3. Architecture sacrée

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3. Architecture sacrée
3. Architecture sacrée
A. Le sanctuaire
Tout endroit peut devenir un lieu de culte, un sanctuaire (hiéron, espace sacré). Il suffit
que les Grecs lui reconnaissent un caractère sacré. Le terrain est alors délimité : il porte le
nom de téménos, c'est l'espace qui a été coupé du reste. Ses limites peuvent être matérialisées
par des bornes (horoi) ou par un mur continu, le péribole. Un téménos peut abriter les cultes
de plusieurs dieux ou être réservé à une seule divinité.
Les sanctuaires sont dispersés sur tout le territoire de la cité et marquent l'emprise de
celle-ci sur le territoire. Il existe des sanctuaires urbains, péri-urbains et extra-urbains. Ces
derniers marquent souvent l'extension maximale du territoire d'une cité et les prétentions
territoriales qu'elle affiche face à ses rivales. Ces sanctuaires sont d'ailleurs souvent reliés au
noyau urbain de la cité par des voies sacrées. Celles-ci servent aux grandes processions
annuelles entre la ville et le sanctuaire, par lesquelles les citoyens réaffirment leur emprise sur
le territoire.
Les principaux éléments constitutifs des sanctuaires : L'élément le plus important du
sanctuaire et des rituels, ce n'est pas le temple, mais l'autel.
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L'autel (bômos) est situé dans le sanctuaire, à l'extérieur du temple, le plus souvent devant
celui-ci. C'est le lieu du sacrifice : le sang de l'animal ruisselle sur l’autel, les viandes
sacrificielles y sont brûlées. L'autel peut être un imposant socle de pierre, mais n'est
parfois matérialisé que par le tas de cendres et d'os brûlés qui demeurent après les
sacrifices. Tout le rituel se déroule donc dans l'enceinte du sanctuaire, mais à l'extérieur du
temple et sans lien cérémoniel avec celui-ci. Les participants au sacrifice forment en
général un cercle ou un demi-cercle autour de l'autel.
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Le temple (naos) a une autre fonction : conserver la statue de culte et une partie des
offrandes faites à la divinité. Le temple est donc pour l'essentiel un entrepôt. C'est la
raison pour laquelle il est fermé la plus grande partie de l'année et qu'il n'est accessible
qu'au personnel du sanctuaire. Le fidèle n'entre pas dans le temple.
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L'offrande au dieu ne se limite pas aux sacrifices. Il était également possible de laisser
une trace visible de manière durable de son passage, en dédiant divers objets. Le
sanctuaire est donc encombré d'une multitude d'offrandes : vases, chaudrons en bronze,
armes, butin pris sur l'ennemi, petites statuettes en terre cuite et en bronze, statues en
marbre et en bronze, groupes statuaires, offrandes monumentales. Certaines cités offrent
même de petits édifices, les trésors, destinés à abriter les offrandes de leurs concitoyens. Il
faut bien comprendre qu'une grande partie des œuvres d'art qui nous sont parvenues
étaient des objets consacrés aux dieux.
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Enfin, différents bâtiments fonctionnels, qui servent aux pèlerins et au personnel
religieux (salles de banquets et salles de repos) et les lieux nécessaires au déroulement des
concours (stade, hippodrome et théâtre) quand le culte du dieu comporte de tels rituels (en
particulier à Delphes et à Olympie).
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B. Plan et élévation du temple grec
Parce que le temple mobilise des architectes, des masses d'ouvriers, des artisans
spécialisés (les sculpteurs) et les autorités de la cité, il incarne une certaine image que la cité
veut donner d'elle-même, reflet de son identité et de son histoire. Les cités et les grands
sanctuaires s'enorgueillissent donc de l'éclat de leurs temples.
Le temple grec se compose généralement de trois pièces formant le sèkos :
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une chambre rectangulaire (naos ou cella), où se trouve la statue du dieu ;
un porche (pronaos, de pro, « devant », et naos, « temple ») ouvert normalement à
l'Est ;
une pièce arrière, tantôt ouverte à l'Ouest (opisthodome, de opisthen « arrière », et
domos, « construction ») tantôt fermée sur l'extérieur et communicant avec la cella
(adyton, « lieu caché »).
Le temple grec est généralement entouré de colonnes. La colonnade est appelée péristyle
(de peri, « autour » et, stylos, « colonne »). Un temple entouré sur ses quatre côtés d'une
simple rangée de colonnes est dit périptère (de peri « autour », et pteron « aile, colonnade ») ;
si la rangée de colonnes est double, diptère. Lorsqu'il n'a qu'une colonnade en façade, comme
c’est le cas généralement des trésors, il est dit prostyle ; lorsqu'il a une colonnade en façade et
une colonnade à l'arrière, il est dit amphiprostyle. Enfin, deux colonnes disposées entre les
antes (extrémités du mur) du pronaos et de l'opisthodome soutiennent le toit ; ces colonnes
sont dites in antis.
Le trésor se compose généralement d'une simple cella, sans péristyle, précédée d'un
pronaos à deux colonnes entre les antes (colonnes in antis) ou à quatre colonnes en façade
(prostyle). Dans certains cas, les deux colonnes in antis sont remplacées par des caryatides
(statues féminines) ou, plus rarement, des atlantes (statues masculines) ; ceux-ci assurent le
même rôle fonctionnel de support que les colonnes, mais enrichissent la décoration.
Ajoutons enfin un dernier plan de temple : la tholos. Il s’agit d’un bâtiment de plan
circulaire, entouré d’une colonnade extérieure. Les exemples les plus célèbres sont la tholos
de Marmaria à Delphes et la tholos d’Épidaure, toutes deux construites au IVe siècle.
Les colonnes du péristyle reposent sur le stylobate (de stulos, « colonne », et bainein,
« marcher »). Le stylobate est le degré supérieur du soubassement (crépis), qui en compte
généralement trois. La colonne se compose d'un fût, surmonté d'un chapiteau et parfois posé
sur une base. Le fût est soit monolithique soit composé de plusieurs tambours. Les colonnes
supportent l'entablement du temple. L'entablement est composé d'une architrave, d'une frise et
d'un larmier. L'architrave est une suite de poutres posées sur les chapiteaux des colonnes. La
frise est un bandeau décoratif intercalé entre l'architrave et le larmier. Le larmier est un
couronnement en saillie, destiné à écarter du mur la pluie qui ruisselle du toit. Le toit a deux
versants et est supporté par une charpente de bois ; il définit au-dessus de chaque façade une
ouverture triangulaire appelée fronton, le plus souvent fermé par un mur vertical appelé
tympan. Ce tympan est tantôt peint, tantôt orné de sculptures. Le toit est fait de tuiles en argile
ou, parfois, en marbre. Les trois angles du fronton sont soulignés par des éléments décoratifs
(acrotères) en terre cuite, en pierre ou en métal.
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C. Les trois ordres architecturaux
Depuis Vitruve, architecte romain de l'époque d'Auguste, les spécialistes de l'architecture
ont pris l'habitude de distinguer trois ordres architecturaux, autrement dit trois schémas
particuliers d'élévation des temples : dorique, ionique et corinthien.
Ordre dorique
Le péristyle dorique classique compte 6 colonnes en façade et le plus souvent 13 sur les
longs côtés. Cette formule canonique (6 / 6*2+1) se retrouve dans la plupart des temples de
Grèce continentale, avec l'exception notable du Parthénon (8 / 8*2+1), où tout est
nécessairement plus grand.
La colonne dorique a un fût cannelé à arêtes vives. Il repose directement sur le stylobate,
sans l'intermédiaire d'une base. Le chapiteau comprend une échine et un abaque. À l'époque
archaïque, l'échine a la forme d'une galette aplatie. Celle-ci se redresse progressivement à
l'époque classique et tend à devenir rectiligne.
L'architrave de l'entablement dorique ne porte normalement aucun décor sculpté. La frise
est ornée d'une alternance de triglyphes et de métopes. Le triglyphe (de tri- et gluphein,
« sculpter, graver ») est un ornement composé de trois bandeaux verticaux. La métope est une
plaque qui sépare deux triglyphes ; elle est généralement sculptée.
Ordre ionique
Le chapiteau ionique se compose d'une échine en forme de bourrelet sur laquelle repose
un coussinet de plan rectangulaire, aux extrémités duquel s'enroulent horizontalement deux
volutes symétriques, qui encadrent l'échine. L'échine est sculptée d'un rang d'oves (motifs en
forme d'œufs).
Afin de ne pas rompre l'unité des façades, les chapiteaux d'angle combinent deux demichapiteaux ordinaires coupés selon la diagonale et assemblés de manière à présenter des
volutes sur les deux faces extérieures adjacentes.
Le fût, plus élancé que celui de la colonne dorique, se dresse sur une base moulurée ; ses
cannelures sont séparées par des méplats.
L'architrave est moins massive que dans l'ordre dorique et est divisée en trois fasces,
bandeaux horizontaux en léger encorbellement les uns sur les autres. La frise est généralement
sculptée (frise historiée).
Ordre corinthien
Il n'y a guère de différence entre l'ordre ionique et l'ordre corinthien, qui n'en est en
réalité qu'une variante. L'ordre corinthien apparaît en Grèce à la fin du Ve siècle. D’abord
réservé à l’intérieur de la cella, il gagne progressivement à l’époque hellénistique l’extérieur
des édifices. Le fût de colonne et l'entablement sont identiques à l’ordre ionique. C'est au
niveau du chapiteau que la différence se fait sentir. Le chapiteau corinthien est revêtu de
plusieurs rangs de feuilles d'acanthe, derrière lesquelles jaillissent des tiges enroulées
(crosses).
Décor sculpté
Pour résumer, plusieurs emplacements dans l'architecture du temple grec sont
susceptibles de recevoir un décor sculpté : le fronton, la frise (entière dans le cas des ordres
ionique et corinthien ; uniquement les métopes pour l'ordre dorique), les acrotères. Dans le cas
du Parthénon, il faut ajouter le haut de la paroi extérieur du mur de la cella, qui est
entièrement décoré d’une frise historiée : la frise des Panathénées.
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D. Techniques de construction
La caractéristique principale de l’architecture grecque par rapport à la construction
romaine est de n’utiliser aucun liant ; le mortier est une invention romaine. Dans l’architecture
grecque, les blocs devaient être ajustés le plus précisément possible afin d'assurer la solidité
de l'édifice, éventuellement avec l’aide de divers crampons en fer. Il existe quatre sortes
d'appareils (modes d'agencement des blocs entre eux) :
— Les murs en moellons sont les plus anciens et les plus simples. Ils ne nécessitent
aucune taille de la pierre : les blocs bruts sont choisis et agencés les uns à côté des autres de la
manière la plus adéquate possible. Ces murs se rencontrent dès l'époque mycénienne ; si ces
blocs sont très gros, on parlera alors d'appareil cyclopéen. Par la suite, à toutes les époques,
les murs d'habitation sont normalement faits de moellons entassés, ainsi d’ailleurs que
certains murs de soutènement.
— L'appareil polygonal en est une évolution directe. Chaque bloc est taillé de manière à
s'adapter parfaitement aux blocs voisins. Les joints sont soit droits soit courbes et donnent
ainsi au bloc l'apparence d'un polygone irrégulier. Alors qu'aujourd'hui nous sommes surtout
sensibles à son côté décoratif, ses secteurs d'emploi montrent que pour les Anciens la
sinuosité en continu des surfaces de joints était perçue comme garante de solidité.
— L'appareil trapézoïdal se distingue du précédent par la régularité des formes des blocs :
il s'agit de trapèzes, dont la grande et la petite bases sont toujours placées à l'horizontale,
tandis que les joints latéraux sont obliques. Il peut parfois être sujet à des décrochements,
autrement dit tous les blocs d'une même ligne d'assise n'ont pas nécessairement la même
hauteur, ce qui entraîne des irrégularités dans l'alignement des assises.
— L'appareil rectangulaire consiste à assembler des blocs parfaitement quadrangulaires,
autrement dit aux assises horizontales et aux joints verticaux. Dans ce cas, les blocs ne sont
plus taillés sur le chantier en fonction de leur position par rapport aux autres dans le mur, mais
peuvent être préparés en carrière.
Enfin, il convient de distinguer, pour les deux dernières catégories, deux agencements
différents, qui concernent la hauteur des assises. On parle d'appareil isodome lorsque toutes
les assises ont la même hauteur, de pseudo-isodome lorsque les rangées d'assises sont
disposées de manière inégale et irrégulière (autrement dit, lorsqu'elles n'ont pas la même
hauteur). Attention que la première assise est très souvent composée d'orthostates, c'est-à-dire
de blocs posés sur l'une de leurs petites bases. On parlera ainsi de trapézoïdal pseudo-isodome
à décrochements, d'appareil rectangulaire pseudo-isodome ou de rectangulaire isodome. C'est
surtout sous cette dernière forme que l'appareil rectangulaire fut utilisé à l'époque classique
dans les édifices les plus soignés, dont les parements sont polis à la perfection.
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