Syndromes du voyageur et rapatriements sanitaires

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Syndromes du voyageur et rapatriements sanitaires
actualité, info
Syndromes du voyageur
et rapatriements sanitaires
Henri Beyle aurait-il été Stendhal
s’il avait pris l’avion ? Et si les
compagnies d’assistance avaient
existé en 1817, auraient-elles rapa­
trié en urgence ce romantique
(1783-1842) décidément trop
affec­tif ? Mondial Assistance et
consorts nous auraient-elles privés d’un chef-d’œuvre ? Telle est
la question soulevée par ce communiqué de presse que vient de
nous adresser la compagnie à
voca­tion planétaire. Mondial
Assis­tance qui «intervient partout
dans le monde pour apporter à
ses clients, entreprises et particuliers, des solutions d’assistance et
d’assurance sur mesure dans les
domaines de l’automobile, du
voyage, des loisirs, de la mobilité,
de l’habitat, de l’emploi, de la
santé et des services aux personnes». Mondial Assistance
(propriété d’Allianz Global Assistance) et concurrente (notamment) d’Axa Assistance, Europ
Assistance, Fidelia et Inter Mutuelles Assistance.
L’été 2013 est là ainsi, malgré la
crise économique, que les vacan­
ces. C’est l’heure, pour les assisteurs, de rappeler qu’ils existent :
ils sont là pour prévenir tous les
aléas des voyages ; ou du moins
pour en gommer les effets. Mais
voilà, le paludisme lasse, la vaccination contre la fièvre jaune n’est
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plus ce qu’elle était. Et puis il faut
bien dire les choses : trente ans
après la découverte de l’agent
patho­gène du syndrome de l’immunodéficience acquise, la nécessité du port du préservatif sous
les tropiques n’est plus à rappeler
– la prévention n’a certes pas
rejoin­t la morale mais s’en est
rapprochée.
«VoyageZen» le «blog voyage de
Mondial Assistance» a choisi de
renouveler cette année le marronnier : il «nous dit tout sur cette
patho­logie qui touche chaque
anné­e des centaines de voyageurs
dans le monde». On apprend que
le «syndrome du voyageur» est un
trouble psychique dont peu­vent
souffrir certains de ceux en mal
de dépaysement. Plus précisément
ceux «dont la condition mentale
au départ est normale et qui varie
selon les destinations visitées».
C’est là une «pathologie complexe et passagère» qui émerge
lorsque le voyageur «est confronté
à un pays culturellement inconnu»
et lorsqu’il n’est «pas préparé
mentalement à assimiler cet inconnu». On veut nous dire par là
que ce syndrome peut apparaître
à n’importe quel moment du
séjou­r et qu’il se traduit généralement «par un état de délire aigu
accompagné parfois d’hallucinations, ou d’un sentiment de persé-
cution et d’anxiété».
Consignes : le délirant devra, le
moment venu, consulter un
méde­cin sur place et se mettre en
relation avec son assisteur. Selon
les cas, il poursuivra son séjour
ou sera rapatrié dans son pays
d’origine dès lors que cette solution s’avère indispensable.
Mondial Assistance, qui assure
effec­tuer assez fréquemment de
tels rapatriements, a-t-elle constitué une base de données à des
fins psychiatriques ? Elle évoque
d’une humeur plus trouble.»
Pour cette société d’assistance, «il
semblerait, dans les faits, que les
personnes qui ont le plus de
chance de développer ce syndrome sont les individus particulièrement sensibles, émotifs, et
impressionnables. Ce serait les
femmes de quarante ans et plus,
voyageant seules, qui seraient les
plus touchées». Et l’assisteur de
conclure : «il est rassurant de noter
qu’aucune séquelle n’a été répertoriée pour le moment : une fois
sa propre vision du syndrome
vécu (et raconté une dizaine d’années plus tard) par Henri Beyle.
Henri Beyle qui, après avoir traversé la Suisse, sortit un beau jour
de Santa Croce. Mondial Assistance : «A un trop-plein d’œuvres
d’art époustouflantes (sic), le
rythme cardiaque s’accélère, la
personne peut être en proie à des
vertiges, avoir du mal à respirer,
et avoir des crises d’angoisse
(douleurs à la poitrine, tachycardie, peur de mourir). Il y a d’abord
un sentiment d’exaltation, une
sur­excitation (impossibilité de fermer l’œil de la nuit…), suivie
rentré dans son pays d’origine,
le voyageur retrouve son état
normal».
Le syndrome de Stendhal n’en fut
pas un avant son classement
comme tel par une psychiatre de
Florence ; elle a eu la chance d’observer et de décrire plus d’une
centaine des cas similaires chez
les touristes de sa ville. Elle a
notam­ment fait la part entre les
touristes venant d’Amérique du
Nord et d’Asie qui apparaissent
comme immunisés au même titre
que les touristes nationaux italiens.
Chez les autres, les personnes a
priori les plus exposées seraient
LDD
en marge
Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 26 juin 2013
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celles vivant seules et ayant eu
une éducation classique ou religieuse. On peut comprendre.
Le facteur déclenchant de la crise
a lieu le plus souvent lors de la
visi­te de l’un des cinquante musées de la ville. La victime serait
subitement saisie par le sens profond que l’artiste a cherché à donner à son œuvre. Il en percevrait
la somme des émotions qui s’en
dégagent d’une manière exceptionnellement vive ; perceptions
qui lui feraient atteindre la transcendance. En retour : tentatives de
destruction du tableau et/ou
crises d’hystérie. Il se dit que les
gardiens de musée de Florence
sont formés à l’intervention auprès
des visiteurs à la fois victimes et
dangereux. Mais rien n’interdit de
songer à une forme de contagiosité par ouï-dire : on ne compte
déjà plus le nombre de films et de
séries télévisées qui, avec plus ou
moins d’élégance, se nourrissent
de ce sujet-syndrome.
Florence, on le sait, n’est pas la
seule ville concernée par ce type
de manifestations. Il faut aussi
compter avec Jérusalem et sa
triple dimension religieuse monothéiste aux effets potentialisateurs. On ne parlera pas de Paris
qui toucherait plus particulièrement les touristes japonais. Des
touristes femmes pour l’essentiel,
qui auraient une vision idéalisée
de la ville lumière. Les dossiers
médicaux d’une série d’hospitalisations à l’Hôpital psychiatrique
de Sainte-Anne fourniraient une
assez bonne base documentaire
pour saisir les raisons du divorce
entre les citoyennes japonaises et
la capitale française.
Il faut encore compter avec le
syndrome de l’Inde. On peut
comprendre : la foule, le bruit, les
odeurs, les épices, la pauvreté en
pleine rue, les excès climatiques
de la mousson, l’omniprésence
du mysticisme et de la mort
peuvent vous inciter à fuir ou à
faire vaciller votre personnalité et
voir émerger la pointe de la folie
sous un sentiment océanique.
«N’importe qui est susceptible de
développer ce syndrome, précise
Mondial Assistance. Il peut très
bien se déclencher chez des personnes équilibrées sans aucun
anté­cédent psychiatrique. Cependant, on note qu’il touche généralement les voyageurs les plus
jeunes. Le premier conseil donné
aux voyageurs est de s’écouter et
de ne pas repousser ses limites : il
faut éviter de commencer son
péri­ple par des grandes villes
(New Dehli, Bombay) et, dès
l’app­arition des symptômes, privilégier le calme des petites agglo­
mérations ou de la campagne. Il
ne faut pas hésiter également à
renou­er régulièrement contact
avec des éléments de sa propre
culture d’origine pour se rassurer
et garder contact avec la réalité.»
Pour Mondial Assistance comme
pour ses concurrents, la meilleure
chose est la prévention. Non pas
le renoncement aux voyages mais
bien la souscription d’une assurance voyage. «Le bénéfice pour
le client peut être inestimable»
assu­re le vendeur. En cas de problème de santé, contacter en pre-
mier lieu les secours primaires
sur place pour qu’ils viennent
vous secourir puis, immédiatement après, votre assisteur. On
aura au préalable lu attentivement son contrat d’assurance. Et
dans tous les cas on aura impérativement conservé la totalité des
factures pour se faire rembourser
à son retour.
Il n’est pas certain que, sortant de
Suisse et entrant dans Santa
Croce, M. Henri Beyle aurait songé
à tant de précautions. Et rien ne
dit non plus que le rapatriement
de Stendhal par les airs était une
véritable urgence sanitaire.
Jean-Yves Nau
[email protected]
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Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 26 juin 2013
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