Les entreprise artisanales exportatrices Synthese qualitatifVF
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Les entreprises artisanales exportatrices Synthèse de l’étude qualitative Catherine THEVENARD-PUTHOD Christian PICARD Novembre 2010 1 SOMMAIRE Principaux résultats de l’étude p.3 I - Objectifs, méthodologie et échantillon p.4 1.1 1.2 1.3 p.4 p.5 p.6 Objectifs de l’étude Protocole de recueil des données Les caractéristiques de l’échantillon II – Profil des dirigeants exportateurs p.9 2.1 Les caractéristiques sociodémographiques des artisans 2.2 Les parcours des artisans p.9 p.10 III – Profil et environnement des entreprises artisanales exportatrices p.12 3.1 Les caractéristiques générales des entreprises 3.2 L’environnement des entreprises p.12 p.14 IV- Le processus d’exportation p.16 4.1 Objectifs et motivations à l’exportation 4.2 Pratique de l’exportation 4.3 Le rôle des salons et d’Internet 4.4 Les difficultés rencontrées 4.5 L’accompagnement reçu p.16 p.18 p.21 p.22 p.23 V - Bilan / résultats p.24 5.1 En termes de coûts 5.2 En termes de résultats quantitatifs 5.3 En termes d’impact sur l’organisation et le métier p.24 p.24 p.25 Conclusion Quelles pistes en matière d’appuis et d’accompagnement p.26 Annexe : Guide d’entretien p.27 2 PRINCIPAUX RESULTATS DE L’ETUDE => Les profils du dirigeant et de l’entreprise artisanale semblent avoir une incidence sur l’activité d’exportation. - On note ainsi des dirigeants dont le niveau d’études est supérieur voire très supérieur à celui rencontré habituellement dans ce secteur. - Les entreprises artisanales exportatrices sont des entreprises anciennes dont la notoriété semble forte, qui détiennent un savoir faire rare et éprouvé, qui laisse une large place à la créativité et à l’innovation. => En termes de processus, on relève plutôt des démarches réactives. Ce sont les clients étrangers qui sont venus aux entreprises artisanales, et ce, souvent très tôt dans l’histoire de ces entreprises. => Si l’Europe demeure le « terrain de jeu » privilégié, les entreprises répondent aux sollicitations de clients présents sur les cinq continents. => L’export est porté par le dirigeant, qui influence grandement les démarches réalisées et notamment leur caractère plus ou moins structuré. Dans l’ensemble, on note plutôt une absence de structuration et des processus plutôt empiriques et intuitifs. On relève toutefois un état d’esprit marketing assez développé, centré sur la rareté du savoir-faire et la qualité du service au client, qui se révèle être un facteur clé de succès à l’export. => Les deux outils de communication plébiscités sont les salons et le site Internet. => Les difficultés rencontrées dans le processus export sont très variées (fonctions du secteur d’activité, de l’expérience et des ressources disponibles) et aucune ne fait l’unanimité. Les plus couramment citées sont : l’identification du client, la complexité administrative, les réglementations et normes de certains pays, le manque de temps et une capacité de production insuffisante. => Les dispositifs d’accompagnement existants sont jugés peu satisfaisants. => Les coûts et les retombées réelles de l’exportation sont globalement difficiles à estimer. Les impacts sur l’entreprise semblent peu importants (peu d’évolution de la conception du métier, peu d’adaptation des produits, peu de création d’emplois dédiés). 3 I - Objectifs, méthodologie et échantillon 1.1 Objectifs de l’étude On estime à 60 000 le nombre d’entreprises artisanales françaises (soit 6% du tissu artisanal) qui exportent leurs produits ou services. Or jusqu’à ce jour, aucune étude spécifique n’a été réalisée sur ces entreprises. On ne dispose ainsi que de très peu de données sur leurs caractéristiques, leurs modalités d’accès au marché, leurs trajectoires de développement ou les ressources qu’elles mobilisent. Dans ce contexte, une vaste étude est lancée par l’Institut Supérieur des Métiers (ISM) pour : - Caractériser les entreprises artisanales exportatrices (secteur, taille, ancienneté, marchés, outils de production et moyens commerciaux, caractéristiques et objectifs du dirigeant…) et actualiser les chiffres clés de l’exportation artisanale. - Analyser les trajectoires de développement des entreprises artisanales sur les marchés internationaux (comment les entreprises artisanales procèdent-elles pour aborder ces marchés et gérer les opérations ?). - Identifier les facteurs favorables et les conditions d’une présence durable sur les marchés internationaux, de même que les obstacles à l’exportation. - Analyser l’offre d’accompagnement actuelle (France et pays de l’UE). L’étude comprend quatre phases : 1. Une analyse statistique des données déjà disponibles sur les entreprises artisanales (INSEE, fichiers FICUS/SUSE et fichier des douanes) ; 2. La réalisation d’une étude exploratoire reposant sur 28 entretiens qualitatifs ; 3. Une enquête quantitative auprès d’un échantillon de 1000 entreprises artisanales exportatrices françaises ; 4. Une analyse comparée des modalités d’accompagnement des TPE sur les marchés internationaux (France, Allemagne, Belgique, Suède, Italie). Les phases 1 et 4 sont prises en charge par l’ISM. La phase 2 est confiée à deux enseignants chercheurs de l’Université de Savoie (conception du guide d’entretien, réalisation de 10 entretiens et synthèse transversale), en association avec la société Argo&Siloe (réalisation de 18 entretiens et synthèse). La phase 3 sera réalisée par les étudiants des IUT de Chambéry (Département Gestion Administrative et Commerciale) et d’Annecy (Département Gestion des Entreprises et des Administrations). Ce rapport vise à présenter les résultats de la deuxième étape sous la forme d’une synthèse transversale des 28 entretiens avec des entreprises artisanales exportatrices, localisées dans trois régions et 6 départements 4 • • • 1.2 10 entreprises en Rhône-Alpes (région frontalière avec Suisse et Italie) : Ain (01), Savoie (73) et Haute Savoie (74) ; 9 entreprises en Région Ile de France : Paris (75) et Val des Marne (94) 9 entreprises en Auvergne : Puy de Dôme (63) Protocole de recueil des données Un guide d’entretien (cf. annexe 1) a tout d’abord été élaboré, à partir des connaissances compilées dans le cadre d’une l’analyse de la littérature existante en management (revues scientifiques, actes de colloques, études professionnelles...). A cette occasion, il a été constaté que, si on trouve un certain nombre de références sur l’internationalisation et l’exportation, peu de travaux spécifiques portent sur les entreprises artisanales. Dans les travaux de recherche consacrés à la PME et, dans une moindre mesure à la TPE, on trouve davantage de publications mais elles sont parfois peu adaptées à la problématique spécifique de l’artisanat. Ce guide d’entretien aborde 4 grands thèmes : • le profil du dirigeant (caractéristiques socio démographiques, motivations, parcours et expérience professionnels) • l’entreprise et son environnement (activité, clients, fournisseurs, forces, faiblesses…) • le processus d’exportation (objectifs, démarche, pays cibles, difficultés, accompagnement…) • le bilan et les résultats de la démarche export (impact en termes de coûts, de rentabilité, d’enrichissement du savoir faire, de modification du métier ou de l’organisation…). Puis, les rendez-vous ont été pris au début du mois de septembre. Lors de cette prise de rendez vous, plusieurs difficultés sont apparues : - des fichiers difficiles à exploiter : ce fichier date en effet de 2007 ; certaines entreprises déclaraient ne pas appartenir à l’artisanat, ou ne plus être exportatrices ou encore ne pas l’être assez (export très ponctuel et peu significatif) ; - une période peu propice (selon les personnes contactées) du fait de la reprise de l’activité pour certaines, de leur présence sur de nombreux salons internationaux importants et, plus largement, d’un manque de temps des dirigeants pour recevoir les enquêteurs ; - une certaine appréhension vis-à-vis de la thématique de l’étude mais également une certaine réticence ou méfiance à l’égard des instances représentatives de l’artisanat (notamment les CMA). Dans ce contexte, une démarche de qualification complémentaire des fichiers transmis par l’ISM (fichiers des douanes, liste des entreprises labellisées EPV, listes d’entreprises exportatrices de certaines Chambres de Métiers notamment la Savoie) a été nécessaire afin de compléter les informations (n° tel, dirigeant, part de CA à l’export…), de repérer les entreprises réellement exportatrices et de constituer un échantillon respectant au mieux les critères de représentativité de la population artisanale française : • Représentativité sectorielle des entreprises (bâtiment, alimentaire, services et production) • Implication à l’export (débutantes, confirmées, expertes) • Taille des entreprises (moins de 5, de 5 à 9 et de 10 à 19 salariés). 5 Pour Argo&Siloe, la prise de rendez vous a ainsi été débloquée par le recours au fichier des entreprises labellisées EPV (transmis par l’ISM) et aux listes transmises par les Chambres de Métiers concernées. Pour l’Université de Savoie, cette prise de rendez vous a également été facilitée par le recours au fichier de la CMA de Savoie et par le rappel d’entreprises ayant appartenu au Club des dirigeants artisanaux Rhône Alpes. En parallèle, un démarchage a été effectué, en Haute Savoie, à l’occasion de la cérémonie de remise des prix Artinov1 à Annecy. Cela a permis de repérer des entreprises exportatrices et ainsi de compléter l’échantillon pour Rhône Alpes. Les entretiens ont été conduits en face à face, dans les locaux des entreprises, selon un mode semi-directif et sur une période d’un peu plus d’un mois (du 7 Septembre au 13 Octobre). Ils ont duré en moyenne d’une heure et demie à deux heures et ont parfois donné lieu à une visite de l’entreprise, à une présentation des produits et à des explications techniques sur les procédés de fabrication… Dans certains départements, les agents des Chambres de Métiers et de l’Artisanat ont assisté aux entretiens : deux entretiens pour la CMA 94 et un entretien pour la CMA 63. Globalement l’accueil dans les entreprises a été très bon. Dans la plupart des cas, ce sont les dirigeants qui ont été rencontrés. Dans quelques cas, c’est le Directeur Export ou la Directrice administrative et financière qui ont répondu aux questions. 1.3 Les caractéristiques de l’échantillon Au regard des critères de représentativité définis dans le cahier des charges de l’étude (région, secteur d’activité, taille des entreprises et degré d’expérience à l’export), on constate dans le tableau n°1 que l’échantillon final est relativement conforme à celui attendu. Tableau n°1 : La représentativité de l’échantillon CRITERES DE REPRESENTATIVITE Echantillon attendu Echantillon final Région implantation Ile de France Auvergne Rhône-Alpes 9 9 10 10 8 10 Secteur d’activité Bâtiment Alimentaire Services Production 5 2 3 18 1 2 3 22 Taille entreprise - de 5 salariés De 5 à 9 salariés + de 10 salariés 10 9 9 10 12 6 Expérience export Débutantes Confirmées Expertes 10 9 9 11 9 8 1 Artinov est un concours régional annuel organisé par la CRMA de Rhône alpes et qui récompense les entreprises particulièrement innovantes en matière de métier, de produits, de procédés de production et de haute technologie. 6 Proportion d’entreprises exportant vers l’UE 30 % 70 % Cas d’exportation transfrontalière (Rhône Alpes) 4 5 La proportion d’entreprises exportant vers les pays de l’Union Européenne comme celle d’entreprises exportant vers la Suisse et l’Italie (pour le sous échantillon Rhône Alpes) a été atteinte et même dépassée. S’il est difficile, à partir du matériau qualitatif récolté, de mettre en lumière de réelles différences entre les entreprises vendant leurs produits de l’autre côté de la frontière proche et celles exportant « plus loin », la proximité géographique est un avantage souligné par tous les chefs d’entreprise pour faciliter l’exportation (on exporte en priorité en Europe). Le principal écart (entre échantillon attendu et échantillon réalisé) se situe au niveau de l’activité puisque le quota d’entreprises appartenant au secteur du bâtiment n’a pas été atteint. En corollaire, c’est celui des entreprises de production qui a été dépassé. Concernant le niveau de maturité à l’export, Argo&Siloe, comme les enseignants chercheurs de l’Université de Savoie, pensent qu’il est difficilement appréciable à partir du seul chiffre d’affaires export. L’ancienneté et la régularité de l’export, le degré de structuration de la démarche et de l’entreprise pour l’export, le fait qu’il y ait une démarche volontariste sont des indicateurs plus subjectifs mais qui semblent devoir être associés au premier (part de CA à l’export) et peut être à d’autres pour juger de ce degré de maturité à l’export (engagement de ressources dédiées, diversité du portefeuille clients à l’export…). Le tableau n°2 présente les principales caractéristiques des entreprises qui constituent l’échantillon final. Il permet de constater une grande variété : • Des effectifs, variant de 1 à 27 salariés. L’effectif moyen s’établit à 7,8 salariés. Afin d’atténuer l’influence des valeurs extrêmes (notamment deux entreprises aux effectifs respectifs de 21 et 27) on peut considérer la valeur médiane (qui divise en deux partie égales l’échantillon). Cette valeur médiane s’établit à 5 salariés. • Des chiffres d’affaires compris entre 36 K€ et 4 millions € (CA moyen 1 185 000 €) • Une part du CA à l’export très variable (5 à 65 %) ; Notons que 50 % des entreprises de l’échantillon ont reçu le label « Entreprise du patrimoine vivant » (EPV). Ce label est une marque de reconnaissance délivrée par le Ministère de l’Economie, de l’Industrie et de l’Emploi qui distingue (pour 5 ans) des entreprises françaises détenant un savoir faire rare, renommé ou ancestral et maîtrisant des techniques traditionnelles ou de haute technicité. Cette forte représentation pourrait d’abord s’expliquer par la méthode de sélection des entreprises pour composer cet échantillon. Cependant, au regard des caractéristiques en matière d’exportation des entreprises de l’échantillon (type de produits ou services vendus, degré d’innovation, complexité et « rareté » du savoir faire détenu et commercialisé à l’étranger, ancienneté et expérience dans le métier…), l’hypothèse selon laquelle les entreprises éligibles à ce label seraient potentiellement plus exportatrices que les autres pourrait être testée dans le cadre de l’enquête quantitative ultérieure. Comme ce label est sélectif, cela traduit peut être aussi le volontarisme de certains chefs d’entreprise qui ont fait acte de candidature. 7 Tableau n°2 : Les entreprises de l’échantillon Raison sociale MOISSONNIER FRERES (Ebéniste) LABELYS (Etiquettes en caséine) COURTIREY (construction de tours d’agriculture en étage) NICOLAS SAUMAGNE (Luthier) CREPES DE FRANCE (Machines à crêpes) 3 D VISION (Production, réalisation de films) VALIDEX (Manutention motorisée plateaux repas, traitement déchets) ETB CASSET (Mécanique de précision) QUADRALP (Conception et fabrication de machines pour les skis) Atelier CATHERINE BERGOIN (Vente à distance de matériel pour peinture sur porcelaine) PM ROUSSEAU SARL ETB LEBRIAND ATELIER DU MEUBLE CONTEMPORAIN CAPET JOAILLIER BAGUES BETTY GABRIELLE MEMMI PIANOS DEBOUT ETS NICOLLET MAISON FREY ARTISANA ETB MUZARD SOCIETE BOST&FILS SARL ABAT-JOUR DU MOULIN LABORATOIRE MANKA POUENAT FERRONIER P.A.R.C. SARL HUGUES RAMBERT Département Secteur Activité Effectif Label EPV % CA Export Niveau Export Ain Production 27 x 65% Expert Ain Alimentaire 7 x 50% Expert <10% Débutant mais « Born Global » Débutant/ confirmé Haute Savoie Bâtiment 5 Haute Savoie Production 1 Haute Savoie Production 4 60% Expert Savoie Services aux entreprises 5 <5% (40%) Débutant/ confirmé Savoie Production 10 18% Confirmé/ expert Savoie Production 6 8% Débutant Savoie Production 7 8% Débutant Savoie Services aux particuliers 6 10% Confirmé Ile de France Ile de France Production Production 1 3 x x 5% <5% Confirmé Débutant Ile de France Production 1 x <5% Débutant Ile de France Ile de France Ile de France Ile de France Ile de France Ile de France Auvergne Auvergne Auvergne Auvergne Production Production Production Alimentaire Services Production Production Production Production Production 12 11 1 9 6 1 5 1 4 5 x x 20% 65% 30% 10% 10% 5% 15% 30% 50% 30% Confirmé Confirmé Débutant Confirmé Débutant Débutant Confirmé Expert Expert Confirmé Auvergne Production 7 5% Débutant Auvergne Auvergne Auvergne Auvergne Production Production Production Production 1 21 7 15 25% 30% 40% 10% Confirmé Expert Confirmé Expert x x x x x x x 10% 8 II – PROFIL DES DIRIGEANTS EXPORTATEURS Le profil des dirigeants est ici appréhendé à partir de deux séries de variables : • Celles liées à leurs caractéristiques sociodémographiques (sexe, âge, nationalité, milieu d’origine avec notamment le fait qu’ils soient issus ou non du milieu artisanal ou entrepreneurial) ; • Celles liées à leur parcours et à leur projet d’entreprendre (niveau de formation, professionnel, le fait qu’ils aient ou non vécu une expérience professionnelle ou personnelle significative à l’étranger, le type de projet entrepreneurial et leurs motivations). 2.1 Les caractéristiques sociodémographiques des artisans Concernant les caractéristiques sociodémographiques des dirigeants, le tableau n°3 montre tout d’abord que les dirigeants de l’échantillon sont majoritairement des hommes (2 femmes chefs d’entreprise seulement, ce qui ne permet pas de mettre à jour des différences en fonction du sexe). Ces dirigeants se situent pour la plupart dans la tranche d’âge 40 à 50 ans. L’âge moyen s’établit autour de 48 ans. Ils sont tous de nationalité française. Un tiers d’entre eux seulement est issu du milieu artisanal ou entrepreneurial c'est-à-dire qu’ils avaient des parents artisans, chef d’entreprise ou même agriculteur pour l’un d’entre eux. Parmi les 17 autres dirigeants, s’ils n’ont pas « baigné » dans l’entreprise de leurs parents, on peut souligner que certains avaient une proximité très forte avec l’activité qu’ils exercent aujourd’hui, notamment dans les métiers où la dimension « artistique » est forte : famille de musiciens pour le luthier, famille d’artistes peintres pour l’atelier de création de peinture sur porcelaine… Tableau n°3 : Les caractéristiques sociodémographiques des dirigeants Nombre de dirigeants de l’échantillon Genre Masculin Féminin Age - de 40 ans De 40 à 50 ans + de 50 ans Parents artisans ou entrepreneur Oui Non NC 26 2 3 16 9 9 17 2 9 2.2 Les parcours des artisans Pour ce qui est du parcours de ces dirigeants, on constate tout d’abord (tableau n°4) que le niveau de formation est plutôt « élevé » au regard du niveau de formation habituel dans l’artisanat. Les chefs d’entreprise de l’échantillon sont en effet, pour la plupart, détenteurs de diplômes de niveau supérieur ou équivalent au BAC. Si le nombre de détenteurs de diplômes Bac + 2 n’est pas très important, il est surprenant de constater que plus de la moitié des dirigeants sont détenteurs d’un BAC + 4/5. Parmi ceux-ci, on trouve par exemple un DEA de chimie (BAC +5), des BAC+4 dans le domaine du commercial et de la gestion (obtenus en Ecoles de Commerce), ou encore des ingénieurs. L’échantillon compte également 3 autodidactes. Ensuite, dans la majorité des cas, le parcours professionnel comporte plusieurs expériences qui ont permis l’acquisition de compétences multiples (salarié, chef d’entreprise dans une autre activité…). A cet égard, quelques artisans sont issus de grands groupes industriels ou d’entreprises dans lesquelles la dimension internationale était présente (BP, Thompson, Kraft, Beghin Say...). Toutefois, rares (3 dans l’échantillon) sont ceux qui ont directement travaillé à l’international avec des fonctions en relation avec l’export par exemple. 4 chefs d’entreprises ont vécu des expériences de vie à l’étranger avec leur famille. Les 19 autres n’ont aucune expérience significative, tant personnelle que professionnelle, avec l’international et l’export. Pour la plupart, en revanche, l’international est connu sous la forme de nombreux voyages personnels. Tableau n° 4 : Parcours et projet d’entreprendre des dirigeants de l’échantillon Niveau de formation Pas de diplôme Niveau V (BEP-CAP) Niveau IV (Bac) Niveau III (Bac+2) Niveau II et I (Bac+4/5) Expérience à l’étranger Oui, personnelle (famille vivant ou ayant vécu à l’étranger) Oui, professionnelle Non NC Type de projet entrepreneurial Création Reprise (dont familiales ou salariés) Réactivation Nombre de dirigeants de l’échantillon 3 6 4 3 12 4 3 19 2 11 16 1 Globalement, la maîtrise des langues par ces chefs d’entreprise est faible. L’anglais est la langue la plus facilement pratiquée. Pour plusieurs d’entre eux, ils ont commencé avec les bases acquises dans le cadre de leur cursus scolaire et/ou universitaire puis se sont ensuite 10 formés : « On se débrouille, on se forme sur le tas, on prend des cours… ». Cela dit, peu d’entre eux (notamment ceux qui ont acquis une expérience à l’export) considèrent cette faiblesse comme un réel obstacle à l’exportation. Dans certaines entreprises où la démarche à l’export a été structurée, on s’est doté de cette ressource manquante en embauchant par exemple un Directeur export qui maîtrise cinq ou six langues (Validex). Enfin, on recense une grande majorité de reprises d’entreprises au sein de l’échantillon (plus de la moitié). Parmi celles-ci, 9 sont des reprises familiales, 5 sont des reprises externes et 2 sont des reprises par des salariés. Les deux principales motivations à l’origine de la création ou de la reprise sont : - la passion pour un métier, une activité (« …faire de mon hobby, ma passion, mon activité professionnelle… »), un produit, un savoir-faire et parfois pour le patrimoine, les traditions, le terroir (« …un savoir faire ancestral à sauvegarder… »). - La recherche d’autonomie, l’envie de développer quelque chose, une innovation… On retrouve ainsi, dans ce micro échantillon, l’association de l’identité traditionnelle artisanale (savoir faire, exercice d’un métier, travail d’une matière…) avec le comportement entrepreneurial comme moteur de la création ou de la reprise. Ajoutons que majoritairement, les chefs d’entreprises de l’échantillon sont dans une dynamique de développement de leur activité, même si celle-ci est parfois tempérée par la conjoncture économique instable ou des situations particulières de dépendance forte vis-à-vis d’un client ou d’un secteur d’activité. En Auvergne, les artisans peut-être moins touchés par la crise ont, à cet égard, un discours plutôt optimiste. On retrouve le même comportement en Rhône Alpes. En Ile de France, certains dirigeants sensiblement impactés par la crise ont eu un discours plus mesuré voire défaitiste. Malgré ces nuances, les artisans de l’échantillon « vont de l’avant » et cela se traduit, pour la plupart, par une croissance régulière du chiffre d’affaires dans les dernières années et une volonté de maintenir ce cap voire de l’accélérer. Plusieurs projets d’investissements, de lancement de nouveaux produits, d’embauche… ont d’ailleurs été annoncés lors des entretiens. EN SYNTHESE En conclusion sur l’influence du profil en matière d’exportation, les éléments précédents semblent indiquer qu’il faut retenir certaines variables pour élaborer les hypothèses à valider dans le cadre de l’étude quantitative : - L’âge : la moyenne d’âge à la création ou à la reprise dans notre échantillon semble à la fois en deçà de l’âge moyen des créateurs d’entreprise en France (39 ans) et supérieure à l’âge moyen d’installation dans l’artisanat ; - Le niveau d’études : les entreprises artisanales exportatrices semblent dirigées par des personnes dont le niveau d’études est supérieur voire très supérieur à celui rencontré habituellement dans ce secteur. Le contenu de la formation (technique, commerce, gestion, langues…) pourrait également être un facteur favorisant une démarche à l’export ; - Le volontarisme entrepreneurial : les motivations à la création/reprise ainsi que les objectifs à moyen et court terme que les dirigeants de l’échantillon expriment montrent que ce 11 sont plus (au moins pour une majorité d’entre eux) des entrepreneurs artisans que des artisans traditionnels. III – PROFIL ET ENVIRONNEMENT DES ENTREPRISES ARTISANALES EXPORTATRICES Le profil des entreprises de l’échantillon est abordé à partir de leurs caractéristiques générales, d’indicateurs quantitatifs et des ressources dont elles disposent, notamment en termes de savoir-faire (3.1), puis de leur environnement et des menaces ou opportunités qu’il recèle (3.2). 3.1 Les caractéristiques générales des entreprises Tableau n° 5 : Caractéristiques des entreprises de l’échantillon Année de création2 Avant 1900 Entre 1900 et 1950 Entre 1950 et 1990 Entre 1990 et 2000 Après 2000 Forme Juridique SA SAS SARL EURL EI Société de Fait Type d’activité dominante Majoritairement BtoB Majoritairement BtoC Majoritairement BtoA Chiffres d’affaires < 99 000 € De 100 000 à 499 000 € De 500 à 999 000 € + 1 000 000 € Effectif 0 ou 1 seul salarié Entre 2 et 5 salariés Entre 6 et 10 salariés > 10 salariés Part du CA Export < 10 % Entre 10 et 25 % Entre 26 et 50 % 2 Nombre d’entreprises de l’échantillon 1 1 2 4 2 1 6 16 2 2 1 22 5 1 4 10 5 9 5 9 9 5 8 9 8 Données non encore disponibles pour Ile de France et Auvergne. 12 > 50 % 3 Les entreprises de l’échantillon sont des entreprises relativement anciennes. Parmi celles qui ont été reprises en Ile de France, certains ateliers ont été fondés à la fin du XIXième siècle. Dans l’Ain, une entreprise d’ébénisterie de luxe date de 1885. 4 seulement ont moins de dix ans (dont une créée suite à la reprise d’une partie de l’activité d’une entreprise défaillante, au printemps 2010, 3D Vision en Savoie). En moyenne, on peut considérer que l’ancienneté s’établit autour de 20 ans. Les lieux d’implantation sont assez divers : urbain, péri-urbain, rural. A Paris, les entreprises rencontrées sont implantées dans des quartiers historiques au regard de leur activité. Leurs locaux sont soit de petits ateliers qui « ne paient pas de mine » et peu visibles, soit, au contraire, des boutiques bien mises en valeur. En Auvergne, il n’est pas rare que l’entreprise soit attenante ou située à proximité du domicile de l’artisan. En Rhône Alpes, les entreprises sont souvent installées dans des zones d’activités commerciales et/ou industrielles. Là encore, on trouve soit le petit atelier « un peu vieillot » soit le bâtiment industriel récent, assez accueillant avec parfois un « show room ». La plupart de ces entreprises n’ont qu’une seule implantation. Pour celles (Rhône Alpes) qui ont plusieurs localisations, on trouve : - Une entreprise (Crêpes de France) avec un atelier à Annecy (74) et deux bureaux commerciaux à l’étranger (Asie et USA) ; - Deux entreprises avec leurs sièges et ateliers à Bourg en Bresse (Moissonnier, 01) ou Chambéry (Validex, 73) et une agence commerciale et un show room à Paris. Pour les activités observées, le type ou le lieu d’implantation ne semble pas avoir d’influence sur l’exportation. En Rhône-Alpes, toutefois, la proximité d’aéroports internationaux (Lyon St Exupéry et Genève) ainsi que d’infrastructures routières et ferroviaires est régulièrement évoquée comme un facteur facilitateur de l’export. En ce qui concerne la forme juridique, il s’agit majoritairement de sociétés et plus particulièrement de SARL et de SA/SAS (respectivement 57 % et 25 % de l’échantillon). La majorité de ces entreprises a été créée sous forme sociétaire. Les plus anciennes ont subi une transformation dans ce sens au cours de leur développement. Le capital de la société est soit détenu dans le cercle familial soit par plusieurs associés travaillant ensemble après une reprise par exemple (2 associés le plus fréquemment). En termes de type de clientèle, l’acticité de la grande majorité de ces entreprises s’inscrit dans le « Business to Business ». 5 seulement travaillent avec des particuliers ou clients finaux et 1 a une activité majoritairement orientée vers les administrations. Selon les dirigeants, le B2B favorise l’internationalisation car il est « plus facile de toucher des entreprises ou des professionnels que des particuliers… ». Cela dit, la forte proportion d’entreprises de production (78 %) dans l’échantillon influe certainement sur ce résultat. En outre, en Ile de France, les artisans déclarent conserver une part de leur activité (entre 20 et 30%) avec des particuliers. Les entreprises de l’échantillon sont majoritairement détentrices d’un savoir faire spécifique, rare (comme en témoigne les 14 labels EPV mais également les 3 prix Artinov de l’échantillon). Elles sont plutôt positionnées sur des marchés « haut de gamme », qui font appel à la créativité (fabrication à la main, qualité de finition, respect des normes les plus strictes ou adaptation parfaite à des demandes complexes…). Majoritairement elles délivrent des prestations sur mesure, ne répondant qu’à un segment spécifique et occupent de ce fait des niches commerciales ou stratégiques. Dans le sous-échantillon « Ile de France et 13 Auvergne », les artisans interrogés déclarent plutôt faire appel à un savoir faire traditionnel avec peu d’innovation, sans dépôt de brevet. En revanche, en Rhône Alpes, plusieurs entreprises détiennent des brevets et leurs dirigeants insistent sur le fait qu’ils sont très innovants (tant au niveau des produits que des services, voire dans l’association des technologies) et qu’ils font de gros efforts en recherche et développement. Si la maîtrise de ce savoir-faire rare constitue la principale arme concurrentielle de ces entreprises, tant sur le marché intérieur qu’à l’export, elle s’appuie sur de la main d’œuvre très qualifiée et expérimentée et sur des équipements techniques modernes (parfois présentés comme les plus modernes du marché). Outre leur appartenance aux activités de production, on peut noter une forte représentation des marchés de l’ameublement et de la décoration (12 entreprises). Ces marchés semblent être particulièrement porteurs pour exporter puisqu’ils permettent de valoriser la créativité et de « vendre le savoir-faire à la française ». Pour les entreprises qui servent des marchés des biens d’équipements industriels, le même constat peut être fait. Les volumes d’activités sont plutôt stables ou en progression régulière, parfois soutenue, depuis plusieurs exercices comptables ; cela, malgré la crise. Certaines parlent même de croissance « à deux chiffres ». Une vérification des informations comptables, lorsqu’elles étaient disponibles (via les sites société.com ou kompass) montre des niveaux de rentabilité satisfaisants. Dans ce contexte, la plupart des artisans rencontrés sont orientés vers le développement. Cependant, pour les plus petites (moins de 5 salariés et un CA inférieur à 150 K€), malgré le potentiel, ce développement est freiné par le coût d’un employé, considéré comme prohibitif par les dirigeants. Cette contrainte se retrouve également lorsqu’il s’agit de développer l’export en allant chercher des ressources humaines pour le faire. 3.2 L’environnement des entreprises Pour la plupart des artisans, l’environnement est porteur de contraintes assez fortes. Tout d’abord, ils s’accordent sur des contraintes d’ordre macro économique, liées à la conjoncture économique nationale et internationale (la position de l’euro face aux autres monnaies et notamment le dollar par exemple). Dans les activités de la mécanique, mais aussi pour les services aux entreprises, l’évolution technologique (conception et fabrication assistées par ordinateurs, évolution de l’informatique et des logiciels…) est une contrainte qui génère des coûts chaque année « pour rester à niveau ». Ensuite, les avis sont plus nuancés lorsque l’on aborde les différentes facettes de l’environnement spécifique à chaque activité. En matière de concurrence, les artisans rencontrés ont des concurrents de toutes tailles (de la TPE locale au grand groupe industriel internationalisé). Le positionnement de niche et la rareté du savoir faire détenu par certaines entreprises semblent néanmoins les prémunir d’une concurrence trop prononcée. A l’échelle locale voire même nationale, la concurrence est généralement peu marquée, les acteurs français étant peu nombreux sur les marchés concernés. Dans les activités observées, la concurrence est donc plutôt internationale. Par ailleurs, classiquement, les artisans ont tendance à considérer que ceux qui exercent le même métier qu’eux sont « plus des collègues voire des partenaires, avec lesquels on échange à l’intérieur de clubs ou d’associations que des concurrents ». 14 Toutefois, certains disent être confrontés à une concurrence de plus en plus vive. Ils dénoncent notamment les comportements d’imitation et de copie de la part des industriels asiatiques ou d’Europe de l’Est. Dans les métiers « plus industriels », le discours porte sur l’évolution des comportements d’achat des clients qui accordent de plus en plus d’importance au prix, au détriment de la qualité des matières, des produits, des prestations. Ces artisans se retrouvent alors en concurrence frontale avec de grands groupes internationalisés qui « font du standard et ont une stratégie de « volume – prix » avec lesquels ils ne peuvent lutter. Dans ce prolongement, certains artisans déclarent que de plus en plus de clients leurs demandent d’être « labellisés ISO 9001 ». En ce qui concerne les fournisseurs, ils peuvent aussi bien être de grands groupes internationaux (notamment pour les matières premières) que de petites entreprises localisées à proximité. Certaines entreprises de l’échantillon se retrouvent fréquemment en position de donneurs d’ordres pour des PME sous-traitantes qui, à certaines occasions, peuvent être leurs concurrentes. Globalement, la question des approvisionnements ne semble pas être une contrainte même si, pour ceux qui achètent principalement à l’étranger, les problématiques de transport et de passage en douane sont assez fréquentes. En matière d’opportunités, le potentiel des marchés sur lesquels les artisans sont positionnés est assez bien identifié, y compris à l’étranger. Le positionnement sur des marchés de niche induit un volume d’activité limité en France et fait que les marchés internationaux sont des zones naturelles d’extension de l’activité. Les principaux freins à leur exploitation sont le manque de moyens financiers, humains (manque de temps du dirigeant, nécessité d’embaucher…). Enfin, en matière de facteurs clés de succès dans leurs activités et sur leurs marchés, les dirigeants interrogés s’accordent sur les éléments de différenciation suivants : • Le savoir faire • La rareté de l’offre • La qualité • L’image véhiculée et/ou la notoriété de l’entreprise (reconnue pour la qualité de son travail) • La créativité et/ou l’innovation A l’export, ces facteurs clés de succès sont les mêmes. Cela dit, pour la majorité des dirigeants de l’échantillon, ces facteurs clés de succès ne sont exploitables sur les marchés étrangers qu’à partir du moment où l’entreprise a déjà « assis » sa situation localement et nationalement. EN SYNTHESE Les entreprises artisanales exportatrices sont des entreprises anciennes dont la notoriété semble forte, qui détiennent un savoir faire rare et éprouvé, qui laisse une large place à la créativité et à l’innovation. Elles évoluent dans un environnement plutôt instable, porteur de contraintes mais également d’opportunités. 15 Outre ces caractéristiques, et compte tenu de la structure en termes d’activités de notre échantillon, l’étude quantitative devra aussi vérifier que ce profil est conforme dans tous les secteurs d’activités et les métiers de l’artisanat. IV- LE PROCESSUS D’EXPORTATION Le comportement d’exportation des dirigeants de l’échantillon a été abordé à partir des sous thème suivants : leurs objectifs et motivations (4.1) ; leurs pratiques en la matière et le processus d’exportation (4.2) ; le rôle des salons professionnels et d’Internet (4.3) ; les difficultés rencontrées (4.4) ; l’accompagnement (4.5). En préambule, une question cherchait à identifier d’autres pratiques d’internationalisation que l’export. Pour les dirigeants des entreprises de l’échantillon, l’internationalisation se borne principalement à de l’export. Quelques cas de productions à l’étranger existent via des partenariats, notamment pour contourner des problèmes de réglementation et de taxes (Crêpe de France par exemple) mais sont plutôt rares. Les achats se font également plutôt de préférence en France, sauf pour des matières premières qui par nature sont produites à l’étranger (par exemple, une essence de bois spécifique qui n’existe qu’au Brésil pour les archets chez N. Saumagne). Par ailleurs, il est souvent difficile pour les dirigeants d’avoir une vision nette de leur activité export (volume réalisé, part du CA). Celle-ci peut être relativement instable : irrégularité de la pratique, surtout quand on « subit » la demande (attente qu’un client étranger prenne contact et passe éventuellement commande). 4.1 Objectifs et motivations à l’exportation Il s’agissait ici d’identifier les principales raisons qui poussent les artisans à exporter voire à structurer une démarche dans ce sens. Au départ, dans plus de 50 % des cas, la démarche a plutôt été réactive (« un client étranger nous a contacté… »), voire subie (cas de l’entreprise Casset dont le principal client s’est délocalisé et qu’il a fallu suivre…). Une démarche proactive structurée est donc assez rare : seuls un ou deux artisans déclarent avoir choisi d’exporter, en structurant la démarche (embauche d’un Directeur Export par exemple) et en la planifiant sur plusieurs années. Dans ce contexte, c’est donc l’environnement qui déclenche l’exportation. Plus précisément, c’est souvent suite à une prise de contact par un client étranger (généralement via un salon ou le site internet de l’entreprise) que la première affaire à l’international s’engage. Ces clients étrangers viennent à eux parce qu’ils détiennent un savoir faire rare, qu’ils ont une certaine notoriété, bénéficient d’un bouche à oreille favorable et qu’ils ont un site internet vitrine. A cet égard, les artisans rencontrés expliquent « qu’ils sont sur des niches, que leur marché est devenu mondial, que les clients peuvent être au quatre coins du monde… » (par exemple dans le cas du marché du luxe sur lequel des artisans français côtoient des géants internationalisés tels que LVMH ou Hermès…). Le fait que la concurrence au niveau local soit devenue trop forte constitue aussi une raison pour que ces artisans se tournent vers l’international. Enfin, certains expliquent que c’est pour exploiter une innovation (brevet) qu’ils exportent. 16 Globalement, l’export « vient à eux dans un premier temps ». Cela peut ne se produire qu’une fois ou pendant un laps de temps court puis s’arrêter. C’est vraisemblablement le cas des entreprises contactées lors de la qualification de fichiers et qui avaient, à un moment donné exporté, parfois une part importante de leur CA mais qui n’exportaient plus depuis plusieurs années. D’autres, notamment certains de l’échantillon, poursuivent et accentuent la démarche. Entre les deux, quelques uns exportent de manière ponctuelle, à chaque fois qu’une opportunité se présente. En reprenant l’analyse d’Argo&Siloe, on peut rapproche ces « profils » de ceux proposés dans la typologie de l’étude APCM (2010) présentés dans le schéma ci-dessous. Figure n° 1 : Les différents profils d’artisans exportateurs Les « expectatifs » perçoivent l’export comme une prise de risque et une source de dépenses supplémentaire dans un environnement déjà incertain. Pour eux, il serait sans doute préférable de se recentrer sur leurs bases et d’asseoir définitivement leur position au national. Toutefois l’export apporte pour le moment un complément d’activité qu’on ne peu pas se permettre d’ignorer pourvu que l’on ne se heurte pas à des difficultés majeures. A titre personnel, ceux-ci sont malgré tout assez fier de ce que l’export peut leur permettre d’accomplir (ex : travailler pour des clients prestigieux). 17 Les « occasionnels » perçoivent l’export comme la cerise sur le gâteau. Si cela se poursuit, tant mieux, cela fait du bien à la notoriété et au prestige de la marque tout en complétant utilement le chiffre d’affaires. Si cela vient à s’arrêter, ce n’est pas problématique, le marché national saura pourvoir aux besoins de l’entreprise. A titre personnel, ils voient en l’export un enrichissement intellectuel et c’est aussi certainement une des raisons pour lesquelles ils poursuivent cette pratique. Enfin, les « spécialistes » sont ceux qui ont décidé de prendre les choses en main. Ils sont offensifs car ils perçoivent l’export comme une extension naturelle de leur marché national et donc comme un levier de croissance de premier plan. Ceux là ont généralement une vision de l’export qui dépasse le plan économique. Ils veulent notamment être acteurs dans le rayonnement des savoir-faire français à l’étranger. Cela rejoint alors des considérations plus personnelles. Au sein de l’échantillon, la quasi-totalité des artisans rencontrés s’inscrit dans la catégorie des « convaincus » (le développement passe par l’export ou les marchés étrangers sont une source potentielle d’activité). Cependant, en termes de comportements et de résultats, ils se répartissent entre les exportateurs occasionnels, les exportateurs potentiels et les exportateurs spécialistes. 4.2 Pratique de l’exportation Quand ? L’export est parfois développé très tôt, dès le démarrage de l’activité (notamment dans les entreprises les plus récemment créées ou reprises), sans compétences particulières. Que l’on ait une expérience à l’international ou pas, on se lance. Toutefois, on assiste à une formalisation de la démarche avec l’arrivée d’un repreneur au profil plus entrepreneurial ou avec l’arrivée dans l’affaire d’un nouvel associé plus expérimenté. Où ? Les destinations sont rarement choisies dans un premier temps. Si c’est avec les pays d’Europe que se font la majorité des exportations, les artisans de l’échantillon commercent également avec des pays situés sur les 5 continents. En fonction des activités, de la localisation des clients, des opportunités qui se sont présentées, une très grande variété de pays a été citée : • Des pays en développement où des besoins importants d’équipement existent (tels que les pays d’Europe de l’Est, d’Afrique ou d’Amérique du Sud) ; • Des pays « plus développés » où l’on trouve les clients fortunés pour le luxe (Amérique du Nord, Moyen Orient, Asie, Russie mais également la Chine) ; • Une zone de prédilection : les Etats-Unis. Beaucoup d’efforts réalisés sur cette destination qui n’est pourtant pas la plus facile aux dires des artisans. Rappelons que, s’il est difficile, à partir du matériau qualitatif récolté, de mettre en lumière des différences entre les entreprises travaillant à « l’export frontalier » et celles exportant « plus loin », la proximité est un avantage souligné par la plupart des chefs d’entreprise pour faciliter l’exportation. Qui ? Le dirigeant est, la plupart du temps, la personne qui s’occupe de l’export. Dans quelques entreprises dont les effectifs sont les plus importants, il est assisté d’un collaborateur bilingue 18 (une assistante de direction par exemple). Dans d’encore plus rares entreprises (telles que Validex), un Responsable ou un Directeur export gère tout l’international. Ce dernier cumule alors souvent plusieurs casquettes (Administration Des Ventes, développement commercial, bureau d’études…). Quand c’est le dirigeant, on constate un problème évident de temps et de disponibilité de ce dernier. Cela explique alors que l’export ne soit, parfois, malgré le potentiel, pas plus développé. Notons enfin que la démarche ou l’existence d’une activité export ne semble générer que peu de création d’emplois « dédiés ». Comment ? Contrairement à ce que nous avions imaginé lors de l’élaboration du guide d’entretien, il ne semble pas y avoir d’approche différenciée par pays en termes de modalités d’export. Les artisans semblent même reproduire la même démarche dans tous les pays où ils sont présents. La démarche est le plus souvent empirique, au moins au départ. Il y a rarement une anticipation de tout ce que l’export va impliquer et nécessiter. Par exemple, il n’y a pas de budget export dédié et peu de formalisation. L’export n’est pratiquement jamais « programmé » au départ. On répond plutôt aux sollicitations du marché, qui peuvent s’avérer les bienvenues quand l’appareil de production n’est pas saturé. Les dirigeants rencontrés reconnaissent d’ailleurs que les possibilités à l’export sont parfois peu exploitées, par manque de temps ou du fait d’une saturation de l’outil de production actuel. Trois modalités sont couramment utilisées, en fonction des pratiques du marché ciblé : • L’exportation directe : majoritairement en B2C et parfois également pour des clients B2B mais individuels (par exemple les restaurateurs) • L’exportation indirecte via un agent ou un distributeur local : dans l’ameublement, l’industrie agro-alimentaire, la mécanique ou les machines industrielles… Le repérage et le choix de ce distributeur sont souvent cités comme une difficulté importante de la démarche export. • Le recours à des prescripteurs (designers, architectes d’intérieur, professeurs de musique) dans l’ameublement ou la lutherie. Le dirigeant développe souvent lui-même ses contacts à l’étranger. Les moyens de prospection les plus couramment utilisés sont les voyages personnels (parfois en famille), la présence sur des salons, des showrooms (courants dans la déco et l’ameublement) et enfin l’Emailing. A titre d’illustration, le Directeur Export de Validex explique, qu’en parallèle de sa présence sur de nombreux salons, il avait pendant plusieurs années « pris son bâton de pèlerin » pour aller sur place, visiter des installations réalisées par des concurrents, rencontré et discuté avec des utilisateurs, essayé d’identifier les « bons et les mauvais distributeurs potentiels locaux… ». Les artisans de l’échantillon ne font que très peu appel aux conseils extérieurs (2 cas seulement, dont un pour des questions très techniques de réglementation aux USA). Le profil du dirigeant semble toutefois avoir une influence sur le degré de structuration de la démarche à l’export. Un dirigeant proactif ou « entreprenant » aura une démarche plus structurée. En général, il s’agira d’un chef d’entreprise au profil éloigné de l’artisan traditionnel, que l’on retrouve notamment lorsqu’il y a eu reprise. Il mettra également plus facilement l’export au cœur de sa stratégie de développement. Mais le lien entre degré de structuration de la démarche et part de CA à l’export ne semble pas systématique. 19 Le processus type semble se dérouler en trois étapes : 1/ Réception de demandes de devis d’un client via Internet ou un salon en France. Etude et réalisation de la première exportation « sur le tas » : on apprend en faisant, on découvre les difficultés au fur et à mesure (notamment au niveau administratif, transport, assurances…) 2/ Attente de nouvelles sollicitations, participation à de nouveaux salons, récurrence des commandes ou des sollicitations; 3/ Puis, pour certains artisans, passage à l’offensive : - réflexion sur les zones géographiques pertinentes ; - recherches d’agents ou de distributeurs, prises de contact ; - et/ou choix de salons pertinents par rapport aux zones sélectionnées ; Le schéma suivant (source Argo&Siloe) présente cet enchaînement : Figure n° 2 : Le processus type d’exportation dans l’artisanat L’amorçage correspond à la phase au cours de laquelle ce sont les clients étrangers qui, ponctuellement, sollicitent les artisans par contact direct (mail, téléphone, site internet ou rencontre sur un salon). Si le volume d’activité à l’étranger décolle, on entre dans la phase de confirmation au cours de laquelle le volume d’export croit. On passe ainsi ensuite dans la troisième phase de structuration de la démarche export, l’embauche d’une personne dédiée ou, pour le moins, un démarchage et une prospection plus systématiques. Si le volume ne croit pas lors de l’étape 2, alors l’export peut continuer à n’être que ponctuel, sans démarche complémentaire. 20 Si la démarche export est peu structurée, à l’instar de la démarche commerciale sur le territoire français, les artisans rencontrés semblent être souvent dotés d’un réel « état d’esprit marketing ». Celui-ci se traduit parfois par une logique de marque (marques déposées) et fréquemment par un discours sur le savoir-faire, l’expérience, la tradition… On note une certaine maîtrise du story-telling dans les outils de communication, tels les sites Internet ou les plaquettes. Derrière des démarches empiriques, on trouve donc des dirigeants intuitifs et curieux. C’est alors la démarche commerciale pure qui reste la faiblesse. Les principales ressources extérieures mobilisées sont les dispositifs d’aide et d’accompagnement (portés notamment par Ubifrance, les CMA et CCI, les Conseils Régionaux, la Coface, Ateliers d’Art de France...). Cependant, ces derniers ne sont jamais cités spontanément par les dirigeants en tant que ressource mobilisée. Une seule entreprise a déclaré avoir eu recours pendant plusieurs années à un cabinet d’études (réalisation d’études de marché…) pour défricher le terrain et préparer la prospection et la commercialisation à l’étranger. 4.3 Le rôle important des salons et d’Internet Tous les dirigeants rencontrés ont participé, au moins une fois, à un salon, ne serait ce que parce qu’ils y ont été sollicités (par Ubifrance ou ERA par exemple). Dans les démarches proactives des entreprises les plus structurées, la participation récurrente à des salons (en France et à l’étranger) fait partie intégrante de la stratégie à l’export. Paris a été (et reste encore pour certains domaines) une capitale importante des salons : « …C’est une ville Phare qui donne de la visibilité, et où l’on rencontre beaucoup d’acheteurs internationaux… ». Mais, dans certains domaines, la présence dans un salon à Paris ne suffit plus. De nombreux salons se délocalisent ou alors la clientèle se déplace (exemple du Salon international interprofessionnel de la montagne de Grenoble qui a, d’après l’un des dirigeants, perdu sa suprématie au profit de celui de Munich). Dans le luxe et l’équipement de la maison, compte tenu du positionnement haut de gamme de bon nombre d’entreprises rencontrées, certains salons (y compris Maisons&Objets) ont semble-t-il perdu de leur attrait du fait d’une vocation trop généraliste. Il n’est donc pas rare de voir certains artisans migrer vers des évènements plus élitistes, notamment à l’étranger (à New York, à Pékin...). Selon les artisans rencontrés, les retombées de la participation à des salons arrivent parfois à long terme (« il faut 3 ans pour que cela commence à payer… »). Cela suppose donc que l’entreprise soit assidue dans sa participation à tel ou tel salon et qu’elle puisse supporter les coûts en attendant de générer du chiffre d’affaires. Les entreprises « aguerries » à ces participations, semblent assez bien préparées. Leur positionnement sur les marchés du luxe les a en effet très vite sensibilisés à l’importance de l’écrin qui entoure leurs ouvrages. Aussi, comme il est dit par certains d’entre eux, « le luxe va au luxe ». Ils disposent donc d’outils commerciaux qualitatifs. Pour les autres, cette préparation pose problème car ils ne savent parfois pas comment s’y prendre. La logistique, lorsqu’il s’agit de déplacer des machines et beaucoup de matériel vers un pays éloigné, leur fait également peur. Enfin, la présence sur des salons est souvent mal exploitée, notamment quand il s’agit des premières participations. Les artisans ne tirent alors pas suffisamment profit de cette présence 21 ou alors, ne sont pas forcément capables de gérer toutes les retombées, faute de temps, de capacité de production adaptée… Il semble donc qu’il manque assez souvent une réflexion ou une préparation en amont de la participation à de tels événements. En ce qui concerne Internet, un grand nombre d’artisans considère son rôle comme fondamental. Certains déclarent qu’ils ont été des précurseurs sur Internet, dans leur domaine d’activité. Tous possèdent un site relativement ancien qui est d’ailleurs parfois en cours de refonte. Cela dit, leurs sites sont généralement soignés et le savoir faire bien mis en avant. Pour la quasi-totalité, le site est au moins en français et anglais, voire parfois en 5 langues (français, anglais espagnol, allemand et même chinois !). Pour une des entreprises de l’échantillon, dont l’activité est centrée sur la vente en ligne de produits et matériels pour de la peinture sur porcelaine, c’est d’ailleurs par internet qu’elle effectue la quasi-totalité de ses ventes. Ils reconnaissent tous l’importance du nom de domaine (nom représentatif de l’activité choisie ou en lien avec la marque déposée) et du référencement sur les moteurs de recherche (objectif : apparaître dans les premières lignes de la première page Google). Internet apparaît donc comme un médium efficace pour l’exportation et constitue d’ailleurs un axe essentiel de développement export pour les dirigeants volontaristes. 4.4 Des difficultés rencontrées variées On constate une grande variété des difficultés rencontrées, en fonction du niveau d’expérience à l’export du dirigeant, de la structure de l’entreprise et des spécificités de l’activité. Les difficultés qui reviennent le plus couramment sont : • L’identification du client ou plus précisément de l’agent ou du distributeur qui faciliteront l’accès au marché étranger ciblé ; • La complexité administrative est jugée ennuyeuse, mais finalement assez rapidement résolue. A cet égard, les artisans parlent de lourdeur et d’inertie du système. Ils jugent par exemple que les démarches relatives à l’établissement des certificats d’origine mériteraient d’être modernisées. Certains trouvent cependant que malgré cela, « il est plus facile de travailler avec des entreprises étrangères (plus flexibles, plus réactives, moins procédurières) qu’avec des clients français… ». • La réglementation et les normes de certains pays. Dans certains domaines, les normes françaises et européennes sont plus strictes qu’ailleurs : certains artisans ont déclarés que cela leur suffisait pour pouvoir vendre. Pour d’autres destinations, l’Allemagne ou les USA notamment, certaines normes sont de vraies barrières protectionnistes. Les artisans confrontés à ce type de difficultés regrettent qu’il soit la plupart du temps impossible de trouver un interlocuteur en France pour répondre précisément aux questions soulevées. Gérer ces problèmes demande alors un investissement conséquent en temps de la part du dirigeant. • Le manque de ressources humaines ou de temps ainsi qu’une capacité de production insuffisante, (le fameux « plafond de verre » qui fait que l’on ne peut pas exploiter toutes les opportunités) ont été également cités comme des freins importants au 22 développement de l’export. Cela pose notamment des problèmes lorsqu’ils ont besoin d’une assistance juridique (« lorsqu’il s’agit de signer avec un grand groupe international… » par exemple). Dans le prolongement, certains artisans ont exprimé leur difficulté à conserver un savoir faire rare et le caractère sur-mesure de la prestation tout en faisant du volume ou de la masse pour satisfaire d’autres marchés. • Sur le plan financier, le coût des déplacements et des salons constitue bien sûr une difficulté au même titre que le risque d’impayé ou encore le coût des garanties de paiement, souvent délaissées de ce fait et obligeant l’entreprise à assumer totalement le défaut de paiement d’un client étranger. Il est à noter que certains problèmes dont on pouvait présumer de l’existence ne sont que rarement cités par les artisans, voire jamais. C’est notamment le cas de la nécessité de transformer les produits de l’entreprise en vue de leur adaptation à la culture locale, notamment parce que c’est souvent un savoir-faire français qui est vendu. Enfin, comme évoqué précédemment, la barrière de la langue n’a jamais été insurmontable. 4.5 L’accompagnement reçu Dans ce domaine, le ressenti est celui d’une relative insatisfaction vis-à-vis des dispositifs existants, justifiée par le fait qu’ils ne sont pas adaptés à la réalité de l’entreprise et à celle de chaque activité. Concernant les réseaux, les constats suivants ont été posés (l’enquête quantitative permettra d’affiner) : • • • • UbiFrance est bien connu et les missions organisées en France (accueil de professionnels étrangers) ou à l’international sont présentées comme apporteuses d’affaires. Les CCI sont également perçues comme plutôt efficaces mais seulement sur les aspects techniques (questions ponctuelles concernant les démarches export : aspects logistiques, réglementaires généraux). En revanche, les dirigeants trouvent n’ont pas toujours d’interlocuteur identifié au sein des Chambres de Métiers et de l’Artisanat. Concernant la COFACE, les artisans ne se satisfont pas de devoir payer une « franchise d’accès » au dispositif, considérée comme trop coûteuse au regard de volumes de chiffres d’affaires limités. EN SYNTHESE - Dans la plupart des processus observés, la démarche a plutôt été réactive. Ce sont les clients étrangers qui sont venus aux entreprises artisanales, et ce, souvent très tôt dans l’histoire de ces entreprises. - Si l’Europe demeure le « terrain de jeu » privilégié, les entreprises répondent aux sollicitations de clients présents sur les cinq continents. - L’export est porté par le dirigeant, qui influence grandement les démarches réalisées et notamment leur caractère plus ou moins structuré. Dans l’ensemble, on note plutôt une absence de structuration et des processus plutôt empiriques et intuitifs - On relève toutefois un état d’esprit marketing assez développé, centré sur la rareté du savoir-faire et la qualité du service au client, qui se révèle être un facteur clé de succès à l’export. - Les deux outils de communication les plus plébiscités sont les salons et le site Internet. 23 - Les difficultés rencontrées sont très variées (fonction du secteur d’activité, de l’expérience et des ressources disponibles) et aucune ne fait l’unanimité. Les plus couramment citées sont : l’identification du client, la complexité administrative, les réglementations et normes de certains pays, le manque de temps et une capacité de production insuffisante. - Enfin, les dispositifs d’accompagnement sont jugés peu satisfaisants. V - BILAN / RESULTATS Globalement, les artisans interviewés ont éprouvés des difficultés à évaluer l’impact de leur démarche export sur leur entreprise que ce soit en termes de coûts (5.1), de résultats quantitatifs (5.2) ou encore d’évolution de l’organisation de l’entreprise et d’exercice du métier (5.3). 5.1 En termes de coûts • Les coûts semblent importants mais difficiles à chiffrer : ils sont souvent englobés dans les coûts de l’ensemble de la démarche commerciale. A titre d’exemple, le développement d’un site Internet sert à la fois pour les clients français et étrangers. Le même constat peut être fait pour certains salons qui se déroulent en France. • Ils parviennent davantage à chiffrer le taux de commission de leurs agents (10 % en moyenne) ou le coût à l’étranger de tel ou tel salon (très variables selon le secteur et la destination) ainsi que les budgets de déplacement. • Certaines dépenses ont été financées grâce à des aides (déplacements, embauches d’un salarié export, innovations permettant de se faire connaître donc d’attirer des clients étrangers…). Cela dit les artisans regrettent de devoir avancer les sommes parfois importantes avant de recevoir l’aide. 5.2 En termes de résultats quantitatifs • De la même manière que le point précédent, les résultats quantitatifs sont également difficiles à estimer. Surtout qu’ils sont généralement irréguliers avec parfois de grandes variations d’une année à l’autre. • L’export est une démarche qui semble porter ses fruits à moyen et long terme avec un investissement de départ qui se rentabilise sur plusieurs années. Mais aucun artisan n’est capable de calculer de rentabilité globale ou même de tel ou tel investissement. • S’ils parviennent généralement, lorsqu’ils ont plusieurs activités et/ou productions, à répartir la part du CA à l’export entre ces activités, ils éprouvent souvent des difficultés à préciser une ventilation de chiffre d’affaires par pays, notamment faute d’un système d’information suffisamment performant. Les éléments chiffrés présentés précédemment (tableau n° 4) semblent indiquer qu’il n’y a pas de lien entre le chiffre d’affaires global et la part de CA à l’export. En d’autres termes, on peut réaliser un chiffre d’affaires d’un million d’euros et seulement 8 % à l’export (cas de 24 l’entreprise Casset) et inversement un chiffre d’affaires de 850 000 € dont 60 % à l’export (cas de Crêpe de France). 5.3 En termes d’impact sur l’organisation et le métier Si l’export apparaît comme la clé de voûte du développement des entreprises dirigées par un « artisan entrepreneur » (souvent un repreneur) par opposition au profil de l’artisan traditionnel, les incidences sur l’organisation ne sont que très rarement mesurées. L’export ne modifie pas la conception du métier des artisans traditionnels ni leur manière de l’exercer. Tout au plus, afin de mieux se protéger de l’imitation, certains artisans semblent avoir tendance à monter en complexité dans le processus de fabrication et ainsi ériger une barrière technique plus difficilement franchissable par les concurrents. Les produits nécessitent rarement des adaptations, surtout quand il s’agit d’un style ou d’un savoir-faire à la française. Dans d’autres cas, le côté sur-mesure du produit/service fait que l’adaptation à la demande du client est une règle, y compris en France. En revanche, l’export entraîne une certaine souplesse d’adaptation : il faut pouvoir réagir quand les demandes arrivent, car les délais exigés sont souvent courts au regard du temps pris par les clients pour accepter les devis. La contrainte est ici l’appareil productif qui, limité, pousse parfois les artisans à refuser certaines commandes. Enfin, comme nous l’avons déjà signalé, la démarche ou l’existence d’une activité export ne semble générer que peu de création d’emplois « dédiés ». Les artisans semblent donc plutôt faire de l’export « à moyens constants ». Plus qualitativement, on note, en général, une satisfaction personnelle assez importante des dirigeants vis à vis de l’expérience de l’international. L’export permet de faire de nouvelles rencontres et de partager son expérience dans un cadre nouveau. Enfin, c’est parfois une source nouvelle d’inspiration. « On ramène de nouvelles idées dans nos valises ». Sur le plan professionnel, la satisfaction en matière de résultats de la démarche export et la perception qu’en ont les artisans est parfois plus contrastée. Cela dit, pour plus de la moitié des entreprises de l’échantillon, l’export reste l’axe principal de leur stratégie de développement et leur objectif stratégique prioritaire. 25 Conclusion : quelles pistes en matière d’appuis et d’accompagnement ? Dans un contexte de relative rareté des connaissances en matière de comportement d’exportation des entreprises artisanales, cette première étape exploratoire avait pour objectif d’apporter des éléments de compréhension et de favoriser l’élaboration d’hypothèses à tester dans le cadre de l’étude quantitative de grande envergure à venir. Les principaux constats montrent que : • Comme dans toutes les problématiques de gestion et de management dans l’artisanat, le dirigeant de l’entreprise joue un rôle très important dans l’export. Son profil conditionne donc certainement la démarche. • Les entreprises qui exportent sont de toute taille, dans des secteurs d’activités variés • L’environnement général agit éventuellement comme un frein à l’export mais il ne peut expliquer à lui seul le fait d’exporter ou pas. • L’export est rarement le fruit d’une démarche volontariste, mais correspond plutôt, au moins au départ, à une réponse aux sollicitations de clients étrangers. Toutefois, audelà d’un certain seuil, et notamment avec l’arrivée de nouveaux propriétaires à la tête des entreprises (repreneurs ou nouveaux associés), la démarche tend à se structurer et l’export à devenir une priorité stratégique. • Que la démarche export soit réactive ou proactive, deux outils semblent privilégiés pour trouver des clients : les salons professionnels et le site Internet. • Les fondements de la réussite à l’export semblent tenir en trois facteurs : o Le savoir faire : la qualité, la rareté, le sur-mesure o L’image (notamment dans le luxe) o La capacité de création ou d’innovation. A ce stade, et selon les dirigeants rencontrés, trois principales pistes d’accompagnement paraissent ressortir : 1. Accompagner les entreprises dans leur structuration commerciale / marketing - Développer davantage les volets amont et aval des dispositifs collectifs d’accompagnement (proposés par les Syndicats professionnels, Chambres consulaires, Ubifrance…) : o En amont : réalisation de diagnostic export, aide à la structuration des projets, accompagnement collectif/individuel à la préparation de salon, o En aval : meilleure sensibilisation à la question de l’après-salon, gestion du suivi client. - Aider les entreprises artisanales à se faire connaître en travaillant sur la promotion des entreprises artisanales françaises à l’international 26 - Mettre en place des dispositifs pour trouver des clients ou des distributeurs à l’étranger (création de bases de données par secteurs d’activité ; recrutement ou meilleure mise à disposition d’interlocuteurs dans les organismes d’accompagnement ; aide à la prospection : identification de marchés potentiels et accompagnement à la recherche de prospects ; pérennisation souhaitée de l’organisation de rencontres avec des clients potentiels en France ou à l’étranger…) 2. Mutualiser certaines ressources pour le développement export - - Créer des structures communes à l’export (ex : mise en place de pépinières avec des chargés de missions export ; mise à disposition de compétences commerciales centralisées), mais pour des artisans ayant bien amorcé leur projet (avec des premiers résultats concrets), voire des expérimentés. Encourager les regroupements d’artisans et développer les participations collectives sur des salons à l’étranger ou sur des opérations de prospection. 3. Veiller à une information plus complète et plus accessible des artisans - sur les aides financières disponibles en matière d’export - sur les problèmes réglementaires des différents pays. Les réglementations sont en effet non seulement très différentes d’un pays à un autre mais aussi très spécifiques au secteur d’activité. Certains artisans se sentent démunis, car ils se retrouvent dans l’impossibilité d’identifier un interlocuteur compétent pouvant répondre à une question précise. Un interlocuteur pouvant servir de relais (indiquant où trouver la bonne source d’information) ou la création de bases de données recensant ces sources d’information seraient utiles. 27 ANNEXE 1 : GUIDE D’ENTRETIEN SUR L’ACTIVITE D’EXPORTATION DES ENTREPRISES ARTISANALES I – PROFIL DU DIRIGEANT Caractéristiques sociodémographiques - Age - Sexe - Nationalité - Milieu d’origine : vos parents sont/étaient ils artisans ou entrepreneurs ? Une partie de votre famille a-t-elle vécu ou vit elle à l’étranger ? Parcours - Formation(s) suivie(s) (générale/technique …) et diplômes obtenus - Connaissance des langues étrangères (lesquelles, niveau de maîtrise écrit/oral…) - Parcours professionnel : grandes étapes du parcours, de la formation à la création/reprise de l’entreprise (quelle situation professionnelle avant la direction de cette entreprise ?). - Expérience acquise au cours de ce parcours professionnel (savoir faire technique, compétences managériales, commerciales et de gestion, expérience de chef d’entreprise…). - Avez-vous vécu des expériences personnelles ou professionnelles à l’étranger qui ont pu vous influencer dans vos pratiques professionnelles actuelles (Où ? Quoi ? Durée...) ? Projet d’entreprendre - Quelles ont été vos motivations à la création ou à la reprise de l’entreprise actuelle ? - Quels sont aujourd’hui, pour vous et votre entreprise, les objectifs à court, moyen et long terme (exemples : cession ou transmission familiale, développement, décroissance, maintien de l’activité….) ? II –L’ENTREPRISE ET SON ENVIRONNEMENT Identification de l’entreprise - Année de création et/ou de reprise de l’entreprise - Code NAF - Localisation(s) géographique(s) (unique ou multiple ?). L’entreprise est-elle située en environnement rural, urbain, périurbain ? - Forme juridique - Effectif et évolution depuis ces 5 dernières années 28 - Chiffres d’affaires + Résultat et leur évolution dans les 5 dernières années (quel est le taux de croissance de l’activité ?)? - Part du CA réalisé à export et évolution sur ces cinq dernières années. Description de l’activité - Quels sont les principaux produits fabriqués et/ou services délivrés ? - Vous considérez-vous présent sur une activité de niche ? - Quelles sont vos ressources et compétences principales (savoir faire, équipement, machines, main d’œuvre….) ? - Avez-vous développé des innovations, déposé des brevets… ? Préciser - Avez-vous développé, structuré, formalisé une démarche commerciale ? - Comment percevez-vous le métier de votre entreprise (rareté, degré de difficulté dans son apprentissage…) et son évolution ? - Quel est le degré de flexibilité de votre outil de production ? - Avez-vous un site Internet ? L’environnement de l’entreprise - Selon vous, votre environnement est il plutôt stable ou instable ? Quelles sont les principales contraintes/menaces auxquelles vous devez répondre ? - Avez-vous identifié récemment des opportunités dans cet environnement (évolutions réglementaires, culturelles, économiques…) ? Est il facile de se développer dans votre activité ? - Avec quel(s) type(s) de clients travaillez vous (donneurs d’ordre, grandes entreprises, PME, particuliers, collectivités…) ? Et quelle part de CA représentent ils respectivement ? Sont ils internationalisés ? Préciser - Avec quel(s) type(s) de fournisseurs travaillez vous ? Sont ils internationalisés ? Préciser - Qui sont vos principaux concurrents (artisans, sous traitants, grandes entreprises, PME…) ? Pouvez-vous approximativement citer le nombre de concurrents locaux, nationaux, internationaux que votre entreprise possède ? Vos concurrents sont-ils internationalisés ? Comment vous positionnez vous par rapport à vos principaux concurrents ? - Quel est le degré d’influence respectif de ces acteurs (clients, fournisseurs, concurrents) sur l’entreprise ? - Y a-t-il d’autres acteurs que vous jugez important pour l’activité de l’entreprise dans votre environnement concurrentiel ? - Quels sont les facteurs clés de succès dans votre activité ? Qu’est ce qui est important aux yeux des clients ? III- LE PROCESSUS D’EXPORTATION - Qu’est ce que l’internationalisation pour vous ? (question générale pour voir si, en dehors de l’exportation, l’entreprise a d’autres pratiques d’internationalisation. Exemple : soustraitance internationale) Objectifs et motivations à l’exportation - Quand avez-vous commencé à exporter ? (Quelle année ? Temps écoulé entre création ou reprise et début de la démarche ?) - Quels ont été les facteurs déclencheurs ? Qui est à l’initiative du processus (à l’intérieur ou à l’extérieur de l’entreprise) ? 29 - Quelles ont été, au départ, vos motivations personnelles et stratégiques (NB : les motivations stratégiques sont davantage liées au développement de l’entreprise) ? - Quels étaient, au départ les principaux freins ou contraintes à l’exportation? - Aviez-vous, au départ, des salariés qui bénéficiaient d’une expérience à l’international ? Pratique de l’exportation - Quelle est la régularité de cette pratique d’exportation ? - Quels sont les pays dans lesquels vous exportez ? - Pouvez-vous dresser une chronologie générale du développement de cette activité d’exportation ? (les grandes étapes datées) Pour chaque pays vers lequel l’entreprise exporte, remplir le tableau ci après à partir des questions suivantes : - Pour quelles raisons avez-vous choisi ce pays ? - Comment avez-vous prospecté dans ce pays ? Quelles ont été les sources d’information utilisées ? Comment avez-vous rencontré vos clients ? Quelle place votre éventuel site Internet a-t-il joué dans ces contacts ? - Quelles ont été les principales étapes de l’exportation vers ce pays ? - Parmi les modalités suivantes lesquelles avez-vous utilisé et pourquoi ? • exportation directe de produits ou de services • exportation indirecte via un agent ou un distributeur local - Quels sont les acteurs clés, internes ou externes à l’entreprise, qui ont participé au processus ? Décrire qui fait quoi entre l’entreprise et ses éventuels partenaires - Quelles ressources et compétences internes avez-vous utilisé pour l’exportation ? - Quelles ressources et compétences vous ont manqué ? Comment vous les êtes-vous procurées ? (développement en interne, acquisition externe, partenariat…) - Quelles ont été les principales difficultés rencontrées ? o Liées au marché : Difficultés économiques : potentiel ou pouvoir d’achat limité Difficultés juridiques : normes, protection industrielle/risques de contrefaçon, barrières douanières, contrats Difficulté d’accès à l’information, impossibilité de trouver le bon partenaire Différences culturelles (comportement d’achat différent) o Liées au produit et à sa production : adaptations à réaliser trop importantes ou techniquement difficiles, capacité de production insuffisante… o Liées aux autres ressources et compétences internes : structure de l’entreprise inadaptée, manque de temps du dirigeant, problème de qualification du personnel (manque d’expérience à l’international, non maîtrise des langues étrangères), manque de ressources financières… 30 Acteurs mobilisés Pays Raisons du choix du pays Modes de prospection et sources d’information utilisés Principales étapes de l’activité export vers ce pays Modalité utilisée (export direct ou indirect) Internes à l’entreprise Externes à l’entreprise 31 Les salons : Avez-vous participé à des salons ? Si oui, lesquels ? Quelle place ces salons ont-ils pris dans votre stratégie export ? Quel jugement portez-vous sur ces salons ? Que vous ont-ils apporté ? Quelles sont leurs limites ? L’accompagnement : Avez-vous bénéficié d’un accompagnement dans votre démarche d’exportation ? Par quelle(s) structure(s) ? CCI, CMA, agence régionale, Ubifrance, Coface, Sidex… Comment ? (Préciser les apports, aides : prospection, recherche de partenaires, aides financières….) Avez-vous été satisfait de l’accompagnement reçu ? Comment jugez-vous son efficacité ? IV - BILAN / RESULTATS Etes-vous en mesure d’estimer les coûts engendrés par cette activité d’exportation ? : - prospection - salons - supports commerciaux - prestations externes : traducteurs/ interprètes, juristes… - adaptation des produits - trésorerie (délais de paiement) - … Comment tout cela a-t-il été financé ? Quels sont les résultats mesurables de votre démarche d’exportation ? - Quels effets sur le chiffre d’affaires et sur l’effectif de l’entreprise ? - Quelle rentabilité des investissements consacrés à l’exportation ? Quel rapport retour/investissement ? Quel délai ? Quels sont les conséquences de votre démarche d’exportation sur : - l’exercice de votre métier ? - l’organisation et la structure de l’entreprise (les achats, la production…) ? - votre portefeuille de ressources et compétences (par exemple, quelles ont été les nouvelles compétences développées) ? - vos produits ? Quel est votre degré de satisfaction vis-à-vis de l’exportation? Les objectifs que vous vous étiez fixés ont-ils été atteints ? Quels enseignements tirez-vous de votre expérience ? - Apprentissage réalisé ? - Compte tenu de votre expérience, quels sont, selon vous les facteurs clés de succès dans l’export ? - L’accompagnement disponible en matière d’exportation vous a-t-il semblé suffisant, adapté ? Sinon comment pourrait-il être amélioré ? - Selon vous y a-t-il une spécificité/particularité de l’exploration en milieu artisanal ? Quels sont vos prochains d’internationalisation ? objectifs en termes d’exportation, Etude « Les entreprises artisanales exportatrices » 2010-2011 Catherine Puthod – Christian Picard - Université de Savoie IUT de Chambéry – Département GACO - IUT d’Annecy - Département GEA - voire 32