Colloque Jacques Cartier

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Colloque Jacques Cartier
Quelques éléments sur le changement climatique
et l’énergie
Henri CHAMBON
I Le changement climatique et le CO2 issu de la combustion d’énergie fossile
Depuis 150 ans, les augmentations de température et de concentration de gaz à effet de serre (GES) principalement CO2 et aussi d’autre gaz tels CH4, N2O - sont très rapides, et ne peuvent être
expliquées que par des rejets de GES liés à l’activité humaine. Le consensus scientifique du Groupe
d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat( GIEC) est donc que l’accroissement des
gaz à effet de serre provoque le changement climatique, et qu’il est urgent de réduire ces émissions.
Le CO2 issu de l’énergie représente 65% des gaz à effet de serre anthropiques, et l’électricité est
responsable de 40% de ces émissions de CO2. Le secteur électrique est donc au centre de la question
des émissions de CO2. Il faut signaler que les centrales au charbon représentent 70% des émissions
du secteur électrique (pour 40% de la production électrique mondiale).
II Etudes prospectives de l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) à horizon
2050
L’intérêt des études prospectives est de donner une vision des marges de manœuvre envisageables à
moyen-long terme, et de comparer l’efficience de différents politiques. A ce titre, elles sont de plus
en plus utilisées au niveau mondial, notamment par l’AIE. Les études prospectives à horizon 2050
permettent d’évaluer les besoins énergétiques mondiaux suivant plusieurs scénarii de développement
énergétique.
Dans un scénario « tendanciel », les évolutions tant au niveau de l’offre que de la demande
n’incluent pas de politique climatique particulière, en dehors d’amélioration continue des rendements
et de l’efficacité de l’ensemble des technologies utilisées.
Dans ce cadre, le caractère « non-soutenable » d’un tel développement est évident : Doublement des
consommations d’énergie et des émissions de CO2 à horizon 2050, triplement des consommations
d’électricité.
Or, à horizon 2050, d’après le GIEC, Il s’agit de diviser par 2 les émissions mondiales de CO2 par
rapport au niveau actuel, alors même que le scénario tendanciel va vers un doublement de ces
émissions. C’est donc un effort de division par 4 (« facteur 4 ») par rapport aux tendances qui est
nécessaire pour limiter l’augmentation des températures à un niveau acceptable ( +2°C).
Des scénarios plus ou moins volontaristes de limitation d’émissions de CO2 sont simulés en incluant
un coût du CO2 émis (en $/TonneCO2) dans les coûts de l’énergie, pour mettre en relief les filières
et technologies à privilégier. Des efforts tant sur la demande (efficacité énergétique accrue) que sur
une offre moins carbonée sont indispensables.
Les études de l’AIE (comme d’autres études, par exemple de la Commission Européenne) soulignent
le rôle majeur de l’électricité dans cette transformation profonde nécessaire : Ce secteur doit tendre
vers le quasi « zéro-émission de carbone » à cet horizon, pour que les émissions totales du secteur
énergétique au niveau mondial puissent être divisés par deux.
En effet, les consommations de gaz (bâtiments, industrie) et de carburants (transport et industrie)
proviennent majoritairement de gaz naturel et de pétrole. Réduire les émissions de CO2 pour ces
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énergies exige une diminution importante des consommations par usage (« efficacité énergétique »),
ou des substitutions sur la même filière (biogaz ou biocarburants) ou par l’électricité (ex : pompes à
chaleur à la place de chaudière à gaz)
Alors que le secteur électrique, outre bien sûr l’efficacité énergétique au niveau de la demande,
dispose d’une palette large de filières pour changer le « mix » de production et réduire ses émissions
de CO2 : technologies matures sans émissions (hydraulique, nucléaire), ou proches de la maturité
(éolien) ou à émissions modérées (cycles combinés à gaz). Il devrait à l’avenir pouvoir disposer plus
amplement, grâce à des efforts accrus de R&D, de technologies en émergence : filières renouvelables
(notamment du soleil, des océans ou de la biomasse), fossiles avec séquestration du carbone
(équipant prioritairement les centrales au charbon, puis à gaz) ou fissiles (nucléaire de génération
IV).
Ces études prospectives indiquent qu’il existe donc des pistes pour réduire les émissions de CO2, si
on leur affecte un coût, mais qu’elles exigent la mise en oeuvre d’une combinaison large de
solutions, tant sur la demande que sur l’offre, où le secteur électrique a une responsabilité et un rôle
déterminants.
III Contraintes financières des scénarios climatiques
Toutefois, ce constat plutôt optimiste doit être fortement tempéré par les financements à mettre en
œuvre :
- D’une part, les capitaux financiers à mobiliser dans l’énergie sont énormes. L’Agence
Internationale de l’Energie estime sur la période 2011-2035 à 1600 Md$/an les
investissements à réaliser au niveau mondial dans son scénario de base (qui intègre déjà
certaines mesure prises par les Etats) dont près de la moitié dans le secteur électrique
(production, transport, distribution).
- Si l’on veut tendre vers un scénario « climatique » de forte réduction des émissions de CO2,
c’est environ 400 Md$/an supplémentaires qu’il importe de mobiliser tant sur l’offre que la
demande. Sur la même période, une économie de 300 Md$/an sur les importations de
combustible fossile pour l’ensemble USA-UE-CHINE-INDE serait alors possible. Des coûts
d’émission du CO2 de 90 à 120 $/tCO2 sont nécessaires pour parvenir à cet objectif.
Les mécanismes de financement à mettre en œuvre (comment faire payer les émissions de CO2 ?
par des taxes ? des mécanismes de « quotas » par installations ?) et l’aide notamment aux pays les
moins développés pour réaliser ces investissements – qui seront en outre les plus touchés par
l’évolution du climat- seront au cœur des discussions de la prochaine COP21
Mais ne rien faire serait catastrophique en terme de dégâts liés au changement climatique.
IV La chimie au cœur de innovations technologiques en jeux
La chimie est indispensable pour lever différents verrous technologiques si l’on veut parvenir à ce
qu’un scénario climatique puisse aboutir.
Quelques exemples très partiels :
- Capture et séquestration du CO2 dans les installations industrielles, en priorité les centrales
au charbon.
- Batteries et moyens de stockage d’énergie.
- Biocarburants de seconde génération issus de biomasse ligno-cellulosiques (déchets agricoles
et forestiers) et non de plantes ou graines comme ceux de première génération.
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