بقاوا على خير يا النور الضاوي

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بقاوا على خير يا النور الضاوي
lundi 29 juin 2009
Le cheikh Bentounes incarne le renouveau du soufisme et prône un islam de paix
Khaled Bentounes, dans sa propriété de Bar-sur-Loup, un ancien mas au parfum de lavande et de kiwi, situé à
quelques kilomètres de Grasse. : Ouest-France
Khaled Bentounes, 60 ans, incarne le renouveau du soufisme, une branche spirituelle et humaniste de l'islam. En
juillet, à Mostaganem, en Algérie, il fêtera les cent ans d'un lieu ouvert au dialogue religieux, fondé par son
arrière-grand-père.
«Le coin est très isolé, le taxi ne trouvera pas ! » Chaaban Salhi, un disciple du cheikh, sourit en prenant les
hauteurs de la vallée du Loup qui slalome entre les montagnes de l'arrière-pays niçois. On accède à la propriété
du maître - « cela ne s'invente pas ! » - par le chemin... du Paradis.
Un « cheikh » est un maître. Le cheikh d'une confrérie soufie est celui qui a reçu un enseignement pour guider
les autres vers une renaissance spirituelle, la rencontre de Dieu, à travers des rites d'initiation. Le soufisme est un
courant mystique, « l'islam du milieu, une sagesse millénaire, une thérapie de l'âme », selon Khaled Bentounes.
Lui est devenu cheikh en 1975, à la mort de son père. Il avait 26 ans. « Je ne m'y attendais pas, j'avais choisi une
autre voie... Je portais les cheveux longs, un blouson de cuir noir. » Les années étaient hippies et ce fils de
cheikh travaillait à Paris, dans l'import de vêtements. Il était amoureux de sa femme, Évelyne, une Normande,
langeait la petite Sophie qui venait de naître. Il aimait les discussions avec ses amis étudiants, d'Oxford et de
Cambridge. « C'était la mondialisation avant l'heure. Tous les jeunes voulaient aller en Inde, chanter ensemble,
coucher ensemble... »
Mais l'héritier se fait attraper au collet par le conseil des Sages de sa confrérie. On mise sur lui, sur la modernité,
pour écrire une nouvelle page d'une saga familiale et soufie, que l'histoire de l'Algérie n'a pas épargnée...
Elle commence en 1869, par la naissance d'Ahmed al-Alâwî, l'arrière-grand-père paternel de Khaled Bentounes,
un pauvre cordonnier de Mostaganem. Sa personnalité, ses écrits ont marqué ceux qui l'ont rencontré. Marcel
Carret, médecin français, athée, appelé à son chevet en 1920, l'a trouvé. « d'une beauté christique ». En 1909, il
afondé une nouvelle confrérie, « ouverte aux autres religions. » Dans sa zâwiya, un ensemble de maisons et
jardins, on croisait l'écrivain René Guénon, le peintre Gustave-Henri Jossot, le géographe Augustin Berque...
L'administration coloniale française a fini par se méfier de cet homme charismatique. Elle a muselé son journal
où il appelait « le peuple algérien à prendre conscience de son identité et de sa culture ». À sa mort, en 1934, le
grand-père, puis le père de Khaled Bentounes, assument à leur tour le rôle de chef spirituel de la confrérie
Alâwiya. C'est dans « ce refuge » qu'il naît, en 1949. Une enfance heureuse, rebelle - il sèche souvent ses cours
de Coran - et protégée.
'Ils se sont éloignés du prophète'
Mais déjà, la guerre d'indépendance est là. « Mon père a transformé la zâwiya en antenne de la Croix Rouge ».
Le FLN et les Français accusent tour à tour les soufis de ne pas choisir de camp. Les socialistes algériens en
place, les affaires du cheikh ne vont pas s'arranger. Ils sanctionnent cette communauté qui ouvre ses portes aux
étrangers, éduque la jeunesse. « Mon père a été jeté en prison. Il en sortira le corps brisé mais la foi intacte... »
L'islam traditionnel, les mollahs chiites et les oulémas sunnites, ont toujours considéré les soufis avec méfiance.
De son côté, Khaled Bentounes les juge souvent trop attachés aux interprétations juridiques du Coran : « À force
de durcir, d'épurer, ils se sont éloignés du prophète. » Face à la montée de l'extrémisme religieux, aujourd'hui,
certains pouvoirs laissent le soufisme renaître. Au Maroc, par exemple, où l'enseignement du maître Sidi Hamza,
est très prisé, notamment par le chanteur français Ab al-Malik. En Algérie, où le président Bouteflika accueillera
en juillet, le centenaire de la confrérie Alâwiya qui compte quelques milliers de membres, en Algérie et dans le
monde. « Je l'ai rencontré, il est ravi que cela se déroule à Mostaganem. »
Depuis 1975, Khaled Bentounes a travaillé avec patience à ce renouveau du soufisme. « Je suis devenu un
nomade », dit-il, un pied en France (il a créé les scouts musulmans de France) et l'autre dans le monde « pour
encourager les initiatives de paix. » Homme du dialogue interreligieux, il se revoit, à la veille de la guerre de
Gaza, à la conférence internationale des imams et rabbins : « Nous assistions impuissants, au déclenchement de
ce terrible événement.»
À 60 ans, Khaled Bentounes est devenu un sage. Il a en main les clés du mystère divin,
« l'amour de l'autre », et en mémoire les derniers mots de son père : « Patiente et fais patienter. Ce qui te paraît
amer maintenant sera peut-être doux demain. »

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