rendez-vous culturel du Courrier ENJEU A Genève, Artamis est mort
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rendez-vous culturel du Courrier ENJEU A Genève, Artamis est mort
leMag rendez-vous culturel du Cour rier ENJEU A Genève, Artamis est mort et emmuré. Le temps des friches industrielles reconverties dans la culture est-il révolu? Tour d’horizon européen. Photo. A Paris, l’espace Cent quatre, au 104 rue d'Aubervilliers, vient d’ouvrir ses portes sur le site de l’ancien Service municipal des pompes funèbres. Il s’agit d’un projet culturel de la Ville de Paris. DR On ne prête plus aux friches SAMUEL SCHELLENBERG ’inauguration a eu lieu le week-end dernier: Lucerne, dix ans après l’ouverture du prestigieux centre culturel KKL de Jean Nouvel, s’est doté d’un nouveau lieu dédié aux arts de la scène. Le Südpol, c’est son nom, a installé ses différents plateaux dans les anciens abattoirs de la ville. Porté par les pouvoirs publics, le projet à 26 millions de francs a permis de transformer une friche industrielle en lieu de culture, tout en préservant les qualités patrimoniales de l’endroit. Le cas est typique: depuis plusieurs décennies, les friches sont investies par la culture. «Le mécanisme général est lié à la désindustrialisation, qui commence dans les années 1970, avec la nouvelle division internationale du travail, qui délocalise au Sud», explique Ola Söderström, de l’Institut de géographie de l’université de Neuchâtel. Parmi les antécédents les plus marquants, le professeur cite des cas dans les villes comme Manchester, Leeds ou Birmingham. A Lucerne, l’ouverture de Südpol s’est faite au détriment d’un lieu de la culture alternative, le Boa. Installé lui aussi dans une friche – une ex-usine de tubes –, le centre autonome a été victime de la densification immobilière de son quartier; et de l’arrivée de riverains peu em- L ballés par les nuisances sonores occasionnées par le lieu alternatif. Après le refus en vote populaire d’un crédit d’insonorisation des lieux, en 2003, la Ville décide sa fermeture, tout en soutenant l’ouverture de Südpol. Pour des raisons différentes, le Boa rejoint donc Artamis, à Genève, sur la liste des friches culturelles fermées par les pouvoirs publics. le Boa a été récupéré par La Poste, alors qu’Artamis, une fois dépolluée, devrait accueillir un écoquartier. La reprise en main de ces zones par les autorités locales est-elle inévitable? «Oui, surtout en période de croissance, estime Ola Söderström. En observant avec attention le patrimoine immobilier d’une ville, on peut d’ailleurs prévoir quelles seront ses transformations futures. C’est particulièrement frappant en Asie ou en Amérique du Nord, où des zones se métamorphosent avec une rapidité incroyable, pratiquement d’une semaine à l’autre.» LES ARTISTES? DES ÉCLAIREURS Ces transformations s’accompagnent en général d’un processus de gentrification, qui implique l’éviction des classes populaires et leur remplacement par une population aisée. A leur insu, les acteurs culturels jouent un rôle important dans le processus. «Le phénomène est connu: les artistes ont une capacité à dénicher des lieux intéressants parce qu’abandonnés ou peu chers et ils jouent un rôle d’éclaireurs dans le processus de revalorisation, remarque Ola Söderström. D’ailleurs, certains opérateurs immobiliers, notamment en Amérique du nord, suivent les artistes à la trace, car ils savent que la valeur des lieux qu’ils occupent va décoller.» Les Etats-Unis connaissent des précédents plutôt alléchants, pour les milieux de la «pierre». Ainsi, la colonisation artistique de larges pans du sud de Manhattan avait provoqué une importante revalorisation de la zone, avec des loyers qui sont actuellement parmi les plus chers des Etats-Unis, selon Forbes. Les artistes, eux, n’ont pas attendu pour décamper. Non sans provoquer, par la suite, des phénomènes de gentrification dans d’autres districts, comme celui de Brooklyn. «Mon association a observé des phénomènes similaires à Malmö, en Suède, ou à Moscou: des artistes rendent une zone plus attractive, avant que les milieux économiques s’en emparent et envoient les artistes en banlieue», remarque Emma Ernsth, secrétaire générale de Trans Europe Halles, un réseau paneuropéen de lieux culturels établis dans des friches industrielles. En Suisse, le processus de revalorisation s’est observé à Zurich-Ouest ou au Flon, à Lausanne, note Ola Söderström. «Dans ce deuxième cas, ce sont de petits acteurs culturels – graphistes, etc. – qui ont procédé à la revalorisation ‘symbolique’ du lieu. Cette étape représente en général le premier pas vers une revalorisation économique des secteurs urbains.» GENTRIFICATION CONTRÔLÉE Le professeur note que le phénomène de la gentrification est souvent critiqué – «et critiquable, à juste titre». Mais il estime qu’il faut le juger dans son contexte. «A Palerme, par exemple, le centre s’était paupérisé et avait perdu 75 % de sa population entre 1950 et 1990. Dans les années nonante, la ville a mené une politique de réhabilitation dans laquelle les activités culturelles – théâtres et musées, notamment – ont joué un rôle central.» Le résultat a été une gentrification contrôlée et dans ce cas positive, estime le géographe. Emma Ernsth cite quant à elle l’exemple de Stavanger, en Norvège, où les artistes établis dans une friche portuaire ont été étroitement impliqués dans le processus de réhabilitation de la zone. L’action concertée, c’est aussi ce que prône Fazette Bordage – en l’occurrence entre milieux artistiques et politiques. La Française s’est impliquée dans plusieurs expériences au sein de friches industrielles, notamment dans le centre pluriculturel Mains d’œuvres, ••• LeMag rendez-vous culturel du Courrier du samedi 15 novembre 2008 • 19