Questionnaire sur l`indépendance de la Justice - Niger

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Questionnaire sur l`indépendance de la Justice - Niger
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Questionnaire sur l’indépendance de la Justice
REPONSES DE LA COUR SUPREME DU NIGER
1) Quelle est l’influence de la tradition (tradition juridique, histoire, coutume) et/ou des
pratiques sociales dans la place institutionnelle de la Justice et dans son organisation ?
Nous sommes dans un système dualiste où l’influence de la tradition est importante.
Exemple : La Loi organique n° 2004-50 du 22 juillet 2004 fixant l’organisation et la
compétence des juridictions en République du Niger :
- Article 5 al 4 : en matière coutumière, des assesseurs avec voix consultative complètent
la Cour de cassation, le tribunal de grande instance, le tribunal d’instance et le tribunal du
foncier rural.
- Article 63 : Sous réserve du respect des conventions internationales régulièrement
ratifiées, des dispositions législatives ou des règles fondamentales concernant l’ordre public
ou la liberté des personnes, les juridictions appliquent la coutume des parties :
1) dans les affaires concernant leur capacité à contracter et agir en justice, l’état des
personnes, la famille, le mariage, le divorce, la filiation, les successions, donations et
testaments ;
2) dans celles concernant la propriété ou la possession immobilière et les droits qui en
découlent, sauf lorsque le litige portera sur un terrain immatriculé ou dont l’acquisition ou
le transfert aura été constaté par un mode de preuve établi par la loi.
2) La place et l’organisation de la justice s’inspirent-elles d’une expérience ou d’un modèle
étrangers ?
Oui ; le modèle français.
3) Sur le plan historique, quelles ont été les grandes étapes vers une plus grande indépendance
de la Justice ?
En 1966 : adoption du premier statut portant création du corps de la magistrature ;
Le 20 mai 1991 : création du Syndicat Autonome des Magistrats du Niger (SAMAN) qui
compte parmi ses objectifs celui de veiller à l’indépendance de la justice;
Juillet 1991 : tenue de la Conférence nationale marquant l’avènement de la démocratie avec
reconnaissance d’un pouvoir judiciaire indépendant et séparé des autres pouvoirs.
4) Sur le plan historique, quel a été, s’il y en a eu un, le rôle des juges ou des avocats dans les
progrès de l’indépendance de la justice ?
Les juges ont participé activement à l’élaboration de la Constitution de 1992 instituant le
pouvoir judiciaire et consacrant la séparation des pouvoirs et l’indépendance des juges.
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5) Existe-t-il une définition de l’indépendance de la justice dans les textes et/ou la
jurisprudence ? Si oui, quelle est-elle ?
Non
6) Quels sont les textes qui fondent l’indépendance de la justice et quelle est leur valeur
(valeur constitutionnelle, législative, usage, jurisprudence,…) ?
La constitution du 9 Août 1999 en ses articles 98 à 102 :
Article 98 - Le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif.
Il est exercé par la Cour Constitutionnelle, la Cour Suprême, les cours et tribunaux créés
conformément à la présente Constitution.
Article 99 - La justice est rendue sur le territoire national au nom du Peuple et dans le respect
strict de la règle de droit ainsi que des droits et libertés de chaque citoyen.
Les décisions de justice s’imposent à tous, aux pouvoirs publics comme aux citoyens. Elles ne
peuvent être critiquées que par les voies et sous les formes autorisées par la loi.
Article 100 - Dans l’exercice de leurs fonctions les juges sont indépendants et ne sont soumis
qu’à l’autorité de la loi.
Le Président de la République est garant de l’indépendance des juges.
Il est assisté par le Conseil Supérieur de la Magistrature.
Article 101 - Les magistrats du siège sont nommés par le Président de la République sur
proposition du ministre de la justice, garde des sceaux, après avis du Conseil Supérieur de la
Magistrature.
Les magistrats du Parquet sont nommés par le Président de la République sur proposition du
ministre de la justice, garde des sceaux.
Les magistrats du siège sont inamovibles.
Article 102 - La loi fixe la composition, l’organisation, les attributions et le fonctionnement
du Conseil Supérieur de la Magistrature.
L’ordonnance n° 88-001 du 7 janvier 1988 portant Statut de la Magistrature :
Article 7 : les magistrats du siège sont inamovibles. Ils ne peuvent recevoir une affectation
nouvelle, même par voie d’avancement, sans avis conforme et motivé du Conseil Supérieur de la
Magistrature.
Toutefois, lorsque les nécessités du service l’exigent, ils peuvent être déplacés par l’autorité de
nomination sur avis conforme et motivé du Conseil Supérieur de la Magistrature.
La loi 2000-10 du 14 août 2000 déterminant la composition, les attributions et le
fonctionnement de la Cour suprême :
Article 9 – Le président, le vice-président, les présidents de chambre et les conseillers sont
nommés par décret du Président de la République pris en conseil des ministres, après avis du
Conseil supérieur de la Magistrature.
Le président, le vice-président, les présidents de chambre et les conseillers de la Cour suprême
ont la qualité de magistrats du siège.
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Il ne peut être mis fin à leurs fonctions que par suite de démission, révocation sur avis du Conseil
supérieur de la Magistrature, mise à la retraite ou expiration de la période pour laquelle ils ont été
nommés.
En toutes matières non prévues par la présente loi, le statut de la Magistrature est applicable aux
membres de la Cour suprême.
7) L’Etat ou ses émanations peuvent-ils être justiciables de la justice ? Si oui, dans quels cas
et dans quelles conditions légales et procédurales ?
-
Recours pour excès de pouvoir ;
Recours de plein contentieux ;
Vérifications des comptes de l’Etat , des collectivités territoriales et Entreprises et
organismes publics
8) Comment sont recrutés les juges ? Quels sont les critères de sélection ?
Sur Concours :les critères essentiels sont la nationalité, la compétence académique (
maîtrise en droit ) et la bonne moralité ;
Sur Titre : avocats, Notaires, Greffiers et Attachés de Parquet titulaires de la maîtrise en
droit et qui ont exercé leur profession pendant cinq ans au moins.
9) Quel est, globalement, le contenu de la formation des juges (place respective de la
formation juridique, des stages pratiques, de la déontologie) ? Le contenu de la formation
est-il susceptible de menacer l’indépendance ?
-
Formation Théorique de 8 mois ;
Stage pratique de 12 mois ;
Déontologie : conférence de 8 heures ;
Non le contenu de la formation n’est pas susceptible de menacer l’indépendance.
10) Quels sont les éléments et les modalités de rémunération des juges (assimilation aux
fonctionnaires, grille des traitements, primes, avantages en nature) ?
Les éléments de rémunération d’un juge sont le traitement indiciaire plus les indemnités
statutaires telles l’indemnité de résidence et les prestations familiales auxquelles peuvent
s’ajouter accessoirement et exceptionnellement selon le poste qu’occupe le magistrat des
indemnités de représentation et de sujétion ainsi que d’autres avantages en nature tels le
véhicule de fonction, l’eau, l’électricité et le téléphone.
a) Quel est en 2006 la rémunération d’un juge de base en début de carrière ?
Sa rémunération est de l’ordre de 154 OOO FCFA net.
b) Quel est en 2006 la rémunération du juge le plus haut placé dans la hiérarchie ?
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La rémunération d’un juge du 1er grade donc le plus haut placé dans la hiérarchie est de
l’ordre de 291 000 F CFA sans les indemnités accessoires de représentation et autres.
c) Quel est en 2006 la rémunération moyenne d’un juge en milieu de carrière ?
Le juge en milieu de carrière perçoit un salaire de l’ordre de 230 000 F CFA sans les
accessoires.
d) Comment situer la rémunération d’un juge par rapport aux autres agents publics
de rang équivalent ?
Le fonctionnaire de même rang perçoit à peu près 40% du revenu d’un juge en début de
carrière. Toutefois il faut relever que ce fonctionnaire a plus de possibilité d’accès à des
revenus accessoires qui en définitive lui donnent un revenu net supérieur.
e) Comment situer la rémunération d’un juge par rapport au salaire moyen ?
la rémunération d’un juge est de l’ordre de trois (3) fois le salaire moyen (cadre B de la
fonction publique).
f) Comment la rémunération évolue-t-elle durant la carrière ?
la rémunération évolue tous les deux (2) ans suivant le changement automatique d’échelon
à l’intérieur de chaque grade.
11) Quelle est la part du budget de fonctionnement de la Justice dans le budget général de
l’Etat ? A-t-elle connu des évolutions marquées, à la hausse ou à la baisse ?
L’évolution est en dents de scie :
_________________________________ 1997
Budget du Ministère de la Justice en
0,81
% du budget général de l’Etat
1998
1999
2000
2001 2006
0,73
0,88
1,13
0,89 0,87
12) Y a-t-il progrès de l’indépendance, et le cas échéant comment, par des mesures de
transparence et de publicité de la Justice (publicité des débats, publicité de la décision
notamment) ?
Oui
13) Quelle est la teneur, s’il y en a, des règles restrictives tenant à un nombre limité d’années
pouvant être passées dans une fonction et/ou dans un lieu géographique ?
Il n’y a pas de restriction sauf pour les juges de la Cour Constitutionnelle dont le mandat
est limité à 6 ans.
14) Comment est assurée l’indépendance de la justice à l’égard du ou des environnements
suivants, s’il y a lieu :
a) de la presse écrite et audiovisuelle ?
b) du groupe social ?
c) de la tribu ?
d) de la société civile ?
e) des ethnies ?
f) de la religion ?
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g) de la syndicalisation des juges ?
Principalement par :
- la Constitution du 9 août 1999
Article 99 - La justice est rendue sur le territoire national au nom du Peuple et dans le respect
strict de la règle de droit ainsi que des droits et libertés de chaque citoyen.
Les décisions de justice s’imposent à tous, aux pouvoirs publics comme aux citoyens. Elles ne
peuvent être critiquées que par les voies et sous les formes autorisées par la loi.
Article 100 - Dans l’exercice de leurs fonctions les juges sont indépendants et ne sont soumis
qu’à l’autorité de la loi.
Le Président de la République est garant de l’indépendance des juges.
- le Code pénal
Article 170 : l’outrage à magistrat dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses
fonctions est puni d’un emprisonnement de 3 mois à 5 ans selon les circonstances de sa
commission.
- l’ordonnance n° 99-67 du 20 décembre 1999 portant régime de la liberté de la presse
Articles 51 et 52 : la diffamation commise envers les cours et tribunaux ou envers un citoyen
chargé d’un service ou d’un mandat public est puni d’un emprisonnement de 6 à 12 mois et d’une
amende de 100 000 à 500 000 F CFA .
15) Quelles sont les réponses légalement possibles en cas de diffamation contre un juge ou
contre la Justice ? Plus généralement, quel est le régime de protection contre les atteintes
éventuelles de la presse ?
-Le juge n’a pas de protection particulière en matière de diffamation
-La Justice :cf. art 51 de l’ord n° 99-67 du 20 décembre 1999 portant régime de la liberté de
presse ; art 99 de la constitution .
16) Quelle est la teneur des règles statutaires qui protègent l’indépendance des juges ? Quelle
est leur valeur (constitutionnelle, législative, usage, jurisprudence) ?
Inamovibilité : constitution art 101
Art 2O du Statut : « Indépendamment des règles fixées par le code pénal et des lois
spéciales, les magistrats sont protégés contre les menaces et attaques de quelque nature que
ce soit dont ils peuvent être l’objet dans l’exercice ou à l’occasion de leurs fonctions. L’Etat
doit réparer le préjudice indirect qui en résulte. En cas de poursuites contre les magistrats
il est instruit conformément aux articles 638 et suivant du code de procédure pénale
(privilège de juridiction ).»
17) Comment est assurée la fonction du Parquet ?
a) s’agit-il de magistrats ou de fonctionnaires ?
Ils sont magistrats
b) s’il s’agit de magistrats, sont-ils hiérarchisés sous l’autorité d’un membre
du gouvernement ou indépendants ?
Ils sont hiérarchisés et sous l’autorité du ministre de la Justice (art 4 statut)
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c) comment sont-ils nommés ?
Par décret du Président de la République sur proposition du Ministre de la Justice
d) quel est leur effectif par rapport à ceux des juges du Siège ?
Leur effectif est nettement inférieur : moins d’un cinquième (1/5) de l’effectif des
magistrats en activité.
e) peut-on passer, dans la carrière, du Siège au Parquet et vice-versa ?
Oui
18) Y a-t-il séparation des fonctions des juges (poursuites, instruction, jugement, application
des peines, mise en état des dossiers, auto-saisines, exécution des décisions civiles) ?
Oui
19) Quelles sont les garanties statutaires ou procédurales d’indépendance respectives des
juges du Siège et du Parquet ?
Siège : inamovibilité
Parquet : liberté de parole
20) Quelles sont, une fois recrutés et formés, les modalités de première nomination des juges ?
En principe il est tenu compte des aptitudes de chacun à être magistrat du siège ou du
parquet et ses aptitudes sont tirées des notes et appréciations des différents formateurs et
maîtres de stages.
21) Quelles sont les règles régissant la carrière des juges (déroulement, garanties de carrière,
promotions, nouvelle affectation) ?
Intégration, avancement aux différents grades au choix et selon les critères d’ancienneté et
de mérite, affectation sur avis conforme et motivé du conseil supérieur de la magistrature
pour les magistrats du siège sauf nécessité de service.
22) S’agissant de l’avancement des juges :
a) Le grade est-il séparé de la fonction ?
Non
b) Quelles sont les règles (ou autres règles) qui gouvernent cet avancement ?
cf. réponses sous n° 21
c) En particulier, y a-t-il des critères de promotion au mérite ou d’autres
critères en-dehors de l’ancienneté?
Oui
23) Mise en oeuvre de la responsabilité des juges :
a) La responsabilité des juges est-elle susceptible d’être mise en cause
directement et, le cas échéant, dans quelles conditions ?
Oui : dans le cas de prise à partie et de déni de justice
b) Y a-t-il, également ou en lieu et place, une mise en cause de la
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responsabilité de l’Etat pour dysfonctionnement de la Justice ? Dans ce
cas, y a-t-il une action récursoire contre le juge et est-elle effective ?
Oui
c) Y a-t-il une responsabilité du juge du fait de la décision ? Si oui, est-elle
civile et/ou pénale ?
Non
24) Quel est le régime disciplinaire des juges (procédure disciplinaire, sanctions encourues) ?
Comment l’indépendance y est-elle garantie ?
Articles 42, 44 et 47 ord portant statut de la magistrature
Art 42 : « tout manquement par un magistrat aux convenances de son état, à l’honneur, à la
délicatesse ou à la dignité, constitue une faute disciplinaire.
Cette faute s’apprécie, pour un membre du parquet, compte tenu des obligations qui découlent de
sa subordination hiérarchique. »
Art 44 : « les sanctions disciplinaires applicables aux magistrats sont dans l’ordre croissant :
1° la réprimande avec inscription au dossier ;
2° le déplacement d’office ;
3° la radiation du tableau d’avancement ou de la liste d’aptitude ;
4° le retrait de certaines fonctions ;
5° l’abaissement d’échelon ;
6° la rétrogradation ;
7° la mise à la retraite d’office ou l’admission à cesser ses fonctions lorsque le
magistrat n’ a pas droit à une pension de retraite ;
8° la révocation avec ou sans suspension des droits à pension. »
Art 47 : « le pouvoir disciplinaire est exercé, à l’égard des magistrats du siège, par le Conseil
Supérieur de la Magistrature, et, à l’égard des magistrats du parquet et de l’administration
centrale par le Ministre de la Justice.
25) Quelles sont les règles de déontologie de l’indépendance enseignées dans la formation des
juges?
- comportement exemplaire en tout temps et en toutes circonstances
- loyauté
- impartialité
26) Quelles sont les règles relatives au changement de métier des juges et à leur retour dans le
corps d’origine ? Plus particulièrement :
a) Un juge peut-il devenir avocat et revenir ensuite dans la magistrature ? Si
oui, comment ?
Il peut devenir avocat en démissionnant de la magistrature et ne peut donc plus revenir.
b) Un juge peut-il faire de la politique ou exercer un mandat politique et
revenir ensuite dans la magistrature ? Si oui, comment ?
Non un juge ne peut ni faire de la politique ni exercer un mandat politique ; mais le
magistrat en position de détachement et occupant un poste politique peut en faire et revenir
à la fin du détachement.
27) Y a-t-il une réflexion sur la déontologie qui émane des juges eux-mêmes ? Si oui, comment
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se traduit-elle ?
Oui ; résolutions issues de la RAM (Rencontre Annuelle des Magistrats) relative à la mise
en place d’un comité d’éthique.
28) Quels rapports entretiennent l’indépendance des juges et l’impartialité de la justice ?
Pour avoir une justice impartiale il faut nécessairement des juges indépendants.
29) L’opinion publique a-t-elle le sentiment, pour autant qu’on puisse en juger (sondages,
enquêtes d’opinion), que les juges sont indépendants ?
Non.
30) La Justice a-t-elle été gravement mise en cause ces dix dernières années ? Si oui, à quelle
occasion et quelle a été l’issue de ce ou ces événements ?
Oui. Surtout à l’occasion des élections présidentielles et locales de 1996 et 1999 .
31) Quel est le rôle ou l’influence de l’internationalisation de la Justice (Cour internationale de
Justice, Juridictions pénales internationales par exemple) ou de sa régionalisation (OHADA,
Cour européenne des droits de l’homme, par exemple) dans l’indépendance des juges
nationaux ?
Aucune influence directe sauf que l’internationalisation est quand même de nature à
émanciper le juge.