
-les statistiques démographiques sont difficiles à valider dans un tel pays soumis à tant de
déplacements, et la maîtrise de ces provinces intérieures est la principale pierre d'achoppement
d'une vie civique digne de ce nom, avec des pouvoirs régaliens jugés minima, et des forces de
l'ordre, fiables et correctement payées. La pacification de cet immense pays et le destin de son
armature administrative représentent des défis majeurs de la paix au centre de l'Afrique, et d'une
croissance économique significative et maîtrisée (investissements durables et non anarchiques,
amélioration des retours fiscaux, lutte contre les extractions illégales et l'exploitation anarchique par
des groupes armés qui doivent être désarmés ou réinsérés dans l'armée nationale régulière. Singulier
pari que de croire en une obéissance civique de tous ces soldats enrôlés sous des bannières
évolutives, au gré de leurs intérêts, puis livrés à eux-mêmes. Ce feu diabolique sous les cendres
couve toujours et ce n'est pas une paix formelle acquise a priori depuis le début de 2003 qui suffira
à pacifier le pays, les rapports entre voisins déplacés, à réinsérer des pratiques de travail agricole
organisé, à faire fuir la peur des civils femmes et enfants, traumatisés par tant de brutalités gratuites
et de tueries moyenâgeuses.
-les procédures de vote démocratique pareillement sont délicates dans tout le pays (participation
financière par l'Occident et notamment la France), même si le président Kabila junior depuis plus de
10 ans, est préoccupé de sincérité, joue de la pluralité des populations (1 président et 4 vice
présidents) et essaye d'établir une zone de paix avec ses voisins, en contrôlant mieux les circuits
d'exploitation des minerais et leur écoulement.
Ses liens toutefois avec le Zimbabwe restent troubles du fait d'un soutien ancien à Mobutu puis
Kabila, notamment dans son rôle actuel de président du Processus de Kimberlé (validation et
traçabilité de l'exploitation y compris au plan des conditions de travail, et labellisation des origines
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des minerais dont le diamant pour permettre leur vente internationale) provoquent de sérieuses
interrogations et une opposition notamment du Canada, lors de la décision en mars de rouvrir les
ventes des diamants des deux mines de Marange, les plus productives du pays et les plus belles
d'Afrique. L'armée zimbabwéenne avait investi en effet ces mines pour en chasser les mineurs en
introduisant le travail forcé de civils, avec des privations, brimades et viols sur le site.
Situation sociale peu enviable mais qui semble satisfaire la communauté africaine, singulièrement
conciliante depuis longtemps à l'égard du dictateur Robert Mugabé, plus de 85 ans, à la tête du pays
depuis plus de 25 ans, tolérant tout juste son nouveau Premier ministre Morgan Tsvangiraï, ancien
syndicaliste opposant, poursuivi, molesté et emprisonné, quasi imposé en février 2009 par les
organisations internationales pour permettre l'octroi de subsides indispensables vu l'état de chaos
économique généralisé...Mais cette cohabitation ombrageuse marche mal et on se dirige vers de
nouvelles élections dont on ne voit guère l'issue, sauf si le président songe sérieusement à envisager
son départ. Courrier international du 7 juillet 2011 et « Le Pays » all Africa.com du 19 décembre
2010 et 26 juin 2011
-la grande capitale KINSHASA en RDC, déjà asphyxiée et insécure va enfler encore dans les
décennies qui viennent (projection à 15 M habitants) et apparaître comme une source de difficultés
considérables de gestion (urbanisme anarchique, problèmes de salubrité et sécurité sur d'immenses
quartiers, de circulation, de voirie). Les investissements à venir, en termes de communication et de
viabilité seront de véritables défis pour les autorités publiques. Est-il opportun de les sous-estimer
aujourd'hui, si on avait l'inconscience de refuser de les projeter? Problème analogue bien plus
considérable encore à LAGOS, dans ce Nigeria fédéral, considéré comme ingérable.
Ce n'est pas un hasard si un ministère plein est consacré à la Salubrité urbaine, dans un pays à
remettre sur pieds comme la Côte d'ivoire. Vaste enjeu parce que l'éradication des zones insalubres
et mal viabilisées à Abidjan était une aubaine pour de multiples marchands ambulants et boutiquiers
de fortune qui parvenaient à vivre. Qu'en sera-t-il demain, si ces échopes si communes dans les pays
en développement, dans une sorte de bazar sympathique et plutôt anarchique, ont disparu ou ont été
définitivement chassées, suite à urbanisation propre?
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