Analyse de produits patrimoniaux

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Analyse de produits patrimoniaux
Conservatoire National des Arts et Métiers
Chaire de BANQUE
Document de recherche n°15
Quel taux marginal d’imposition en France en 2007 ? (EF - GP)
Professeur Didier MAILLARD
Novembre 2005
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1 – Introduction
Ce document de recherche reprend, actualise et complète des travaux menés il y a deux ans et
demi et dont les résultats avaient été publiés dans «Variations sur le taux marginal
d’imposition », Document de recherche n°7 de la chaire de Banque du CNAM.
Le gouvernement français a en effet inclus dans le projet de loi de finances pour 2006 des
dispositions visant à modifier le barème de l’impôt sur le revenu applicable aux revenus de
2006 pour un impôt payé en 2007.
Si ces dispositions sont adoptées par le Parlement, le taux marginal maximal applicable aux
revenus tomberait à 40 %, au titre de l’impôt sur le revenu (à partir des revenus de 2006). Par
ailleurs, un « bouclier fiscal » serait institué, limitant à 60 % du revenu le montant payé en
impôt sur le revenu, impôt sur la fortune et quelques impôts locaux.
Par rapport à la situation actuelle, ces dispositions permettraient de réduire le véritable taux
marginal maximal d’imposition dans certaines configurations, mais il continuerait le plus
souvent à excéder 50 %, et il pourrait encore dépasser 70 %.
1
2 – Le taux marginal d’imposition des revenus en France
2.1 – Barème de l’impôt sur le revenu
L’impôt sur le revenu en France continuerait à être calculé selon un barème progressif. Le
revenu imposable est découpé en tranches assujetties à un taux d’autant plus élevé que l’on
monte en niveau. Le nombre de tranches serait ramené de 7 à 5.
Pour l’impôt payé en 2007 sur les revenus de 2006, le barème serait le suivant.
Barème proposé (revenus imposables de 2006)
Tranche
0
1
2
3
4
Seuil de rev.
imp. infér. (€)
0
5515
10846
24432
65559
Taux
0,0%
5,5%
14,0%
30,0%
40,0%
Le taux marginal maximal, applicable à la partie du revenu imposable par part dépassant
65559 €, s’établirait ainsi à 40 %.
2.2 – Prise en compte de l’ensemble des prélèvements sur le revenu
L’impôt sur le revenu n’est pas en France le seul prélèvement assis sur le revenu, revenu du
travail ou « revenu du capital ».
Les « revenus du capital » sont soumis, outre à l’impôt sur le revenu, à la Contribution
Sociale Généralisée (CSG), au taux de 8,2 % (récemment augmenté de 0,7 %), à la
Contribution au Remboursement de la Dette Sociale (CRDS), au taux de 0,5 %, à des
prélèvements sociaux au taux de 2 %, et à une contribution de solidarité de 0,3 % récemment
instituée. Pour ces prélèvements proportionnels, le taux marginal est égal au taux
institutionnel.
Ces prélèvements ne diffèrent en rien par leur nature de l’impôt sur le revenu : ils sont
obligatoires et n’apportent aucune contrepartie individualisée à ceux qui les paient.
Pour compliquer les choses, une partie de la CSG, à hauteur de 5,8 %, est déductible de
l’assiette de l’impôt sur le revenu (l’année suivante), l’autre partie, ainsi que la CRDS, les
prélèvements sociaux et la contribution de solidarité ne le sont pas.
Pour un taux marginal d’IR de 40 %, 40 % des 5,8 % sont ainsi récupérés et la contribution de
la CSG déductible au taux marginal global est donc de 0,6 x 5,8 % = 3,48 %.
Appliqué aux revenus de 2006, et pour le taux marginal maximal prévu de l’IR, le calcul
complet donne les résultats suivants.
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Taux marginal (maximal) d’imposition des « revenus du capital », 2006
Taux marginal IR
CRDS / CSG non déduct.
CSG déductible
Prélévements sociaux
Contribution de solidarité
Taux marginal CSn
Taux marginal CSd
Taux marginal global
2006
40,00%
2,90%
5,80%
2,00%
0,30%
5,20%
5,80%
48,68%
La méthode de calcul est précisément décrite dans le document de recherche précité. On
retrouve facilement le résultat en constatant que le taux marginal global est la somme du taux
marginal de l’IR, 40 %, du taux marginal des prélèvement sociaux non déductibles, 5,80 %, et
du taux marginal des prélèvements sociaux déductibles, nets de la récupération d’IR, soit
3,48 %.
Le taux marginal global de prélèvement sur le revenu ne dépasserait plus le seuil de la moitié,
mais il en resterait très proche.
Pour les dividendes, le taux est encore plus élevé (55,12 %) du fait de la double imposition
des dividendes (le revenu sur lequel le dividende est payé a déjà supporté l’impôt sur les
sociétés).
2006
Bénéfice destiné à la distribution
Taux IS
IS payé
Dividende
Abattement pour imposition à l'IR
Base imposable à l'IR
Taux marginal IR
IR payé
Base imposable à la CSG et autres PS
Taux des prélèvement sociaux
CSG et autres prélèvements sociaux
Total impôts et prélèvements
Dividende net
Taux marginal global
1,0000
33,33%
0,3333
0,6667
40%
0,4000
40%
0,1600
0,6667
8,68%
0,0579
0,5512
0,4488
55,12%
Il faut noter que les dividendes sont, si aucun mécanisme d’atténuation n’est mis en place,
soumis à une double taxation, à l’impôt sur les bénéfices des sociétés (IS) d’une part, puis à
l’impôt sur le revenu d’autre part. Pendant plusieurs décennies, le mécanisme d’atténuation en
place en France était l’avoir fiscal, qui revenait pratiquement à effacer la presque totalité de
l’imposition à l’IS, pour laisser celle à l’IR (plus les prélèvements sociaux). Pour diverses
raisons (cf. «La question de l’avoir fiscal, et de son remplacement », Document de recherche
n°9 de la chaire de Banque du CNAM), ce mécanisme vient d’être supprimé et remplacé par
un abattement de 50 % pour l’imposition à l’IR. Pour des raisons peu compréhensibles,
l’abattement destiné à atténuer la double imposition ne s’applique pas aux prélèvements
sociaux.
3
Etrangement aussi, le projet de nouveau barème pour les revenus de 2006 s’accompagne
d’une révision à la baisse, à 40 %, du taux d’abattement destiné à atténuer la double
imposition des dividendes. Au titre de l’impôt sur le revenu, ceux-ci sont destinés à être
imposés à raison de 60 % à un taux marginal allant jusqu’à 40 %, contre 50 % à un taux
marginal de 48,09 % jusqu’à 2005, c’est-à-dire pratiquement exactement la même charge
fiscale. Les détenteurs d’actions ne bénéficieraient ainsi pas de la baisse des taux marginaux
annoncée (du moins ceux qui se situent dans la tranche supérieure de l’IR).
Les revenus du travail (salarié) sont soumis, outre à l’impôt sur le revenu, à la Contribution
Sociale Généralisée (CSG), au taux de 7,5 %, à la Contribution au Remboursement de la
Dette Sociale (CRDS), au taux de 0,5 %. Ces prélèvements sont assis sur 97 % du salaire brut
(auparavant, 95 %), ce qui conduit à un taux effectif à 7,76 % (dont 4,947 % déductible de
l’impôt sur le revenu et 2,813 % non déductible).
Les revenus salariaux sont également soumis à des cotisations et contributions sociales,
assises sur le salaire brut. Une partie d’entre elles est réputée à la charge des employeurs. Le
calcul du taux marginal complet ou global se fait en partie d’une rémunération additionnelle
de 1 euro, en appliquant l’ensemble des prélèvements sociaux et l’impôt sur le revenu et en
voyant ce qui reste au bout du compte, le « salaire net net ».
Taux marginal (maximal) d’imposition des revenus du travail salarié, 2006
Rémunération
Maladie
Vieillesse déplafonnée
Contribution de solidarité
Famille
Total Contrib. Employeur
Taux marginal Cont. Emp.
Salaire brut
Maladie & Vieillesse dépl.
CRDS / CSG non déduct.
CSG déductible
Salaire net
Salaire imposable
Taux marginal IR
Salaire net net
Taux marginal global /rem.
2006
1,0000
12,80%
1,60%
0,30%
5,40%
20,10%
16,74%
0,8326
0,95%
2,813%
4,947%
0,7601
0,7835
40,00%
0,4467
55,33%
La rémunération, le salaire brut, le salaire net, le salaire net imposable et le salaire net net de
ce tableau sont exprimés en euros, et correspondent à un euro de rémunération complète
supplémentaire.
Deux questions peuvent légitimement être posées à ce stade. Les cotisations sociales doiventelles être assimilées purement et simplement à des impôts ? La réponse est positive sans
ambiguïté pour les cotisations et contributions retenues. Payer un euro de plus de cotisation
maladie, famille, ou vieillesse déplafonnée n’améliore en rien les avantages retirés de ces
volets de la sécurité sociale. Les seules cotisations présentant encore un aspect contributif sont
celles aux régimes de retraite et à l’assurance chômage. Ces cotisations sont plafonnées et ont
été omises du calcul.
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Tous les prélèvements ont-ils, dans l’autre sens, été pris en compte ? La réponse est négative,
et le résultat du calcul sous-estime souvent la hauteur du taux marginal global. Pour les
entreprises de plus de 10 salariés, différentes contributions n’apportant pas de contrepartie
individualisée s’ajoutent : apprentissage, formation, logement, transports, accidents du travail
(cotisation déplafonnée et prestations plafonnées)… Ces prélèvements peuvent ajouter jusqu’à
7-8 points de pourcentage de cotisation employeur supplémentaire, et augmenter ainsi le taux
marginal global de 3 %. Dans les secteurs non assujettis à la TVA, une taxe sur les salaires
vient en sus, et contribue à accroître le taux marginal global.
La TVA elle-même devrait être prise en compte pour évaluer le taux marginal séparant un
revenu du travail additionnel de son pouvoir d’achat en produit net de toutes les contributions.
Tout le revenu n’étant pas dépensé immédiatement, il serait admissible de prendre en compte
les impôts sur le patrimoine (ISF notamment) et le rendement du patrimoine constitué à partir
de la fraction épargnée du revenu. On bute pour ce faire sur la diversité des situations
individuelles.
Le taux marginal d’imposition des salaires obtenu, à plus de 55 %, apparaît en tout état de
cause élevé au regard de standards de différents types. Le juge constitutionnel français n’a pas
jusqu’ici, au contraire du juge allemand, émis d’objection sur un tel taux, qui prive une
personne de plus de la moitié du fruit de son activité.
Le taux français est élevé par rapport aux taux constatés dans la plupart des pays développés.
Un taux maximal de 40 % pour l’impôt sur le revenu est souvent la règle, et la France
rejoindrait ce standard. Mais les contributions sociales sont soit à taux faible (Royaume-Uni),
soit plafonnées (Royaume-Uni également, Etats-Unis), ou encore non applicables à partir d’un
certain niveau de revenu (Allemagne).
2.3 – Prise en compte du « bouclier fiscal »
Le projet de loi de finances pour 2006 comprend également l’institution d’un bouclier fiscal,
avec l’objectif de « renforcer la compétitivité fiscale de la France », ce qui est sans doute plus
que nécessaire.
Le bouclier fiscal vise à limiter à 60 % du revenu imposable à l’IR la somme de l’impôt sur le
revenu, de l’impôt sur la fortune (ISF) et d’une partie des impôts locaux.
Si, en raison du niveau de patrimoine du contribuable, le bouclier fiscal joue, tout revenu
d’activité supplémentaire sera de fait imposé à 60 %, et non à 40 % au maximum. Par ailleurs,
pour des raisons peu compréhensibles, le bouclier fiscal ne concerne pas la CSG et les
contributions sociales n’ayant pas de contrepartie individualisée. Pour un salarié concerné par
le bouclier fiscal, le taux marginal d’imposition complet atteindrait donc 71 %, ce qui est un
résultat modeste en termes de compétitivité, fiscale, pour l’installation de sièges sociaux,
centres de décision, centres de recherche,...
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Taux marginal (maximal) d’imposition des revenus du travail salarié, 2006
Incidence du bouclier fiscal
Rémunération
Maladie
Vieillesse déplafonnée
Contribution de solidarité
Famille
Total Contrib. Employeur
Taux marginal Cont. Emp.
Salaire brut
Maladie & Vieillesse dépl.
CRDS / CSG non déduct.
CSG déductible
Salaire net
Salaire imposable
Taux marginal IR
Salaire net net
Taux marginal global /rem.
2006
1,0000
12,80%
1,60%
0,30%
5,40%
20,10%
16,74%
0,8326
0,95%
2,813%
4,947%
0,7601
0,7835
60,00%
0,2900
71,00%
Le taux marginal global atteint 71 %, ce qui est élevé. D’où vient le problème ? Dans un pays
où les impôts et prélèvements divers foisonnent et se superposent, l’institution d’un bouclier
fiscal est une disposition indéniablement excellente. Le problème de la proposition est
d’instituer un bouclier assis sur les revenus et concernant des impôts sur le revenu (et une
partie seulement) et des impôts sur le patrimoine.
Pour éviter que le taux d’imposition des revenus d’activité atteignent des niveaux très élevés,
et qu’il dépende en outre du niveau du patrimoine déjà constitué, le bouclier devrait présenter
un double volet : un taux maximal d’imposition des revenus d’activité, par tous les
prélèvements, cotisations et contributions sociales sans contreparties marginales confondues,
à un niveau plus bas et en tous cas inférieur à 50 %, et un taux maximal d’imposition du
patrimoine et de son rendement (taxation annuelle du patrimoine, impôts locaux assis sur le
patrimoine, impôt sur les loyers, dividendes et intérêts, plus-values, etc.), limité par exemple à
1 % de la valeur du patrimoine.
3 – Mise en perspective
Le taux maximal de l’impôt sur le revenu avait été fixé par la loi de finances pour 2002 à
52,75 % sur les revenus de 2001.
Au cours de la campagne pour l’élection présidentielle de 2002, le candidat qui devait être élu
a pris l’engagement de baisser d’un tiers (et non pas de 30 % comme on le lit parfois) l’impôt
sur le revenu en 5 ans, avec une première étape immédiate pour l’impôt dû en 2002 sur les
revenus de 2001.
Si, comme le début de la mise en œuvre l’indiquait, l’engagement devait conduire à réduire
les taux marginaux d’un tiers, le taux marginal maximal aurait dû passer sur les revenus 2005
à:
6
52,75 % x 2/3 = 35,17 %.
Une première étape, mise en œuvre en 2002, a fait passer le taux d’imposition maximal des
revenus de 52,75 % à :
52,75 % x 0,95 = 50,11 %.
La seconde étape a conduit à baisser le taux marginal maximal d’imposition des revenus
de 2002 de 6 % par rapport à sa valeur de départ, soit une baisse supplémentaire de 1 % par
rapport à l’année précédente et un taux maximal de 49,58 %. L’année suivante, le taux
marginal a été abaissé de 3 % par rapport à l’année précédente, pour s’établir à 48,09 %,
8,8 % en dessous de sa valeur initiale. Il est resté depuis à ce niveau.
La baisse à 40 % permettrait de réduire en une seule étape, pour le taux marginal maximal,
une bonne partie de l’écart qui s’est institué entre le plan de marche nécessaire à la mise en
œuvre de l’engagement 2002 et le point final.
Taux marginal maximal de l'impôt sur le revenu
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
2001 base
2001
2002
2003
2004
2005
2006
Revenus de l'année
Selon plan de marche engagement 2002
Effectif
Promis 2006
Il conviendrait toutefois que le projet de loi de finances soit voté en l’état, et surtout appliqué,
et donc qu’il ne soit pas remis en cause en 2006, lors du vote de la loi de finances pour 2007,
ni en 2007 lors d’un collectif budgétaire. En France, l’absence de rétroactivité des lois, dans le
domaine de la fiscalité, n’a pas encore été jugée constituer un principe de droit essentiel.
L’imposition des revenus de 2006 peut ainsi n’être finalement connue qu’à l’automne 2007.
Caveat tributarius !
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