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Texte intégral
Damascus University Journal, Vol.23 No. (2), 2007
Mayssa Sioufi
L’utilisation de «La Nouvelle» en classe de langue
Dr. Mayssa Sioufi*
Résumé
L’originalité de la nouvelle vient du fait qu’elle constitue un texte
intégral mais court, d’où son importance dans une classe de langue. Sa
dimension permet son exploitation en classe et son intégralité procure à
l’apprenant indépendance et satisfaction. Sans l’intermédiaire de
l’enseignant, l’apprenant dispose de tous les éléments constitutifs du texte et
peut suivre le déroulement total du récit, ce qui est impossible dans le cas de
l’extrait.
Nous avons choisi pour cette présente étude la Nouvelle : « La fenêtre
ouverte » de l’humoriste anglais Hector Hugh Munro (1870-1916),
surnommé « Saki ». Ce pseudonyme « Saki » vient des Rubaïat d’Omar AlKhayyam. Nous présentons par la suite différentes possibilités pour
l’exploiter en classe de langue.
*
Département de Français - Faculté des Lettres- Université de Damas
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L’utilisation de «La Nouvelle» en classe de langue
L’utilisation de «La nouvelle» en classe de langue
«La Fenêtre ouverte» de Saki.
Le statut de la nouvelle:
Dans son article «Approche d’un genre: la Nouvelle»1, Marie-Claudette
Kirpalani rappelle le statut «complexe et mouvant » de la nouvelle. Ce genre
qui « a toujours été et reste mineur»2. Cette infériorité du genre est attribuée à
plusieurs facteurs : la brièveté du texte qui fait croire à l’impuissance de
l’auteur à écrire un texte plus long, ou qui est considérée comme un exercice
ou un bref passage avant de se lancer véritablement dans l’écriture d’un
roman, «En France, la brièveté ne fait pas sérieux!»3. Pourtant des
témoignages d’auteurs montrent qu’ « un sujet s’impose à eux sous la forme
d’un roman ou d’une nouvelle » et disent combien il est difficile d’écrire une
nouvelle!
Cependant, l’originalité de la nouvelle vient du fait qu’elle constitue un
texte intégral mais court, d’où son importance dans une classe de langue4,
plus précisément en FLE. Sa dimension permet son exploitation en classe et
son intégralité procure à l’apprenant indépendance et satisfaction. Sans
l’intermédiaire de l’enseignant, l’apprenant dispose de tous les éléments
constitutifs du texte et peut suivre le déroulement total du récit, ce qui est
impossible dans le cas de l’extrait (ou de l’échantillon !). Or, « un véritable
apprentissage de la lecture passe par une lecture intégrale » comme le fait
bien remarquer Francine Cicurel5, et la lecture littéraire « est justement cette
avancée dans le texte où, petit à petit, le sens est révélé ou donné par la
perception d’indices qui mènent à l’issue. 6»
1
- Pratiques, n° 107-108, décembre 2000.
- Op-cit, p. 174.
3
- Ibid.
4
- Le Français aujourd’hui, septembre 1989, n°87 (numéro spécial intitulé : la Nouvelle).
5
- Francine Cicurel, Lectures interactives en langues étrangères, Hachette FLE, 1991, p.130.
6
- Ibid., p. 130.
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Un autre avantage de la nouvelle est qu’elle comporte normalement un
schéma narratif accessible, une structure événementielle, un suspense « de
façon à maintenir l’attention et la motivation du lecteur. Celui-ci, au début de
son apprentissage, sera plus sensible à la structure événementielle qu’à
l’écriture, en raison d’une compétence linguistique encore lacunaire.7»
Nous proposons pour cette présente étude la nouvelle: «La fenêtre
ouverte8» de « Saki 9» en exposant différentes possibilités pour l’exploiter en
classe de langue. Après avoir effectué un premier travail de repérage de la
division et du découpage du texte, nous indiquons plusieurs pistes à suivre
(que nous appelons « Fiches »). Il est évident que le professeur n’utilisera
jamais toutes ces possibilités à la fois, il choisira par contre celle qui
correspond en premier lieu à ses objectifs fixés d’avance et, en second lieu,
au niveau de ses élèves.
La première fiche : est un travail sur la compréhension. Elle comporte
essentiellement :
- des questions sur la compréhension (questions ouvertes, questions
fermées10).
- des questions à choix multiples (QCM).
7
- Ibid..
- Cette nouvelle a été choisie par une équipe de chercheurs universitaires (le laboratoire
LIDILEM de l’Université de Grenoble III et de la MAFPEN de l’Académie de Grenoble) qui
avait comme objet de « recueillir des données sur les produits des lectures individuelles
d’élèves de collèges ». Voir ELA, n°119, p. 345. Publiée pour la 1ère fois en 1914 in Beasts
and SuperBeasts, traduite en français en 1933, elle fait partie d’un recueil de nouvelles qui
porte le même nom.
9
- De son vrai nom ; Hector Hugh Munro (1870-1916), humoriste anglais. Son pseudonyme
“Saki” vient des Rubaïyat d’Omar Al-Khayyam dans lesquels « Saki » est l’échanson « ‫»اﻟﺴﺎﻗﻲ‬.
10
- La question totale ou la question fermée, «ne demande de l’interlocuteur qu’une simple
confirmation ou qu’une simple infirmation » (G. D. de Salins, Grammaire pour
l’Enseignement/Apprentissage du FLE, Didier/Hatier, 1997, p. 84. Cela veut dire une réponse
par oui ou non. La question partielle ou la question ouverte « ne contiennent que le thème et
qu’il faut donc attendre la réponse pour obtenir une information sur le propos», De Salins, p85.
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- des questions de repérage (du genre : trouvez la phrase ou les phrases
qui montrent que…).
La deuxième fiche : est un travail sur le scénario et l’anticipation, elle
nécessite :
- le découpage en situation.
- la présentation de chaque situation à part.
- l’anticipation sur la suite (que va-t-il se passer ?).
La troisième fiche : est un travail sur les procédés de la narration :
- le schéma narratif.
- la conversation, le dialogue, le discours rapporté…
- Cependant je souhaite mettre en évidence quelques réflexions avant de
commencer véritablement mon analyse:
- Le choix de cette nouvelle en particulier, résulte simplement d’un coup
de cœur! C’est ce type d’attirance qu’on éprouve pour un texte en particulier!
Tout autre texte sera également le bienvenu, c’est au professeur qu’incombe
la responsabilité de choisir le texte/véhicule qui servira ses objectifs et
répondra le mieux au niveau et aux besoins de ses élèves/apprenants.
- Le texte que j’ai choisi s’adresse plus particulièrement aux apprenants
de niveau intermédiaire ou avancé. Le niveau est déterminé par la longueur et
le degré de difficulté que présente le texte choisi. Par conséquent, un texte
plus court et plus facile conviendrait mieux aux niveaux moins avancés. Je
propose comme exemple dans l’annexe, à la fin de l’article, deux textes
courts susceptibles d’intéresser un autre public. Cependant, l’enseignant peut
à chaque moment « réduire les zones d’inconnu » en donnant à l’avance
quelques explications sur le genre du texte par exemple, sur son époque, son
auteur... Et pourquoi pas, un mini-lexique dans lequel il donne le sens des
mots qu’il estime difficiles ?
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- Je n’ai ni l’intention ni la possibilité (dans le cadre restreint de cette
présente étude) de mettre en œuvre toutes les possibilités offertes pour
exploiter un texte littéraire. J’ai choisi d’arpenter quelques pistes seulement
et j’ai certainement négligé beaucoup d’autres. Mon objectif est de pousser
les apprenants à interagir avec le texte littéraire.
- L’étude de la nouvelle en classe de FLE peut mobiliser plusieurs
compétences, c’est au professeur encore une fois de jouer ses cartes en
fonction des compétences visées et des compétences attendues. Dans notre
cas, nous avons favorisé la carte de la compréhension et de l’expression
écrites, puisqu’il s’agit avant tout de lire un texte littéraire et de le
comprendre. On vérifie cette compréhension par une série de questions. Ce
premier travail de compréhension donnera lieu à un autre travail d’expression
écrite, si l’enseignant choisit de travailler les procédés de la narration par
exemple. Par contre, le travail sur le scénario et l’anticipation peut engendrer
un dynamisme de classe et une interactivité, les apprenants émettent et
échangent leurs hypothèses qui peuvent changer à chaque instant le
déroulement de la narration (je ne vais pas interdire la parole en classe, soidisant parce que je travaille l’expression écrite !) Le retour à l’expression
écrite s’effectue en demandant aux apprenants de proposer un autre
dénouement par exemple, d’écrire, en quelque sorte, leur propre nouvelle.
Je ferme cette longue parenthèse pour revenir à la nouvelle qui fait
l’objet de notre étude.
La Fenêtre ouverte
« Ma tante descend tout de suite, M. Nuttel, dit une jeune personne de quinze
ans pleine d’assurance ; en attendant, vous allez devoir vous contenter de moi. »
Framton Nuttel cherchait ce qu’il pourrait bien dire de flatteur pour la nièce en
attendant la venue de la tante. Dans son for intérieur, il doutait plus que jamais de
l’utilité que pouvaient présenter ces visites protocolaires à une série de parfaits
étrangers pour la cure de repos qu’il était censé entreprendre.
« Je sais ce que ce sera », lui avait dit sa sœur, alors qu’il se préparait à émigrer
vers cette retraite campagnarde ; « tu vas t’enterrer sans parler à âme qui vive, et tu
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n’en auras les nerfs que plus délabrés à force de broyer du noir. Je vais te donner des
lettres d’introduction pour tous les gens que je connais là-bas. Certains d’entre eux,
pour autant que je me souvienne, étaient très gentils ».
Framton se demanda si Mrs Sappleton, la dame à laquelle il venait présenter
une de ces lettres d’introduction, se classait dans la catégorie des gens charmants.
« Vous connaissez beaucoup de monde ici ? demanda la nièce quand elle estima
qu’ils avaient passé assez de temps en communion silencieuse.
- Pour ainsi dire personne, répondit Framton. Ma sœur a séjourné ici, au
presbytère, il y a quatre ans…
- Alors, vous ne savez pratiquement rien de ma Tante, Mrs Sappleton ? reprit la
jeune personne pleine d’assurance.
- Seulement son nom et son adresse », avoua son visiteur. Il se demandait si elle
était mariée ou veuve. Il ne savait quoi d’indéfinissable dans la pièce suggérait une
présence masculine.
« La grande tragédie qui l’a frappée s’est produite il y a juste trois ans, reprit
l’enfant, donc après le séjour de votre sœur.
- La tragédie ? » demanda Framton. Dans ce paisible trou de campagne, la
notion de tragédie lui paraissant déplacée.
« Vous vous demandez peut-être pourquoi nous laissons cette fenêtre grande
ouverte par un après-midi d’octobre, dit la nièce, en désignant une grande portefenêtre qui donnait sur une pelouse .
- Il fait très doux pour cette époque de l’année, dit Framton. Mais cette porte at-elle un rapport avec la tragédie ?
- C’est par cette porte-fenêtre que, voilà trois ans jour pour jour, son mari et ses
deux jeunes frères sont partis pour la chasse. Ils ne sont jamais revenus. En traversant
le marais pour se rendre à leur emplacement favori, ils se sont tous les trois enlisés
dans les sables mouvants ; nous avions eu un été terriblement pluvieux, vous vous
souvenez, et des endroits, qui ne présentaient aucun danger les autres années,
cédaient soudain sous les pas. On n’a jamais retrouvé leurs corps, c’est ce qu’il y a
d’affreux » ; la voix de la jeune personne perdit son assurance et devint frémissante.
« Ma pauvre Tante croit toujours qu’ils vont revenir un jour, eux, et le petit épagneul
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brun qui les accompagnait, et qu’ils vont rentrer par cette porte comme ils le faisaient
tous les jours.
C’est pourquoi elle reste ouverte chaque soir jusqu’à la tombée de la nuit.
Ma pauvre chère Tante, elle m’a souvent raconté comment ils étaient partis, son mari
avec son imperméable blanc sous le bras, et Ronnie, son plus jeune frère, chantant
« Bertie, pourquoi sautes-tu » comme il le faisait toujours pour la taquiner, car elle
disait que cette chanson l’agaçait. Vous savez, par des soirs calmes et tranquilles
comme aujourd’hui, j’ai presque l’affreuse impression qu’ils vont tous rentrer par
cette porte… »
Elle s’interrompit en frissonnant. Framton fut soulagé de voir la tante
déboucher dans la pièce en s’excusant mille fois de l’avoir fait attendre.
« J’espère que Véra vous a bien tenu compagnie ? dit-elle .
- Elle m’a beaucoup intéressé, dit Framton.
- J’espère que cette porte ne vous gêne pas, dit-elle d’un ton guilleret. Mon mari
et les frères vont rentrer de la chasse et ils passent toujours par là. Ils sont allés tirer
le canard dans les marais, alors à leur retour ils saccageront mes pauvres tapis. Vous,
les hommes, vous êtes bien tous les mêmes, n’est-ce pas ? »
Elle continua à parler gaiement de chasse, de la rareté des canards et des
perspectives qui s’offraient pour l’hiver. Framton trouvait cela purement et
simplement horrible. Il s’efforça désespérément, mais sans y parvenir tout à fait, de
détourner la conversation vers un sujet moins macabre ; il se rendait compte que son
hôtesse ne lui accordait qu’une partie de son attention, et qu’elle regardait sans cesse
vers la porte-fenêtre ouverte sur la pelouse. C’était une bien fâcheuse coïncidence
qu’il eût justement choisi pour faire sa visite ce tragique anniversaire.
« Les médecins m’ont ordonné le repos complet, m’ont interdit tout énervement
et m’ont conseillé d’éviter tout exercice physique violent, annonça Framton, qui était
victime de l’illusion communément répandue que de parfaits étrangers sont avides de
connaître dans leurs moindres détails nos maladies et nos infirmités, leur origine et
leur traitement. En ce qui concerne le régime, leur accord n’est pas aussi complet,
reprit-il.
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- Ah non ? » dit la Tante, étouffant in extremis un bâillement. Son attention
parut soudain se réveiller. Mais ce n’était pas ce que disait Framton qui en était la
cause.
« Les voilà enfin ! s’écria-t-elle. Juste à temps pour le thé, et crottés comme
des barbets ! »
Framton eut un bref frisson et se tourna vers la nièce, d’un air compatissant.
L’enfant regardait par la porte ouverte, les yeux agrandis par l’horreur. Saisi d’une
terreur indicible, Framton se retourna sur son siège et regarda dans la même
direction.
Dans le crépuscule qui tombait, trois silhouettes traversaient la pelouse et se
dirigeaient vers le salon ; les trois hommes portaient un fusil sous le bras, et l’un
d’eux avait en outre un imperméable blanc jeté sur les épaules. Un épagneul brun
trottait sur leurs talons. Ils approchèrent sans bruit de la maison, puis une voix jeune
et un peu rauque se mit à chanter : « Dis-moi Berthie, pourquoi sautes-tu ainsi ? »
Framton ramassa fébrilement sa canne et son chapeau ; la porte du vestibule,
l’allée de graviers et la grille du jardin furent autant d’étapes qu’il remarqua à peine
dans sa fuite précipitée. Un cyclise qui débouchait sur la route dut se jeter dans le
fossé pour éviter une collision imminente.
« Nous voilà, ma chère, dit l’homme à l’imperméable blanc, en entrant par la
porte-fenêtre. Un peu crottés, mais à peu près secs. Qui était-ce donc qui a décampé
ainsi quand nous arrivions ?
- Un homme tout à fait curieux, un certain M. Nuttel. Il n’a parlé que de ses
maladies, puis il a filé sans dire au revoir ni s’excuser quand vous êtes arrivés ?
Comme s’il a vu un fantôme.
- Ce devait être l’épagneul, expliqua calmement la nièce ; il m’a dit qu’il avait
horreur des chiens. Il a été un jour poursuivi dans un cimetière quelque part sur les
rives du Gange par une meute de chiens parias, et il a dû passer la nuit dans une
tombe fraîchement creusée tandis que ces horribles bêtes grondaient, montraient les
dents et bavaient juste au-dessus de lui. Il y a de quoi vous faire perdre votre sang
froid. »
Car l’improvisation romanesque était chez elle une spécialité.
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Saki ; La Fenêtre ouverte, Col 10/18, 2005 (pp13-17).
Pour préparer l’étude de ce texte :
Le repérage de la division typographique du texte :
- le texte se compose de 29 paragraphes (répliques) identifiables par
les alinéas. Ils se présentent de trois manières :
o Des phrases mises entre guillemets « ».
o D’autres qui commencent sans aucun signe de ponctuation
particulier (outre l’alinéa).
o Des répliques qui commencent par un petit trait - .
Cette différence dans la présentation est signe de polyphonie dans le
texte. Elle nous indique la présence de plusieurs voix. Nous sommes en face
de dialogues, de discours direct ou rapporté.
Le découpage du texte :
Nous pouvons diviser ce texte en 3 parties ou trois séquences :
Première partie :
- Délimitation : de « Ma tante descend tout de suite, M. Nuttel, dit une
jeune personne de quinze ans… » jusqu’à « Framton fut soulagé de voir la
tante déboucher dans la pièce en s’excusant mille fois de l’avoir fait
attendre ».
-
Contenu événementiel :
o La rencontre entre Véra et M. Nuttel.
o La première improvisation de Véra concernant la fenêtre ouverte, la
tragédie et les trois chasseurs portés disparus.
o A remarquer : la citation et le discours rapporté par un narrateur
omniscient qui ne se contente pas de décrire le personnage mais semble
connaître l’intériorité de ce personnage : « une jeune personne de quinze ans
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L’utilisation de «La Nouvelle» en classe de langue
pleine d’assurance…, la notion de tragédie lui paraissant déplacée… ». Un
narrateur omniprésent, qui interfère dans toutes les répliques (excepté la
réplique n° 27) : «dit une jeune personne, demanda la nièce, répondit
Framton, reprit la jeune fille…).
Deuxième partie :
- Délimitation : de « J’espère que Véra vous a bien tenu compagnie ?
dit-elle. » jusqu’à «Les voici enfin ! s’écria-t-elle. Juste à temps pour le thé,
et crotté comme des barbés !».
-
Contenu événementiel :
o L’arrivée de la tante, et la rencontre avec M. Nuttel.
o L’histoire de la fenêtre ouverte et des trois chasseurs attendus.
o Le malentendu issu de la superposition des deux versions : la version
de la tante et celle racontée par Véra .
o Le départ précipité de M. Nuttel et sa frayeur.
o A remarquer : la présence du narrateur et le discours rapporté.
Troisième partie :
o Délimitation : de « Framton eut un bref frisson et se tourna vers la
nièce, d’un air compatissant » jusqu’à « Car l’improvisation romanesque était
chez elle une spécialité ».
-
Contenu événementiel :
o L’arrivée des chasseurs comme prévu.
o La deuxième improvisation de Véra et son explication de la fuite de
M. Nuttel.
o A remarquer : l’explication du narrateur (superposition du plan de
la vérité et du mensonge et la justification du mensonge de Véra).
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Le titre et ses récurrences dans les différentes parties :
-
Le titre : « La Fenêtre ouverte ».
- La première partie : «Vous vous demandez peut-être pourquoi nous
laissons cette fenêtre grande ouverte». «- C’est par cette porte-fenêtre que,
voilà trois ans jour…» «… ils vont rentrer par cette porte comme ils le
faisaient tous les jours. C’est pourquoi elle reste ouverte ….» «j’ai presque
l’affreuse impression qu’ils vont tous rentrer par cette porte…».
- La deuxième partie : « - J’espère que cette porte ouverte ne vous
gêne pas » « Mon mari et les frères vont rentrer de la chasse et ils passent
toujours par là. »
- La troisième partie : « L’enfant regardait par la porte ouverte, les
yeux agrandis par l’horreur. Saisi d’une terreur indicible, Framton se retourna
sur son siège et regarda dans la même direction. »
Il est évident que cette fenêtre ouverte joue un rôle important dans ce
récit elle est mentionnée plusieurs fois et de différentes manière. Elle est : la
fenêtre ouverte, la porte-fenêtre, cette porte, la porte ouverte, par là, dans la
même direction.
Suggestions pour le travail en classe :
Trois types d’exploitation sont possibles : Travail sur la compréhension.
Travail sur le scénario et l’anticipation. Travail sur les procédés de la
narration.
Fiche I
Travail sur la compréhension
Ce travail peut se faire par des questions de compréhension ou (et) par
un Q.C.M. ou (et) par le repérage de passages choisis. Il porte
essentiellement sur la structure événementielle, les protagonistes de l’histoire
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(qui ?), leurs actions (quoi ?), le temps et le lieu de l’action (quand ? où ?),
les conséquences et les causes de leurs actions11.
Répondez aux questions suivantes :
1) Quel est le nom de « la jeune personne de quinze ans » qui est « pleine
d’assurance » ? (Véra.)
2) Pourquoi reçoit-elle M. Nuttel ? (En attendant l’arrivée de sa tante.)
3) Quel est le prénom de M. Nuttel ? (Framton.)
4) A quoi sert « une lettre d’introduction » ? (A présenter une personne à
une autre.)
5) Comment s’appelle la tante ? (Mrs Sappleton.)
6) Est-ce que M. Nuttel a déjà rencontré la tante ? (Non.)
7) D’après Véra pourquoi la fenêtre reste ouverte ? (C’est l’anniversaire
d’une tragique disparition.)
8) D’après la tante pourquoi cette fenêtre est ouverte ? (Elle attend son mari
et ses deux frères qui sont allés chasser.)
9) Pourquoi la tante ne prêtait pas toute son attention à M. Nuttel ? (il
l’ennuie par ses histoires, elle attend le retour des trois chasseurs.)
10) Pourquoi M. Nuttel est parti précipitamment ? (Il a cru voir des
fantômes)
11) Est-ce que Véra a menti ? (oui.)
12) Pourquoi elle a menti ? (Elle aime raconter des
« L’improvisation romanesque était chez elle une spécialité.)
11
histoires :
- Voir Lectures interactives en langue étrangère de Francine Cicurel, p. 50.
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Choisissez la bonne réponse :
1- La jeune fille pleine d’assurance est : a) la servante de Mrs Sappleton b)
la nièce de Mrs Sappleton c) la sœur de Mrs Sappleton
2- Le prénom de M. Nuttel est : a) Framton
3- La sœur de M. Nuttel :
b) Sappleton
c) Ronnie
a) habite le village b) travaille au village
c) a habité ce village
4- La fenêtre est ouverte parce que :
a) on attend le retour de quelqu’un
b) il fait chaud c) c’est un tragique anniversaire
5- Les trois chasseurs sont : a) portés disparus
6- Ronnie :
b) morts et enterrés
c) attendus pour ce soir
a) porte un imperméable blanc b) aime chanter
c) chante pour agacer la tante
c’est
un
triste
7- D’après vous M. Nuttel regrette sa visite car : a)
anniversaire
b) il n’aime pas Véra c) la tante ne l’écoute pas
8- M. Nuttel :
a) a vu trois chasseurs
c) a cru voir trois fantômes
b) a vu trois fantômes
9- M. Nuttel :
a) a peur des chiens
b) aime les chiens
c) a peur des fantômes
10- Véra a raconté : a) la vérité
b) un mensonge
c) une histoire fantastique
Trouvez dans le texte la (ou les) phrase(s) qui montre(ent)
que:
- Véra est une bonne actrice qui joue de sa voix et des expressions de son visage.
(pleine d’assurance, la voix de la jeune fille perdit son assurance, elle s’interrompit
en frissonnant, l’enfant regardait par la porte ouverte les yeux agrandis par
l’horreur…)
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L’utilisation de «La Nouvelle» en classe de langue
- Framton estime que la campagne est un endroit paisible. (Dans ce paisible trou de
campagne, la notion de tragédie lui paraissant déplacée.)
- La discussion de Framton ennuie la tante. (Ah non ? dit la tante, étouffant in
extremis un bâillement…)
- Framton parle de lui pour changer le sujet de la conversation. (Il s’efforça
désespérément, mais sans y parvenir tout à fait, de détourner la conversation…)
- Framton a pitié de la tante. (Framton eut un bref frisson et se tourna vers la nièce,
d’un air compatissant.)
- Véra raconte des mensonges. (Ce devait être l’épagneul, expliqua calmement la
nièce…, l’improvisation romanesque était chez elle une spécialité.)
Fiche II
Travail sur le scénario et l’anticipation
Le principe est de faire travailler les apprenants à partir d’un scénario ou
d’une situation donnée, les inviter à formuler des hypothèses sur chaque
situation, à étudier toutes les éventualités et les possibilités que le texte est
capable d’offrir. L’objectif est d’anticiper, d’intervenir, et de modifier même
le cours de la narration. Pour ce faire le texte est découpé en trois situations,
après la lecture de chaque situation, les apprenants sont invités à compléter, à
imaginer le déroulement des événements. La lecture de la deuxième situation
permet d’ajuster les hypothèses émises à la lecture de la première situation et
aide à prévoir le scénario de la situation qui va suivre et ainsi de suite12.
Première partie
La situation :
12
-
Un homme rend visite à une dame qui habite à la campagne.
-
La dame est occupée c’est sa nièce qui le reçoit.
-
La nièce raconte une histoire à propos d’une fenêtre ouverte.
- Voir Fracine Cicurel, Lectures interactives, « Les scénarios et les hypothèses », p. 137.
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- L’histoire est la suivante : c’est le 3ème anniversaire d’une tragédie, la
disparition du mari de la tante et de ses deux frères.
Que va-t-il se passer ?
- L’homme s’excuse, s’en va et décide de revenir un autre jour.
- L’homme reste, attend la tante et lui pose des questions sur la tragédie.
- L’homme décide de rester mais évite d’aborder le sujet de la tragédie avec
la tante.
Deuxième partie
La situation :
- La tante arrive et reçoit son visiteur.
- La tante explique la raison pour laquelle la fenêtre reste ouverte.
- L’homme trouve que le sujet est macabre et que la tante est perturbée par la
tragédie, il essaie alors de trouver d’autres sujets de conversation.
- La dame annonce l’arrivée des trois chasseurs.
Que va-t-il se passer ?
- L’homme essaie d’expliquer à la dame qu’elle se trompe.
- L’homme s’en va et demande à la nièce de s’occuper de sa tante.
- L’homme regarde la porte pour s’assurer du retour des hommes disparus il
y a trois ans.
Troisième partie
La situation :
- L’homme se tourne vers la nièce en signe de sympathie, il a pitié pour la
tante.
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- L’homme voit le visage horrifié de la jeune fille et regarde dans la même
direction qu’elle.
- L’homme voit trois fantômes entrer par la porte, leur signalement
correspond à celui donné par la nièce.
- L’homme prend peur et s’enfuit en bousculant un cycliste sur son chemin.
Que s’est-il passé ?
- Les hommes sont rentrés de la chasse.
- M. Nuttel les a pris pour des fantômes parce qu’il a cru au mensonge
raconté par la nièce. Pris de panique il s’enfuit à toute vitesse.
Que va-t-il se passer ?
- Véra avoue qu’elle a raconté une histoire pour s’amuser et pour faire peur
au visiteur.
- Véra se tait et fait semblant de ne rien savoir.
- Pour justifier le départ précipité de M. Nuttel, Véra invente une autre
histoire, un autre mensonge.
Fiche III
Travail sur les procédés de la narration13
Le schéma narratif :
Le texte de cette nouvelle consiste en un discours et un récit, et se
départage entre deux narrateurs. Pour des questions de commodité
j’appellerai le premier « conteur » et le second « narrateur ». Le conteur
raconte une histoire dont il est témoin, et entreprend un discours adressé à un
13
- « La nouvelle se prête plus aisément à la lecture et à la compréhension que le roman car
elle comporte peu d’éléments qui décentreraient l’attention de l’action principale. » F. Cicurel,
Lectures interactives en langues étrangères, p. 145.
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destinataire présent. Leur discours sera rapporté14 par un « narrateur » qui
semble bien connaître le conteur et ses différentes intentions. Nous pouvons
présenter ce schéma narratif de la manière suivante15 :
- Un « je » producteur de l’acte de langage : « ma tante, vous contenter de
moi ».
- Le « je » producteur de parole s’adresse à un « vous » destinataire : « Vous
allez devoir vous contenter de moi. Vous connaissez beaucoup de
monde… ».
- « Je » utilise une stratégie pour produire certains effets de convictions sur
« vous ». Son objectif est de fabriquer une image du réel .
- Un narrateur (un énonciateur) qui rapporte le discours et s’adresse
indirectement au lecteur (destinataire supposé de la narratologie).
Suggestions pour travailler les procédés de la narration:
1) Repérage des différentes répliques (29 répliques).
2) Repérage du discours rapporté dans chaque réplique : faire remarquer
la présence de deux modes d’expression à l’intérieur de la même réplique. Le
narrateur utilise la citation d’une façon assez libre en utilisant les guillemets
pour introduire la conversation entre les différents personnages, et en les
enchâssant par la suite dans son propre récit (nous avons donc affaire à de
véritables dialogues à l’intérieur du récit). On remarque la présence du
narrateur par des « procédés introducteurs16 » tels que les verbes du dire :
« dit une jeune personne », « demanda la nièce », « répondit Framton »,
« reprit la jeune personne », « avoua son visiteur »…
14
- Pour le discours rapporté j’adopterai la définition de P. Charaudeau : «Le discours rapporté
qui convoque dans le texte produit le texte d’un autre acte d’énonciation et signale de façon
plus ou moins explicite que cet acte de discours appartient à un autre sujet annonçant. »
Langage et discours, Hachette université, 1983, p. 64.
15
- Voir « L’acte de langage comme mise en scène », Charaudeau, Langage et discours, pp
37-57.
16
- F. Cicurel : « Le texte à plusieurs voix » in Lectures interactives, pp 110-122.
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L’utilisation de «La Nouvelle» en classe de langue
Exemples : « Ma tante descend tout de suite M. Nuttel / dit une jeune
personne de quinze ans pleine d’assurance / en attendant, vous allez devoir
vous contenter de moi. »
« Vous connaissez beaucoup de monde ici ? / demanda la nièce quand
elle estima qu’ils avaient passé assez de temps en communion silencieuse/ .
- Pour ainsi dire personne,/ répondit Framton /. Ma sœur a séjourné ici…
3) Les trois récits de la nouvelle (il s’agit de récits dans le récit):
a. Le récit que raconte le narrateur ; la visite de M. Nuttel a Mrs Sappleton et
sa rencontre avec sa nièce Véra.
b. Le premier récit que raconte Véra (le narrateur/conteur). La réplique 11
« C’est par cette porte-fenêtre que, voilà trois ans jour pour jour, son mari
et ses deux frères sont partis pour la chasse. (…) j’ai presque l’affreuse
impression qu’ils vont rentrer par cette porte… »
c. Le deuxième récit de Véra : « Ce devait être l’épagneul, expliqua
calmement la nièce (…) Il y a de quoi vous faire perdre votre sang-froid. »
4) Comparaison des différentes modes d’expression : différence entre
discours direct et discours rapporté
Eléments de comparaison
Enonciateur
Les pronoms utilisés
Les temps utilisés
Discours direct
Personnages du récit (Véra,
M. Nuttel, la tante, le mari
de la tante, Ronnie
Je, vous, nous, elle, ils
Essentiellement le présent
et le passé composé
Discours rapporté
Le narrateur du récit
Troisième personne du
singulier ou du pluriel
Les trois temps du passé :
passé simple, l’imparfait
et le plus que parfait
Remarque : nous pouvons signaler à ce niveau les repères temporels qui
changent selon qu’il s’agit d’un discours ou d’un récit : ici ⇒ là, maintenant
⇒ alors, aujourd’hui
⇒ le jour, hier ⇒ la veille, demain ⇒ le
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Mayssa Sioufi
lendemain, la semaine prochaine ⇒ la semaine suivante, il y a trois jours
⇒ trois jours avant…17
Suggestions pour travailler la trame narrative
La nouvelle comme la définit Francine Cicurel est « un récit bref, de
quelques pages elle comporte généralement un temps fort autour duquel
s’organisent les différents éléments du récit. Celui-ci gravite autour d’un fait
unique qui a un rôle central (…). On entre rapidement dans le sujet, l’intrigue
va vers le moment paroxystique et la fin ménage son effet de surprise.18 »
A partir de cette constatation, elle propose en premier lieu de repérer les
grandes étapes de la narration. L’objectif est de constituer des noyaux qui
serviront de points de repères à la compréhension du récit :
-
l’Etat initial
-
la Complication
-
la Résolution
-
le Dénouement
Le rôle de l’enseignant sera de déterminer ces étapes successives et de
proposer des activités autour de « ces blocs narratifs » selon l’expression de
Cicurel elle-même. Ce travail de repérage nous conduira au schéma suivant :
Etat initial : M. Nuttel entreprend une cure de repos à la compagne et
décide de rendre visite à une certaine Mrs. Sappleton.
Complication : la dame est occupée, sa nièce Véra recevra M. Nuttel en
attendant.
Conséquences : Véra commence à raconter des histoires mensongères à
propos d’une tragédie familiale concernant le mari de la tante et ses deux
frères.
17
18
- Charaudeau, Langage et discours.
- F. Cicurel, Lectures interactives en langues étrangères, p. 145.
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L’utilisation de «La Nouvelle» en classe de langue
Résolution : la tante arrive enfin, mais complètement accaparé par les
mensonges de Véra, M. Nuttel s’enfuit à la vue des trois hommes supposés
morts.
Dénouement : Véra justifie son départ et répond aux questions
soulevées par ce départ précipité en inventant d’autres mensonges. C’est
qu’elle aime raconter.
Ainsi s’achève notre démarche (marche) sur les chemins de la
compréhension, de la reconstitution, de l’interprétation, et de la production
du sens. Dans laquelle nous avons mis à l’épreuve un genre littéraire
spécifique : la nouvelle, et durant laquelle nous avons arpenté plusieurs pistes
possibles afin de montrer la flexibilité de ce genre, sa capacité de donner lieu
à différents types d’exploitation en classe de FLE, et de répondre en
définitive aux consignes et activités que demande tout enseignant de langues
étrangères à ses élèves/étudiants à l’issue d’une lecture littéraire à savoir :
une demande de lire, une demande de faire, une demande de dire, de
reconnaître, d’anticiper, de localiser, de classer et d’établir des rapports…19
Annexe
Tiennette perdue
Tiennette sort, s’il lui plaît, va où elle veut, ne se promène pas, semble
toujours fuir.
Ce matin, comme elle a quitté la maison depuis une heure d’horloge, elle
s’arrête et dit :
« Mon Dieu ! je me suis perdue ! »
Elle regarde, réfléchit, se cherche, troublée.
19
- Voir Francine Cicurel, Lectures interactives en langues étrangères, pp. 55-56.
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La campagne disparaît sous la neige. Les arbres en ont plein leurs
branches ; on dirait que celui-là s’est vêtu comme un voyageur qui attend sa
diligence.
Mais Tintinette remarque sur la neige ses propres traces toutes fraîches,
et l’idée de se suivre, pour se retrouver.
Tantôt elle pose doucement ses pieds au creux de ses pas, et si d’autres
traces croisent les siennes, elle se baisse et les démêle. Tantôt elle court, hors
d’haleine, avec des loups dans le dos.
Quand elle arrive au village et reconnaît sa maison parmi les formes
accroupies :
« J’ai dû simplement rentrer », pense-t-elle.
Elle ne se hâte plus. Elle respire, ôte son inquiétude comme un châle
trop lourd de ses épaules, pousse la porte et dit, l’esprit calmé :
« J’en étais sûre : me voilà ! »
Le casseur de pierres
Le renseignement
« Pardon, mon ami, combien faut-il de temps pour aller de Corbigny à
Saint-Révérien ? »
Le casseur de pierres lève la tête et, pesant sur sa masse, m’observe à
travers le grillage de ses lunettes, sans répondre.
J’ai répété la question. Il ne répond pas.
« C’est un sourd-muet », pensé-je, et je continue mon chemin.
J’ai fait à peine une centaine de mètres, que j’entends la voix du casseur
de pierres. Il me rappelle et agite sa masse. Je reviens et il me dit :
« Il vous faudra deux heures.
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L’utilisation de «La Nouvelle» en classe de langue
- Pourquoi ne me l’avez-vous pas dit tout de suite ?
- Monsieur, m’explique le casseur de pierres, vous me demandez
combien il faut de temps pour aller de Corbigny à Saint-Révérien. Vous avez
une mauvaise façon d’interroger les gens. Il faut ce qu’il faut. Ça dépend de
l’allure. Est-ce que je connais votre train, moi ? Alors je vous ai laissé aller.
Je vous ai regardé marcher un bout de route. Ensuite j’ai compté, et
maintenant je suis fixé ; je peux vous renseigner : il vous faudra deux
heures. »
Jules Renard, La Lanterne sourde, Mercure de France. Le petit mercure,
collection animée par Colline Faure-Poirée, 1997.
A - Le sujet :
Tiennette perdue : perdition / retrouvaille
Le casseur de pierres : demande de renseignement / réponse
B- Les personnages :
Tiennette perdue : Tiennette, le narrateur.
Le casseur de pierres : le casseur de pierre, le narrateur.
C- Le schéma narratif :
Tiennette perdue :
- Etat initial : Tiennette va se promener.
- Complication : elle se perd.
- Résolution : elle décide de suivre ses propres pas.
- Dénouement : elle finit par arriver chez elle.
Le casseur de pierres :
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Mayssa Sioufi
- Etat initial : le narrateur demande un renseignement (le temps
nécessaire pour un trajet…) à un casseur de pierres.
- Complication : formule mal sa question.
- Résolution : le casseur décide de procéder à une observation.
- Dénouement : le narrateur obtient le renseignement demandé.
D- Travail sur le scénario et l’anticipation :
Tiennette perdue :
La situation :
- Une jeune fille se promène et constate au bout d’une heure de marche,
qu’elle a perdu son chemin.
Que va-t-il se passer ?
- Elle panique, pleure, et demande de l’aide.
- Un bûcheron passe par-là, la trouve et la ramène.
- Elle monte une stratégie lui permettant de retrouver son chemin.
Le casseur de pierres :
La situation :
- Un passant a besoin d’un renseignement. Il trouve sur son chemin un
casseur de pierre et lui formule sa demande : « combien faut-il de temps pour
aller de Corbigny à Saint-Révérien ? »
- Le casseur de pierres refuse de répondre.
- L’homme décide de continuer son chemin en pensant que le casseur de
pierres est sourd-muet.
Que va-t-il se passer ?
- L’homme croise un paysan qui le renseigne.
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L’utilisation de «La Nouvelle» en classe de langue
- L’homme se perd, la nuit descend et la situation devient dangereuse.
- L’homme trouve la réponse par ses propres moyens.
- Le casseur de pierres décide d’aider le passant et lui explique pourquoi
il n’a pas pu répondre tout de suite à sa question.
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Mayssa Sioufi
Bibliographie
- La Fenêtre ouverte, Saki, nouvelles choisies et présentées par Graham
Green, trad. Jean Rosenthal, Paris UGE 10/18, 1933, dernière réédition
avril 2005. Publiée pour la 1ère fois en 1914 in Beasts and Superbeasts.
- Cicurel Francine : « La lecture littéraire. Propositions pour une approche
interactive », in Les Cahiers de l’ASDIFLE, n°3, 1991.
- Cicurel Francine: Lectures interactives, Hachette F.L.E., 1991.
- Goldenstein Jean-Pierre : Entrée en littérature, Hachette F.L.E., 1990.
- Charaudeau Patrick : Langage et discours, éléments de sémiolinguistique,
Paris, Hachette-Université, 1983.
- Peytard J., Bertrand D., Besse H., Bourgain D., Coste D., Papo E., Pelfrêne
A., Porcher L., Sctrick R. : Littérature et classe de langue, français langue
étrangère Hatier-Crédif, collection LAL, 1982.
[
Revues :
- Le Français aujourd’hui, n° 87, septembre 1989 (numéro spécial sur la
Nouvelle).
- Le Français dans le monde, n° 176, 1982. Francine Cicurel « Lecture de la
Nouvelle ».
- Le Français dans le monde, n° 204, 1986. Jean-Pierre Goldenstein « Lire un
texte intégral ».
- Pratiques, n° 107 /108, décembre 2000 (Approche d’un genre : La
Nouvelle).
- ELA Etudes de linguistique appliquée, « Les textes et leurs lectures »,
n°119, juillet-septembre 2000..
Recevid 18/4/2005
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