Retour vers le futur - H2O Asset Management

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Retour vers le futur - H2O Asset Management
Lettre mensuelle n°4, avril 2013
Retour vers le futur
Le spectre de 1994
Le krach obligataire de 1994 demeure, dans la mémoire de beaucoup d’investisseurs, le pire
de ce qui peut arriver sur les marchés de taux.
Or, après plus de cinq années de fort recul des rendements, et au vu des niveaux nominaux
historiquement bas atteints en 2012 et des taux réels négatifs dans les principaux pays de
l'OCDE, la tentation est forte d’anticiper un scénario du type de celui de 1994, notamment aux
Etats-Unis dans le sillage de la reprise économique.
Pourtant, l'environnement actuel ne ressemble en rien à celui qui prévalait alors.
La Fed de Ben
Bernanke n’est
pas celle d’Alan
Greenspan
La crise de 1994 a été le produit de surprises sur le plan macro-économique et de la réaction
de la banque centrale américaine à ces dernières. Entre septembre 1992 et février 1994, la lente
reprise US poussa en effet la Fed à maintenir des taux directeurs bas, autour de 3%.
L’accélération de la croissance et des pressions inflationnistes début 1994 incita la banque
centrale à remonter ces derniers de manière brutale (près de 300 points de base en douze mois)
sans y avoir au préalable préparé les marchés. Cette mauvaise communication de la part d’Alan
Greenspan prit beaucoup d’investisseurs par surprise et entraîna une hausse des taux à 10 ans
de 2% et à 30 ans de 1.5% sur l’année.
Les marchés
obligataires
resteront soutenus
par des banques
centrales
durablement
accommodantes
La situation d'aujourd'hui est très différente. Les risques d'inflation à moyen terme sont
faibles, les capacités d'utilisation toujours pléthoriques et la reprise américaine timorée. Mais le
plus important est sans nul doute l'état d'esprit de la Fed qui ne prendra aucun risque, et surtout
pas celui de surprendre, comme en 1994, les acteurs économiques et financiers.
Même si l'inflation progresse quelque peu au cours des trimestres à venir, la communication
de la Réserve Fédérale, à l'instar de celle de la Bank of England, devrait continuer de s’articuler
autour du laisser-faire (benign neglect) pour éviter tout retournement des anticipations à la
hausse des taux et maintenir un environnement de liquidité très abondante. Cette acceptation
temporaire d’une inflation plus élevée réduit d’autant le risque de retrait prématuré de la
liquidité, ce qui devrait prévenir toute chute violente des obligations à l’horizon visible.
La corrélation
entre actifs
risqués et
défensifs
l’emporte
aujourd’hui dans
la détermination
de la prime de
risque
Mais si le risque obligataire est bien identifié, tant par la FeD que par les marchés, un autre
risque, plus subtil, prend de l’ampleur. Au-delà de leur valeur intrinsèque et de la dynamique des
fondamentaux, une nouvelle variable vient aujourd’hui déterminer la prime de risque des actifs,
au point de l’emporter sur les deux premières : la corrélation entre actifs risqués et non-risqués.
Depuis 2008, la surutilisation des modèles de risque et de la Value-at-Risk (VaR) a poussé cette
corrélation vers des niveaux extrêmes. Chaque fois qu’ils investissent sur les actions ou sur du
crédit à haut rendement, les investisseurs diversifiés sont mécaniquement incités à réduire leur
risque de 70 à 80% par l’achat d’obligations. Tandis qu’un actif corrélé a une prime de risque
hypertrophiée, un actif anti-corrélé, comme les obligations gouvernementales du G4, affiche une
prime de risque artificiellement atrophiée, voire négative, du fait d’acheteurs cherchant à
amortir la volatilité de leurs actifs risqués.
De ce fait, les obligations sont aujourd’hui de plus en plus détenues par des investisseurs qui
cherchent à réduire leur volatilité, et de moins en moins par les investisseurs obligataires
traditionnels qui les trouvent trop chères. Au-delà de l'évolution de la dynamique de leurs
fondamentaux, il faut donc aussi s’interroger sur l'évolution de la corrélation avec les actifs
risqués pour se faire une opinion sur les marchés de taux à moyen terme.
H2O Asset Management LLP, 10 Old Burlington Street, London W1S 3AG, United Kingdom, Management Company n°529105 FCA
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Tout va bien tant
que la corrélation
reste très
négative…
Cette corrélation est aujourd’hui très négative, aux environs de -0.8. Dans un premier temps,
l’abondance de liquidité, parce qu’elle soutient tous les actifs, devrait la maintenir autour de ces
niveaux actuels, entretenant ainsi l’idée d’une diversification quasi-parfaite entre actifs risqués
et défensifs.
Or, la roue tourne : cette corrélation négative pousse à plus d’achats d’obligations, ce qui
affaiblit à son tour la corrélation, et ainsi de suite. Sur les douze derniers mois, un portefeuille
composé de 70% d’obligations et de 30% d’actions internationales affiche ainsi une volatilité de
moins de 3%, en baisse tendancielle. C’est la moitié de la volatilité moyenne observée sur les 30
dernières années. Le cercle est vertueux tant que la corrélation reste très négative et que la
volatilité du portefeuille diversifié recule.
…et l’absence de
volatilité finit par
nourrir le risque
futur.
Mais absence de volatilité ne signifie pas absence de risque. Il n’existe pas de 'free lunch' sur
les marchés. Ce que les banques centrales ont donné aux investisseurs, elles le leur reprendront.
Et si les injections récentes de liquidités en repoussent l’échéance, elles en augmentent aussi
l’impact en favorisant l’accumulation de positions reposant sur une corrélation trop extrême
pour être durablement stable.
Lorsque la
liquidité sera
retirée, les
obligations
souffriront, mais
de manière
ordonnée…
Lorsque viendra le temps de la normalisation, les marchés obligataires seront en position de
faiblesse. Ils n’auront été maintenus à flot qu’au prix d’injections massives de liquidités et
afficheront des performances médiocres depuis plusieurs années. Le retrait de la liquidité et/ou
le spectre inflationniste entraîneront alors un ajustement violent des taux d’intérêt impliquant
des performances négatives dont il est difficile d’estimer l’ampleur. Un « black swan » en
somme, sur la seule classe d’actif à ne pas en avoir connu depuis 30 ans.
Si ce risque est bien identifié sur les portefeuilles obligataires, c’est sur les portefeuilles
diversifiés qu’il faut chercher le vrai danger. Ceux-ci aborderont la normalisation en situation de
force. Force des performances, car la liquidité aura dopé la performance de leur composante
risquée alors que leur composante obligataire en aura réduit la volatilité. Force aussi des actifs,
car ils reçoivent aujourd’hui l’essentiel des flux de capitaux, attirés par la performance sans
volatilité. Mais la corrélation entre obligations et actions restera-t-elle alors aussi négative?
Vraisemblablement pas.
…en revanche, les
portefeuilles
diversifiés devront
faire face à des
performances
négatives avec
une volatilité en
forte hausse…
L’histoire montre que, lorsqu’une grande banque centrale normalise sa politique monétaire,
les actifs risqués réagissent toujours mal. En effet, après plusieurs années de calme plat sur les
taux, la capacité des banques centrales à faire face à une résurgence de l’inflation est forcément
mise en doute par les marchés. Or les actifs risqués ne détestent rien de plus que ce genre
d’incertitude. En 1994, comme dans d’autres occasions similaires, les actions ont fortement
corrigé à l’annonce des premières hausses de taux, et ce afin d’offrir une prime face au
« nouveau risque ». La corrélation entre actions et obligations s’est alors totalement retournée,
les deux classes d’actifs baissant de concert. En conséquence de quoi, la volatilité des
portefeuilles diversifiés, jusqu’alors réduite par le comportement opposé des deux classes
d’actifs, s’est vivement redressée. A titre illustratif, une corrélation qui redeviendrait positive,
comme elle le fut le plus souvent jusqu’à la crise de 2008, entrainerait une multiplication par au
moins 3 de la volatilité de ces portefeuilles! Et ce phénomène n’est pas rare : nous en avons eu
plusieurs exemples récents avec le pétrole, l’or ou le franc suisse.
La violence de
l’ajustement
dépendra de la
quantité de
positions
accumulées sur ce
thème
Le risque de re-corrélation est donc bien réel. Après plusieurs années de confort procuré par
l’abondance de la liquidité, des taux bas et de bonnes performances, il pourrait devenir le
cauchemar des allocations diversifiées, et entraîner un mouvement de débouclage dont il est
difficile de prévoir l’ampleur. En tout état de cause, plus l’accumulation de ces stratégies
« diversifiées » se poursuit, plus la correction sera sévère.
Edité à Londres le 29 avril 2013.
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