CAA Marseille, 30 juillet 2013, n° 11MA00694

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CAA Marseille, 30 juillet 2013, n° 11MA00694
Le : 29/09/2013
Cour Administrative d’Appel de Marseille
N° 11MA00694
Inédit au recueil Lebon
7ème chambre - formation à 3
M. BEDIER, président
M. Jean-Louis BEDIER, rapporteur
M. DELIANCOURT, rapporteur public
CABINET FINES - BONNET, avocat(s)
lecture du mardi 30 juillet 2013
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 17 février 2011, présentée pour la SAS Hyères Serviport, dont le siège
social est situé 20 avenue des Lauriers par Me A...et MeB... ;
La SAS Hyères Serviport demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement n° 0806010 en date du 15 décembre 2010 par lequel le tribunal
administratif de Toulon a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d’impôt
sur les sociétés et des contributions additionnelles à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre
des années 2004 et 2005 ;
2°) de prononcer la réduction des impositions auxquelles elle a été assujettie au titre de l’année
2005 ;
3°) d’ordonner une expertise aux fins de fixer le prix de vente du fonds de commerce à raison de la
vente duquel elle a constaté une moins-value ;
4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 14 000 euros en application de l’article L. 761-1 du
code de justice administrative ainsi que les entiers dépens de l’instance ;
...............................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 2 juillet 2013 :
- le rapport de M. Bédier, président de chambre ;
- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public ;
- et les observations de MeA..., pour la SAS Hyères Serviport ;
1. Considérant qu’à la suite d’une vérification de comptabilité de la SAS Hyères Serviport, qui
exerce une activité de réparation, vente, gardiennage et location de bateaux de plaisance neufs et
d’occasion, la société a été assujettie à des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et de
contributions additionnelles à cet impôt au titre des années 2004 et 2005 ; qu’elle demande à la
Cour d’annuler le jugement en date du 15 décembre 2010 en tant que le tribunal administratif de
Toulon a rejeté sa demande en décharge des impositions mises à sa charge au titre de l’année 2005 ;
2. Considérant que les impositions contestées devant les premiers juges procédaient de la
réintégration aux résultats de la société, d’une part, d’une moins-value constatée au titre de
l’exercice clos le 31 décembre 2004 pour un montant de 421 010 euros à la suite de la cession d’un
fonds de commerce acquis la même année par la société, d’autre part, de la remise en cause d’une
perte sur stocks constatée par la société au titre de l’exercice clos le 31 décembre 2005 pour un
montant de 225 710 euros ;
Sur la réintégration aux résultats de la société de la moins-value constatée au titre de l’exercice clos
le 31 décembre 2004 pour un montant de 421 010 euros :
3. Considérant que la société requérante ne conteste plus en appel que la moins-value qu’elle a
constatée au titre de l’exercice clos le 31 décembre 2004 devait être rattachée aux résultats de
l’exercice suivant ;
Sur la demande de la société tendant à la prise en compte de la moins-value constatée pour un
montant de 421 010 euros dans les résultats de l’exercice clos le 31 décembre 2005 :
4. Considérant qu’aux termes de l’article 38 du code général des impôts : “ 1. Sous réserve des
dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net,
déterminé d’après les résultats d’ensemble des opérations de toute nature effectuées par les
entreprises, y compris notamment les cessions d’éléments quelconques de l’actif, soit en cours, soit
en fin d’exploitation (...) “ ;
5. Considérant qu’il résulte de l’instruction que la SAS Hyères Serviport a acquis le 12 janvier 2004
auprès de la SARL Fine Frères Hyères pour un prix de 674 210 euros les éléments incorporels d’un
fonds de commerce situé à Hyères dans lequel s’exerçaient les activités de chantier naval et de
gardiennage, réparation et vente de bateaux ; que, par un acte de cession de fonds de commerce
conclu le 1er avril 2004 sous condition suspensive, elle s’est engagée à céder à la SARL Serviport
les mêmes éléments de fonds de commerce au prix de 290 000 euros ; qu’après réalisation de la
condition suspensive, tenant à l’obtention de financements par l’acquéreur, la vente a été
définitivement conclue au prix de 253 200 euros le 16 mai 2005 ;
6. Considérant que l’administration souligne que l’opération par laquelle une entreprise acquiert un
fonds de commerce qu’elle s’engage à revendre pour moins de la moitié de son prix trois mois plus
tard ne saurait se rattacher à une gestion commerciale normale et que le rejet de la moins-value
exposée par la société pour un montant de 421 010 euros est justifié ;
7. Considérant que l’existence d’un acte anormal de gestion ne saurait se déduire de la simple erreur
de gestion par laquelle un entrepreneur acquiert un élément d’actif à un prix trop élevé par
méconnaissance du marché ; que le seul fait que cet élément d’actif ait rapidement perdu de sa
valeur ne suffit pas davantage à qualifier son acquisition d’acte anormal de gestion ; que l’existence
d’un tel acte anormal implique en outre de la part de l’acquéreur une intention délibérée qui peut
être révélée notamment par l’existence de relations d’intérêts entre le vendeur et l’acquéreur ;
8. Considérant que, pour expliquer l’importante décote, intervenue entre le 12 janvier 2004, date de
l’achat du fonds pour le prix de 674 210 euros, et le 1er avril 2004, date à laquelle elle-même
ramenait l’évaluation de son fonds à un prix de 290 000 euros, la société requérante indique d’une
part, que le fonds de commerce n’était pas surévalué à la date de son achat au regard des modalités
usuelles d’évaluation de tels éléments d’actif incorporel et que, d’autre part, une modification
brutale des conditions économiques de son secteur d’activité explique la dépréciation du fonds de
commerce qu’elle a acquis puis cédé ;
9. Considérant que l’administration ne conteste pas utilement les données chiffrées, appuyées de
documents comptables, par lesquelles la société requérante indique avoir acheté le fonds de
commerce de la SARL Fine Frères Hyères pour un prix correspondant à 37,35 % du chiffre
d’affaires moyen pondéré des trois derniers exercices connus de la société venderesse et ajoute
qu’une telle évaluation du fonds de commerce est sensiblement inférieure aux usages de son secteur
d’activité ; que ne sont pas davantage utilement contestées les affirmations de la société selon
lesquelles les restructurations importantes intervenues en 2003 et 2004 dans son secteur d’activité
concernant plus particulièrement les marques Evinrude, Johnson ou Moteurs Baudouin, dont le
négoce des matériels constituait l’essentiel de l’activité de la SARL Fine Frères Hyères, explique la
dépréciation rapide de son fonds de commerce ; qu’en outre, l’administration ne fait état à aucun
moment de relations d’intérêt entre le vendeur et l’acquéreur et ne met pas en évidence que la
société requérante, dont la bonne foi n’a d’ailleurs pas été mise en cause, aurait intentionnellement
acquis pour un prix surévalué le fonds de commerce de la SARL Fine Frères Hyères ; qu’à cet
égard, si l’administration rappelle que le représentant de la société avait notamment déclaré, au
cours des opérations de contrôle, par des propos consignés dans la proposition de rectification du 27
avril 2007, que le prix d’achat du fonds “ avait été excessif compte-tenu des conditions
d’exploitation et de l’obsolescence de l’entreprise “ et qu’” un manque de vigilance de sa part,
cumulé à un excès de confiance dans les vendeurs, l’ont conduit à contracter sans véritable contrôle
et à acquérir un fonds surévalué “, ces propos ne révèlent aucune intention consciente de la part de
l’acquéreur de réaliser une acquisition à un prix excessif ; que, dans ces conditions, l’administration
ne peut être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe de ce que l’acquisition du fonds
de commerce n’aurait pas relevé d’une gestion commerciale normale ; qu’il y a lieu en conséquence
de faire droit à la demande par laquelle la société requérante demande que ses résultats de l’année
2005 soit diminués de la somme de 421 010 euros ;
Sur la réintégration aux résultats de l’exercice clos le 31 décembre 2005 de la perte sur stocks
constatée par la société pour un montant de 225 710 euros :
10. Considérant qu’il résulte de l’instruction que la SAS Hyères Serviport a acquis, par l’acte du 12
janvier 2004 déjà mentionné au point 5 pour un prix de 305 000 euros le stock de pièces que
détenait la SARL Fine Frères Hyères ; que ce stock a été revendu en novembre 2005 au prix de 79
290 euros à la SARL Serviport ; que l’administration a réintégré aux résultats de l’exercice clos le
31 décembre 2005 de la société requérante la charge afférente à la variation de valeur du stock à
concurrence de la somme de 225 710 euros au motif que l’achat initial du stock pour une valeur
largement supérieure à sa valeur marchande était constitutif d’un acte anormal de gestion ;
11. Considérant que, quant à ce chef de redressement également, ne sont pas utilement contestées
les affirmations de la société selon lesquelles l’effondrement des ventes de matériels concernant
plus particulièrement les marques Evinrude, Johnson ou Moteurs Baudouin, a rendu rapidement
obsolète et sans valeur marchande une grande partie du stock qu’elle avait acquis auprès de la
SARL Fine Frères Hyères ; que l’administration ne met pas non plus en évidence que la société
requérante aurait intentionnellement acquis pour un prix surévalué le stock de la SARL Fine Frères
Hyères ; que, dans ces conditions, l’administration ne peut être regardée comme apportant la preuve
qui lui incombe de ce que l’acquisition de ce stock n’aurait pas relevé d’une gestion commerciale
normale ; qu’il y a lieu en conséquence de faire droit à la demande par laquelle la société requérante
demande que ses résultats de l’année 2005 soit diminués de la somme de 225 710 euros ;
12. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la SAS Hyères Serviport est fondée à
soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa
demande s’agissant des impositions mises à sa charge au titre de l’année 2005 et à demander que
ses résultats de l’année 2005 soient diminués des sommes de 421 010 et 225 710 euros soit 646 720
euros ainsi que la réduction, en droits et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d’impôt
sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre
de la même année 2005 ;
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
13. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, en application des dispositions de
l’article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2
000 euros au titre des frais exposés par la SAS Hyères Serviport et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE:
Article 1er : Les bases de l’impôt sur les sociétés et des contributions additionnelles à cet impôt de
la SAS Hyères Serviport sont réduites de la somme de 646 720 euros au titre de l’année 2005.
Article 2 : La SARL Hyères Serviport est déchargée, en droits et pénalités, de la différence entre les
cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt
auxquelles elle a été assujettie au titre de l’année 2005 et celles résultant de l’application de l’article
1er ci-dessus.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Toulon en date du 15 décembre 2010 est
réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L’Etat versera à la SARL Hyères Serviport la somme de 2 000 euros en application de
l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Hyères Serviport et au ministre de l’économie et
des finances.
Copie en sera adressée au directeur du contrôle fiscal sud-est.
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Abstrats : 19-04-02-01-04-082 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus
et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Détermination
du bénéfice net. Acte anormal de gestion.