Dossier pédagogique toulouse 2015

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Dossier pédagogique toulouse 2015
Mercredi 28 janvier 2015
ACADEMIE DE TOULOUSE ET PROJET ALADIN
Journée de formation
Organisée dans le cadre de la lutte contre le racisme et
l’antisémitisme dans l’Ecole de la République
LES RELATIONS ENTRE JUIFS ET MUSULMANS D’AFRIQUE DU NORD, DE
LA CONQUETE ARABE A L’IMMIGRATION EN FRANCE (VIIIE-XXIE SIECLES)
Amphithéâtre de l’ENSEEIHT
2, rue Charles Camichel
31 071 Toulouse, Cedex 7
Mercredi 28 janvier 2015
ACADEMIE DE TOULOUSE ET PROJET ALADIN
Journée de formation
Organisée dans le cadre de la lutte contre le racisme et l’antisémitisme
dans l’Ecole de la République
LES RELATIONS ENTRE JUIFS ET MUSULMANS D’AFRIQUE DU NORD, DE LA CONQUETE
ARABE A L’IMMIGRATION EN FRANCE (VIIIE-XXIE SIECLES)
Par
Madame Colette Zytnicki, professeure à l'Université de Toulouse Jean Jaurès
Monsieur Michel Abitbol, professeur à l'Université hébraïque de Jérusalem
Monsieur Benjamin Stora, historien, Président du conseil d'orientation du musée national
de l'histoire de l'immigration
Avec
Madame Hélène Bernard, rectrice de l’Académie de Toulouse
Madame Anne-Marie Revcolevschi, présidente du Projet Aladin
Monsieur Jean-Pierre Obin, inspecteur général honoraire,
président du Comité de pilotage au sein du Projet Aladin
Monsieur Philippe Joutard, professeur des universités, ancien recteur
Dans de nombreux établissements scolaires, les relations entre élèves d’origines différentes
sont de plus en plus souvent menacées par des crispations identitaires, des atteintes à la
laïcité, une « ethnicisation » de la vie scolaire, un antisémitisme préoccupant, et une montée
de l’islamophobie. Au dehors, et dans certains lieux, les conduites violentes, racistes et
antisémites sont croissantes, rendant le rôle de l’Ecole plus que jamais essentiel. Or, face à
ces manifestations d’intolérance, d’antisémitisme et de racisme, les enseignants
apparaissent souvent démunis.
Cette journée a donc pour objet de transmettre aux enseignants certains savoirs. En
abordant aujourd’hui les thématiques de l’histoire des relations des populations juives et
arabes en Afrique du Nord puis en France, nous avons souhaité favoriser une connaissance
précise des parcours historiques et culturels de certains élèves et de leurs ascendants, dans
le contexte de l’histoire des relations judéo-musulmanes et des migrations du Maghreb vers
la France.
Nous espérons ainsi permettre aux enseignants de mieux répondre aux représentations et
aux fantasmes de certains élèves, d’autre part consolider un socle de valeurs partagées et
construire une histoire commune autour des représentations exactes de la réalité historique
et sociologique.
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Alors que toutes les actions menées jusque-là par le Projet Aladin étaient orientées
vers le monde arabo-musulman, nous avons préparé cette formation, en 2012, au
lendemain de la tuerie des enfants de l’Ecole juive Otzar HaTorah de Toulouse et des soldats
à Montauban. Nous avons alors, en effet, décidé de réfléchir à des projets d’éducation
également en France.
Les récentes tueries à Charlie Hebdo, l’assassinat des quatre Français juifs dans le magasin
casher de Vincennes, les débats qui s’en sont suivis à l’Ecole ou justement ceux qui n’ont pu
s’y dérouler, donnent évidemment aujourd’hui à cette initiative une pertinence encore plus
grande.
La formation et les savoirs qui sont abordés aujourd’hui ne sont évidemment qu’une partie
des savoirs aujourd’hui essentiels à la formation des enseignants. D’autres formations, déjà
évoquées par la Ministre de l’Education nationale, Madame Najat Vallaud-Belkacem, seront
plus directement ciblées sur la laïcité, le vivre ensemble, la lutte contre l’antisémitisme, le
racisme antimusulman et toutes les autres formes de discrimination.
Par ailleurs, il nous semble important que les futurs maitres des Ecoles et les professeurs de
lettres puissent également avoir accès à ces formations : la littérature et l’art sont, nous le
savons tous, des vecteurs majeurs de la transmission des valeurs et de la connaissance.
Je voudrais également et personnellement remercier Madame Hélène Bernard d’avoir
accepté, dès le printemps 2014, d’organiser avec nous cette formation qui devait, bien sûr,
commencer à Toulouse. Nous partagions alors les mêmes inquiétudes, les mêmes analyses
mais aussi une même confiance : l’Ecole doit pouvoir prendre le dessus sur les pulsions de
haine, de violence et de mort.
Tous ceux que nous avons consultés et qui nous ont accompagnés, dès la première heure,
dans ce projet, partagent les mêmes convictions et le même engagement : Jean-Pierre Obin,
Président de notre Comité de pilotage, puis Philippe Joutard, Lucette Valensi, Rachid Azzouz,
Anny Dayan Rosenman, Benjamin Stora, Alain Seksig, Michel Abitbol, Jamaâ Baïda, Habib
Kazdaghli, Benoit Falaize notamment. Qu’ils en soient remerciés.
Merci aussi à Pierre-Yves Pellefigue et à Sébastien Ambit qui ont apporté à l’organisation de
cette journée une attention de premier plan. Merci enfin à notre jeune stagiaire, Radia
Bakkouch, étudiante de sciences politiques, pour son aide et son engagement personnel.
Merci enfin à tous les enseignants, inspecteurs et chefs d’établissement d’être ici
aujourd’hui, si nombreux.
Cette journée se tient au lendemain du 70ème anniversaire de la libération du camp
d’Auschwitz. C’est un hasard mais est-ce un hasard ?
Que cette journée soit le signal d’une détermination : notre Ecole saura contrer les
idéologies de haine, le fanatisme, le terrorisme islamiste, le racisme et l’antisémitisme.
Notre Ecole saura redonner espoir, confiance et dignité à toute notre jeunesse.
Pour cela, la connaissance du passé et les clés pour comprendre le présent sont essentielles.
Ce sont les deux objectifs que cette première journée poursuit.
Anne-Marie REVCOLEVSCHI, présidente du Projet Aladin
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PROGRAMME DE LA JOURNEE
8h30 Accueil
9h Ouverture par Mme la Rectrice
9h15 Contexte et objectifs de la journée, par Mme la Présidente du Projet Aladin
9h30 Conférence de M. Michel Abitbol, historien, professeur à l’université hébraïque de
Jérusalem : Circulation des populations en Afrique du Nord et histoire des relations judéomusulmanes
10h15 Questions de la salle et réponses du conférencier. Modérateur M. Philippe Joutard
10h45 Conférence de Mme Colette Zytnicki, historienne, professeur à l’université JeanJaurès de Toulouse : Les émigrations des juifs et des musulmans d’Afrique du Nord vers la
France et leurs effets : coexistence, tensions et intégration
11h30 Questions de la salle et réponses de la conférencière. Modérateur M. Philippe
Joutard
12h-13h Atelier réservé aux professeurs invités par les corps d’inspection : appropriation de
la conférence de M. Michel Abitbol, présentation des ressources pédagogiques,
méthodologie
Pause déjeuner
14h30 Conférence de M. Benjamin Stora, historien, président du conseil d’orientation du
musée national de l’histoire de l’immigration : Juifs et musulmans d'Afrique du Nord en
France, entre intégration et communautarisation (coexistence et tensions, impact de la
question israélo-palestienne)
15h15 Questions de la salle et réponses du conférencier. Modérateur M. Philippe Joutard
15h45-16h45 Atelier réservé aux professeurs invités par les corps d’inspection :
appropriation des conférences de Mme Colette Zytnicki et Benjamin Stora, présentation des
ressources pédagogiques, méthodologie
15h45-16h45 Atelier réservé aux chefs d’établissement : laïcité, racisme et antisémitisme,
questions vives et tensions dans la vie scolaire et dans l’enseignement, échanges animés par
M. Jean-Pierre Obin
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PREMIERS ELEMENTS DE RESSOURCES BIBLIOGRAPHIQUES
FILMOGRAPHIQUES ET STATISTIQUES1 ASSOCIES AUX CONFERENCES
I Circulation des populations en Afrique du Nord (Algérie, Tunisie, Maroc) et histoire des
relations judéo-musulmanes
A. Les populations d’Afrique du nord
B. Les relations judéo-musulmanes entre tensions et coexistence
II Les émigrations des Juifs et des Musulmans d’Afrique du Nord vers la France et leurs
effets : coexistence, intégration, tensions.
Les conditions de l’émigration et de l’intégration : un destin varié et difficile
A. Le départ des populations juives et musulmanes d’Afrique du Nord vers la France
B. L’intégration des Juifs et Musulmans d’Afrique du Nord en France
III L’école face à la France contemporaine et plurielle
IV Notices bibliographiques, ouvrages transversaux, filmographie et situations actuelles
V L’association Projet Aladin
VI Notices biographiques
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I CIRCULATION DES POPULATIONS EN AFRIQUE DU NORD (ALGERIE, TUNISIE, MAROC)
ET HISTOIRE DES RELATIONS JUDEO-MUSULMANES
A. LES POPULATIONS D’AFRIQUE DU NORD
• Michel Abitbol, Les juifs d'Afrique du Nord sous Vichy, Paris, Maisonneuve et La rose,
1983
• Michel Abitbol, Les juifs d'Afrique du Nord sous Vichy, Edition révisée Riveneuve,
2008
• Jamaâ Baïda, Présence chrétienne au Maroc, Editions et Impressions Bouregreg,
Rabat, 2005
• Lucette Valensi, Ces étranges familiers. Musulmans en Europe (XVIe-XVIIIe siècles),
Paris, éditions Payot, collection Histoire, 2012
• Lucette Valensi, juifs et musulmans au Maghreb central et en Algérie, VII-XXeme
siècles
(à paraître)
1
Cette bibliographie n’est évidemment pas exhaustive. De plus, en complément des ouvrages d’histoire,
quelques titres et extraits ont été rajoutés. Nous les avons complétés, à la fin, avec quelques tableaux chiffrés.
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B. LES RELATIONS JUDEO-MUSULMANES ENTRE TENSIONS ET COEXISTENCE
• Alfred Morabia, le Jihad dans l’islam médiéval. Le « combat sacré » des origines au
XIIe siècle. Paris. Ed Albin Michel 1993. Notamment le statut de dhimmi relatif aux
chrétiens et aux juifs d’après le Pacte d’Omar (VIIème siècle) (Cf p. 267).
• Bernard Lewis, Sémites et antisémites (1986) Fayard. (1987)
• Michel Abitbol, Le passé d'une discorde - juifs et Arabes depuis le VIIe siècle, Perrin,
1999 - Tempus, 2003
• Jamaâ Baïda, «Les réfugiés» juifs européens au Maroc pendant la Seconde Guerre
mondiale », Frédéric Abécassis, Karima Dirèche et Rita Aouad (dir.),
• La bienvenue et l'adieu 2, Casablanca, La Croisée des Chemins (« Description du
Maghreb»), 2012, pp. 57-66
• Michel Abitbol, Tujjar al-Sultan, une élite économique judéo-marocaine au XXe siècle,
Institut Ben Zvi, Jérusalem, 1994- Maisonneuve et Larose, 1999
• Habib Kazdaghli, Histoire communautaire, histoire plurielle: La communauté juive de
Tunisie (collectif), Centre de Publication Universitaire, Tunis, 1999.
• Habib Kazdaghli, Les Communautés méditerranéennes de Tunisie, (collectif) Tunis,
2006, coédition entre la Faculté des Lettres, des Arts et des Humanités de Manouba
et le Centre de publication universitaire.
Trois textes :
Mouloud Feraoun est né à Tizi Hibel, en Haute Kabylie en 1913. Après des études à l'Ecole
normale d'instituteurs de Bouzaréah (Alger), il enseigne pendant plusieurs années en
Algérie, puis devient inspecteur des centres sociaux. Il est assassiné à Alger le 15 mars 1962.
Il reste une des grandes voix de la littérature algérienne.
Extrait de Le fils du pauvre, Le Seuil, 1954.
Le soir qui précéda le départ, aucun de ses enfants ne s'en doutait. Mais le hasard voulut que
Fouroulou se réveillât pendant la nuit. Son père ne dormait pas. Il priait dans l'obscurité. Il priait à
haute voix, demandant à la Providence d'avoir pitié de lui, de venir à son aide, d'écarter les obstacles
de sa route, de ne pas l'abandonner. Puis, dans un élan désespéré, il l'implorait de veiller sur ses
enfants. Dans le silence de la nuit, le ton était grave et profond. Chaque demande était suivie d'une
confession émouvante. Ramdane dépeignait son embarras, sa misère. Il sembla à Fouroulou qu'une
présence surnaturelle planait au-dessus d'eux et entendait tout. Il était perplexe. Il lui suffisait
d'étendre son bras pour toucher son père, car il dormait toujours à côté de lui. Pourtant, il retint sa
respiration et ne bougea pas. Il se demandait ce qui arrivait. La douleur de son père lui serrait la
gorge et des larmes se mirent à couler silencieusement sur ses joues. Tant que dura la prière, il ne put
fermer l'œil. Il essaya de découvrir le nouveau tourment de la famille. Ne trouvant rien, il se dit que
peut-être tous les pères prient ainsi en secret, lorsque leur famille a beaucoup d'ennuis -ce qui était le
cas des Menrad- il le savait très bien. Alors, il joignit de tout son cœur sa prière à celle de son père et
s'endormit sans savoir comment. Le lendemain matin se levant le dernier, comme d'habitude, il
trouva sa mère et ses sœurs tout en pleurs. Le père était parti à l'aube, et, pour ne pas accroître son
chagrin, il avait préféré partir à l'insu de tous, sans embrasser personne. Il venait de renvoyer à un
ami sa gandoura et son burnous. Il partait dans la veste et le pantalon français que lui avait donnés
un cousin et qu'on l'avait vu rapiécer avec application la semaine précédente. Fouroulou se rappela ce
qu'il avait entendu au milieu de la nuit Sa mère, avec un pauvre sourire, lui dit qu'elle avait entendu,
elle aussi. Elle manifesta une satisfaction visible en constatant que son fils n'avait pas dormi. Les filles
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furent un peu honteuses de leur mauvaise conduite. Elles n'aimaient donc pas leur père, puisqu'elles
n'avaient pu se réveiller?
Non! pensa Fouroulou. Cela démontre simplement que ma mère ne peut pas compter sur elles, mais
qu'elle peut compter sur moi pendant l'absence de mon père. Cette réflexion l'empêcha de pleurer
comme ses sœurs. Il les consola un peu et partit pour l'école. Seulement, de temps en temps, quelque
chose se contractait dans son ventre, dans sa poitrine et semblait grimper dans sa gorge. Vingt-deux
jours après, la première lettre arriva. Elle avait été remise par l’Amin. Personne n'osa l'ouvrir avant
quatre heures, en l'absence de Fouroulou qui était en classe. Il prit le message des mains de Baya et
embrassa l'enveloppe. Tous l'entouraient. Son petit frère Dadar le tirait par sa gandoura et lui disait:
« Vite, montre-moi mon père». Il hésitait. Il était au cours moyen, mais une lettre, c'est difficile, il faut
expliquer. Pour plus de sûreté, il décida d'appeler un ancien qui avait quitté l'école avec le certificat.
Le savant ne se fit pas prier. Il vint, ouvrit la lettre d'une main sûre et se mit à traduire. Au fur et à
mesure qu'il lisait et traduisait, Fouroulou se rendait compte qu'il pouvait en faire autant. Ses yeux
brillaient de joie. Il n'y avait qu'une expression qui pouvait l'embarrasser: « il ne faut pas vous faire de
mauvais sang». Le père est « en bonne santé », il « espère » que ses enfants se trouveront « de
même ». Il travaille, il ne tardera pas à envoyer un peu d'argent. Il demande à ses enfants d'être
sages, d'obéir à leur mère. Il ne faut pas mener la chèvre dans Je champ d'oliviers où il y a de jeunes
greffes; il ne faut pas négliger de suspendre au bon moment des dokkars aux figuiers. La lettre est
pleine de recommandations. Il donne ses ordres exactement comme s'il était là. Tel frêne sera
effeuillé le premier, tel figuier sera arrosé dès les premières chaleurs, le fourrage de tel endroit sera
réservé à la chèvre, l'autre sera vendu. Suivent des questions de toutes sortes sur les provisions
laissées à la maison, sur les voisins, sur l'oncle. Il termine par le « grand bonjour à toute la famille,
chacun avec son nom » et « le bonjour de l'écrivain ». Celui qui a écrit la lettre sous la dictée de
Ramdane. Tout Je monde est content. La famille entière, rassemblée autour des deux écoliers, voit le
père à travers la feuille de papier. On répond sur-le-champ. On a tout ce qu'il faut pour cela. Le
diplômé s'accroupit sous l'œil vigilant de Fouroulou. Il pose une feuille vierge sur un vieux livre de
lecture et plonge la plume dans l'encrier tenu par Fouroulou.
Mouloud Feraoun, Le fils du pauvre, Seuil, 1954 (pages 112, 113, 114)
Albert Memmi naît en Tunisie en 1920, à l'époque coloniale, dans une famille juive et
pauvre, de langue arabe, qui l'envoie à l'école française. La description et l'analyse de cette
identité déchirée sera à l'origine d'une œuvre romanesque et théorique essentielle.
En 1957, Portrait du colonisé et Portrait du colonisateur deviennent des textes de référence
majeurs dans le cadre des luttes anticoloniales mais aussi pour comprendre les mécanismes
de domination. Il est également l’auteur de Juifs et arabes, 1974 (Gallimard. Collection
Idées). Dans La statue de sel, bientôt suivi d’Agar, très proches de l'autobiographie, l'auteur
décrit ce déchirement.
Extrait de: La statue de sel, Corréa, 1953. Editions Gallimard, Folio, 1966
La ville
Je m'appelle Mordekhaï, Alexandre Benillouche. Ah! Ce sourire fielleux de mes camarades ! A
l'Impasse, à l'Alliance, j'ignorais que je portais un nom si ridicule, si révélateur. Au lycée, j'en pris
conscience au premier appel. Désormais, le seul énoncé de mon nom, qui accélérait mon pouls, me
faisait honte. Alexandre : claironnant, glorieux, me fut donné par mes parents en hommage à
l'Occident prestigieux. Il leur semblait traduire l'image qu'ils avaient de l'Europe. Les élèves
ricanaient, faisaient éclater Alexandre comme un coup de trompette: Alexan-ndre! Alors je détestais
mon prénom de toutes mes forces et aussi mes camarades. Je les détestais et leur donnais raison, et
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en voulais à mes parents de ce choix stupide. Mordekhaï, Mridakh en diminutif, marquait ma
participation à la tradition juive. C'était le nom redoutable d'un glorieux Macchabée, celui aussi de
mon grand-père, débile vieillard, qui jamais n'oublia les terreurs du ghetto. Appelez-vous Pierre ou
jean, et changeant d'habit vous changerez de statut apparent. Dans ce pays, Mridakh est si
obstinément révélateur, qu'il équivaut à clamer« je suis juif! » et plus précisément «j'habite le ghetto
», «je suis de statut indigène », «je suis de moeurs orientales », «je suis pauvre ».Et j'appris à refuser
ces quatre titres. Il serait facile de me le reprocher et je n'y ai pas manqué depuis. Mais comment ne
pas avoir honte de sa condition, après avoir été méprisé, moqué ou consolé depuis l'enfance? J'ai
appris à interpréter les sourires, à deviner aux chuchotements, à lire dans les yeux, à reconstituer les
raisonnements au hasard d'une phrase, d'un mot saisi au vol. Quand on parle de moi, a priori je me
sens agressé, mon poil se hérisse et j'ai envie de mordre. Bien sûr, on arrive à tout accepter, au prix de
grands efforts ou d'une complète lassitude. Mais d'abord on se refuse et l'on se déteste ou bien, pour
défier les mépris des autres, on revendique même ses laideurs, on s'exagère et l'on grimace. Au lycée,
rapidement, je pris l'habitude de sauter Mordekhaï dans mes copies ; et bientôt je l'oubliai comme
une vieille peau. Mais cette peau traînait, bien collée. A propos des appels officiels, des convocations,
de tout événement extra - quotidien, elle se rappelait à mon attention. A la fin de ma scolarité, le jour
du baccalauréat, je devais être un des triomphateurs. J’attendais, certain, à peine angoissé au milieu
d'une foule nerveuse, lorsque l'appariteur grimpa sur une chaise: j'étais le premier de la liste. Mais
rétablissant l'ordre exact de mon état civil, l'appariteur avait crié, dans Je silence tendu: Mordekhaï,
Alexandre, Benillouche! Alors je ne bougeai pas. La foule étonnée de ce calme chercha des yeux
l'heureux candidat. Il n'y eut aucune explosion de joie, personne ne jeta ses cahiers en J'air, ne fut
entouré, embrassé. Je n'aimais pas que mes parents m'assistent dans les événements publics de ma
vie et je ne les avais pas avertis de l'beure des résultats. je me contentai de sourire aux camarades qui
me félicitaient du regard. Chacun, d'ailleurs, était occupé de son propre destin. Mordekhaï, Alexandre,
Benillouche, Benillouche enfin, Benlllouche ou le fils de l'agneau en patois berbéro-arabe. De quelle
tribu montagnarde mes ancêtres sont-ils sortis? Qui suis-je enfin? Scrutant mes traits aux angles nets,
fouillant l'état civil, j'ai essayé de retrouver quelque fil qui me conduirait à ce que je suis. Un jour, je
crus me découvrir issu d'une famille de princes berbères, judaïsés par la Kahéna, cette reine guerrière
qui fonda un royaume juif en plein Atlas. Je me réjouis de sortir du cœur de ce pays. Une autre fois, je
me trouvai descendant d'un peintre italien de la Renaissance. Je découpai l'article du gros Larousse et
montrai à mes amis les toiles de mon aïeul. La philologie rendait compte de la transformation, et
Sitboun, le meilleur en latin, m'approuva. Même, il me signala un homonyme en un bienfaiteur d'un
poète latin. Mais la science philologique est fragile et le passé trop lointain. Descendrais-je d'une tribu
berbère que les Berbères ne me reconnaîtraient pas, car je suis juif et non musulman, citadin et non
montagnard; porterais-je le nom exact du peintre que les Italiens ne m'accueilleraient pas, car je suis
africain et non européen. Toujours je me retrouverai Alexandre Mordekhaï, Alexandre Benillouche,
indigène dans un pays de colonisation, juif dans un univers antisémite, Africain dans un monde où
triomphe l'Europe. Si je croyais aux signes, ne pourrais-je dire que mon nom renferme déjà le sens de
ma vie? Comment faire une synthèse, polie comme un son de flûte, de tant de disparités?
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Robert Attal
Confrontations : En août 1934, des émeutes anti-juives éclatent à Constantine et dans sa
région, faisant de nombreuses victimes. Cette crise d'une très grande gravité marque une
fracture dans les relations entre juifs et musulmans d'Algérie. Elle reste jusqu'aujourd'hui
gravée dans la mémoire des premiers.
Robert Attal, alors âgé de huit ans, dont le père est assassiné, témoigne. L'assaut a lieu à
Bizot, où son père exploitait une ferme. Il n'y a pas d'autre famille juive dans le village.
Extrait de : Robert Attal, Les émeutes de Constantine, Romillat, 2002, (pages 74 et 76)
(Le dimanche 5 août 1934)
Le temps n'a pas effacé l'impression d'horreur imprimée dans le cœur d'un enfant et les
images se détachent nettement dans la mémoire: notre maison assiégée et lapidée par une foule
d'Arabes en folie… les vitres qui éclataient, la voix de ma mère « tire Michel, tire » et les propos
rassurants de mon père «si je tire on nous tuera tous, les secours vont venir, n'ayez pas peur». Et les
secours ne sont jamais venus. Notre maison forcée, nous avons fui dans la nuit, séparément sur
l'ordre de mon père pour mieux disperser le danger. Mon père, mon jeune frère âgé de quatre ans
dans les bras, se dirigea vers la place du village, apparemment déserte. Les tueurs attendaient dans la
nuit complice. Il fut tué et mon frère lardé de coups de couteau, laissé pour mort. J'ai moi suivi ma
mère qui tenait ma jeune sœur par la main. Ma mère a frappé à la porte d'une maison voisine. Elle a
dit, et ses paroles sont restées gravées en moi : « Madame Jean-Marie, ouvrez, je vous en supplie,
ayez pitié de mes enfants », les rideaux d'une fenêtre ont palpité puis se sont refermés. Ils ont alors
surgi de l'ombre en criant, ont levé leurs gourdins et frappé... Et j'ai compris instinctivement ce soir de
suie qu'un enfant juif était un enfant en danger.
Un homme, un seul homme et un homme seul a sauvé ce soir ce village de la malédiction. Il s'appelait
Serradj Abdallah. C'était un homme humble qui avait su s'élever au-dessus de la meute. Il avait sauvé
ma sœur et ma mère en faisant mine de les frapper et en criant: « Elles sont mortes, les chiennes ! »
Ill es avait ensuite enfermées dans la geôle du village où je les ai retrouvées. Il a ensuite enlevé des
bras de mon père mon jeune frère lardé de coups de couteau et laissé pour mort, l'a enveloppé dans
son burnous et l'a caché dans son gourbi.
Pol Serge Kakon
Coexistence : Pol Serge Kakon , auteur-compositeur, romancier et peintre, est né à Mogador
aujourd'hui Essaouira, un petit monde de légende où se côtoyaient juifs musulmans,
espagnols, anglais, portugais, caravaniers et marins.
Extrait de : Pol Serge Kakon, La porte du lion, Souffles, 1990 (pages 18-19)
C'est vrai qu'il y en eut, des fêtes, dans les années qui suivirent la naissance de Josef. Le
mellah d'Igli occupait près de la moitié du village. Dans l'autre partie vivaient les familles
musulmanes. La population se composait de petits cultivateurs, de pasteurs, de quelques négociants
ou riches propriétaires. Mais parmi les juifs, on rencontrait des artisans, cordonniers, selliers,
bijoutiers et des colporteurs qui proposaient des tissus et des articles de mercerie, de village en
village, les jours de foire. Chacun son culte, son cimetière, ses traditions, ses sages et ses fous, ses
pauvres et ses riches. Il y eut des fêtes car ce fut une période bénie, de tolérance et d'abondance. Plus
de razzias de pillards qui mettaient parfois le village à feu et à sang. Les bandits de grands chemins
qui assassinaient les voyageurs disparurent des routes. Les Caïds eux-mêmes ne rançonnaient plus,
veillaient à l'ordre et à la justice, discrètement, comme s'ils redoutaient de contrarier le regard
bienveillant de Dieu qui offrait sa protection à la contrée. Par négligence ou par distraction, le
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méchant vent de l'histoire se tenait à l'écart d'Igli qui s'endormait le soir étonnée, muette de
gratitude. A l'aube, en même temps que les prières qui s'élevaient de la mosquée, de la synagogue,
avec les brumes du matin, on aurait dit que les chants des coqs, repris de maison en maison comme
un écho, faisaient bleuir le ciel. La terre frémissait d'une multitude de sabots, du rythme des pilons
écrasant les grains, pendant que l'air se chargeait de senteurs de menthe, de l'odeur du pain chaud et
du parfum des vergers environnants. Jamais on n'avait vu de telles récoltes de céréales, de lin, de
cumin, d'olives et de miel à profusion. Le bétail, bien nourri, suscitait des bénédictions de
reconnaissance. Dans les deux communautés, des vieux moururent tranquilles comme s'ils se
retiraient rassurés. Il y eut des naissances en grand nombre, des bar-mitsvah, des mariages, des
moussems et des pèlerinages mémorables. Pour célébrer la circoncision d'un fils qu'il avait eu après
quatre filles, le Cheik musulman fit égorger des moutons par dizaines, selon le rite de chacune des
religions, et les villages à la ronde lui envoyèrent leurs délégations chargées de présents. Pour le
mariage de sa fille unique, un négociant juif fit venir une troupe de musiciens et de danseuses de
Tiznit. Leurs chants et leur musique résonnèrent dans le village toute la nuit. Longtemps après leur
passage, les femmes reprochaient encore vertement à leurs maris les regards brûlants qu'ils avaient
eus pour les danseuses.
Les enfants de cette époque bénie s'élevèrent sans connaître les privations, la sécheresse et son
cortège d'épidémies et de famines, que leurs aînés avaient connus en d'autres temps. Bien sûr ils
participaient aux travaux des champs, à l'entretien du bétail, fréquentaient l'école coranique ou
l'école juive, mais à certaines heures, à l'entrée du village - par petits groupes selon leur âge - on les
voyait se poursuivre en riant, se battre, grimper aux arbres, harceler les ânes ou les chiens. En été,
lorsque le soleil plongeait la vallée dans une stupeur bienheureuse, ils se réunissaient sous les figuiers,
derrière ces hauts remparts d'argile qui défendaient lgli contre les assauts de ses ennemis et
retenaient les nids des cigognes qui revenaient chaque hiver.
II Les émigrations des Juifs et des Musulmans d’Afrique du Nord vers la France et leurs
effets : coexistence, intégration, tensions.
Les conditions de l’émigration et de l’intégration : un destin varié et difficile
A) Le départ des populations juives et musulmanes d’Afrique du Nord vers la France
• Jamaâ Baïda, L'émigration des Juifs marocains (1948-1956) , contribution présentée à
la conférence AIMS 2004 « Rethinking Jewish Culture and Society in North Africa »,
American Legation, Tanger, 22 - 24 juin 2004
• Jacques Taïeb, Etre Juif au Maghreb à la veille de la colonisation, Albin Michel, 1994,
Migrations maghrébines comparées : genre, ethnicité, religions (France/Québec, de
1945 à nos jours) Ed. Riveneuve, 2015. Actes de colloque sous la direction de
Yolande Cohen, Mireille Calle Gruber et Elodie Vignon.
• Jacques Derrida, Le monolinguisme de l’autre. Editions Galilée 1996
Texte
L'exode des juifs d'Algérie en 1962
Extrait de : Benjamin Stora, Les trois exils des juifs d'Algérie, Paris, Stock, 2006.
Mes parents ne parlaient pas devant nous, ils attendaient que nous soyons endormis. Ma
sœur et moi les entendions chuchoter au milieu de la nuit à travers la cloison. Ils étaient extrêmement
angoissés, ils se posaient des questions, mais ils savaient bien qu'ils finiraient par partir, qu'il n'y avait
pas d'autre solution. Ce départ impensable un ou deux ans auparavant, était devenu inévitable ...
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Finalement, un jour, mon père a dit : « il faut qu'on aille chercher les billets d'avion. » La décision était
prise. Il a fait la queue toute la nuit avec ma sœur et ma mère devant la mairie où attendait une foule
considérable. Constantine étant une ville de l'intérieur, le départ s'opérait par avion et non par bateau
comme à Alger ou Oran. La date fatidique a été fixée au 12 juin. A partir du moment où la décision est
devenue irréversible, la préparation a réellement commencé. On faisait les bagages, on discutait de
savoir ce qu'on emporterait, ce qu'on laisserait. Ma mère a nettoyé l'appartement jusqu'à la dernière
minute. Le 1er juin, elle a vérifié que tout était bien propre avant de sortir. Mon père a fermé la porte
a clef, il a glissé la clef dans sa poche, nous avons chacun empoigné nos deux valises et nous sommes
partis. Comme si nous allions en vacances. Mais nous savions bien que c'était fini, que nous ne
reviendrions pas. Ce moment a été le plus important de notre vie, un saut dans l'inconnu. Pour nous
rassurer, sans doute aussi pour se rassurer lui-même, mon père répétait: « Ne vous en faites pas les
enfants, j'ai un plan ». Il avait à l'époque cinquante-trois ans, un âge difficile pour recommencer une
vie. Je me souviens qu'il avait eu du mal à hisser les valises avant de grimper sur la plateforme du
camion militaire qui nous attendait au bas de la côte pour nous conduire à l'aéroport militaire de
Telerma. Là, nous avons attendu pendant cinq ou six heures, assis sur le tarmac au milieu des
bagages, avec nos pull-overs et nos manteaux dans la chaleur suffocante. Nous n'avons embarqué
qu'à la nuit. Je me souviens des hôtesses d'Air France en tenue bleue qui s'affairaient au milieu des
passagers. Le voyage s'est déroulé dans un silence de mort. Personne ne parlait. Deux heures plus
tard, à notre descente d'avion, nous avons été accueillis par le personnel de la Croix-Rouge qui a
distribué à chacun un bonbon. L'Algérie était derrière nous.
B) L’intégration des Juifs et des Musulmans d’Afrique du Nord en France
• Lucette Valensi, Mémoires juives, Paris, Gallimard/Julliard, 1986 (en collaboration
avec N. Wachtel)
• Lucette Valensi, L'Islam, l'islamisme et l'Occident. Genèse d'un affrontement, Paris,
Le Seuil, collection Points Histoire, 2013 (en collaboration avec G. Martinez-Gros)
Quatre textes
Jean-Luc Allouche. Né à Constantine en Algérie, dans une famille juive rapatriée en France à
la fin de la guerre d'Algérie, Jean-Luc Allouche, journaliste à Libération et actuellement
traducteur de l'hébreu vers le français, relate avec humour une difficile adaptation.
(www.projetaladin.org)
Extrait de : Jean-Luc Allouche, Les jours innocents, Editions Lieu Commun, 1983
Deux jours après notre arrivée à Paris, j'étais inscrit au lycée. La rentrée avait eu lieu quelques
semaines auparavant; mon irruption tardive dans cette société juvénile cadenassée et plus étanche
que le système des castes indiennes fit sensation. J'avais encore le poil ras de l'été algérien, le teint
bruni d'un métèque à peine civilisé, le parler lourd et trop chantant, cette façon - caricaturée, depuis,
avec succès, au music-hall – de corrompre lesT et les D, de les mouiller, de les diluer, d'alanguir les 0,
comme si fermer la bouche en cul de poule eût représenté un effort insurmontable, indigne de moi,
qui les formulais, au contraire, d'une manière si languide, si lasse que tous les parfums épicés de la
colonie envahissaient la salle de classe. Pour couronner l'ensemble, mes parents m'avaient affublé
d'une blouse grise, alors que tous les autres arboraient des blouses blanches maculées et
volontairement trouées à l'acide - astuce suprême de l'élégance négligée de mise dans les lycées. je
n'avais, bien sûr, aucune chance de persuader mes parents que leur impératif catégorique de saine
économie
(« Il faut que cela te dure ») pouvait heurter ma sensibilité, mise à vif par les remarques aigres des
gandins du lycée, et compromettre durablement mes efforts d'intégration dans la horde. J'héritai dès
11
lors du surnom impitoyable de «marchand de tomates», ce qui, en toute objectivité, n'était pas si mal
vu, et, même, n'était pas loin d'être vrai, puisque nombre de mes congénères « rapatriés » ou
musulmans exerçaient, dans la froidure des étals en plein vent, le métier somme toute honorable de
vendeur des quatre-saisons.
Très tôt, je m'acoquinai avec les rares Juifs ou pieds-noirs, échoués, comme moi, tels des phoques sur
la banquise parisienne, et, surtout, avec un rejeton de la noblesse, à la particule un peu tombée. Il
devait à une naissance aventureuse, et sans doute pècheresse, sous les tropiques de partager avec
moi le goût de la faconde, de la « tchatche », du beau geste, du verbe un peu sonore, une paresse
agitée qui s'essoufflait à rattraper la naturelle agilité, la grâce virevoltante des vibrions français. Une
certaine lenteur d'esprit - j'ose la mettre au bénéfice d'un surcroît de profondeur: n'avions-nous pas
vécu, après tout, notre lot de drames? -nous était commune et nous désignait aux brocards
implacables et narquois des Parisiens. Il ne régnait pas encore cet égalitarisme indifférent et
faussement débonnaire de la société d'après 68 et de la culture «branchée». Chacun d'entre nous
reproduisait avec minutie les exclusives des adultes et savait« garder sa place». La nôtre était aux
marges, aux bas-côtés, et nous l'acceptions, fascinés par ces barbares aux gestes précis, coupants, à
l'élocution modulée et leste, au vocabulaire, surtout, infiniment plus riche que le nôtre.
La langue française, alors, me fut au sens propre langue inouïe, et mes brillants succès scolaires
d'Algérie faisaient pâle figure au regard des performances du plus cancre de la classe.
Sur l'exil en France
Abdelmalek Sayad, Algérien installé en France, a été l'un des premiers sociologues de
l'émigration/immigration. L'article dont est extrait le texte qui suit a fait date. Rompant avec
l'approche quantitative des flux migratoires, il donnait la parole au sujet migrant, tout en
mettant en lumière deux aspects de l'émigration/immigration: le mécanisme de sa
reproduction, et l'expérience d'un double exil. Ce texte de sociologie devient aujourd'hui
document pour l'histoire.
Elghorba : le mécanisme de reproduction de l'émigration», in Actes de la recherche, vol.1, n°
2, mars 1975, pp. 50-66, repris dans Abdelmalek Sayad, La double absence. Des illusions de
l'émigré aux souffrances de l'immigré, Paris, Seuil, 1999.
La première partie du texte rapporte les paroles de l'émigré interrogé, la seconde est de la
plume de Sayad.
Quelle France j'ai découverte! Ce n'est pas du tout ce que je m'attendais à trouver ... Il faut
vraiment arriver ici en France pour savoir la vérité ... je garderai toujours en mémoire cette image de
mon arrivée en France, c'est la première chose que j'ai vue, la première chose que j'ai entendue: on
frappe à une porte, elle s'ouvre sur une chambre petite qui sent un mélange d'odeurs, l'humidité,
l'atmosphère renfermée, la sueur des hommes endormis. Quelle tristesse ! Que de malheur dans leur
regard, dans leur voix -ils parlaient à voix basse-, dans leur propos. Il m'a été donné de voir à partir de
cela ce qu'est la solitude, ce qu'est la tristesse: l'obscurité de la chambre, l'obscurité dans la chambre,
l'obscurité de la rue, l'obscurité de toute la France, car, dans notre France à nous, il n'y a que des
ténèbres ... Non, on ne nous a jamais expliqué la France comme elle est avant qu'on la connaisse. On
les voit revenir, ils sont bien habillés, ils ramènent des valises pleines, de l'argent dans les poches, on
les voit dépenser cet argent sans regarder; ils sont beaux, ils sont gras. Et quand ils parlent, qu'est-ce
qu'ils disent? Ils parlent de leur travail. Quand ils disent: « je fais un travail difficile », on les admire ...
Si on les soupçonne de mentir, c'est de se vanter de faire un travail difficile, un travail dur; le travail
est toujours dur, il faut être fort pour le faire, cela veut dire qu'ils gagnent beaucoup d'argent. Voilà
ce que l'on comprend quand on n'a pas vu de ses propres yeux ... De tout le reste, personne n'en
12
parle.»
Le village dont est originaire Mohand A., ainsi que tout le groupe de ses parents patrilinéaires, est
fortement marqué par l'émigration. Au dire de A. lui-même qui, avec un certain nombre d'autres
émigrés, aime procéder au recensement des hommes du village, ce village a vu partir vers la France
92 familles et 197 hommes. En regard de cette émigration, il ne demeure plus sur place que 146
hommes parmi lesquels 105 sont d'anciens émigrés. [...]
Tout le discours de l'émigré s'organise autour de la triple vérité d’elghorba. Dans la logique
traditionnelle, elghorba est associé au « couchant », à « l'obscurité», à l'éloignement et à l'isolement
(parmi les étrangers, donc à leur hostilité et à leur mépris), à l'exil, à la frayeur (celle que suscite la
nuit et le fait de se perdre dans une forêt ou une nature hostile), à l'égarement (par perte du sens de
l'orientation), au malheur, etc. Dans la vision idéalisée de l'émigration, source de richesse et acte
décisif d'émancipation, elghorba, intentionnellement et violemment nié dans sa signification
traditionnelle, tend (sans toutefois y parvenir pleinement) à porter une autre vérité qui l'identifierait
plutôt à bonheur, lumière, joie, assurance, etc. L'expérience de la réalité de l'émigration vient
démentir l'illusion et rétablir elghorba dans sa vérité originelle.
Leïla Sebbar est née en 1941 à Aflou d'un père Algérien et d'une mère française, tous deux
instituteurs. Professeur de lettres dans un lycée parisien, romancière, nouvelliste, elle
s'intéresse aux effets du déplacement, de l'exode et de l'exil, de la rencontre entre ceux qui
quittent un pays et ceux du pays d'arrivée.
Le silence des rives, Stock 1993 ; Je ne parle pas la langue de mon père, Julliard, 2003;
Fatima ou les Algériennes du Square, Stock, 1981 puis Elyzad, 2010 ; Enfance juive en
Méditerranée musulmane, Bleu autour, 2013
Extrait de: Anthologie de la nouvelle maghrébine. Paroles d'auteurs, Editions EDDIF 1996
(pages 168-169)
Ce n'est pas exactement "la condition de la femme immigrée" qui m'intéresse, mais plutôt ce
qui peut se passer pour quelqu'un, homme ou femme, qui quitte une terre et une langue pour
l'inconnu. Comment préserver l'intégrité du corps et de l'âme dans un exil qu'on n'a pas choisi?
Comment rencontrer l'Autre sans violence et sans haine. Comment opérer un passage de frontière
dangereux mais aussi exaltant? Voilà, en bref, ce qui m'intéresse dans la situation de l'exil, de la
migration, de l'immigration. Je ne m'intéresse pas à l'immigration en tant que telle mais à travers la
fugue (les personnages de mes romans sont presque tous des fugueurs), la folie (mes personnages
sont aussi guettés par la folie), la délinquance (la situation du hors-la-loi), ces situations extrêmes où
l'un tente de rencontrer l'autre, cette confrontation à l'altérité meurtrière ou féconde... C'est cela qui
m'inspire parce que, je pense, je suis née de ce croisement étrange.
Invisibles dans le pays étranger, plus invisibles encore que dans le pays natal, les femmes du Maghreb
qui suivent le mari au pays du travail sont enfermées physiquement, elles ne connaissent pas la ville,
le béton ... et psychiquement Enfermées seules, coupées de la famille élargie, de la communauté, de
la mémoire ... c'est le silence et la nuit. Les enfants qu'elles mettent au monde dans les pays étrangers
seront pour elles les passeurs. La littérature française ne les voit pas, la littérature maghrébine de
langue française non plus et l'Algérie indépendante, nationaliste radicale, ne veut pas en entendre
parler. Certains romans maghrébins publiés en France mettent en scène des hommes; on les voit au
travail, dans la rue, les cafés ... C'est avec Fatima ou les Algériennes au Square, une fiction que j'ai
publiée en 1981 en France que, pour la première fois, des femmes algériennes immigrées,
analphabètes, des femmes d'origine paysanne "déportées" dans des banlieues inconnues, des cités
étrangères, se retrouvent et se parlent. On les entend, on les voit, elles sont vivantes comme les
13
femmes françaises "femmes du peuple", femmes d'ouvriers qu'elles côtoient et qu'elles rencontrent.
Pour la première fois, ces femmes-là occupent la scène littéraire française, mes livres appartiennent à
la littérature française, ils « l'occupent » mais en position de "résistants" ... et non de colonisateurs ...
ce que je veux dire, c'est que j'ai imposé des personnages invisibles et que, désormais, la « cité des
lettres » voit la cité des banlieues, des Arabes de la périphérie. Les femmes, les femmes par leurs filles
nées d'elles sur le sol étranger, habitent cette terre, parlent sa langue, elles sont visibles et elles
parlent. Les filles pour les mères, les mères et les filles vivent avec les Autres, ceux qui ne sont plus
tout à fait des étrangers, des ennemis, les « indigènes » de France, les Français. Les filles, comme
Shahrazade, l'héroïne de la trilogie que j'ai publiée, sont les Traversières, celles qui ont l'audace et la
liberté d'aller et venir, sans voile, de la Maison maternelle à la Maison de France, la Maison
commune, française et métisse.
« Y a plus personne à la place de la République >>
Extrait de : Nathan Wachtel et Lucette Valensi, Mémoires juives, Paris, Gallimard/Julliard,
1984, (page 277)
Alice B., née en 1913 en Algérie, interrogée en 1982 :
Les premiers mois étaient véritablement terribles pour nous qui avons toujours été là-bas.
Nous avons été déracinés de chez nous. Ensuite, on s'est petit à petit adapté. Mais jusqu'à l'heure
actuelle, ça fait déjà dix-neuf ans que nous habitons ici, ça ne me plaît pas autant que là-bas chez
moi, enfin chez nous dans mon pays, avec tout ce monde, là, tous ces amis. Je me suis quand même
fait, mais sans trop. Je ne suis pas heureuse, quoi, voilà. Surtout que maintenant tout le monde est
loin. Mon pauvre R. est parti (décédé), ma mère est partie. Y a plus personne à la place de la
République, et on ne peut même pas s'y rendre maintenant. Depuis qu'on est là, c'est toujours la
même vie ici, c'est toujours les mêmes portes fermées chez les locataires, on ne voit jamais quelqu'un
sur le palier. Ni tu peux dire un petit bonjour de ci de là, ni quelqu'un te dit: « Alice, vous voulez
prendre un petit café à côté de moi ? » comme on faisait là-bas en Algérie. Quand on est venu là, si tu
avais vu tout ce qu'on a pleuré ma mère et moi, de nous voir toutes seules comme ça. Et tu sais que le
dimanche, ici, c'est mortel à Paris.
III L’école face à la France contemporaine et plurielle
• Jean-Pierre Obin, «L'établissement scolaire face à la diversité culturelle», Les cahiers
d'Education et devenir, n° 53, 2000
• Jean-Pierre Obin, Les signes et manifestations d'appartenance religieuse dans les
établissements scolaires. Rapport au ministre de l'éducation nationale, 2004
• Alain Seksig, «Le rapport Obin : réactions et commentaires», 2008
• Jean-Pierre Obin, 20 situations de vie scolaire, Hachette Education, 2015
• Lettre d’une mère d’élève à un inspecteur d’académie « Le monde est soutenu par
les enfants qui étudient »
http://www.jpobin.com/pdfReligionlaicite/Lemondeestsoutenuparlesenfants.pdf
• Hervé Le Bras, L'invention de l'immigré, éditions de l'Aube, collection« Urgence de
comprendre», 2012
14
IV Notices bibliographiques, ouvrages transversaux et situations actuelles
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
Michel Abitbol, Les Amnésiques - juifs et Arabes depuis 1967, Perrin, 2005
Michel Abitbol, Histoire du Maroc, Perrin, 2009
Michel Abitbol, Histoire des juifs: De la genèse à nos jours, Perrin, 2013
Bernard Lugan, Histoire du Maroc des origines à nos jours, Critérion, 1993, pp. 361363
Jamaâ Baïda, La presse marocaine d'expression française des origines à 1956, Faculté
des Lettres et des Sciences Humaines de Rabat, 1996
Jean-Pierre Obin, Immigration et intégration (avec Annette OBIN-COULON), Paris,
Hachette Éducation, 1999
Benjamin Stora, Abdelwahab Meddeb, Histoire des relations entre Juifs et
Musulmans, des origines à nos jours, Paris, Albin Michel
Nancy L. Green, Repenser les migrations, Paris, PUF, 2002.
Nancy L. Green et Marie Poinsot, Histoire de l'immigration et question coloniale en
France, Paris, La Documentation française / Cité Nationale de l'Histoire de
l'Immigration, 2008.
Hervé Le Bras Le sol et le sang, Editions de l'Aube, 2006 ; L'invention de l'immigré,
éditions de l'Aube, collection« Urgence de comprendre», 2012 ; Le mystère français,
Le Seuil, collection« La République des Idées», 2013 (en collaboration avec
Emmanuel Todd)
Maud Mandel, Muslims and Jews in France, Princeton, Presses Universitaires de
Princeton, 2014.
Benjamin Stora Ils venaient d'Algérie. L'immigration algérienne en France1912-1992,
Paris, Fayard, 1992. Les trois exils. Juifs d'Algérie, , Ed Pluriels, poche, 2010
Livres collectifs
• Frédéric Abécassis, Karima Dirèche, Rita Aouad, La bienvenue et l’adieu. Migrants
juifs et musulmans au Maghreb (XVe-XXe siècle), Casablanca/Paris, Editions la Croisée
des Chemins/Editions Karthala, 2012.
• Abdelwahab Meddeb et Benjamin Stora, (dir.), Histoire des relations entre juifs et
musulmans. Ed Albin Michel, 2013.
• Histoire de l'Islam en France, sous la direction de Mohamed Arkoun, ed Albin Michel,
2006.
• Colette Zytnicki (dir.), Terre d’exil, terre d’asile. Migrations juives en France aux XIXe
et XXe siècles, Paris, Éditions de l’Éclat, 2010
• Marocains de France : regard sur les dynamiques de l'intégration », Confluences
Méditerranée, 1999, n°31.
Quelques articles
• « Algérie-France. Une communauté de destin », Hommes & migrations, n°1295,
janv.-fév. 2012.
15
• Mohand Khellil, « L'émigration algérienne en France au XXe siècle. Un exil planifié »,
Hommes & migrations, n°1295, janv.-fév. 2012, pp. 12-25.
• Kamel Kateb, « Bilan et perspectives des migrations algériennes », Hommes &
migrations, n°1293, sept.-oct. 2011, pp. 6-21.
• Daniel Gordon, « Juifs et musulmans à Belleville (Paris 20e) entre tolérance et
conflit », Cahiers de la Méditerranée, 67 | 2003, 287-298.
• Chantal Bordes-Benayoun, « Les territoires de la diaspora judéo-marocaine postcoloniale », Diasporas. Histoire, sciences sociales, 2002/2, http://framespa.univtlse2.fr/servlet/com.univ.collaboratif.utils.LectureFichiergw?ID_FICHIER=1236596271
535&ID_FICHE=5273
Quelques films
• Le coup de sirocco, Alexandre Arcady ,1979
• Juifs et musulmans, si loin si proches, Documentaire en quatre épisodes de Karim
Miské , 2013
• Une bouteille dans la mer de Gaza, film de Thierry Binisti, 2012
• El gusto, film documentaire franco-irlando-algérien de Safina Bousbia, 2012
• Les jasmins de la véranda, film de Serge Moati, 1979
• Le chant des mariées, film franco-tunisien de Karin Albou, 2008
• Les hommes libres, film français d’Ismaël Ferroukhi, 2011
• La loi de mon pays, téléfilm français de Dominique Ladoge, 2012
Quelques chiffres
Evolution démographique des Juifs d'Afrique du Nord au XIXèmeXXème siècles
Maroc
1911
1912
1926
1931
1936
1947
1951
1941
1946
100 000
110 000
125 000
143 000
186 000
230 000
199 200
123 000
130 000
Algérie
1830
1971
1891
1901
1911
1921
1931
1946
17 000
34 600
47 500
57 100
70 300
74 000
114 000
100 000
Tunisie
1881
1911
1921
1926
1931
1936
1941
35 000
50 500
54 000
60 000
70 000
80 000
89 700
Libye
1911
1931
1936
1939
1945
1 200
24 100
27 600
30 400
31 800
16
Effectifs scolaires de l'Alliance Israélite Universelle2 (1885-1914)
Maroc
Algérie
Tunisie
Libye
Egypte
Palestine
Syrie-Liban
Irak
Turquie d'Europe
Turquie d'Asie
Perse
1885
1905
1910
1913
1 122
3 038
924
2 694
355
1 307
1 591
1 549
1 614
8 897
3 213
2 805
4 565
1 765
9 411
437
1 283
1 517
1 926
2 719
12 663
3 995
2 565
5 049
1 858
3 135
397
823
1 691
2 286
4 396
8 523
2 676
2 844
1 592
242
296
236
2 531
871
La répartition de la population d'Algérie en 1896
Départements
Alger
Oran
Constantine
Algérie
Territoires du Sud
Année
1874
1876
1878
1881
1894
1898
1874
1876
1878
1881
Européens
Juifs
222 568
233 385
124 637
580 590
12,90%
3 254
Education primaire
Français
26%
13%
13%
12%
19%
15%
Education secondaire
1,50%
1,45%
1,60%
1,10%
17 493
24 917
15 126
57 538
1,28%
1 423
Etrangers
12%
10%
11%
11%
15%
15%
0,02%
0,24%
0,30%
0,20%
Musulmans
1 274 082
776 337
1 790 879
3 841 298
85,70%
255 228
Total
1 514 143
1 034 639
1 930 644
4 479 426
Juifs
18%
18%
17%
18%
26%
29%
0,86%
1,55%
1,30%
1,20%
2
L’Alliance israélite universelle (AIU ; hébreu : ‫ םירבח לארשי לכ‬Kol Israël Haverim, ou ‫)ח"יכ‬, est une société
juive internationale culturelle, installée dans différents pays mais originellement française.
17
Musulmans, Juifs et européens d'Algérie entre 1901 et 1941
1901
1921
1931
1941
Musulmans
4 082 024
4 919 301
5 593 045
6 000 930
Juifs
57 132
73 967
110 127
117 646
Européens
600 175
811 007
850 279
829 427
Total
4 739 331
5 804 275
6 553 451
7 147 157
Population des grandes villes du Maroc français en 1931
Marrakech
Casablanca
Fès
Meknès
Rabat
Oujda
Safi
Salé
Kenistra
El-Jadida
Essaouira
Ouezzane
Taza
Total
195 122
163 108
112 463
57 004
55 348
30 150
26 201
25 940
21 151
20 834
14 638
15 674
14 340
Musulmans
164 727
85 167
90 379
36 466
27 986
13 164
21 253
22 145
12 886
15 411
8 116
13 152
9 149
Juifs
21 607
10 960
7 826
7 745
4 218
1 890
3 285
2 387
365
3 288
5 468
1 554
147
Européens
8 788
57 981
14 258
12 793
23 144
15 186
1 663
1 408
7 900
2 135
1 052
1 168
5 044
4,50%
31,50%
12,70%
22,40%
41,80%
50%
6,30%
5,40%
36,70%
10,20%
7,50%
7,20%
38,40%
Juifs et Musulmans dans les lycées français au Maroc entre 1938 et
1947
Année
Musulmans
Juifs
1938
366
823
1939
343
831
1940
350
759
1941
283
435
1942
307
512
1943
241
515
1944
273
610
1945
393
619
1946
477
754
1947
649
884
18
Population des grandes villes du Maroc en 1951-2
Casablanca
Marrakech
Fès
Rabat
Meknès
Oujda
Safi
Kenitra
Salé
El Jadida
Agadir
Tanger
Tétouan
Larache
Musulmans
474 874
187 130
152 929
106 013
107 718
62 436
49 489
44 192
41 399
29 309
22 600
93 000
58 000
Européens
132 758
11 790
13 795
39 957
20 217
14 935
3 793
8 630
1 957
2 455
5 993
35 000
18 610
Juifs
74 783
16 392
12 648
10 239
12 445
3 175
3 469
3 083
3 226
3 017
1 518
15 000
4 122
Total
682 388
215 312
179 372
156 209
140 380
80 546
56 751
55 905
46 582
34 781
30 111
150 000
80 732
41 917
L'évolution de la population juive des pays musulmans au cours de la deuxième moitié de
XXème siècle
Maroc
Algérie
Tunisie
Libye
Egypte
Syrie-Liban
Irak
Yémen
Turquie
Iran
Afghanistan
Azerbaidjan
1948
1966
1969
1972
2000
250 000
130 000
90 000
35 000
65 000
30 000
130 000
54 000
80 000
90 000
5 000
70 000
3 500
23 000
6 000
8 500
10 000
3 000
2 500
40 000
65 000
800
50 000
1 500
10 000
100
400
2 000
2 000
500
39 000
60 000
600
35 000
500
7 000
3 000
-
2 500
-
300
1 000
500
300
?
?
?
-
100
100
300
20 000
25 000
10 000
19
V L’association projet Aladin
L'association Projet Aladin a confié la responsabilité de la conception, du suivi et de
l'évaluation de cette formation à un Comité de pilotage présidé par Jean-Pierre Obin,
Inspecteur général de l'éducation nationale honoraire et composé des personnalités
suivantes :
Michel ABITBOL, professeur à l'Université hébraïque de Jérusalem
Rachid AZZOUZ, inspecteur d'académie, inspecteur pédagogique régional de l'académie de
Créteil
Anny DAYAN ROSENMAN, maître de conférences à l'Université Paris VII, membre du Conseil
d'administration du Projet Aladin
Benoît FALAIZE, professeur d'histoire à l'IUFM de l'université de Cergy Pontoise
Nilüfer GÖLE, directrice d'études à l'EHESS, membre du Conseil d'administration du Projet
Aladin
Bernard HEYBERGER, directeur d'études à l'EHESS, directeur de l'Institut d'études de l'islam
et des sociétés du monde musulman (IISMM)
Alain SEKSIG, inspecteur de l'Education nationale, chargé de la mission Laïcité du Haut
Conseil à l'intégration (HCI)
Lucette VALENSI, directrice d'études émérite à l'EHESS
En savoir plus sur le Projet Aladin
Lancé sous le parrainage de l'UNESCO, à l'initiative de la Fondation pour la Mémoire de la
Shoah avec le soutien d'un grand nombre de dirigeants internationaux en mars 2009, le
projet Aladin, présidé par Anne-Marie REVCOLEVSCHI et dirigé par Abe RADKIN, est une
association internationale indépendante. Son Conseil d'administration est composé de
personnalités françaises et étrangères de différentes cultures et à parité, unies dans la
conviction que c'est par la connaissance et l'éducation que peut être comblé le fossé creusé
par l'ignorance, les préjugés, la haine et le conflit des mémoires. Son but est de lutter contre
le négationnisme, l'antisémitisme et le racisme, d'œuvrer aux rapprochements
interculturels, en particulier entre Juifs et Musulmans, et de promouvoir une culture de paix
et de dialogue dans !espace euro-méditerranéen. Ces objectifs sont poursuivis en facilitant
la diffusion de connaissances par la production et la traduction - dans les langues des
populations concernées – de livres, films, documentaires, sites Internet, et toute autre
source d'intonation permettant au monde occidental et au monde arabo-musulman de
grandir dans une connaissance et un respect mutuel, ainsi que par la mise en place de
projets éducatifs et socioculturels, notamment en destination des jeunes générations.
Depuis 2013, le Projet Aladin souhaite élargir son champ d'activités à la France en proposant
des programmes de formation initiale et continue, destinés en priorité aux professeurs des
écoles et professeurs d’histoire et de lettres des collèges et lycées. Ces formations portent
sur l'histoire des relations judéo-musulmanes dans les pays du Maghreb, l'histoire de
l'antisémitisme, l'histoire de l'immigration et du racisme antimaghrébin en France.
20
Depuis son lancement en mai 2009, le Projet Aladin en quelques chiffres :
• 8 millions de téléspectateurs ont regardé pour la première fois, en 2012, le film
Shoah de Claude Lanzmann, que nous avons sous-titré en persan et en turc, sur les
chaînes iraniennes et turques
• 1,2 million d’internautes ont consulté sur notre site internet multilingue des
informations sur la Shoah, l’Islam, le Judaïsme, l’histoire des communautés juives en
terre d’Islam ( www.projetaladin.org).
• 9 livres de référence ont été traduits pour la première fois en arabe et en persan,
parmi lesquels le Journal d’Anne Frank et Si c’est un Homme de Primo Levi
• 80.000 livres ont été téléchargés gratuitement depuis la Bibliothèque numérique
d’Aladin ( www.aladdinlibrary.org)
• 15 conférences inédites ont rassemblé plus de 4000 participants dans dix villes du
Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, notamment autour de la lecture de « Si c’ est un
homme » de Primo Levi.
• Des milliers d’articles dans la presse internationale, arabophone, turcophone et
persane ont fait écho à nos initiatives et nos valeurs
• Un voyage historique à Auschwitz, en 2011, a mené une délégation internationale de
200 personnalités incluant des dirigeants politiques et religieux d’Europe, du monde
arabo-musulman, d’Afrique, du Proche et du Moyen-Orient
• Deux universités d’été sous le patronage de l’UNESCO et du Parlement Européen qui
ont réuni à Istanbul et à Berlin, pendant 15 jours, 120 étudiants de 20 universités du
Moyen-Orient, d’Afrique du Nord, d’Europe et des Etats-Unis sur le thème
contemporains (violences de masse en Europe au XXème Siècle, Religion, paix et
conflits etc…)
• En 2012 et 2013, nous avons été présents aux Salons du livre de Tunis, de
Casablanca, d’Abou Dhabi, du Caire et de Beyrouth.
• Un premier séminaire international en 2013 sur l’enseignement de la Shoah destiné à
des pays de culture musulmane a rassemblé, à Istanbul, 40 experts (enseignants,
diplomates, responsables d’éducation et hauts fonctionnaires) de plusieurs pays
euro-méditerranéens.
• Le lancement du Comité des femmes destiné au rapprochement des cultures par la
connaissance a rassemblé des femmes françaises de cultures diverses autour de
conférences, de films et de livres.
Projets en cours de réalisation :
• Une université d’été internationale en été 2015 en Turquie sur « le pouvoir des
images » (pour plus d’informations : http://www.iuil.org );
• L’organisation de quatre séminaires internationaux sur l’enseignement de la Shoah et
la transmission des valeurs de paix à Dakar, Bakou, Astana et Rabat ;
• La publication d’une collection de douze livres en plusieurs langues sur l’histoire des
communautés juives en terre d’Islam ;
• Le lancement à Dubaï d’une formation interreligieuse et internationale des jeunes
théologiens des trois monothéismes « connaitre la religion de l’autre ».
21
VI Notices biographiques
Jean-Pierre Obin a été de 1990 à 2008 inspecteur général de l'éducation nationale (groupe
Etablissements et vie scolaire) et, de 1993 à 2008 professeur associé à l'Institut universitaire
de formation des maîtres de Lyon. Il est depuis 2010 chargé de cours à J'université de Cergy
Pontoise.
Michel Abitbol est un orientaliste israélien de renommée mondiale, spécialisé dans l'étude
des relations entre juifs et Arabes. Il a dirigé l'Institut Ben Zvi de Jérusalem de 1978 à 1981,
puis de 1987 à 1994. Il a enseigné dans des universités américaines et françaises (EHESS,
EPHE, lEP). Michel Abitbol est également professeur à l'Université hébraïque de Jérusalem et
directeur scientifique de l'Institut Ben Zvi.
Benjamin Stora est inspecteur général de l'éducation nationale (IGEN), Président du Conseil
d'orientation du Musée national de l'histoire de l'immigration, Benjamin Stora a dirigé, avec
Abdelwahab Meddeb, une "Histoire des relations entre Juifs et Musulmans"(Ed Albin Michel,
2013)
Colette Zytnicki est professeur d'histoire contemporaine à l'Université de Toulouse JeanJaurès. Ces domaines de recherche portent sur l'histoire des Juifs en France et au Maghreb à
la période contemporaine et, actuellement, sur la société coloniale en Algérie. Terre d’exil,
terre d’asile. Elle dirige l’ouvrage migrations juives en France aux XIXe et XXe siècles, paru
aux éditions de l’Éclat en 2010.
Lucette Valensi est une historienne spécialiste de l'Islam méditerranéen. Elle est directrice
d'études émérite à l'Ecole des Hautes Etudes en sciences Sociales (EHESS). Elle y a codirigé,
avec Gabriel Martinez-Gros, l'Institut d'études de l'Islam et des sociétés du monde
musulman jusqu'en 2002. Ses travaux de recherche portent sur le Maghreb précolonial et les
relations entre Orient et Occident.
Anne-Marie Revcolevschi est agrégée de lettres. Après plusieurs années d’enseignement,
elle a assumé diverses responsabilités au Ministère de la recherche et de l’enseignement
supérieur au niveau des Relations internationales et européennes. Conseiller pour les
affaires européennes au cabinet de Claude Allègre, elle a ensuite rejoint Madame Simone
Veil à la Fondation pour la Mémoire de la Shoah dont elle est devenue la directrice générale
jusqu’en 2009.
Contributeurs
Anny Dayan Rosenman est Maître de Conférence de Littérature à l’UFR Lettres, Arts,
Cinéma à l’Université Paris7-Denis Diderot. Elle est auteure et co-auteure de livres et
d'articles sur les Juifs du Maroc ainsi que « L'Alphabet de la Shoah ». De 1998 à 2002, elle a
conduit avec l’historienne Lucette Valensi, à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales,
un séminaire intitulé « Juifs du Maghreb et de Méditerranée ». Son enseignement et ses
recherches sont centrés sur les modalités littéraires de l’écriture de l’Histoire au XX° siècle.
Jamaâ Baïda est historien, spécialiste de l'histoire et de la culture du judaïsme marocain. Il
22
est professeur d'histoire contemporaine et directeur des« Archives du Maroc». Jamaâ Baïda
a rédigé plusieurs ouvrages et une cinquantaine d'articles portant sur divers sujets dont
l'histoire de la presse écrite, la colonisation et la décolonisation, les relations entre le Maroc
et l'Occident, les questions maghrébines, le judaïsme marocain et la présence chrétienne au
Maroc.
Habib Kazdaghli est professeur d'histoire contemporaine à l'Université de Tunis-Manou ba.
Ses axes de recherche portent sur l'histoire contemporaine de la Tunisie et du Maghreb,
l'histoire du mouvement communiste, l'histoire des minorités et des communautés de
Tunisie et plus particulièrement les communautés juive et grecque orthodoxe de Tunisie. Il a
également conduit des recherches sur l'histoire du tourisme au cours de la période
coloniale. Il anime l'axe sur les relations entre histoire et mémoire des communautés,
mémoire des lieux, au sein du laboratoire de recherche « Régions et ressources
patrimoniales de Tunisie », dirigé par le professeur Abdelhamid Larguèche. Il est élu, depuis
le mois de juillet 2011, au poste de doyen de la Faculté des Lettres, des Arts et des
Humanités (Université de Tunis-Manouba).
Hervé Le Bras
A la fois démographe, historien et mathématicien, Hervé Le Bras est directeur de recherches
émérite à l'Institut National d'Études Démographiques (INED) et directeur d'études à l'École
des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS). Il a mené ses travaux dans trois domaines
distincts: la géographie historique des comportements démographiques, sociaux et
politiques, l'analyse mathématique des populations dans l'espace et l'épistémologie ou
l'histoire politique des concepts démographiques. Il est reconnu comme l'un des plus grands
spécialistes français en histoire sociale et en démographie.
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