lettre d`oscar kistabish à stéphane grenier
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lettre d`oscar kistabish à stéphane grenier
LETTRE D’OSCAR KISTABISH À STÉPHANE GRENIER Le 4 novembre 2015 Monsieur Stéphane Grenier ENVOI PAR COURRIEL Professeur, UQAT Monsieur Grenier, Suite à votre conversation téléphonique de lundi soir avec madame Cloutier, nous tenions à faire un résumé par écrit des préoccupations qu’elle a porté à votre attention concernant les multiples représentations que vous effectuez en lien avec la situation de crise provoquée par les révélations de femmes autochtones vulnérables le 22 octobre dernier dans le cadre de l’émission Enquête. Nous avons un malaise avec le fait que vous vous attribuez un mandat non-officiel de « porteparole » et de « conseiller expert en matière autochtone » auprès des instances gouvernementales et plus particulièrement auprès de la Sûreté du Québec. Nous avons compris, lors de cet échange d’hier, que vous avez, au cours de la dernière semaine, multiplié les discussions, allant même jusqu’à faire des recommandations au nom du Centre d’amitié autochtone de Val-d’Or, avec les autorités, les élus, la Sûreté du Québec ainsi qu’auprès du Secrétariat aux affaires autochtones. Tel que mentionné hier, nous n’avons reçu aucune demande de rencontre par le CISSS-AT, le député Guy Bourgeois ou la SQ pour discuter des projets-pilotes, des initiatives ou encore des orientations qui se dessinent pour le futur. Nous sommes étonnés, voir offensés, que l’on vous consulte sur des enjeux qui concernent les Premières Nations du territoire alors qu’on ne nous demande pas notre avis. Par vos agissements, nous considérons que vous donnez l’opportunité aux autorités gouvernementales et policières de cautionner leurs actions avant même que les Autochtones puissent se prononcer faute d’être consultés. Nous recommandons formellement que vous cessiez d’agir au nom des Premières Nations et du Centre d’amitié autochtone de Val-d’Or. Également, suite à votre visite impromptu de lundi avec un membre du personnel de la SQ au lieu de répit Chez Willie, nous exigeons que vous obteniez une autorisation préalable auprès de madame Sharon Hunter, conseillère aux partenariats et relations avec le milieu du Centre d’amitié avant de vous rendre sur place avec des visiteurs. 1272, 7e Rue, Val-d’Or (Québec) J9P 6W6 – Tél.: 819.825.6857 – Fax : 819.825.7515 – [email protected] – www.caavd.ca Si les autorités gouvernementales souhaitent sincèrement travailler dans le but d’améliorer les conditions de vie des Autochtones et entretenir un dialogue ouvert et honnête, elles n’auront qu’à se tourner vers les premiers interlocuteurs concernés, les Premières Nations et à Val-d’Or, le Centre d’amitié autochtone de Val-d’Or. Acceptez, monsieur Grenier, nos salutations distinguées. Le président, Oscar Kistabish c.c. Guy Bourgeois, député d’Abitibi-Est Roméo Saganash, député d’Abitibi-Baie James, Nunavik, Eeyou Jacques Boissonneault, PDG, CISSS-AT Ginette Séguin, directrice intérimaire, Sûreté du Québec, poste de la MRC-Vallée-de-l’Or Johanne Jean, rectrice, UQAT Pierre Corbeil, Maire de la Ville de Val-d’Or Marie-José Thomas, sous-ministre, Secrétariat aux affaires autochtones du Québec Tanya Sirois, directrice générale, Regroupement des centres d’amitié autochtones du Québec Cheffe Salomée McKenzie, Lac Simon Cheffe Adrienne Anichinapéo, Kitcisakik Chef David Kistabish, Abitibiwinni LETTRE DE STÉPHANE GRENIER À OSCAR KISTABISH Val-d’Or, 4 novembre 2015 Monsieur Kistabish, J’ai le regret de vous décevoir. Il s’agit d’une mauvaise interprétation de la part de Madame Cloutier. Les autorités ne m’ont jamais consulté pour des enjeux relatifs aux Premières Nations, ni pour des enjeux relatifs au Centre d’Amitié Autochtone. Je n’ai donc pas pu jouer un rôle de porte-parole ou de conseiller expert sur ces enjeux. Les autorités ne m’ont interpellé que sur les questions d’itinérance à Val-d’Or et c’est vrai que j’ai joué mon rôle de président de la Piaule de Val-d’Or (un organisme qui vient en aide à toutes personne ayant besoin d’hébergement) en les informant sur ces réalités. Je ne peux dire être un expert en la matière, mais cela fait plus de dix ans que je collabore avec tous les partenaires dans le domaine. Tout au long de cette fâcheuse semaine qui a mis en lumière des pratiques douteuses de la Sûreté du Québec, j’ai toujours répété les mêmes 4 éléments de solution pour améliorer les services en itinérance à Val-d’Or : 1) Une formation sur les réalités cultuelles à offrir aux policiers. Dans ce cadre, j’ai même recommandé les formations de Madame Janet Mark (une membre de votre CA) offertes dans le cadre de la formation continue de l’UQAT. Cette formation permettrait d’avoir des interventions culturellement acceptables de la part des policiers envers les personnes itinérantes autochtones. Ces formations sont déjà disponibles à l’UQAT. 2) Mettre en place une équipe mobile de référence et d’intervention en itinérance comme à Montréal. Cette unité mobile, où des travailleurs sociaux accompagneraient des policiers, améliorerait sans aucun doute, comme les évaluations montréalaises le montrent, les interventions à l'égard des itinérants (pas seulement les personnes itinérantes autochtone). 3) Mettre en place un centre de jour à haut seuil de tolérance (Chez Willy)1. L’an dernier toutes les organisations ont collaboré ensemble2 pour mettre ce genre de service en place. La Piaule de Val-d’Or comme d’autres organisations ont délégué des intervenants sur place pour assurer des heures de présence et d’intervention. L’expérience a montré de très bons résultats en termes de réduction d’intoxication des personnes dans la rue et d’accompagnement de celles-ci. 4) Accélérer les projets de logements sociaux visant les personnes itinérantes et les personnes _______________________________________________________ 1 Faut-il rappeler que Willy est une personne que nous avons accueilli à la Piaule de Val-d’Or durant de nombreuses années. Je me souviens même avoir dû faire des représentations politiques pour lui obtenir financement pour qu’il puisse faire une convalescence chez vous au centre d’amitié autochtone. Et oui, vos services ne sont pas gratuits! 2 Il ne fait plus de doute pour moi que le CAAVD souhaite faire cavalier seul dans ce type de service. Cela est bien dommage, car nous allons reculer sur le plan de la collaboration inter organisations. Ce sont une fois de plus les personnes itinérantes qui en payeront le prix. ___________________________________________ autochtones à Val-d’Or. Depuis les 10 dernières années, notre ville souffre d’une crise du logement importante. De nombreuses personnes ont du mal à sortir de la rue, car elles sont incapables de trouver un logement qui répond à leur besoin. Cela est particulièrement vrai pour les personnes itinérantes autochtones qui vivent énormément de discrimination. J’ai effectivement fait des représentations auprès des élus pour le projet de 21 unités de la Piaule de Val-d’Or. Le moment me semblait bon pour donner une nouvelle impulsion à ce projet mobilisateur. Par contre, j’ai aussi mentionné aux élus, cela me semblait important dans le cadre d’une saine collaboration entre nos institutions, que vous aviez un projet qui tarde à se réaliser et qu’il serait important d’y penser aussi. Comme vous pouvez le constater, les 4 solutions que je propose ne vise qu’une amélioration des services en itinérance à Val-d’Or. Je n’ai jamais parlé de commission d’enquête, jamais pris la parole aux noms des Premières Nations. Je n’ai donc jamais agi au nom de ceux-ci et au nom du CAAVD. Par contre, il est vrai que j’ai parlé à la SQ par rapport à l’implantation d’une unité mobile d’intervention en itinérance. La SQ est un partenaire de la Piaule de Val-d’Or depuis plusieurs années comme l’est le CAAVD. Bien que de terrible révélations aient eu lieu dans le reportage d’enquête, mon organisation ne pourra se passer d’une collaboration avec la SQ. Nous devons souvent faire appel à eux lorsque les situations dégénèrent.3 Il me semblait donc important d’aider la SQ à bien saisir les particularités de notre contexte d’intervention pour qu’ils puissent associer les bonnes personnes au projet.4 ___________________________________________ Faut-il vous rappeler que nous accueillons des personnes hautement intoxiquées à la Piaule de Val-d’Or pour de l’hébergement d’urgence. Nous devons souvent demander l’intervention des policiers lorsque nous sommes en présence de personnes violentes. 3 4 Dans les discussions que j’ai eues avec eux, je vous avais nommé comme partenaire incontournable pour ce projet. J’ai aussi nommé les communautés algonquines et cris. ___________________________________________ Maintenant, suite à l’appel, que je qualifierais de violent, de Madame Cloutier, j’ai obtempéré à sa demande, par crainte de représailles de sa part et j’ai annoncé à la SQ que je ne participerai plus à ce projet avec eux. J’ai contacté Madame Katherine Sucheka, responsable de l’implantation de ce programme pour la SQ, dès le lendemain matin pour lui annoncer ma décision de quitter (vous pouvez obtenir une confirmation de sa part). J’ai aussi mis fin à toutes prises de paroles publiques et refusé toutes entrevues encore une fois par crainte de représailles de la part de Madame Cloutier (vous pouvez avoir confirmation de mes dires auprès de Vanessa Limage (Radio-Canada), Véronique Gagnée (Le citoyen) et Francis Labée (Radio Canada). Sachez que c’est la première fois de ma vie que je renonce à mon droit de parole et ma liberté d’expression. Je n’ai jamais plié devant des députés et des ministres, mais cette fois-ci j’ai eu peur. J’ai eu peur qu’on salisse ma réputation et qu’on m’instrumentalise politiquement. Avec cette lettre, je vois que mes craintes étaient fondées. En terminant, Monsieur Kistabish, je dois vous avouer que je vais continuer à travailler à améliorer le sort des personnes itinérantes de la Ville de Val-d’Or. Que ces personnes soient autochtones ou non, je vais faire en sorte qu’elles soient accueillies chaleureusement à la Piaule de Val-d’Or. Cette crise ne me donne pas le goût de tout casser et de tout démolir. Cette crise me donne le goût d’améliorer mes collaborations et de travailler à construire un Val-d’Or plus juste et sécuritaire. Les communautés autochtones avec qui je travaille en recherche connaissent mon intégrité et ma capacité à respecter mes engagements. Je continuerai de cette façon en étant solidaire envers eux, mais en prenant bien soin de ne pas parler en leur nom comme j’ai toujours fait. Pour que personne ne dorme qu’avec qu’un ciel sur la tête! Stéphane Grenier Président du CA de la Piaule de Val-d’Or